Quelques heures plus tôt

Assis dans un luxuriant fauteuil de cuir, près d’un feu crépitant dans une cheminée tout autant luxuriante, brodée du sceau des Rockets accompagné de magnifiques arabesques, Giovanni porta à ses lèvres un verre de whiskey, dans lequel siégeait une rondelle de citron. A peu près en face de lui se trouvait Persian, dormant en boule dans un panier qui lui était propre et sur lequel son nom était inscrit de manière joliment calligraphiée. Une fenêtre était positionnée à droite du chef de la Pokémafia. A travers son vitrage givré, on pouvait observer des flocons tomber, et, si on plissait quelque peu les yeux, on pouvait distinguer au loin, la lumière des maisons qui festoyaient, à peut-être un ou deux kilomètres de la résidence secondaire de Giovanni à Rosalia. Mais ce dernier avait trop peu cure du paysage extérieur pour remarquer ce détail.
En effet… ses iris fixaient avec une sorte d’attention distraite, comme s’il était éperdu dans un flot de pensées insondables, plusieurs photographies qu’il avait disposées sur la table basse, devant lui, à côté de laquelle Persian dormait paisiblement.
Un silence total encadrait le pokémon et son maître, seulement perturbé par le crépitement sauvage des flammes dansantes.
A la lumière faible du feu, un frêle sourire transgressa la lisseur des traits du mafiosi.
La source de ce sourire ?
Sa famille.
Qui n’avait jamais été fichue de tenir pleinement sur une seule photo, et qui nécessitait presque un album pour voir les membres de ladite famille en intégralité. Il trouvait cela amusant, dans une certaine mesure, de savoir que la distance les séparant était telle, qu’ils n’arrivaient pas à se réunir tous au même endroit, au même instant, pour une même période de temps… si courte fût-elle.
Un soupire se fit. Une autre gorgée de whiskey s’entama, et la lueur des yeux du quadragénaire se posa sur la photo qui était le plus proche de lui, au bord de la table basse.
La bouille ravie de son aînée lui faisait face. Elle avait apparemment sept, ou huit ans, et abordait des petites couettes, tenant fièrement dans sa main une part de l’immense forêt noire à laquelle elle avait eu le droit pour son anniversaire.
Un tendre sourire se fit, repensant à la quantité incroyable de pâtisserie que sa gamine avait pu ingurgiter, et comment elle avait réussi à régurgiter toutes ces douceurs dans la sacoche qui contenait tous ses dossiers en cours. A l’époque, il lui avait passé un savon, désormais, cette aventure lui provoquait une vague sensation de chaleur au niveau de la poitrine. Lui faisant se rappeler un temps où il avait eu un semblant de famille.
Un crépitement bien sec se fit, et les iris du mafiosi se posèrent ensuite sur la seconde photographie… son fils…
Qui se tenait debout, un grand sourire illuminant son visage, comme victorieux, à côté d’un sapin tant impressionnant qu’il ne tenait même pas dans le cadre de la photo qui avait été prise à une assez longue distance quand même…
Son premier Noël. Giovanni s’en rappelait bien. Il avait dû aller de lui-même au magasin, pour y acheter le sapin. Bien sûr, il avait d’abord suggéré à Olga d’aller reléguer cette tâche à un sbire, ou bien d’aller lui-même en voler un dans une forêt protégée pas loin d’Irisia, mais sa proposition avait comme qui dirait jeté un froid sur la championne de glace… qui lui avait presque fait une scène de ménage avec AVNIs (Assiettes Volantes Néfastes Inévitables) pour qu’il aille effectuer cette tournée au magasin…
Silver l’avait accompagné. Il était haut comme trois pommes à cette époque, et aussi énergique qu’un Pikachu caféinomane. Et, tandis que le père observait le prix de l’étiquette de chaque sapin pour constater lequel était le plus avantageux, le fils en avait profité pour s’aventurer seul, parmi tous ses arbres coupés. Quand Giovanni avait remarqué sa disparition (au bout de trente minutes…), il avait bien entendu sprinté à travers tout le magasin, l’appelant, hurlant, menaçant même les vendeurs s’ils ne l’aidaient pas à retrouver son gosse. Pendant au moins sept minutes, le mafiosi avait fait scandale dans l’ensemble du magasin… pour finalement retrouver Silver, pointant du doigt un immense sapin (et bien évidemment le plus cher sur le marché), s’exclamant d’une voix ferme que c’était « çui-là » qu’il voulait…
A lui aussi, il lui avait passé un savon.
Et pourtant… c’était ses moments à l’époque désagréables qui fondaient ses souvenirs les plus agréables.
Se levant d’un mouvement lent, comme fatigué, Giovanni vida d’une traite son verre de whiskey avant de poser ses yeux sur l’autre photographie qui contenait hélas moins de nostalgie que les deux autres…
Une rouquine, à l’entrée d’un bar, le poing levé, la figure légèrement rougie par la colère, et sans doute l’alcool, qui avait envoyé un cadavre (de bouteille, il vaut mieux préciser…) contre un homme courant, se couvrant la tête, apparemment effrayé. Sakaya. Dans l’exercice de ses fonctions… La photo avait été prise à son insu, via un satellite et était par conséquent de qualité assez mauvaise. Mais on pouvait la reconnaître.
La question qui tenait lieu de se poser et… pourquoi Sakaki avait-il fait cette photo ?
Tout simplement car il gardait toujours un œil sur sa petite sœur, et suivait le moindre de ses déplacements grâce à la technologie satellite. Il voulait s’assurer qu’elle n’entrait pas en contact d’une quelconque façon avec des agents hauts gradés Rockets ou Quetzacoalts , et donc la surveillait. Et cette photo… témoignait seulement de son intérêt, et de l’endroit dans lequel la benjamine Bootleg se trouvait actuellement. Doublonville. Elle travaillait dans un quelconque bar, et logeait dans une villa, dont il connaissait l’adresse, bien entendu.

Et à laquelle il hésitait se rendre...

Il ignorait si sa soeur l'accueillerait, ou même, si elle serait là pour lui ouvrir la porte, ou si elle serait en état de se réveiller de son coma éthylique pour lui parler...

Après tout...

C'était Noël.

Sans doute la période où la consommation d'alcool montait le plus en flèche, juste après Carnaval...

Surtout pour une fille comme sa soeur, qui, ça lui faisait mal de l'avouer, devait être aussi seule que lui pour passer cette fête...

Effectivement, sa fille vivait sa vie, composée d'entraînements et d'aventures, loin de sa personne, tandis que Silver lui en voulait encore pour ... être son père. Olga de même, sauf qu'elle elle lui en voulait d'avoir été son mari... Et Tina, il ne valait même pas la peine de se demander ce qu'elle faisait à l'instant... Et puis Meister devait être en train de profiter des joies du champagne, des chocolats et des programmes télé de Noël avec sa femme, au ventre bientôt arrondi par sa grossesse. Ou d'autre chose moins catholique, mais qui ne le concernait nullement et dont la simple idée le révulsait quelque peu...

Pour Sakaya c'était peut-être le même discours... avec un peu de chance, il se pouvait qu'elle était en train de fêter cette période de partage avec la seule famille qu'elle eût réellement côtoyée : ses amis. Voire, ses Pokémons, connaissant sa soeur... Peut-être se prenait-elle une sacrée mine avec le Major Bob... Ou peut-être était-elle comme lui, seule.

Tous ces peut-être... irritaient le mafiosi. Et l'incitèrent à finalement se décider quant à son choix de visite impromptue...

~~

Maintenant

Un doigt ganté pressa un petit bouton, incrusté dans le mur d'une maison qui semblait pas loin de tomber sous son propre poids, manquant clairement d'entretien, et de rénovations structurales...

Quelle honte qu'une Bootleg ait à vivre dans telle demeure...

Ne put s'empêcher de penser le pokémafieux, bien qu'il sût que c'était le mode de vie de sa frangine qui avait un comportement trop peu rangé et ordinaire pour avoir une maison rangée, et ordinaire...

Enfin... il lui proposerait de lui dénicher de meilleurs locaux... si la porte qu'il avait en face de lui allait s'ouvrir, et si l'opportunité de lui donner le paquet qu'il tenait dans sa main, cachée derrière son dos, allait s'offrir à lui...

Allez Sakaya... réponds...

Il attendait. Là, seul, dans le froid de la nuit, hâtif de voir sa soeur paraître à la porte... mais en même temps pessimiste, certain que cette dernière ne lui ferait pas ce privilège, étant donné l'heure tardive, et la probabilité que la benjamine avait autre chose à faire, un soir de Noël, que de rester dans son misérable logis...
Toutefois, les bruits de pas sourds qui furent audibles difficilement pour Sakaki dissipèrent totalement cette crainte... un sourire vint même remonter ses lèvres, lorsqu'il entendit le verrou de la porte se déverrouiller, et lorsqu'il vit cette dernière peu à peu s'entrouvrir pour laisser paraître celle qu'il voulait voir en ce sinistre Noël.

Sa soeur.

Effectivement, sa soeur était là, au pas de la porte. Lorsqu'il l'eut dans son champ de vision, Giovanni la regardait droit dans les yeux, comme à son habitude... mais là. Il ne put tout simplement pas.
Un soutien-gorge rosâtre, où étaient dessinés des "Noeunoeufs" lui fit office d'accueil... agrémenté bien sûr d'une culotte Rondoudou... Les choix de dessous de sa soeur... troublèrent grandement le mafiosi, enfin, comme tout le reste à vrai dire........

Il y eut un moment de silence. Du genre celui gênant. Parce que Sakaki était stoïque, et voulait pouvoir détourner le regard pour ne pas envenimer la situation au niveau de la gêne...

Mais la petite dernière ne lui laissa pas l'occasion de tourner la tête, et s'empressa de le serrer dans ses bras, pas du tout arrêtée par le fait qu'elle se retrouvait presque nue devant lui.... Le mafiosi ne dissipa pas l'étreinte, au contraire, mais ne put l'accueillir... trop... troublé. Enfin, vous l'aurez compris, troublé par le fait que sa soeur s'habillait au niveau des dessous dans le rayon enfant, et que le côté pudique lui échappait totalement, mais aussi... du fait qu'elle paraissait... heureuse. En toute sincérité, Sakaki n'avait pas escompté une réaction aussi... empreinte d'affection.

Aussi, lorsque Sakaya se retira, il laissa tomber la gêne, ses joues perdirent de la couleur rougeoyante qui s'était peu à peu manifestée, et un sourire accueillit les dires de sa soeur. Et, sans un mots, il pénétra dans la maison, une sensation de légèreté... rarement égalée s'étant instaurée en lui...

- « Je...Je suis contente de te voir, grand frère. »

Il s'avançait dans la cuisine, lorsqu'elle prononça ces paroles, qui le firent se retourner vers sa soeur, apparemment bouleversée...

"Heureusement pour toi, la presse ignore tout de notre lien de fraternité... sinon je pense que ta culotte Rondoudou ferait souvent la première page des journaux people...

Il agrémenta sa remarque d'un sourire quelque peu moqueur, se disant que finalement... elle avait quand même bien hérité de leur paternel, qui lui aussi, en matière de pudeur atteignait un niveau de nullité absolue...
Puis il posa le paquet soigneusement emballé (merci Nancy) sur la table de la cuisine et saisit dans la poche intérieure de son manteau une bouteille, qu'il posa sur la table, ainsi qu'une petite boîte de chocolats qu'il dénicha d'une autre poche intérieure.

Un peu de scotch, des chocolats à la liqueur... J'espère que ça te convient, pour un Noël de famille ?

Lorsqu'un bisou vint humidifier son front, Giovanni toussota d'une irritation quelque peu feinte, et s'empressa d'essuyer la partie supérieure de sa tête, foudroyant innocemment du regard sa soeur, qui, en à peine un éclair de seconde, avait filé en haut, lui injonctant de l'attendre...
Sans doute allait-elle se changer. Du moins, il l'espérait... pas que passer Noël avec sa soeur en sous-vêtements était quelque peu... inapproprié mais... voilà. Il aimerait pouvoir au moins une fois poser ses sombres pupilles sur celles claires de sa soeur pour y percer une lueur de joie... qu'il voulait vraiment voir exister...

Seul avec lui-même, il croisa les bras, au milieu de la cuisine, fit quelques pas pour contempler l'ensemble de la pièce, et commençait déjà à perdre patience de son inactivité au bout d'une vingtaine de secondes. Puis, il jeta un regard circulaire, et s'attarda sur la bouteille siégeant au milieu de la table...

S'improvisant serveur, le Pokémafieux alla sans gêne se servir deux verres dans les placards pour les servir du scotch, prélevé en toute discrétion dans la réserve de son père. Puis, voyant le service fait, il se dit qu'il manquait quelque chose... soit, la rondelle incontournable de citron, sans laquelle le scotch avait un goût totalement différent... Et puis, sa soeur, en adepte de vodka, méritait tout de même de connaître une fois dans sa vie les joies d'un véritable alcool de luxe qui se dégustait calmement (bien que cette notion soit inconnue du cercle familial Bootleg).
Aussi, le mafiosi alla dégoter un citron dans une corbeille de fruits et entreprit de le couper avec le canif qu'il conservait toujours sur lui, à même titre que ses Pokéballs et son magnum. Les rondelles étaient fines, et furent délicatement insérées dans les verres d'alcool.

Cela l'occupa une poignée de minutes furtives. Après quoi, l'ennui le saisit à nouveau. Il entendait bien sa soeur trafiquer en haut, mais elle ne semblait pas prête à venir tout de suite... Aussi il se mit à ses aises, enleva son manteau ainsi que ses gants, qu'il disposa sur la chaise, le laissant voir en chemise rouge flamboyant qui était accompagnée d'un pantalon classique noir. Puis... il s'assit, et joignit ses mains sous son menton, réfléchissant.

Sakaya... Meister. Rayleigh.

Il voulait faire tellement de choses avec eux. Il savait que ce n'était pas possible; il avait d'autres responsabilités. Et surtout, ses enfants demeuraient une priorité totale; il se devait de se réconcilier d'abord avec eux, avant de prétendre à une relation fraternelle au moins potable. C'était évident...

De même qu'il était évident que si Chocolate découvrait l'accord passé avec les Quetzacoalts par une source autre que lui-même, elle le haïrait à un point sûrement jamais égalé. Et même s'il jouait franc-jeu avec sa première enfant, il n'était pas sûr qu'elle lui pardonne...
De même que tant qu'il ne trouvait pas un moyen de se réconcilier avec son fils, et de rattraper le temps perdu avec lui, jamais leur relation s'améliorerait...
De même que tant qu'il ne se rendrait pas à la police, Meister continuerait de le considérer comme un ennemi.
De même que tant qu'il ne résoudrait pas cette fichue guerre, il ne pourrait jamais réunir sa famille entièrement.

« C'est pour moi ? »

La voix surprise de sa soeur le sortit abruptement de ses pensées et le fit se lever... et parallèlement adopter une expression totalement abasourdie.
La trentenaire s'était changée : elle disposait désormais d'une robe qui aurait eu de quoi attirer les convoitises de n'importe quel homme normalement constitué, et qui sut flatter Sakaki d'avoir une si jolie femme partageant le même sang que lui. Elle était ravissante. Et la faible lueur des bougies lui donnaient un côté magique, comme si sa personne était empreinte de l'esprit de Noël.
Giovanni eut de la peine à répondre directement à sa question tant sa surprise était grande, mais il finit par acquiescer silencieusement, permettant à Sakaya de déballer avec une délicatesse insoupçonnée son paquet.

Et là...

Une joie discrète, mais puissante était perceptible, lorsque le regard bleuté de la femme se posa sur l'étui à Harmonica, que Sakaki avait acheté dans un magasin spécialisé. Il n'avait aucune particularité spécifique. Comme tout étui, il conservait l'instrument de toute agression extérieure, permettant la conservation optimale du métal, ainsi que de ses autres petits composants qui permettaient de rendre un simple souffle mélodieux. La seule originalité dans le présent, était le fait qu'il avait été personnalisé exprès pour la fille unique de Rayleigh.

Et ça semblait grandement suffire à sa soeur, qui le remercia de deux bises qu'il accepta, légèrement troublé, n'ayant pas l'habitude de ce genre de conformités avec des gens autres que des femmes intéressées par son pouvoir et son argent.

- « Joyeux Noël, Gi. »

De dessous un pli de sa magnifique robe, elle lui tendit un paquet grossièrement emballé, mais qui comportait la marque de fabrique de Sakaya. Elle n'avait pas des doigts d'emballeuse, mais s'était donné la peine d'essayer de faire un emballage potable. Ce qui, en fin de compte, était encore mieux...

Emu, ou du moins ce qui s'en rapprochait plus pour le mafiosi, ne s'attendant décidément pas à voir sa soeur lui offrir un cadeau, il saisit le paquet, une lueur avide et curieuse dans les yeux. Avec un peu moins de précaution que sa soeur, la curiosité empressant ses mouvements, il déchira presque le paquet pour y découvrir... un petit étui noir, sobre.

Cette fois-ci, avec une délicatesse immense, Giovanni ouvrit l'étui et put voir le reflet de son oeil réfléchir contre la plaque d'or. Sa bouche s'entrouvrit légèrement, sous le coup de la stupéfaction, et sa main alla chercher la chaînette, pour sortir le présent de son coffret.

Une montre de gousset. En or. Des gravures décoratives toutefois sobres étaient dessinées sur le couvercle supérieur. Et, lorsque Giovanni pressa sur le remontoir du mécanisme à ressort, elle s'ouvrit, laissant voir en son intérieur une fine écriture brodée, où était finement calligraphié son patronyme. Son nom. Frère et soeur avaient eu la même idée. Frère et soeur partageaient la même vision importante de la famille, et ça, ce fut le plus beau cadeau de Noël que Sakaki eut jamais eu. Quelqu'un, enfin, qui considérait tout comme lui, que la seule valeur sûre au monde pour laquelle il était justifié de se battre, c'était le sang...

Un sourire joyeux, mais qui gardait sa sobriété, illumina le visage du quadragénaire, qui regarda dans les yeux sa soeur. Giovanni n'étant pas un adepte de câlin ou de bisous (enfin si... mais dans une autre mesure), ne serra pas dans ses bras sa soeur, mais lui offrit le plus significatif et sincère "Merci" qu'il ait jamais prononcé.

Immédiatement, il clipa le crochet du bout de la chaînette au passant de son pantalon, et ferma la montre, qu'il inséra dans sa poche. Il en prendrait soin, c'était certain.

Esquissant un rire léger, Giovanni ne put s'empêcher de faire la remarque qui l'avait titillé...

"J'espère juste que tu n'as pas hypothéqué une maison qui ne t'appartenait pas pour pouvoir me l'offrir Sakaya... C'est illégal, tu sais ?"

Un sourire ironique faisait désormais face à Sakaya, avant que des bruits de frottement ne vinrent soudainement s'installer dans l'ambiance chaleureuse de la maison. Sakaki fronça les sourcils, en observant sa soeur, lui demandant silencieusement si elle attendait de la visite... étant donné la provenance des bruits de la porte...

"Maoww"

"Ah. Oui, c'est juste..."

L'andouille. Il avait oublié que Persian l'avait accompagné, et qu'il était sensé surveiller l'entrée de la maison, juste au-cas-où. Mais il semblerait que le pelage de son fidèle compagnon n'était pas un grand ami du froid, aussi il grattait ses griffes contre la porte, en espérant se voir inviter.

"Maooooooow"

"Tu sais ouvrir une porte, il me semble ?"

Un petit silence se fit, avant que la poignée de la porte s'abaissât, et qu'elle s'entrouvrît pour laisser place à un Persian plus blanc que d'habitude, tant couvert de neige qu'il mouillait l'entrée. L'originaire de Chadeville émit un miaulement plaintif, avant d'aller s'accoler vers Sakaya, ronronnant... Ce qui sut hausser un sourcil à Giovanni.

D'habitude son Persian ne faisait jamais ça. Jamais il avait eu de bons contacts avec des humains autres que lui-même... peut-être qu'il sentait que Sakaya appartenait à la famille de son maître. Ou tout simplement l'aura de sa soeur lui avait tapé dans l'oeil, et lui avait inspiré confiance... Qui savait, ces bêtes étaient principalement instinctives... ou très opportunistes...

"On dirait que Persian t'aimes bien... ou qu'il aimerait bien se sécher sur ta robe, plutôt."

Il fallut un moment assez long à Giovanni pour entendre, assimiler, comprendre, la réponse du tac-au-tac de sa frangine. Un moment même très long. Les paroles de la benjamine ne furent que réellement comprises lorsque la rousse s'emparât d'un chalumeau comparable à un lance-flammes, et embrasât la cheminée, afin d'y faire un bon feu, auquel elle invita son frileux félin, qui la remercia d'un frottement contre ses jambes.

« Considères seulement que c'est utile d'avoir des ex dans à peu près tous les domaines. Il m'a fait une ristourne très très appréciable, donc non, ça ne m'est pas revenu trop cher, ne t'inquiètes pas à ce sujet, grand frère. »

Se répéta mentalement plusieurs fois le mafiosi, fronçant légèrement les sourcils, alors que sa soeur observa un court instant la porte, l'air préoccupée. Il choisit ce moment pour poser l'interrogation qui ne cessait de le titiller...

"Des ex ?"

Oui, Sakaki avait tendance à l'oublier, il n'était pas le seul être humain de sa famille à subir l'influence de ses hormones. Mais hélas sa question fut couverte, volontairement ou non, par le bruit de son verre et celui de la rouquine lorsqu'ils trinquèrent ensemble, malicieusement.

Et évidemment, Sakaya ne lui laissa pas le temps de réitérer sa question, puisqu'elle abordait déjà un autre sujet. Celui de ses enfants.

Quand elle lui demanda s'il en avait bien deux autres, Giovanni mit une certaine réserve, rendant son visage quelque plus fermé qu'avant, sans pour autant paraître hermétique. La question ne fâchait pas, non.
Elle lui rappelait juste que... Chocolate n'était pas là. Pas avec lui. La connaissant, sûrement devait-elle être en plein entraînement, même par un tel jour férié. Après tout, c'était bien sa fille... Ou peut-être fêtait-elle ce jour avec des gens dont Giovanni ne connaissait rien. Des inconnus, ne partageant nullement leur sang, mais qui pourtant étaient plus proches de sa propre fille que lui...

Cette question lui rappelait aussi que... son garçon non plus n'était pas là. Sûrement en train de vaquer à ses occupations de dresseur, ou de se torturer dans son propre passé. Giovanni avait tenté de le joindre durant la soirée, mais ses tentatives n'avaient pas été concluantes. Cela se comprenait, après ce qui s'était passé entre eux deux, et Olga... qui devait aussi être seule pour la première fois, ce Noël-là...

Et enfin, l'air interrogateur de sa petite soeur lui rappelait aussi que... Tina n'était pas là. Que Tina ne serait jamais là. Qu'à l'instant même, elle devait être dans le salon de leur nouvelle maison dont il ignorait l'emplacement, en train de décorer un majestueux sapin, ou de fêter ce rite religieux avec les connaissances qu'elle se serait faites, au fil des mois... Qui sait, ses nouveaux voisins. Ses camarades de classe. Peut-être même, un petit ami. Sa benjamine... Une existence qu'il ne pourrait jamais contrôler. Ni même observer. Certes, il n'avait passé que deux Noëls avec Tina, et il y avait trop longtemps en arrière pour qu'elle s'en souvînt, mais il n'empêchait que... ça lui manquait. Il y a un lien, entre un père et un enfant, qui malgré la distance, malgré la froideur, malgré la haine, subsiste, et rend l'oubli impossible. Et les regrets éternels.

Un sourire amer se dessina sur les lèvres du Pokémafieux, alors qu'il entamait une gorgée du bon whiskey du patriarche Bootleg. Puis, alors qu'il observait sa soeur, son expression faciale s'adoucit.

"Oui. Silver, le cadet, et Tina, la benjamine."

Chose dite, il prit chèrement la main de sa petite soeur, et l'entraîna vers le canapé, où il s'assit, invitant Sakaya à faire de même. Etant ainsi proche de son manteau posé contre le canapé, il enfouit sa main dans une poche interne, et en ressortit un porte-monnaie aussi dodu qu'un Ronflex obèse, qu'il ouvrit. Il en sortit les habituelles photos, soit celles où Chocolate, toute jeune, avec ses petites couette et sa bouille ronde faisait un grand sourire, Silver dans ses bras, alors âgé de 2 ans, et Tina, qu'il portait sur ses épaules quand elle avait à peine une année. Il regarda un très furtif instant les photographies avant de les tendre à sa soeur calmement.

"Et toi, quand aurai-je l'honneur d'être tonton ?"

La réaction de sa soeur lorsqu'il lui montra les différentes photos eut l'effet impensable, incroyable, inespéré de... l'attendrir. Sakaya ne le voyait pas, mais une lueur étrange brûlait dans les iris du mafiosi. Un regard qui brillait des milles feux de l'amour fraternel. Une lueur attentionnée, rassurante et protectrice était destinée à la benjamine Bootleg. Furtive, brève, hélas seulement présente lorsque l'attention de la rouquine était ailleurs... et qui disparut aussitôt, apparemment trop honteuse pour être visible, lorsque la jeune femme tourna la tête en direction de son frère, lui offrant un resplendissant sourire. Témoignant du bonheur simple qu'elle éprouvait, avant qu'elle ne le lui rendît les photographies, qu'il ne tarda pas à ranger, tout en écoutant l'explication de Sakaya quant à sa non-maternité.

« Je suppose que je n'ai pas encore trouvé le bon, comme on dit. J'ai eu pas mal d'aventures depuis mes vingt ans, avec par exemple Bob pour ne citer que lui, mais aucun ne m'as fait ressentir ce que je ressentait...avec lui. »

A ce moment, il aurait été aisé pour n'importe qui de deviner que si un quelconque liquide s'était retrouvé dans la gorge de Sakaki à cet instant précis, soit il aurait fini propulsé à une pression inouïe, soit il aurait pénétré les poumons du mafiosi et l'aurait noyé en un éclair.

Bob.............


....

Le saligaud.

Une veine temporale cogna brièvement, avant de finalement se calmer... Giovanni avait empoigné la fourrure de Persian qu'il maltraitait un peu par de trop vives caresses afin de contenir sa furtive colère... la prochaine fois qu'il verrait le gugusse électrique, c'était certain, il lui grillait les logarithmes brouillés qui lui servaient de cerveau...

Et Sakaya sembla s'apercevoir du nuage noir de menace qui planait au-dessus de son frère et du malaise instauré, puisqu'elle croisa avec maladresse les bras et rougit. Et... il sembla qu'une douleur émergea de la surface, bien que Sakaya, trop forte, n'en fît rien paraître, et se contenta de poursuivre son explication. Laquelle écouta avec la plus grande attention le Pokémafieux.

Ainsi, elle avait rencontré un homme. Un "Altruis" apparemment, que le quadragénaire ne connaissait ni d'Eve ni d'Adam... et qu'elle avait côtoyé durant son adolescence. Avant de le voir disparaître suite à une morte familiale...

Giovanni observa analytiquement l'expression de l'océan des yeux de l'unique fille Bootleg, et crut y déceler beaucoup d'amertume. Il... comprenait l'histoire... sans pour autant vraiment la comprendre, et pouvoir se mettre à la place de la musicienne... Néanmoins, il se sentait touché par l'histoire.

Certes, il n'avait pas vécu avec sa soeur toute sa vie. Il n'avait jamais été le grand frère qui la protégeait à l'école, ni celui qui l'accueillait dans son lit pour la réconforter après des cauchemars et lui fournissait trois mètres cubes de crème glacée pour soulager les maux du coeur. Il n'avait pas non plus été là pour la soutenir face à sa mère démente. Il n'avait pas été l'épaule sur laquelle elle aurait pu pleurer lorsque cette déception amoureuse arriva... comme l'aurait fait n'importe quel grand frère digne de ce nom.

...Et de cette absence, il s'en sentait coupable.

Aussi, il voulut rattraper le coup... qui sait, lui proposer d'éventuellement chercher cet "Altruis", vu le réseau d'informations dont il disposait... mais jamais sa proposition ne vit le jour, puisqu'une sonnette retentit avant même que sa bouche ne soit ouverte.

Sakaya s'en excusa furtivement, et alla ouvrir, tandis que l'ex-champion de Jadielle fronçait les sourcils, et se leva, se demandant qui d'autre que lui pouvait bien déranger sa soeur en plein Noël...

Il n'eut pas de réponses claires, puisque lorsqu'il s'avança plus ou moins de façon à voir qui était à la porte, le corps de sa soeur bascula vers l'arrière dans un *BAM* fracassant... Croyant à une menace, Persian se positionna immédiatement proche de Giovanni, le poil légèrement hérissé. Sakaki quant à lui, était trop abasourdi sur le coup pour faire quoi que se soit.

"Altruis... Byzance ?"

Répéta comme pour en avoir confirmation le Pokémafieux, alors que le jeune blond s'approchait déjà de la masse inerte que formait sa soeur....

Bon sang... Quelle probabilité y avait-il que cet amour de jeunesse perdu pour sa soeur réapparaisse le soir de Noël, au moment-même où on parlait de lui ?... Pratiquement aucune... A croire que vraiment, Noël était la fête des miracles... En tout cas, le nom de famille d'Altruis venait de permettre à Sakaki de... savoir plus ou moins à qui il avait affaire.

Un universitaire. De quelle branche, il l'ignorait. Il savait seulement que ce nom était apparu dans la liste des scientifiques les plus éminents de Kanto, aux côtés de ceux de Maise, Chen et Vidic, peu de temps avant que ce dernier ne se fasse viré pour manquement à l'éthique.

Heureusement, Altruis, contrairement à lui, n'avait pas su mettre un nom sur son visage, et commençait sagement à lever les jambes de Sakaya, un regard poli étant adressé au mafiosi, lui faisant savoir que de l'aide ne serait pas de refus.

Rapidement, Giovanni se saisit du buste de sa soeur et tous deux la soulevèrent, pour l'allonger sur le canapé.

Ayant remarqué un flux sanguin couler puissamment du nez de la rousse, Sakaki se saisit d'un papier ménage de la cuisine et essuya l'hémoglobine présente sans accorder un regard au nouvel arrivant.... Et enfin, alors que la situation était le plus au calme, observant la bouille de sa soeur évanouie reflétant le bonheur d'un drogué à l'amour à l'état pur, le Pokémafieux osa entamer le dialogue plus loin, alors que Persian jaugeait avec une faible curiosité Kirlia.

"Vous... travaillez dans une Université ?"

En réalité, le mafiosi aurait aimé engager le ton de la conversation par une question beaucoup moins délicate, qui reflétait d'un côté protecteur poussé à l'extrême que n'approuverait absolument pas sa soeur... Du genre :

"Vous avez touché à ma soeur ?










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Tenerae Byzance... Le mafiosi savait bien que ce nom de famille ne lui était pas inconnu. Ainsi donc, le jeune homme, sûrement de quinze ans son cadet, était le fils de cet éminent philosophe. Enfin, bien entendu, Sakaki n'avait pas connu personnellement le père du jeune blond, seulement, il était venu à l'entrapercevoir par le biais des relations scientifiques de Garth, durant leur jeunesse à tous deux. Forcément, il n'avait jamais lu ou étudié les recherches de Byzance Senior. Tout ce qu'il savait de lui, c'était qu'il était fortement réputé. En quoi, il en avait fichtrement aucune idée. Et à vrai dire, là n'était pas là sa principale préoccupation.

Le vrai souci du Pokémafieux, pour l'instant, était d'identifier quelle fichue relation pouvait lier le jeune homme extrêmement poli devant lui et la rouquine endormie. Et savoir de quel droit il osait trimballer sa patte sur la joue de sa soeur... Ah oui, juste, amoureux de jeunesse. Mais tout de même... Le nii-san qu'était le pokémafieux n'aimait pas tant assister à ce spectacle.

« Je crois savoir que vous êtes le mafiosi dont tout le monde parle, n'est ce pas ? Content de vous connaître, monsieur Giovanni Sakaki. »

Un regard légèrement perplexe fut adressé aux iris bleues de l'universitaire. Et soudainement, il sembla même que l'horloge arrêta son perpétuel clic-clac tant l'ambiance sembla perdre en degré d'hospitalité. Ambiance qui contrastait totalement avec le sourire chaleureux que lui renvoyait Altruis, auquel Sakaki ne répondit que par un air froid.

Heureusement, Sakaya se porta involontairement volontaire pour couper court à ce contact entre un glaçon impassible et une pile électrique joyeuse par un ronflement bien sonore, qui parut rendre le clic-clac à l'horloge. Et rapidement, l'alcoolique émergea du sommeil, mais paraissait toujours être en plein rêve. Elle observa les deux hommes dans la pièce, et dans un réflexe assez illogiquement étrange, alla se réfugier dessous la table... Avant de finalement en émerger, toujours éperdue dans une panique réflexive qui échappaient aux protagonistes sur le canapé. Finalement, l'esprit de la dernière Bootleg sembla se calmer, puisqu'elle fila en cuisine, d'où elle ramena trois choppes contenant une quantité de whiskey à mettre un troupeau d'Ecremeuh dans le coma éthylique. Sur ces choppes se trouvaient des grossières tranches de citron qui portaient la marque de fabrique de sa soeur.

Enfin, après un peu d'hésitation, et après leur avoir attribué à chacun une choppe, Sakaya osa s'expliquer, malgré la rougeur qui assaillait ses joues.

« Gi, je te présentes ben... Altruis, et Altruis, je te présente Gi, mon frère, qui est venu passer Noël avec moi.

Giovanni adressa un regard indifférent à Altruis, quand bien même il faisait l'effort de ne pas le foudroyer du regard, malgré le respect infini dont lui avait fait preuve le jeune homme.

- Ah, votre frère, d'accord, je comprends mieux.

Pourquoi vouvoyait-il son amourette de jeunesse ? ça, Sakaki ne le comprit pas. Peut-être que la distance physique les séparant avait créée quelque barrière psychique... Barrière toutefois guère présente chez Sakaya, qui le tutoyait sans hésiter.

Et qui lui demandait par quel miracle de Noël il était arrivé à trouver sa maison. Altruis répondit grosso modo que Kirlia avait servi d'antenne radio entre les émotions de Sakaya et le cerveau d'Altruis. Inutile de préciser qu'un gros point d'interrogation se dessinait au-dessus de la tête du mafiosi qui ne comprenait fichtrement pas du tout comment une telle chose était possible. Bien qu'il aurait dû le savoir, avec tous les tests faits par rapport aux jumeaux. Est-ce que le principe était applicable sur des personnes émotionnellement proches ?... Voilà une problématique qui aurait fortement intéressé un certain taré.
Enfin, c'était Noël, il valait mieux éviter de penser à la mauvaise graine.

Aussi Giovanni évapora toutes ses pensées scientifiques en observant avec dépit sa soeur serrer fort dans ses bras sa Kirlia. Au même moment, Altruis se tourna vers lui.

- « Je suis désolé d'avoir interrompu votre Noël. Mais que diriez-vous de trinquer pour faire de ce moment quelque chose qui nous marquera longtemps ? »

Un sourcil s'arqua et une expression mi-curieuse mi-appréhensive marqua les traits de Sakaki. De quoi diable voulait-il parler cet hurluberlu ?

Sans vraiment savoir comment formuler sa curiosité, le mafiosi se contenta de hocher par l'affirmative de la tête, avant de prendre son whiskey KING SIZE et de le tendre d'abord vers Sakaya, dont le sourire au coin lui fit presque hérisser l'épine dorsale, puis vers Altruis.

"A vrai dire, je ne vous connais pas. Je ne pense pas vouloir passer une fête familiale comme Noël avec un parfait inconnu. Mais parce que ma soeur vous aime... je... je veux bien jouer le jeu... Trinquons, pour ce Noël."

Alors que ses doigts serraient lestement la choppe king size que sa petite soeur lui avait attribuée, Sakaki remarqua que le regard de la rouquine se vit ajouté d'une once de sournoiserie qu'il ne pensait pas ... saine. A vrai dire, il n'aimait pas tellement cette étincelle de malice propre au patriarche Bootleg et le sourire espiègle propre à sa petite soeur qui lui donnaient, combinés, une expression de sale môme qui cachait bien son jeu.

Néanmoins, il ne prêta pas plus attention à cette attitude étrange de la dernière descendante Bootleg, et se contenta de se pencher légèrement en avant pour caresser d'une main le poil de son Persian qui s'était mis à ses pieds, assis, droit et fier et qui ne cessait de fixer Altruis, apparemment intrigué.
Au même moment, Sakaya prit la parole.

« Tu es en train de nous dire que tu préférerait passer un Noël avec toute ta famille ? Je ne m'attendais pas vraiment à cela de toi, à vrai dire. »


Les caresses sobres offertes à Persian s'arrêtèrent soudainement alors que le regard fin du mafiosi alla se planter dans les iris océan de la benjamine. Giovanni ne le remarqua pas, trop occupé à tenter de réfléchir à comment contredire ce qu'avait dit sa petite soeur sans se trahir, mais Persian au même instant plissa les oreilles et tourna la tête, intrigué, avant d'émettre un micro-ronronnement, content de voir Rayleigh fermer en une discrétion parfaite la porte d'entrée. En effet, contrairement à son maître, l'originaire de Chadeville sentait que la compagnie des membres proches à l'entourage Sakakien lui promulguait une sorte d'apaisement difficilement explicable. En tous les cas, le pokémon savait que le lien qui le rattachait au plus grand criminel de Kanto et Johtho réunies, était tant puissant que ce qui apaisait son patron l'apaisait également lui.
Ainsi, même si son patron ne l'admettrait jamais, être en présence des gens qui partageait son sang, déclenchait quelque chose dans l'organisme du Mafiosi. Quelque chose qu'on pourrait appeler bonheur. Ou du moins, un sentiment suffisamment fort pour anesthésier sur une courte durée les résidus de substance injectée... et suffisamment pur pour réveiller la partie limbique de son cerveau, et lui permettre de ressentir de la compassion, et de la sympathie pour ceux qui faisaient partie de son entourage proche.

« Parce que, tu vois, grosso modo, la t'as deux possibilités. Soit tu réponds non, et dans ce cas tu ferme les yeux pendant quelques minutes, le temps que j'éjecte le squatteur qui vient de rentrer sans faire de bruit à coup de pompes dans le cul. »

Un sourire frêle de dessina sur les lèvres du mafiosi, satisfait que sa soeur fût prête à virer l'amour de sa vie pour lui laisser de l'intimité familiale. Cependant, il ne pensait pas cette mesure nécessaire. Altruis n'avait pas l'air d'être un problème, malgré que sa présence rendait la diffusion d'émotion, déjà très faible du quadragénaire, inexistante.

Toutefois, il ne pensait pas à le virer, car il savait que ce n'était pas ce que voulait Sakaya, même si elle le proposait. Donc ,faisant un léger "non" de la tête, Sakaki porta à ses lèvres l'immense choppe de whiskey made by Booteg alors qu'une imposante silhouette se rapprochait de sa position à pas tellement feutrés que seul Persian fut physiquement capable de les entendre.

« Soit tu réponds oui, et la tu te retournes, tout en te préparant à un possible arrêt cardiaque. »

Si l'incompréhension aurait dû avoir un visage à ce moment, elle aurait eu celui de Giovanni. ...

Et si la gaminerie aurait dû avoir un rire, cela aurait été celui de Rayleigh.

La vieillesse rendait sage, paraissait-il. Et bien... pas pour Rayleigh... qui n'hésita pas le moins du monde à laisser éclater sa joie maléfique après avoir tiré la chemise rougeoyante de son fils cadet légèrement en arrière pour y insérer avec délectation la neige dûment récoltée à l'entrée de la maison.

Inutile de préciser que le temps de réaction de Sakaki fut inférieur à celui du patriarche, qui gardait des réflexes divins malgré son âge, et qui parvint à insérer toute la quantité de neige amassée avec brio dans le dos de Giovanni.

Et parce que la neige c'est sérieusement glacial, Sakaki eut le réflexe le plus humain au monde, celui de premièrement jurer tous les noms d'oiseaux possibles, ensuite de se lever énergiquement, puis de tenter, alors que c'était vain, de chopper avec les mains la neige qui avait déjà quasiment fondu à cause de sa chaleur corporelle. Mais forcément, lorsqu'on portait une choppe de whiskey, et que violemment on essayait d'atteindre son dos avec la main occupée par ladite choppe, il arrivait qu'on déversait la totalité du contenu du récipient, et donc, qu'on arrosait la personne en face. Sakaya eut ainsi droit à une douche à 65 ° ... d'alcool, évidemment.
Après cela, vint bien sûr un second flot d'insultes plus créatives. Mais l'intonation ne fut point autant vociférante et violente que la première fois, la glace ayant dans un premier temps commencé à refroidir le spécimen, et par conséquent, à lui couper le souffle en totalité. Et dans un deuxième temps, à se faufiler dans les recoins de l'anatomie humaine les plus sensibles, et les moins prompts à se voir refroidir.

"Espèce de... de trépané de burettes acéphaliqueé à chamelle vérolée !"

Ou comment ne pas laisser son tempérament fort naturel nous faire dire des immondices alors que le coupable de cette abominable torture répondît, entre deux fous rires :

"Ecoute, fils, si t'avais pas un pantalon taille basse, la glace serait pas descendue aussi bas."

Une choppe vide alla se casser contre la porte d'entrée, à défaut de ne pas avoir atteint un Rayleigh se bidonnant.

Chose faite, l'Empereur des Mers se permit une tape dans le dos de son fils que ce dernier esquiva, se réfugiant au coin du feu, là où il serait apte à trouver un peu de chaleur. Laissant ainsi sa place sur le canapé libre, que le l'ex-contrebandier piqua. Persian observa cette force de la nature à ses côtés, regarda son maître sortir sa chemise de son pantalon puis à nouveau reporta son attention sur le septuagénaire. Après un petit moment d'hésitation, le félin se décida à sauter sur le canapé, puisqu'il lui restait une petite place, et à taper sa tête contre l'épaule de Ray, en l'attente d'un peu d'affection.

Ce à quoi répondit bien entendu le patriarche qui croisa les jambes et offrit le plus émérite de ses sourires à sa fille.

"Alors Sakky, mes petits enfants, c'est pour quand ?"

Un faible clin-d'oeil fut adressé dans la plus grande des discrétion à un Altruis témoin de cette scène et sûrement quelque peu choqué, tandis que Giovanni foudroyait du regard son père.

Son père... avait l'effet d'une tornade. Lorsqu'il rendait visite aux gens, spécialement ceux de sa famille, il avait le don pour chambouler tous les esprits dans un tumulte de questions, d'interrogations, de bagarres, d'injures. Ce fut ce que remarqua, ou plutôt, qui sauta aux yeux de Sakaki lorsqu'il aborda la question qu'il NE fallait PAS aborder en présence du jeune blondinet et de sa rouquine de soeur, qui resta un moment à terre, choquée.

Tellement choquée que Giovanni crut durant un instant que la question elle-même l'avait terrassée. Heureusement, son... amant (Giovanni eut du mal à penser ce mot pour désigner Altruis) décida de ne pas laisser davantage de malaise s'installer, et s'incomba la dure et impossible tâche de répondre au patriarche Bootleg, qui n'avait toujours pas perdu son sourire.

Ce qui irritait grandement le Boss.

Surtout que désormais, ils avaient droit à une vraie scène de ménage. Tellement intense que Sakaya en était venue à tenter de rogner le cerveau d'Altruis, qui demeurait étrangement calme. Pas inquiet pour un sous.

- « ...Sinon, monsieur Bootleg. Vous vouliez nous emmener quelque part pour Noël ? »

Toujours ce sourire de gamin pendu aux lèvres, Rayleigh s'avança légèrement vers la table basse pour dérober la choppe de sa fille avant de la porter à ses lèvres goulument, laissant un instant supplémentaire à Altruis pour profiter du suspens.

Et bien on peut dire que c'est une bonne optique d'avenir pour notre famille... qui ne fait que de s'agrandir.

Le regard malicieux fut adressé bien entendu à sa dernière enfant, tandis que Giovanni venait de terminer de s'essuyer (enfin, partiellement) et jugeait qu'il était suffisamment d'humeur normale pour pouvoir poser ses fesses à côté de son géniteur. D'un mouvement de doigt, il fit obéir persian pour que ce dernier lui laissât la place, et s'installa, croisant une jambe et... regarda totalement surpris sa plus jeune soeur. Tandis que Rayleigh vantait les qualités de son yacht de manière exagérée à l'invité du soir.

Enfin, après être passé au chapitre de "la nourriture sera excellente, et l'alcool présent", Giovanni n'en put plus et se décida à poser la question qui le tenaillait.

"Sakaya... Tu m'as parlé de l'amour de ta vie que tu pensais ne jamais revoir. L'instant d'après, il sonne à ta porte. Et t'es déjà en train de le mâchouiller ?"

Oui bon. Le principe du "Magicarpe Hors de L'eau" pour faire passer des messages, vous connaissez ? Et bien Sakaki était identique à ce pauvre pokémon aquatique hors de son élément. Il était tout simplement nul. Tout ce qu'il voulait, c'était faire remarquer à sa soeur que la chance de sa vie était juste assise à côté d'elle, et que le temps des disputes, aussi superficielles soient-elles, pouvait être légèrement repoussé. Après tout, c'était Noël.

La réaction des deux protagonistes concernés à sa question fut juste... trop mignonne, selon les termes d'une personne au quotient émotionnel normal, et "attendrissante", du point de vue de Giovanni, qui sourit tendrement en observant les joues de sa soeur se teinter alors qu'elle le calomniait et pensait déjà sûrement à une douce vengeance dans sa tête probablement ridiculement atroce, au vu du regard de tueuse maboule qu'elle lui adressait. Mais qui le laissait indifférent, puisque cette rancune fut vite zappée de la mémoire de la benjamine Bootleg, s'étant saisie des lèvres du blondinet qui n'eut même pas le temps de réagir ou d'au moins prendre une dernière bouffée d'air.

Sous l'encouragement indirect de Rayleigh, un langoureux baiser s'ensuivit, sur un fond de cheminée dont le feu trépignait bruyamment, et encadré par une fenêtre laissant apercevoir un paysage blanc assailli de flocons tombant à foison.

Un cadre idyllique pour un Noël entre amoureux, pensa faiblement Giovanni, qui observait la scène. Son sourire attendri s'agrandissant. Peut-être pas autant que Rayleigh qui lui, clairement, afficher sa fierté en tant que père de voir sa fille heureuse avec un homme qu'il savait bon et juste.

Mais par souci de voir cet homme bon et juste un jour marier sa fille, il eut l'amabilité de dire tout haut ce que le cadet n'allait pas tarder à faire remarquer tout bas.

- « Dis, ma gamine, continue comme ça et tu vas le tuer, ton beau gosse. »

Avec une moue récalcitrante évidente, Sakaya se défit d'Altruis qui arborait un visage rouge. On ignorait si son origine était dû au caractère intime de l'échange physique entre les deux, ou au manque d'oxygénation probable de son cerveau. Sans doute un mélange des deux.

Ce contact rompu, alors Sakaki nageant dans un bonheur fraternel de voir sa petite soeur retrouver la perle rare le jour de Noël, une froideur inouïe s'empara de son cou et le raidit instantanément.

La voix de son patriarche allant de pair avec cette main glacée l'irrita d'autant plus, bien que sa proposition le réchauffait intérieurement. D'autant plus que l'enthousiasme de Sakaya, qui s'était levée avec eux, qui lui fit faire un sourire normalement heureux, pour une fois.

La jeune rouquine, une main posée sur l'épaule droite à Giovanni et celle gauche d'Altruis, affichait une euphorie sur son visage digne des enfants attendant impatiemment un événement qu'ils savaient juste... parfait. Et le fait de savoir que cette expression avait que trop rarement habité le visage de sa soeur rendait son sourire d'autant plus précieux... Et le fit oublier durant un moment la tragédie de cette période, étant relative à la mort de Lisa...

Apparemment, les miracles, le jour de Noël... ça existait...

C'est ainsi que la troupe s'éloigna de la maison, Persian clôturant la marche accompagné des Pokémons de la dernière Bootleg.

Toutefois, à un moment, Sakaki se stoppa, laissant sa soeur marcher devant avec son père et ... attrapa par le cou Altruis, le mettant plus à l'écart, sans susciter les soupçons de son paternel et de sa demi-soeur.

Un regard profondément noir planté dans les iris azur du jeune blond refroidirent l'atmosphère et parvint presque à faire tomber les flocons à l'état de glace pure. On aurait pu s'attendre à ce qu'un règlement de compte éclatât, au vu de l'allure du quadragénaire qui, pour la première fois de la soirée, paraissait redevenir le mafioso qu'il était.

Et, rapprochant sa tête vers l'épaule d'Altruis, il murmura d'une voix passivement neutre :

"Ne faites plus jamais de mal à Sakaya. Elle est heureuse avec vous. Faites en sorte qu'elle le reste...."

Et, sur ces dernière paroles pouvant paraître agressives, mais qui en réalité étaient plutôt la preuve que le jeune homme était accepté dans la famille Sakaki, soit un message de bienvenue, ils reprirent la marche.

Prêts à passer un Noël. Un vrai. Pour une fois.