La région de Galar avait toujours été connue pour ses nombreuses légendes et ses contes fantastiques. Ancienne et chargée d'histoire, l'île conservait des vestiges de son glorieux passé et de l'ère chevaleresque qui l'avait forgée. Les mystères et la magie qui entouraient ce lieu semblaient s'épaissir soudainement à l'approche de la forêt de Lumirith qui, si on n'y prenait pas garde, pouvait rapidement devenir un labyrinthe à la merci des Grimalin qui la hantaient. Toutefois, pour ceux qui auraient eu le courage de braver ces bois épais, de contourner les champignons luminescents et de volontairement s'éloigner des lueurs accueillantes et rassurantes de Corrifey, un spectacle encore plus saisissant les attendait.
Car à l'ouest de la forêt, les bruits devenaient des murmures, les pas s'alourdissaient et la brume s'épaississait. En lieu et place des arbres, il était possible de distinguer des yeux, des bouches, des dents et des formes effrayantes. Les Banshitrouyes et les Desséliandes devenaient plus nombreux, la lumière disparaissait et, bien vite, le commun des mortels comprenait que mieux valait rebrousser chemin avant de vraiment s'attirer des ennuis.
Les bois enchantés avaient laissé place à une forêt hantée.
Pourtant, il en était toujours quelques-uns qui ne se laissaient pas abattre, qui décidaient de braver la peur et de poursuivre leur traversée. Ceux-là, s'ils parvenaient à trouver leur chemin parmi les arbres qui changeaient de place et la brume qui les faisait tourner en rond, auraient bien pu finir par trouver enfin la sortie et découvrir une plage ainsi que l'océan. Ravis et soulagés d'être sortis de ce cauchemar, bien que déçus que la forêt ne dissimule rien de plus qu'une entrée vers l'océan, ils auraient fini majoritairement par se contenter de la trouvaille et décider de suivre le sable pour rentrer chez eux. Ceux-là, alors, n'auraient jamais vu la falaise qui faisait la jonction entre forêt hantée et plage protégée, ni l'immense anfractuosité qui y était dissimulée, et encore moins l'étrange boîte aux lettres en fer forgé qui était placée juste à son entrée.
Sur celle-ci, les mots "Famille Delamuerte" étaient ainsi restés préservés des regards indiscrets pendant de très nombreuses années.
Néanmoins, celui qui serait parvenu jusqu'à ce lieu et qui déciderait de pénétrer la grotte aurait découvert un spectacle singulier : un château, bâti à l'intérieur de la cavité et qui... Respirait. Car ce château n'en était pas vraiment un, mais plutôt un très ancien Pokémon, un Trépassable vieux de plusieurs siècles, dont le corps n'avait plus été impacté par la pluie et les ravages des éléments depuis des dizaines et des dizaines et des dizaines de lunes. Alors, se contentant de se prélasser et se nourrir, il avait grandi, grossi, au point de devenir le château vivant - pouvait-on seulement utiliser ce terme pour qualifier un spectre ? - sans aucun doute le plus gros du monde, mais perdant toute habileté pour le combat ou ne serait-ce que le déplacement.
C'était par sa proximité chargée d'une impressionnante énergie spectrale que les bois alentours avaient évolué, devenant aussi étranges et effrayants. Bien vite, des Pitrouille et des Brocélôme avaient ainsi fait leur apparition, des Nosferapti et des Cornebre les y avaient suivis, et l'atmosphère était devenue ce qu'elle était aujourd'hui.
D'aucuns affirmeraient que le commun des mortels ne s'aventurerait jamais aussi loin dans ce bois hanté et encore moins ne finirait par trouver le Trépassable. Pourtant, il en fut un - de toute évidence ne faisant pas partie du commun des mortels - qui ne se laissa à aucun moment démonter.
Aventurier expérimenté et chevalier originaire d'un lointain pays, Cyrano Delamuerte traversa sans aucune crainte la forêt hantée. Lui-même dresseur spécialisé dans les Pokémons de type spectre, il sut déjouer avec brio les stratagèmes destinés à lui faire rebrousser chemin et parvint finalement jusqu'au seigneur des lieux : le Trépassable obèse.
La vue de cette créature, absolument unique en son genre, donna à Cyrano une idée des plus saugrenues : il ferait venir sa femme et son fils ici, et, ensemble, ils s'installeraient dans ce Trépassable. Cet endroit deviendrait alors le domaine de la famille Delamuerte, pour des générations et des générations. Vivre dans un Pokémon - surtout un spectre - n'était clairement pas ce qu'il y avait de conseillé pour profiter d'une vie calme et normale. Mais, encore une fois, Cyrano Delamuerte était loin de correspondre au stéréotype d'une personne normale.
Il captura donc le Trépassable - qu'il renomma
Casa - et parvint - non sans difficulté - à l'apprivoiser. Le Pokémon avait ainsi interdiction de se nourrir de l'énergie vitale des membres de la famille Delamuerte et leur devait obéissance, mais avait tout loisir d'ingérer celle de leurs invités. Il devait également éviter de faire des farces aux résidents en modifiant l'intérieur de son corps - déplacer des couloirs, modifier l'agencement de certaines pièces, faire s'écrouler le mur des toilettes entre autres - mais ne respectait guère cette dernière règle à la lettre. Le château devint également un refuge pour les Pokémon Spectres, cohabitant, en échange du respect d'un code strict, avec les résidents humains - morts ou vivants.
Les Delamuerte s'habituèrent pourtant à cette vie et, au fil des générations, les héritiers de la famille se succédèrent dans ce grand et étrange château.
Ce fut dans ces conditions que grandit Vladimir Delamuerte, descendant direct de Cyrano. Comme tous les membres de son clan, celui-ci avait développé une peau incapable de bronzer et des yeux brillant d'un or saisissant : deux caractéristiques causées par la vie à l'intérieur d'un pokémon spectre.
- Oh ! Bien le bonjour, mon fils !
- Bonjour, chère mère. Comment était votre nuit ?
- Comme à l'accoutumée. J'ai lu, chanté et hurlé jusqu'à ce que le soleil ne prenne la place de la lune. Cecilia Delamuerte s'avança vers son fils et le... Traversa ?
Ce n'est pas comme si je pouvais dormir de toute façon ! Ho ! Ho ! Ho ! Je t'attends devant la porte ! Ho ! Ho ! Ho !Sur son rire claironnant, la mère marcha jusqu'à un mur qu'elle traversa à son tour, laissant derrière elle son fils qui, apparemment, était habitué à ce genre de comportement. Force était d'admettre que passer sa vie à l'intérieur de Casa, où pokémon spectres côtoyaient les fantômes de certains Delamuerte qui n'avaient pas envie de prendre un aller simple vers le repos éternel, rendait le paranormal finalement assez banal. Vladimir passa devant un escalier qui bougeait tout seul, enjamba une excroissance dans le sol qu'il devina être une créature égarée que Casa avait changée en son repas et ne prêta aucune attention au Motisma dans la télévision qui changeait de chaîne tout seul pour capter la dernière émission "Comment nourrir un pokémon spectre".
- Ne pense même pas à déplacer cet escalier, Casa. Je dois aller en haut. Tu n'as pas envie de me forcer à appeler Mère, n'est-ce pas ?Un profond soupir s'échappa de l'intérieur même des murs et du sol et les marches d'escalier en sable durci, qui avaient commencé à bouger, se figèrent sur place.
- Merci.Arrivé à l'étage, Vladimir se dirigea vers une grande pièce jonchée de matériaux, décorations, fleurs, tissus et jouets variés.
- Par la malédiction éternelle, Katharsis, fais-moi le plaisir de ranger cette chambre.Une silhouette se tourna vers lui, bondit puissamment puis atterrit à ses côtés. Katharsis était une Mimiqui unique en son genre, dont le plaisir le plus intense résidait dans la confection de ses déguisements. Pour elle, se limiter à un seul accoutrement relevait de la damnation, et il était presque impossible de la voir habillée de la même façon à deux combats différents.
/// Près de vingt ans plus tôt \\\
- Que t'est-il arrivé ? Un Vladimir bien plus jeune faisait face à une Mimiqui dont le déguisement gisait en lambeaux. De sa griffe blessée, elle tentait sans succès de rafistoler son Fantômasque pour dissimuler son véritable corps. Il n'était pas rare que des pokémon spectres errent près de Casa, attirés par la puissante énergie négative que dégageait le gigantesque Trepassable. Néanmoins, c'était la première fois que Vladimir rencontrait un Mimiqui. A fortiori un Mimiqui dont le costume ressemblait plus à celui d'un Evoli qu'à celui d'un Pikachu.
Le Pokémon remua, refusant de toute évidence que quiconque la voie dans une tenue aussi peu avantageuse. Alors qu'il tenta de lui administrer une Potion, le Mimiqui émit un faible grognement. Préférait-elle vraiment souffrir plutôt qu'on voie de plus près son corps ? S'agissait-il d'une folie ? Ou était-ce plutôt une forme de fierté proche de la noblesse ?
Vladimir pinça les lèvres, poussa un soupir, et retira son manteau. Malgré le vent froid, il se retrouva en simple chemise fine au milieu du puissant vent qui soufflait.
- Regarde. Je te laisse ce manteau. Il est en cachemire de Chevroum. J'ose espérer qu'il te conviendra.Le Pokémon émit une sorte de grognement, mais Vladimir ne se laissa pas démonter. Il lança son manteau tout près du pokémon.
- Ne me fais pas regretter de t'avoir prêté cette véritable pièce de collection.Quelques secondes s'écoulèrent avant que la griffe du Mimiqui ne s'empare du manteau et s'en recouvre le corps. Les petits yeux du Pokémon n'avaient pas manqué de reluquer le vêtement, vérifiant sans doute s'il s'agissait bien de cachemire de Chevroum.
- Satisfaite ? Le grognement devint ce qui s'apparentait selon toute vraisemblance le plus à un ronronnement, et la Mimiqui se calma. Vladimir, avançant précautionneusement, s'approcha du Pokémon et lui vaporisa une Potion sur le corps.
- Avec ça, tu devrais commencer à aller mieux.........
- Q... Qui ? Mimiqui ? MIMIQUI !
- Du calme. Si tu abimes mon manteau, mes ancêtres m'en soient témoins, je te décapite. Spectre ou non.Mimiqui s'arrêta, regarda autour d'elle et sembla reconnaître le manteau qui l'entourait.
- Tu ne risques rien ici. Du moins, tant que tu te tiens tranquille. L'énergie spectrale qui s'échappe de Casa devrait, par ailleurs, te revigorer un peu.Vladimir pointa du doigt une pile de vêtements située non loin du lit où était allongée Mimiqui.
- Je te les offre. Refais ton déguisement et rends-moi mon manteau. Ensuite, tu seras libre de faire tout ce qui te plaira.Le Pokémon regarda les chutes de vêtements, sembla hésiter, puis agita sa griffe en ce qui signifiait sans doute un acquiescement.
- Bien. Je repasserai plus tard. Tu as intérêt à ce que mon manteau soit en bon état quand je reviendrai. Et gare à toi si j'y trouve des plis.Quand Vladimir refit surface quelques heures plus tard, il eut le plaisir de retrouver son manteau impeccablement étendu sur la porte. Levant le bras pour s'en emparer, sa bouche s'élargit sous la surprise quand il vit Mimiqui. Cette fois, son déguisement n'avait plus rien à voir avec un Evoli.
Il avait devant lui une réplique de Salamèche, à la sauce Mimiqui.
- Par les plus terribles malédictions qui hantent cette terre. C'est... Brillant.Vladimir aurait juré apercevoir des étoiles briller dans les petites fentes servant d'yeux au Pokémon. Mimiqui pencha sa tête dans une révérence à laquelle il répondit par une autre.
- Et en plus tu sais te montrer courtoise. Voilà qui est intéressant.Il marqua une pause, hésitant un peu, avant de reprendre :
- Cette chambre est vide. Tu peux rester ici et utiliser ces tissus, si tu le souhaites. Cela vaudra mieux que te faire de nouveau attaquer dans la forêt, pas vrai ?Mimiqui acquiesça tout en marchant dans la pièce, réalisant ce qui s'apparentait le plus à un défilé créateur pokémon.
- En échange, je ne te demande qu'une chose : deviens mon Po-Mimiqui ne lui laissa pas le temps de finir sa phrase. En un bond, elle se jeta en avant et écrasa sa tête sur la Poké Ball qu'il venait de sortir.
- ...Kémon ?Heberlué, Vladimir se permit un rare rire surpris.
- Cela s'est révélé plus facile que ce que j'imaginais. Bienvenue à toi... Katharsis. Puisse ta venue parmi nous être annonciatrice de gloire et fierté./// Présent \\\
- Le moment est venu, Katharsis. Retrouvons Typhon et allons-y. Notre destin nous attend.Le Pokémon se releva et utilisa sa griffe noire pour rassembler en un mouvement expert l'essentiel de ses affaires qu'elle rangea avec vitesse et précision sous son déguisement. Vladimir leva un oeil perplexe mais se contenta d'un sourire de toutes ses dents aiguisées. Décidément, les spectres ne finiraient jamais de le surprendre. Personne ne savait ce qui se cachait sous le masque de Mimiqui, mais nul doute que cela renfermait un pouvoir immense. Un mystère de plus qu'il finirait par élucider.
Suivi par son pokémon, Vladimir sortit de la chambre et se dirigea vers un autre escalier qu'il gravit. Cette fois, ils arrivèrent dans une salle immense, de laquelle s'échappaient des cris et des détonations. De toute évidence, des pokémon se battaient. N'y accordant aucune crainte particulière, il continua son avancée à la même allure, considérant que cela était a priori normal.
- REPTIL ! DISPAAAA !
- TRUHUHUM ! TRUHUHUHUHUM !Au moment où Vladimir arriva dans la gigantesque pièce qui servait de salle d'entrainement, une attaque Ball'Ombre passa à quelques centimètres de lui. Celui-ci, toutefois, l'évita avec une désinvolture insolente.
- Si j'avais été un ennemi décidant d'attaquer Casa, je n'aurais eu aucun mal à éviter cette attaque, Spectrum. Le Pokémon se gratta la tête de ses mains évanescentes et retourna s'entrainer tandis qu'une seconde créature, plus imposante, fusa vers Vladimir. Un long corps de serpent, une tête impressionnante, fine et triangulaire, ainsi qu'un petit Pokémon supplémentaire qui siégeait au sommet de son crâne, le Dispareptil était venu se poser à ses côtés en un clignement d'œil.
- Ta vitesse a encore augmenté, Typhon. Qui sait jusqu'où tu seras capable de pousser tes limites physiques ?Visiblement satisfait du compliment, le Dispareptil fit onduler sa queue évanescente.
- Bien loin me paraît l'époque où tu n'étais encore qu'un petit Fantyrm.../// Près de trente ans plus tôt \\\
Pas de barbe, pas de favori ni de moustache à cette époque pour Vladimir. Rien de plus que des cheveux déjà sombres et une peau bien sûr toujours aussi pâle.
- Un... Œuf ? Mais, mon oncle... Je croyais que les Pokémon spectres étaient des fantômes !
- Certains Pokémon spectres seraient effectivement des esprits défunts rematérialisés. Cela ne les empêche pas pour autant de faire des oeufs.
- Je... Je ne comprends pas.
- Prenons Spiritomb par exemple. La légende raconte qu'il serait un agrégat d'âmes damnées. Cela signifie que certains Spiritomb peuvent avoir été créés comme cela, peut-être même le tout premier de son espèce. Cependant, ils peuvent toujours produire des oeufs qui écloront en d'autres Spiritomb. A dire vrai, la majorité des spectres ne sont pas nés de leur légende originelle, mais proviennent d'œufs. Être du type spectre ne prive pas un Pokémon de ses moyens de reproduction.Le jeune Vladimir ouvrit la bouche sous l'effet de surprise, tentant d'assimiler les nombreuses informations que son oncle Eduardo Delamuerte venait de lui confier.
- Et cet œuf alors... Qu'est-ce qu'il contient ?
- Ton cadeau, mon cher neveu. Un Delamuerte n'est digne de son nom que s'il parvient à tisser des liens avec les Pokémon spectres. Dans cet oeuf se trouve un Pokémon qui t'est destiné, qui t'accompagnera dans tes aventures, et qui t'aidera à réaliser tes rêves. Mais il faut que tu t'en occupes bien. D'abord pour qu'il éclose, ensuite pour qu'il te respecte. Te sens-tu à la hauteur de la tâche ?Vladimir n'hésita pas.
- Bien sûr. Je ne vous décevrai pas.Les jours passèrent et Vladimir ne manqua jamais de s'occuper de l'œuf. Il avait lu des encyclopédies poussiéreuses, parcouru des vieux grimoires sur la meilleure façon de favoriser l'éclosion, jusqu'à ce que, enfin, une intense lumière ne lui indique que le moment était enfin venu.
- In... Incroyable !
- Tyyyyrm !
- C'est un... Un Fantyrm !Malgré son jeune âge, Vladimir avait déjà une grande connaissance des pokémon de type spectre, notamment ceux endémiques de la région de Galar. Fantyrm, et surtout son évolution Lanssorien, représentait pour beaucoup de spécialistes un des spécimens les plus puissants du type spectre. Aurait-il seulement pu rêver d'un meilleur compagnon pour atteindre cet objectif qui le trottait depuis qu'il avait entendu parler de la Ligue Pokémon, des combats de dresseur et des légendes du monde entier ?
- Je te nomme Typhon. Ensemble, nous accomplirons tous nos rêves ! Nous deviendrons les meilleurs ! Du monde entier !/// Cinq mois plus tôt \\\
- Typhon, esquive ! Puis utilise Morsure !Typhon ne parvint pas à éviter l'attaque et fut propulsé en arrière, s'écrasant au sol. Il tenta de se relever difficilement, mais la douleur était trop vive, trop importante. Derrière lui, Vladimir lui lançait des consignes, mais le bruit sourd causé par la souffrance l'empêchait d'assimiler le moindre son.
Combien de temps encore allait-il être un fardeau ?
Cela faisait près de trente ans à présent qu'il était à ses côtés. Pourtant, il n'avait toujours pas évolué, n'avait toujours pas été en mesure d'apprendre une autre attaque. Et, aujourd'hui, alors que son compagnon avait besoin de lui pour le protéger de l'attaque de ce Dardargnan, il ne pouvait rien faire de mieux que rester à terre.
Il se haïssait. Il haïssait sa faiblesse. Il haïssait son impuissance. Il haïssait son incompétence. Peut-être valait-il mieux qu'il parte, qu'il libère son dresseur de sa promesse. "Ensemble, nous accomplirons nos rêves " avait déclaré Vladimir à sa naissance. Une promesse qui était devenue un serment. Un serment qui était devenu un fardeau.
Car, en bon Delamuerte, Vladimir ne pouvait rompre une promesse, il ne pouvait donc partir accomplir son rêve tant que lui-même serait trop faible pour l'accompagner. A quoi pourrait-il bien servir dans cet état ?
Sa vue brouillée ne lui permettait pas de percevoir distinctement ce qui se produisait, mais il comprenait aisément que le Dardargnan tentait d'attaquer Vladimir.
Non... Non... Il ne devait pas rester là sans rien faire. Il ne
pouvait pas. Vladimir était resté à ses côtés depuis toujours, même quand il avait eu l'occasion d'attraper d'autres Pokémon ou de l'abandonner pour se lancer enfin dans l'aventure qui le tentait tant. Qui était-il pour le décevoir, une fois de plus ?
Non... Non !
Alors Typhon puisa dans toute l'énergie qui lui restait, cherchant à récupérer les dernières forces que son corps pouvait fournir, puis s'élança en avant. S'il ne parvenait pas à défaire son adversaire, peut-être parviendrait-il à faire gagner suffisamment de temps à son dresseur pour qu'il s'échappe ? Il l'espérait. Il le fallait.
- Faaaaan... ... ... ... Ptil !Typhon fut lui-même surpris de ce qui se produisait. Son corps s'était soudainement alourdi, il lui semblait que sa vue s'était résorbée, et le regard du Dardargnan avait changé. Son corps s'écrasa avec puissance et une vitesse insoupçonnée sur son adversaire, le repoussant violemment à l'arrière.
- Typhon ... C'est... Tu... Tu as évolué. Tu as évolué !Il regarda enfin son nouveau corps, constatant avec incrédulité que son apparence avait changé, mais pas uniquement. En lui, il sentait bouillir une puissance insoupçonnée, une énergie infiniment plus importante que tout ce qu'il avait imaginé. Et le potentiel de progression semblait presque illimité.
- Allons-y, Typhon. Montrons à cet inconscient ce que surpuissance veut dire. Utilise Dracochoc !Les mots de son dresseur activèrent un instinct en lui. Une chaleur étrange parcourut sa gorge et, d'un mouvement réflexe, il projeta un impressionnant rayon en direction du Dardargnan qui préféra fuir plutôt que risquer un affrontement.
Vladimir lui lança des mots, des félicitations, des encouragements, mais Typhon ne parvint qu'à peine à en saisir le sens. Les émotions l'avaient submergé avec tant de violence qu'il se sentait sur le point de s'évanouir. Enfin... Il y était enfin parvenu... Il n'était plus un simple jeune Pokémon. Les défis qui l'attendraient, il aurait la force de les relever à présent.
........
- Tu as pris ta décision, mon fils ?
- Oui, Mère. Je partirai au printemps. Maintenant que Typhon a enfin évolué, il est en mesure de m'accompagner.
- Où comptes-tu aller ?Vladimir hésita. Il avait passé presque toute sa vie ici, à Casa, ne sortant qu'à de rares moments pour aller visiter Galar. Mais que connaissait-il du monde ? Bien sûr, il avait acquis nombre de compétences et connaissances en côtoyant les nombreux Pokémon Spectres qui avaient élu résidence dans le château, ou qui avaient appartenu à ses ancêtres, mais le monde lui semblait si lointain.
Il repensa aux histoires qu'on lui avait contées, aux entrainements subis. Toute sa vie, il avait été formé comme un chevalier Delamuerte, destiné à servir et protéger le château et entretenir les relations avec les Spectres. Mais lui, il rêvait de plus. De bien plus.
- A Kanto, pour commencer. Pour beaucoup, il s'agit de la région idéale pour se lancer à la conquête de...
- Tu vises le titre de... Seigneur de la pêche ?!
- Non.
- Je sais ! Je sais ! Tu veux enfin devenir le plus beau danseur de Galar ? Je savais que le tutu de Katharsis t'allais très bien.
- Non, mère. Non.
- Ne me dis tout de même pas que tu veux devenir maître de la ligue pokémon ?Vladimir marqua une pause, esquissa son sourire carnassier le plus effrayant, puis reprit :
- Non.Il était Vladimir, héritier de Cyrano, spécialiste et passionné des pokémon fantômatiques. Il se souvenait des émotions ressenties en regardant la Ligue Pokémon à la Motistélévision, mais aussi l'envie en comprenant que certains dresseurs étaient devenus les références mondiales dans leur type de prédilection.
- Je vise celui de Maître du Type Spectre./// Présent \\\
Il parvint enfin à la sortie de Casa - soit la bouche grande ouverte du pokémon qui menait vers l'extérieur - et y retrouva plusieurs êtres qui étaient plus morts que vivants.
- Quelle chance tu as ! je me revois déjà, il y a des années, quand c'est moi qui me lançais à l'aventure... Ah ce que j'aimerais être vivant à nouveau pour revivre ça...
- Je te souhaite de mourir dans d'atroces souffrances ! C'est une expérience qui vaut vraiment la peine d'être vécue, crois-moi. Zihihihi !Vladimir serra des mains fantomatiques et offrit un de ses plus effrayants sourires à ses aïeux qui avaient décidé de venir lui faire leurs adieux, avant de répondre :
- Je tâcherai de faire au mieux et de vous rendre fiers.
- Je n'en doute pas, fils.Cecilia Delamuerte marqua une pausa, visiblement hésitante, avant de reprendre la parole :
- Accepte tout de même ce dernier présent de ma part. Eurynomos, mon plus fidèle allié... Puisses-tu veiller sur mon fils pour ses périples à venir. Il est temps pour toi de redevenir la lame fière et puissante qui protège les Delamuerte.Les mots de sa mère n'eurent pas le temps de retomber qu'ils furent répondus par le mouvement d'un pokémon. Eurynomos était l'Exagide de Cecilia Delamuerte, et celui de son père avant elle. Ancien et expérimenté, le manque d'entrainement l'avait rendu plus lent qu'à son apogée, mais il brûlait d'envie de servir de nouveau. Vladimir regarda le Pokémon puis posa sa main sur la garde de l'épée, surpris de cette attention.
- Tu as été une arme fidèle pour les Delamuerte, mon cher Eurynomos. C'est avec toi que j'ai appris à manier l'épée et le bouclier, et c'est avec joie que j'accepte ta venue à mes côtés. Puisse ta lame briller encore dans plus de mille combats.
- Gide ! Xagide ! Xagide !Le Pokémon fit tinter son bouclier contre la lame en signe de révérence puis parada fièrement en lévitant, tel un garde protégeant son seigneur. Autour de lui, une aura noire et oppressante ne cessait de brûler, symbole de son désir ardent d'accompagner son nouveau dresseur. La joie de Vladimir n'en fut que décuplée - ce qui, chez lui, se manifestait par un air encore plus lugubre qu'à l'accoutumée - car Eurynomos était un allié puissant qui, à n'en pas douter, allait l'aider à réaliser son rêve. Après tout, quoi de mieux qu'un Exagide ancestral pour accompagner celui qui se destinait à devenir la référence mondiale en matière de type spectre ?
- Ensemble, nous ferons brûler ces flammes noires jusqu'aux cieux.
- Gide ! Exagide !/// Près d'un an plus tard \\\
- Quelle est cette immondice que ce taudis de gueux ose me servir là ?Le temps avait passé depuis que Vladimir avait quitté Casa. Voyageant de région en région, il avait d'abord parcouru Galar avant de prendre un ferry pour Kanto. A présent, il se trouvait dans un petit restaurant, non loin de Jadielle, mais n'était visiblement pas satisfait de son repas.
- Vous osez vous proclamer cuisinier ? Où donc est le foie de Mélofée ? Le boudin de Pikachu ? Le sang frais de Ptiravi ?Le cuisinier, rouge de colère, semblait hésiter entre l'envie de le frapper et l'irrépressible envie de fuir devant Vladimir et son air effrayant.
- Par chance, j'ai ce qu'il faut pour accommoder ce simulacre de "repas".Ses doigts saisirent une tasse aux motifs travaillés et l'apposèrent au creux de ses lèvres, jusqu'à ce que...
- FFFFFFROI ! FFFFFFROI !Une forme s'éleva soudainement de la tasse et se mit à gigoter, tel un tourbillon de gelée, sous le regard horrifié du cuisinier et des quelques clients qui étaient dans le restaurant. La réputation du pokémon Theffroi n'était de toute évidence pas inconnue des personnes présentes : le liquide qu'il sécrétait et qu'il était possible d'ingérer avait un goût insupportable pour les humains, en plus de leur aspirer leur énergie vitale. Vladimir, pourtant, ne semblait en aucun cas affecté. Pire, il donnait clairement l'impression d'apprécier boire ce que lui offrait son Pokémon.
- Je te remercie, Léthé. C'était exquis, comme toujours.Léthé, le Theffroi, gloussa de plaisir et retourna dans sa tasse. En Delamuerte digne de ce nom, Vladimir avait commencé à boire du thé de Polthegeist et de Theffroi depuis sa jeunesse. Aussi, l'effet secondaire de perte de l'énergie vitale s'apparentait pour lui à la joyeuse ivresse procurée par un peu d'alcool. Rien de plus.
Quant à sa relation avec Léthé, elle remontait à sa plus tendre enfance. Alors qu'il aidait sa mère - encore vivante à l'époque - à ranger la vaisselle en porcelaine, une des tasses s'était soudainement mise à léviter et à vouloir l'étrangler. Trouvant cette attitude "tellement choupinou", Cecilia avait décidé d'en faire le récipient attitré de son fils. Après tout, un Delamuerte n'avait d'autre choix que de dompter les fantômes le plus tôt possible, des tasses meurtrières comprises.
La cohabitation avait d'abord été des plus difficiles, mais, au fil du temps, Léthé avait fini par se laisser apprivoiser. Aujourd'hui, il représentait l'élément indispensable au voyage de son maître, celui-ci buvant presque quotidiennement de son thé.
- Vous voyez, tavernier ? Voilà ce qu'est un bon breuvage.Alors, sur ces mots, Vladimir se leva et sortit du restaurant, reprenant son aventure vers le titre de Maître du Type Spectre.