[Event Octave] Aux confins de l'espace

« Dis donc, il avait pas l’air bien serein le gars avant d’entrer, t’es sûre que… ? 
– Mais oui, ils sont tous un peu timides au début ! Bon alors attends faut que je règle ça… C’est bon du côté des pokémons ?
– Oui c’est fait ! C’est trop chou un Nostenfer, on dirait une grosse patate violette !
– On a pas pu s’occuper des pokémons spectre, j’espère que celui-là va pas finir par glitcher à travers le mur…
– Allez c’est parti !
– Attends t’as vérifié le niveau de difficulté ? On avait mis en cauchemar et…
– Ah je sais plus… Boarf ! »

Un haussement d’épaule, et le bouton est enclenché. La capsule s’active, et la programmeuse sirote son soda cool saveur baie framby en se balançant sur l’arrière de sa chaise.


L’espace, à perte de vue. Un vaisseau qui tremble, légèrement secoué par la pesanteur d’une planète environnante. Les météorites passent tout près du hublot, tandis que le grésillement de la radio vient chatouiller l’oreille droite du pilote. Sur le tableau de bord, des chiffres, des jauges, des indicateurs aux significations abstraites. Heureusement, l’engin est en pilotage automatique, il n’y a donc rien à faire, si ce n’est profiter de la vue qui défile lentement et s’adapter progressivement à la peau de voyageur intergalactique.

La manette de droite actionne une succession de lumières éblouissantes à l’intérieur du cockpit. Le bouton au-dessus de la tête enclenche la radio, mais elle s’éteint toute seule au bout de quelques secondes.

Puis un bip retentit. La couleur d’un écran change et vire au rouge. Le mot carburant clignote, entouré de points d’exclamations dont le sens est sans équivoque. Heureusement, le radar détecte la présence d’un autre vaisseau, non loin de là. La voie mécanique du pilotage automatique invite à modifier l’itinéraire, mais pour cela, le pilote doit mettre les mains sur les manettes de l’engin. Un tour à gauche, et le vaisseau apparaît comme par magie au bout de quelques secondes.

« Initier séquence d’arrimage. »

Les boutons à actionner s’allument l’un après l’autre. Gauche, droite, haut, deux fois, bas, et la grosse manette, tandis que par le hublot le vaisseau se révèle de plus en plus et présente sa taille incroyable, beaucoup plus grandes que le petit engin dont le pilote est aux commandes. L’entrée se fait par la partie intérieure du mastodonte d’acier dont la forme rappelle un navire de croisière, couplé à d’immenses réacteurs et d’autres curiosités architecturales sans doute nécessaires au maintien d’une gravité artificielle.

Le petit vaisseau pénètre dans le port d’arrimage, entièrement désert. Les lumières manquent, ce sont les phares de la navette qui permettent de deviner à quel point la base est longtemps restée vide. L’ordinateur n’a malheureusement pas pu déterminer l’origine de l’engin, mais curieusement, une gravité artificielle est bien présente, ainsi qu’un air respirable.

La porte du hangar se referme. Les trains d’atterrissage sont déployés, et les moteurs finissent par se couper.

« Analyse du vaisseau inconnu impossible. Aucun appareil similaire ne correspond dans la base de donnée. Une prudence maximum est recommandée. »

Alors même que la phrase se termine, un tiroir s’ouvre sur le tableau de bord. À l’intérieur, ce qui ressemble à un pistolet laser. La crosse est décorée d’un trait jaune lumineux, qui correspond au niveau de batterie de l’arme. Une fois l’objet pris en main, le tiroir se referme et un second s’ouvre. Cette fois, un petit rectangle doté d’une poignée. Un radar, a priori en mesure de déterminer si d’autres signes de vie sont à proximité. Avec lui, un petit canif qui probablement se révélera utile.

La porte du pont arrière s’ouvre enfin, mais avant que le pilote ne puisse partir, un « Coin coin » le rappelle à l’autre. Sur le tableau de bord, un Canarticho en plastique fixe le propriétaire du vaisseau. Le malheureux ne veut pas rester seul et veut lui aussi partir en exploration.

Les premiers pas sont maladroits, mais très vite le corps semble s’adapter. Le silence accueille le pilote d’infortune, avant qu’un bruit un peu trop fort le fasse sursauter. Mais l’inquiétude est rapidement remplacée par le soulagement, car ce sont deux silhouettes reconnaissables qui se présentent, l’une aux oreilles pointues s’est suspendue à l’arrière du vaisseau, tandis que la seconde flottille allègrement, excitée à l’idée de l’aventure qui l’attend.

L’endroit est grand et relativement sombre, mais les quelques signaux lumineux permettent facilement de voir où mettre les pieds. Juste en face du pilote, une porte métallique est apparemment fermée, mais la trace de main faisant office d’interrupteur est allumée, signe d’un bon état de marche. À gauche de la porte, un large caisson est entrouvert, mais impossible de savoir ce qu’il contient à cette distance. À droite, un autre vaisseau est entreposé, à moitié désossé.

Un long grincement métallique résonne de manière sinistre. Puis le silence. Le radar n’indique pour le moment rien de particulier, et l’interface de jeu indique : « Quais d’arrimage », avant de s’estomper en même temps que la jauge de vie et de batterie de l’arme laser…

Octave a retrouvé ses douze ans. Son cœur palpite, chahuté par une frousse monstre et une excitation sans borne. Ce n’est qu’un jeu, mais tout lui semble si réaliste qu’il a tendance à l’oublier. Les manettes s’estompent entre ses mains crispées, le casque lui renvoie le bruit de ses propres pas sur cette vaste surface métallique, auquel s’ajoute le souffle accéléré de sa respiration. La présence de Maestro et Diva le rassure.
Les yeux mi-clos, le nostenfer veille sur la petite spectre qui semble ne pas avoir totalement saisi où elle se trouvait. Elle reste sous le pokémon poison, poussant de temps en temps des notes qui se répercutent en écho contre les cloisons.
Octave… Non. Morphéus, c’est à présent le pseudo qui marque le poitrail de sa combinaison, les a rejoint. Il jette un coup d’œil dans son dos. L’oreille interne n’est pas encore totalement habituée à ce déplacement artificiel et le mouvement de tête le déboussole une seconde. Son regard se stabilise sur la coque de son vaisseau, un bel appareil qu’il regrette d’avoir quitté si tôt.
La présence sur sa droite d’un aéronef en triste état le met sur ses gardes. Il n’a aucune envie que son seul moyen de transport suive cet exemple et vérifie rapidement dans le menu de commande s’il ne peut pas activer un bouclier, ou une alarme qui l’avertisse si quoi que soit touche à son vaisseau.
Dès qu’il en a terminé, son attention se reporte sur le tas de boulons. Il hésite à s’en approcher, mais opte finalement pour l’autre direction. Le choix de laisser la porte principale pour la dernière inspection s’est imposée dès son arrivée, alors il prend la direction du caisson, attentif aux réactions de son radar. Il n’est plus très loin lorsqu’il fait signe à Diva de le rejoindre, puis s’adressant à Maestro tout en pointant la porte principale du doigt :

« Tu restes dans le coin et si tu aperçois quoi que ce soit de bizarre, tu nous avertis. »

En deux coups d’ailes, le nostenfer s’installe à son post d’observation, se fondant dans l’obscurité de la structure. Morphéus et Diva ont rejoint le long caisson entrouvert. Le feu follet de la petite spectre éclaire les pans de l’objet. Son acolyte en fait le tour, cherche une note, ou panneau de contrôle, puis glissant ses doigts dans l’interstice, il se décide à l’ouvrir.

Le cœur du valeureux voyageur de l’espace s’allège lorsqu’il constate que le caisson est vide. Mieux encore, il vient de gagner une demi batterie. C’est Winona qui va être ravie. Oui, son pistolet laser à un petit nom. D’où ça vient ? L’instinct de l’explorateur intergalactique, sans doute.
Il inspire en refermant le menu explicatif. Cargaison gnotique, vaisseau pas gnotique. Aucune information détaillée sur ce qu’il renfermait. Tant pis.

Un petit rire tinte à ses côtés et Octave sourit.

Les lumières de la jolie boîte amusent Diva qui danse au fond de celle-ci. Son attitude nonchalante apaise son partenaire qui relève lentement la tête lorsque résonne à nouveau un grincement sinistre.
Un coup d’œil à son radar silencieux et il se remet en route. La polichombr l’accompagne immédiatement et tous deux prennent la direction de l’épave, où Maestro les rejoint.
Octave lui a fait signe. Les pièces de l’appareil sont éparpillées et ils ne seront pas trop de trois pour l’inspecter. Le jeune homme n’a aucun espoir d’y trouver une goutte d’essence, mais il souhaite comprendre ce qui est arrivé à l’appareil et notamment savoir ce qui l’a démantelé. Outils ou…
Il frissonne, ne laissant pas sa pensée s’achever.

Là, un morceau du flanc.

Un cherche un sigle, un numéro, n’importe quoi qui lui indique d’où vient le vaisseau, puis sursaute en entendant un vif et puissant battement d’ailes. Le cœur lui remonte dans la gorge, il se redresse et tourne aussitôt la tête, sentant à peine le poids du masque de réalité virtuelle qui pèse sur son nez.
Diva pousse un petit cri vexé. Ses pokémons sont de l’autre côté de la carcasse et Octave ne les distingue pas. Il presse le pas pour les rejoindre, heurte un morceau de débris, le bruit explose dans le quai alors que, réflexe idiot, il sautille sur un pied sans que rien ne l’ait heurté.
Trois foulées de plus et il retrouve son nostenfer barrant la route à la petite spectre qui grommelle. En tournant la tête, Octave remarque la présence du cockpit de l’appareil. Impossible de voir par la vitre qui lui renvoie son reflet. Diva adore traverser les miroirs, heureusement Maestro l’a empêché de franchir celui-ci.

Devant ses yeux, un cercle se met à clignoter au-dessus d’un levier. « Ouvrir. »
Le jeune homme inspire, vérifie son radar, se penche et tire.

Le cockpit s’ouvre en lâchant un soupir mécanique chargé de poussière. La vitre achève rapidement son ascension, mais à peine eut-elle atteint son point le plus haut qu’un élément de la machine s’enraye. Clang. Le bruit peut prendre par surprise n’importe qui d’un tant soit peu tendu, mais avant même d’avoir le temps de réaliser ce qu’il se passe, une grosse étincelle jaillit du tableau de bord de la vieille carlingue.

L’explorateur est ébloui. Son champ de vision se teint de rouge le temps d’une brève seconde, l’obligeant à faire un pas en arrière. Un regard vers l’interface suffit à lui faire comprendre que sa curiosité lui a coûté quelques plumes, mais rien de bien grave. Seulement de quoi lui rappeler qu’il fallait aussi penser à lui, car qui sait ce qui peut encore le blesser de la sorte dans cet immense appareil.

D’autres petits crépitements succèdent à la plus grande, puis les quelques lumières qui décorent les commandes s’assoupissent. Comme une dernière touche qu’apporterait un artiste à ce tableau peu encourageant, la poignée tirée par l’explorateur se détache de son côté de la carlingue et tinte à chaque rebond effectué sur le sol. Une petite lumière indique qu’elle peut être ramassée et ajoutée à l’inventaire.

Retour à l’engin. Malgré son état, il devait rester encore une dose d’énergie qui n’avait pas été entièrement consommée, mais une simple tension a suffi à tout faire sauter. De toute manière, à en juger par sa décomposition avancée, le vaisseau n’est déjà plus qu’une carcasse incapable de bouger. Mais le cockpit est ouvert, à présent. Et sans doute ne pourra-t-il plus jamais se refermer.

Un encart apparaît brièvement à la vue de l’explorateur : Pour utiliser le scanner, pointez le radar en direction de l’élément à identifier et appuyez sur le bouton bleu.

Le tutoriel s’exécute automatiquement, et une grille holographique recouvre temporairement l’engin pour indiquer son analyse en cours.



L’information est aussitôt consignée dans le journal de bord. Un regard à l’intérieur du cockpit ne peut que confirmer les dires du scanner. Si l’engin a bien été utilisé, son propriétaire n’en fait plus partie, peu importe l’état dans lequel il doit se trouver désormais. Peut-être que lui aussi était à cours de carburant et a dû trouver refuge ici ? Il n’a en tout cas rien laissé derrière lui dans son vaisseau. Une batterie suffisamment grande permettrait de restituer un peu d’énergie à l’appareil et d’accéder à son journal de bord, mais pour le moment, il n’y a rien de plus à en tirer.

Un bip se fait entendre du côté de la porte, comme pour rappeler sa présence. L’empreinte de main clignote furtivement puis retrouve sa lueur habituelle. Sans doute un appel à l’explorateur pour l’inviter à poursuivre son exploration.

Les quais sont toujours déserts. Le radar n’indique aucun signe de vie.

« Aïe ! »

Vide de douleur, l’exclamation traduit seulement la surprise d’Octave, mais cela suffit à inquiéter Diva et Maestro. Tous deux s'approchent du cockpit encore fumant. Le jeune homme les rassure, mais son nostenfer ne parait pas convaincu.
Il n’a pas tord. Le cœur du valeureux aventurier galactique s’est vivement emballé et le joueur est contraint de lâcher brièvement ses manettes pour essuyer ses mains moites sur son pantalon.
Une bonne inspiration et le voilà reparti pour l’exploration.

Le vaisseau s’avère sans grand intérêt, mais il lui a au moins révélé la fonction « scanner » de son radar. Pratique. Octave mémorise les informations données, la batterie manquante et ramasse la poignée — on ne sait jamais, — avant un dernier tour de la carcasse. Posé sur les hauteurs de l’aileron supérieur, Maestro veille pendant que Diva s’amuse sur le fauteuil molletonné, voletant après les boutons qui clignotent en tout sens. Lorsque la porte principal se rappelle à eux, Morphéus est sûr de ne rien avoir raté. Il siffle et sa fine équipe le rejoint près du sas d’entré.
Ce n’est qu’un jeu, mais l’espace d’un instant, Octave sent l’angoisse monter. La technologie le fascine, mais il n’est pas un « gamer » à proprement parlé, car l’occasion de s’y essayer lui a manqué. Alors cette partie a un goût de revanche sur son enfance et vient le saisir aux tripes. L’envie de tout donner se mêle à la peur du game over prématuré et sa main reste figé au-dessus de l’emprunte lumineuse qui n’attend que lui.

Mais il faut plus qu’une porte pour arrêter Diva, qui s’élance contre celle-ci comme elle l’aurait fait avec n’importe quelle autre. Octave n’a pas le temps de l’arrêter, mais en la voyant disparaitre, tout son être passe en pilote automatique.
Main contre l’interrupteur. Une diode verte, le son des vérins qui s’activent et du métal qui crisse. C’est ouvert. Il se précipite, appelant sa polichombr qui s’immobilise quelques mètres plus loin. Elle lui répond par une joyeuse exclamation et tourne sur elle même sous les lumières qui s’étendent de part et d’autre du passage.
Toujours à l’affut des réactions de son radar, le jeune homme s’avance, précédé par Maestro. Trouver le centre de contrôle lui semble un bon point de départ, alors il cherche une carte ou un passage vers les étages.
Maestro demeure dans l’ombre du plafond, oreilles dressées.
Diva pousse la chansonnette entre ces deux stressés.

La porte révèle un long couloir aux murs, plafond et plancher métalliques. Le moindre pas y résonne comme l’intérieur d’une casserole vide. Au niveau des pieds, des néons parfaitement alignés dessinent la silhouette du corridor qui, quelques mètres plus loin, semble bifurquer sur la gauche. Un pas suffit à faire s’allumer les nombreuses petites lumières plantées sur toute la longueur du plafond. Mais pas le temps de profiter de l’éclairage, car à peine franchie, la porte se referme dans le dos du pilote et scelle sa seule échappatoire. Le panneau d’ouverture posé juste à côté est en effet marqué d’une couleur bleu ciel, impossible de le faire fonctionner sans le pass correspondant.

Il ne reste donc plus qu’à avancer.

Le couloir se déroule lentement sous les pas prudents de l’explorateur. À peine arrivé au premier virage, il aperçoit qu’un autre l’attend un peu plus loin, tournant cette fois vers la droite. Une porte fermée à proximité le dévisage, encadrée d’un néon d’une couleur identique à celle de l’entrée du couloir. Impossible de l’ouvrir. Un peu plus loin, juste avant l’angle, une autre porte, cette fois auréolée de vert, suggère cette fois une ouverture possible.

Mais est-il bien prudent de déjà s’y aventurer ? D’autant que de l’autre côté, le couloir s’allonge et se termine en un embranchement en forme de T. La carte se complique, mais heureusement le pilote a accès à un plan qui se dessine sur son radar au fur et à mesure de sa progression. Le tutoriel s’active à nouveau pour l’accompagner, signale sa présence d’un point jaune et celle de ses coéquipiers de deux points bleus. Les portes verrouillées et déverrouillées sont quant à elles indiquées avec précision. Malheureusement, impossible de savoir déjà sur quoi aboutissent les deux couloirs opposés à moins d’avancer.

Mais avant même que le pilote n’ait le temps de faire un choix, un bruit le prend par surprise.

Son radar clignote, et c’est cette fois un point rouge qui apparaît sur le cadran. Celui-ci est situé au fond de l’embranchement, en provenance du couloir droit. L’interface disparaît aussitôt, et c’est une vision troublante qui se dévoile. Les lumières situées au niveau de l’embranchement clignotent de plus en plus, puis celles situées à droite s’éteignent subitement, laissant deviner l’avancée lente et progressive de la chose indiquée sur le radar.

Et avant même que le pilote ne trouve le temps de se mettre à couvert, la créature traverse l’embranchement. Sa silhouette longue et fine n’a en soi rien d’impressionnant et lui donne l’air d’une grande tige de roseau d’un peu plus d’un mètre de long. Mais son corps longiligne s’immobilise dans les ténèbres, exactement là où le couloir se divise en deux. Le voilà qu’il pivote doucement, dévoilant une paire de petits yeux phosphorescents couleur écarlate. Ils balaient lentement le couloir, comme le ferait le faisceau d’une lampe torche, sans pour autant parvenir à croiser la silhouette du pilote, situé trop loin. Après quelques secondes, la chose reprend finalement son trajet. Les innombrables petits pieds situés à sa base s’active, et elle disparaît dans le couloir de gauche.

Derrière elle, les lumières reprennent leur éclat initial.
Un nouveau bip du radar, qui n’indique plus aucun point rouge sur la carte.

Spoiler:

Le frisson est foudroyant. Top départ est donné au bas du dos, il se propage en une onde glacée jusqu’à la pointe de ses doigts qui se crispent instantanément sur les manettes. Octave oublie comment respirer. À travers le casque de réalité augmenté, son regard demeure braqué sur la gauche de l’intersection qui lui fait face.

« C-C’était quoi… ? »

Maestro est dans le même état. Immobile et silencieuse au moment de l’apparition, Diva est la première à bouger. Elle se rapproche de l’épaule d’Octave, sa voix en tintement de clochettes enchaine ce qui ressemble à une série de questions. La curiosité la rend bavarde, mais la crainte de l’inconnu la retient encore de s’élancer.
Son agitation réveille brusquement Octave dont les vieux réflexes lui remontent au visage en une gifle. Surprenant ses deux partenaires, il s’élance sans un mot, atteint l’intersection suivante et tourne aussitôt à droite, visant la porte auréolée de vert, certain que si cette chose en surveille l’accès, c’est qu’elle doit avoir un minimum d’intérêt. Les sons que lui renvoient ce monde virtuel sont tous fabriqués, pourtant la foulée qu’il adopte se veut aussi précise que discrète. Son souffle est maîtrisé, étouffé et ce, malgré la violence des battements de son cœur. Il atteint son but sans difficulté, définitivement déconnecté de la réalité par l’adrénaline qui lui fouette les tempes.
Pas un coup d’œil pour son radar qu’il sait silencieux. Octave veut faire vite. Il affiche son inventaire, en sort son pistolet laser et le canarticho en plastique.

« Maes’ tu restes là. Accroche toi à ce tuyau, là-haut et si cette chose revient avant qu’on soit sorti, détourne son attention en jetant ça de là où l’on vient. Compris ? »

Le nostenfer acquiesce, puis secoue vivement la tête. Le plan ne lui plait pas, Octave sait parfaitement pourquoi, mais il insiste.

« On fait vite, promis. »

Ton sans équivoque qui rappelle à Maestro une période qu’il pensait loin derrière eux. Il sait qu’il est inutile de protester et s’envole pour se mettre en position.
Cette fois Octave consulte rapidement son radar. Aucune indication sur ce qui se trouve derrière la porte qui lui fait face et le temps lui manque pour envoyer Diva en éclaireuse. Tant pis.
Il inspire. Ses épaules se dénouent l’étreinte sur son arme à feu devient plus souple, plus naturelle.

« Bip. »

Le battant pivote.
Diva se blottit près de lui.
Ils entrent.

À peine le seuil franchi, la porte automatique se referme d’elle-même, plongeant temporairement le pilote et sa coéquipière dans le noir. Heureusement, un tintement en provenance du plafond apporte rapidement une source de lumière. Ting ting. La diode centrale clignote à un rythme irrégulier.

À droite, un panneau de contrôle partiellement incrusté de rouille se dessine dans l’ombre. Une chaise est renversée, une autre tournée dans le mauvais sens, comme si les occupants de la pièce avaient dû la quitter sans perdre un instant. Au milieu, une table ronde au bord de laquelle pend partiellement un manteau posé avec nonchalance. Collés aux murs de gauche et du fond, des meubles à tiroir s’entassent, l’un d’eux penché en avant est traversé de part en part par une longue barre métallique vraisemblablement tombée du plafond. La poussière, comme laissée en suspension par le faisceau de lumière central, complète ce chaos figé dans le temps.

Le radar ne capte rien, mais à mesure que le regard du pilote balaie la pièce, des points lumineux percent l’obscurité. Le premier est sur le tableau de bord, le second désigne la veste laissée à l’abandon. Un autre se détache et signale un point d’intérêt au ras du sol, au niveau du mur contre lequel un meuble à tiroir est appuyé. Étrangement, le scanner s’active de lui-même, comme pour rappeler son usage à son propriétaire.

La grille lumineuse tapisse le mur et les meubles, et fait ressortir de la pénombre une forme rectangulaire creusée près du plancher. Juste à côté, une plaque d’acier percée git, inerte.


L’ouverture est bien trop étroite pour espérer s’y glisser avec un corps humain. Même pour un pokémon, l’entreprise serait difficile, bien que la coéquipière spectrale pourrait s’en servir à l’occasion. Le scanner, en cours d’analyse, ajoute une dernière phrase à son observation.

Spoiler:

Aucun danger. Un vif éclat bleuté émane de la main gauche d’Octave et son pistolet disparait.

La pièce n’est pas très grande et l’éclairage suffisant pour en faire le tour d’un simple coup d’œil. Une veste oubliée par ici, un tableau de commande par là. Son regard s’arrête sur le dernier détail que son casque a passé en sur-brillance. Une bouche d’aération ; son scanner confirme.
Premier réflexe, s’en approcher. Il est bien trop grand pour passer mais Diva… Une phrase fugace passe sur l’écran de son casque. Un mot en gras et en rouge attire tout de suite son attention et Octave se fige. Un juron lui échappe, précédant un bond inquiet qui le pousse à s’écarter.
Muscles tendus, mâchoire crispée, son sang-froid demeure et il s’abstient de dégainer. Il écoute. Diva s’est rapproché du tableau de commande et les seuls bruits qu’il perçoit sont le tintement incessant de l’interface en plus du léger froufrou produit par le vol de la polichombr. C’est insuffisant pour le rassurer. Octave pense à Maestro. Il le croyait en sécurité tapis dans la pénombre du plafond, mais cette simple bouche d’aération vient de tout remettre en question.

Faire vite.

D’abord boucher le passage. Le meuble à tiroirs qui jouxte le conduit suffira pour le moment. Après avoir vérifié si son contenu était digne d’intérêt, Octave parvient à se glisser sur le côté et le pousse en espérant qu’il va bouger. Il s’écarte ensuite, rejoint la veste oubliée dont il fouille minutieusement chaque poche, souhaitant peut-être dégoter le pass de la porte d’à côté. Il cherche aussi l’identité de son ancien propriétaire ; on ne sait jamais.
Quand il est sûr que le vêtement est vide, il le repose là où il l’a trouvé, puis rejoint Diva près du panneau de commande. La rouille a grignoté une bonne partie de la borne, mais la petite spectre semble avoir trouvé un moyen de la ranimer et désigne à son ami quelques boutons encrassés qu’elle n’a pas réussi à actionner.
Le canif se matérialise entre les doigts de l’ingénieur. Ça, il connait. Il nettoie au mieux l’interface et enfin, un cliquetis survient lorsqu’il enclenche les interrupteurs. Grésillement sous la crasse.

Octave tire toutes les informations possibles du panneau, puis quitte la pièce.
Maestro les rejoint.

Coup d’œil au radar.

Le radar ne signale aucun danger. Il semblerait que l’étrange alien non-identifié ne soit plus dans les parages.

La nouvelle destination du pilote est indiquée sur son plan. Après avoir jeté un œil au tableau de bord présent dans la pièce, il a reçu l’information qu’un ascenseur se trouvait au bout du couloir, dans la direction où la créature inconnue est partie quelques minutes plus tôt. Celui-ci devrait lui permettre d’atteindre d’autres niveaux du vaisseaux et mettre plus facilement la main sur le carburant dont il a tant besoin. Six étages étaient indiqués sur l’écran :



L’intitulé du niveau le plus inférieur n’était pas correctement affiché, et l’écran s’est figé sans permettre au pilote d’en apprendre plus. Mais fort de ces informations, le pilote égaré a maintenant de quoi planifier son parcours.

Mais avant ça, peut-être souhaiterait-t-il jeter un œil dans sa base de donnée, depuis que celle-ci a été mise à jour avec l’ajout du mémo qu’il a pu trouver dans l’une des poches de la veste laissée sur la table. Le morceau de papier était à moitié déchiré et entièrement écrit en langue gnotique, mais le scanner avait tôt fait de le traduire.

Il s’agissait d’un message visiblement à l’attention des membres de l’équipage, informant de la procédure à suivre en cas d’attaque de pirates Trax. La moitié des informations était partie avec l’autre moitié déchirée, mais les quelques données disponibles recommandaient le comportement à adopter pour garder la vie sauve :


À la suite de la lecture, le scanner a automatiquement ouvert un dossier d’information au sujet des Trax.


Si ce membre d’équipage avait un document pareil en sa possession, cela signifie que le vaisseau dont il faisait partie devait traverser un système solaire occupé par des Trax. L’endroit doit sembler de moins en moins rassurant pour le pilote, qui déjà sans hésiter décide de reprendre sa route. L’ascenseur se trouve au bout du couloir qui devrait, d’après l’écran de la console, dessiner un S perpendiculaire.

Spoiler:

Le mémo s’efface de l’écran du casque d’Octave, qui lève les yeux au ciel.

« Insensible aux armes à impulsions, tu parles d’une galère. »

Radar toujours silencieux, il vérifie tout de même discrètement l’allée avant de prendre le premier virage. Ses pensées tournent à mille à l’heure. Il lui reste un canard en plastique et une poignée pour faire office de projectile, ainsi que les capacités de Maestro et Diva, mais les envoyer au front sans savoir exactement de quoi ces bestioles sont capables ne lui plait pas.
Passage dégagé, il poursuit sa progression en direction de l’ascenseur indiqué sur sa carte, mais ignore encore quel étage il choisira.
L’entrepôt est à l’étage du dessous avec la salle des machines. Octave s’est souvenu que le vaisseau qu’il explore diffère des habituels cargos de commerce gnotiques. Il ignore ce que sa cale renferme, mais il sait que c’est là qu’il a le plus de chance de trouver du carburant et des armes.
Oui, mais. Les Trax sont des pirates. Ils se sont forcément emparés du vaisseau pour une bonne raison et les chances que celle-ci se trouve dans la cargaison du navire apparaissent trop élevées à Octave pour l’inspecter sans un moyen de se défendre.
Il renonce également à gagner le poste de commandement, par crainte que les cloportes de l’espace s’y trouvent en quantité. Reste les laboratoires, les quartiers où il a une chance de retrouver la suite des instructions anti-Trax et ce mystérieux dernier étage, le B3.
Qu’est-ce qu’un troisième sous-pont d’un vaisseau gnotique peut bien renfermer ? Ce ne sont pas les idées qui lui manquent, mais aucune ne parvient à le rassurer. Il peste en silence.

Enfin, les portes de l’ascenseur se distinguent. L’interrupteur vert confirme qu’il est fonctionnel. Octave l’enclenche, les portes s’ouvrent sur un petit espace tubulaire nimbé d’un éclairage bleu et vert. Il entre. Maestro le suit et se pose sur l’une des rambardes d’acier qui fait le pourtour de la pièce, Diva est déjà à l’intérieur, elle n’a plus lâché son partenaire depuis qu’ils ont aperçu l’alien.
Fermeture des portes. Un « bip » à sa droite lui fait tourner la tête. Un écran brisé renvoie un affichage illisible de mots que son scanner ne traduit qu’à moitié. Octave n’a pas besoin de lire pour savoir qu’un étage lui est demandé.

Son doigt survole la ligne de boutons et s’arrête.
Il veut des réponses.

« B3 sélectionné. »

Au terme d’une course de quelques secondes, l’ascenseur s’immobilise. Un instant de silence, puis le bruit des pistons s’enclenche et les portes s’ouvrent sur une pénombre profonde.

L’écho distant de gouttes s’échappant dans une flaque résonne au loin. La lumière s’échappant de la cage d’ascenseur révèle les premiers mètres d’un bref couloir donnant sur une porte automatique demeurée entrouverte. L’étincelle qui jaillit à ses pieds suggère qu’elle ne pourra pas se refermer ou s’ouvrir complètement sans une contribution humaine. Mais fort heureusement, l’ouverture est assez large pour permettre de s’y faufiler sans mal.

De l’autre côté, le brave pilote devra se servir de la lumière offerte par son pistolet laser pour discerner quelque chose. Toutes les lampes et autres néons sont hors course, comme s’ils avaient tous violemment fini par éclater sous une forte pression. Quelques étincelles crépitent encore ici et là, derniers signes de vie d’un passé disparu.

Les pas prudents du pilote lui permettent de découvrir les premiers abords de ce qui avait tout l’air d’être une longue et large galerie remplie de caissons en acier tantôt vides, tantôt percés, lorsqu’ils n’étaient pas comme la majorité solidement verrouillés. Des étagères vides leur tiennent compagnie, mais rien d’utile ne git sur les longues plaques poussiéreuses. Sur un mur à proximité, la lettre B3 est partiellement effacée, suivie d’une inscription que le scanner, incapable de déchiffrer entièrement, restitue par « L••O••••I•• » en précisant inutilement « traduction incomplète ».

Le pied du pilote fait s’éclater une flaque. Au-dessus de sa tête, un conduit percé suinte un liquide qui n’a d’eau que son apparence. Probablement un résidus du système de ventilation.

Un peu plus loin, le faisceau de la lampe croise un relief inattendu. La lumière devient hachurée, comme traversée de part en part de crocs verticaux. Le scanner réagit et recouvre l’étrange surface.


Rapidement, le pilote comprend qu’il faudra ajouter un -s à cette observation, car plus la lumière de sa lampe s’étend, plus le nombre de cages augmente. Certaines sont même entassées les unes sur les autres, de taille parfois suffisamment grande pour accueillir plusieurs individus de taille humaine. Face à la rangée de cages, un mur en verre reflète l’éclat émis par le pistolet laser. Plusieurs mètres plus loin, une porte se dessine. Elle a été laissée entrouverte.

Le scanner ne détec̙̈́͑te��Le scanner s’active. Un point rouge, puis un autre, et encore un autre. Une succession ininterrompue fait tressaillir l’écran, alors même que plus haut, au-dessus du plafond, des bruits évoquant des griffes tapant sur une plaque d’acier se mettent à grouiller dans un vacarme assourdissant. Le scanner modifie son mode de vue et signale une série de points s’activant dans le niveau supérieur. L’un d’eux finit par se détacher du groupe et semble chercher à atteindre le niveau inférieur.

Il approche.

Spoiler:

Deux temps.

Le premier, lent, pesant, est celui de la découverte. Les ténèbres laissent deviner une salle en triste état dont l’électronique est HS. Les néons agonisent dans de rares pluies d’étincelles, mêlant leur crépitement à celui du goutte à goutte des canalisation percées. Octave a dégainé son pistolet, la lueur dorée de sa barre d’énergie se reflète sur son gant.
Sous son casque, ses yeux noirs accrochent le nom de l’étage à moitié effacé. La traduction laborieuse réveille son besoin de tout ordonner et mentalement, il comble les vides. Doué aux mots croisés, le premier mot qui lui vient en tête lui fait pourtant arquer les sourcils. « Liposuccion »… Ehw faites que non. Puis il repense au « laboratoire » laissé quatre étages plus haut et quelque chose commence à le chatouiller. Deux même pièces ? Ce serait insensé, sauf si…

À cet instant tout s’accélère. Le scanner freeze, puis s’affole. L’écran parasité se couvre de points rouges et au-dessus de sa tête se mettent à grouiller un trop grand nombre de pattes. Son cœur s’emballe.
Rebrousser chemin.
Il tourne la tête, mais pile net et oublie l’ascenseur. Bouche entrouverte, Octave croit rêver.

« Diva ? »

La petite spectre lui adresse un air circonspect. Elle n’a rien remarqué ? Octave est  pourtant certain qu’une seconde plus tôt, sa polichombr glitchait. Il tique. Brève percée dans la réalité.

« C-C’était normal ça ? »

Mais Maestro s’agite. Coup d’œil au scanner et nouvelle apnée numérique.
Un ennemi approche. Bouger. Maintenant.

La double porte est franchie et le trio s’élance entre les cellules éventrées. Octave ordonne à Diva de tracer tout droit, sans s’arrêter. Quelque chose dans sa voix effraie la polichombr qui traverse à toute allure tous les obstacles dressés sur sa route. Maestro reste à proximité de son partenaire. Il l’agrippe de temps à autre, par le bras, le col, le poignet, l’écartant des décombres invisibles dans cette étouffante obscurité.
Il est tout prêt. Le cliquetis de ses pattes a enflé et raisonne le rendant difficile à localiser, mais une ombre se découpe soudain sur l’une des cellules, une seconde, ronde et violette passe tout prêt.

« Maes’ bouge ! »

Un coup d’ailes et le nostenfer sprint. Octave vise et tire.
Un éclair foudroie l’obscurité, illumine la cible, puis explose en une gerbe d’étincelles. Touchée, une plaque de taule se fracasse au sol. Le bruit phénoménal couvre la retraire du tireur.
Réflexe de survie. Accroupit dans les ombres, Octave guette un mouvement sur son radar, un bruit dans son casque et comme la sortie n’est pas loin, il s’élance.

La créature laisse éclater un cri strident. Son exosquelette verdâtre apparaît quelques secondes dans la lumière du tir, puis disparaît de nouveau dans l’ombre. Il semble qu’il ait changé de trajectoire. Le bruit de ses griffes sur le sol mécanique résonne comme une pluie de clous. Tantôt à droite, tantôt à gauche, l’écho rend le repérage difficile, mais heureusement le coéquipier ailé du pilote peut compter sur son radar interne pour situer rapidement l’ennemi.

Seulement, le radar clignote encore. Deux autres points rouges s’invitent sur le cadran. Il semble que le cri du premier Trax en ait alerté d’autres.

La retraite du pilote est subitement coupée, car devant lui une paire de griffes tranchantes perce ce qu’il reste de la porte automatique donnant sur le couloir de l’ascenseur. Le spectre a pu continuer sa route, mais pour les deux autres, il n’y a pas d’autre choix que de s’écarter de la voie. Le Trax touché par le rayon lâche un nouveau cri un peu plus loin, entre les cellules, aussitôt répondu par les deux nouveaux pirates qui viennent d’entrer dans la grande salle. Leur quatre yeux sondent attentivement l’espace afin de mettre la main sur leur proie, mais les mouvements furtifs du pilote lui permet d’éviter de se faire repérer.

Dans un premier temps, seulement, car au moment où le scanner signale, trop tardivement, l’intrusion d’un quatrième insecte, celui blessé par le pistolet laser apparaît contre tout attente dans le dos du pilote. D’une patte, il repousse le compagnon ailé, projeté en direction du plafond, tandis que d’une autre il attrape le pilote par le cou. La vision de ce dernier vire au rouge, signe des importants dégâts subis, mais alors qu’il fait face aux mandibules baveuses de l’alien, celui-ci lève la tête, comme surpris, et laisse tomber sa victime.

Un bruit étouffé résonne dans les conduits d’aération, semblant alerter les quatre Trax qui s’agitent et se dressent, griffes en avant. Le pilote, encore secoué, se tourne malgré lui vers le couloir de l’ascenseur, et aperçoit un faisceau d’une sinistre lueur rouge.

L’atmosphère s’alourdit considérablement. Les quatre pirates, leurs griffes léchées par la lumière, redoublent d’hostilité. Puis, lentement, une silhouette souple et longiligne fait son entrée. Son corps se plie légèrement à mesure que ses nombreuses petites pattes s’activent pour le faire s’avancer en direction des insectoïdes. L’un d’eux lève sa griffe imposante et se jette en avant, mais à peine fut-il frappé par le faisceau rouge de la petite créature que son corps se désintégra instantanément. À son atroce cri, trois autres lui succédèrent en l’espace de quelques secondes. L’alien en forme de roseau inspecta le reste des environs, mais ne détectant rien d’autre, finit par repartir en direction de l’ascenseur.

Le silence revient, entrecoupé de l’essoufflement du pilote. Sa blessure ne perturbe pas ses mouvements, mais les quelques traces qui subsistent autour de son champ de vison lui rappellent qu’il est vulnérable. Il lève la tête, semblant chercher ses compagnons, et venue aussitôt s’enquérir de son état, la petite spectre fait irruption de par derrière un mur.

Ses petits flottements semblent vouloir dire qu’elle a trouvé quelque chose plus loin dans la grande salle, de l’autre côté de la paroi en verre. Le coéquipier ailé rejoint le petit groupe à son tour, vexé de ne rien avoir pu faire.

Point positif, le scanner n’indiquait plus rien de dangereux… pour le moment.

Vision d’horreur et cri d’effroi.

Le mouvement de recul est trop hâtif. Son pied droit retombe sur une bosse,  seule anomalie oubliée sur le sol lisse de la capsule. Le relief est minime, inoffensif, pourtant l’esprit effrayé d’Octave l’associe immédiatement à l’une des répugnantes pattes du Trax. Le cœur lui remonte dans la gorge et un tsunami d’adrénaline le pousse à lutter contre l’image des mandibules dégoulinantes imprimées dans sa rétine. Le geste désespéré est un pur réflexe chaotique qui déplait fortement à sa cheville. La douleur, réelle, le prend de court et s’ajoute au cauchemar écarlate que lui renvoie son casque.
Lorsque le Trax le lâche, Octave chute vraiment, mais c’est à peine s’il sent la chaleur qui se répand dans l’articulation malmenée.
Rouge. Tout est rouge. Le souffle court, plaqué entre deux cellules éventrées, il suit l’arrivée d’une brindille. L’altercation est inévitable. Vaine attaque de l’un des pirates aussitôt désintégré. Le faisceau incandescent qui l’a happé n’épargne pas ses trois camarades. Leur hurlement de douleur raisonne encore dans la tête du jeune homme lorsque l’alien filiforme quitte tranquillement la pièce. Le silence tombe, assourdissant.

Discret son de clochettes. Octave lève la tête. Diva l’observe, inquiète, troublée, mais pressée de le voir bouger. Lui aussi n’a aucune envie de rester. Debout. Mais au moment de poser son pied droit au sol, une décharge lui parcourt le corps. Il s’immobilise, sert les dents, souffle un grand coup et se reprend.

« Ne trainons pas. »

Il laisse à Maestro le soin d’inspecter rapidement la salle et gagne directement la double porte blindée en partie éventrée par le Trax. Diva la traverse sans difficulté, mais Octave doit forcer le mécanisme pour se frayer un chemin assez grand pour lui et son nostenfer. Impossible de refermer. Tant pis.
Le radar demeure muet. Octave suit sa polichombr qui les entraine dans un corridor formant un arc de cercle séparé en deux branches, l’une revient en arrière et conduit à une porte auréolée de vert. Quelques lettres en parties effacées sont visibles au-dessus de l’interrupteur. Insuffisant pour le traducteur qui interprète ce qu’il reste à sa façon, indiquant  sobrement « sauna ».

Ha. Ha.

Un bip et la porte pivote. Diva s’avance sans hésiter. Octave ne consulte que vaguement son radar avant d’échanger un coup d’œil avec Maestro. Ils entrent. Encore tendu, le pilote sursaute, surpris par son propre reflet, mais rapidement, il note à son tour quelque chose de suspect.

« Qu’est-ce que… »