Apocalypse Time... [PV]

Une semaine et un peu que le gosse squattait allègrement dans le manoir des Leorios, et déjà il commençait à avoir une bonne idée de pourquoi Tommy s'efforçait d'y passer le moins de temps possible. Lui même ne s'y trouvait que pour la nuit, se sentant étranger dans cet univers aliénant débordant de portraits d’ancêtres te regardant de haut et de tapis dont le mètre carré valait plus cher que sa peau. Il tentait de passer la plus grande partie de son temps en ville, grattant l'argent où il le trouvait, heureux de voir que quand on n'avait plus de loyer à payer on arrivait presque à économiser quelque chose, même sur des petits boulots de merde.

Mais son besoin d'argent n'était certainement pas la seule raison pour laquelle il évitait tant que possible de se trouver dans les appartements luxueux que l'autre affreux avait si généreusement mis à sa disposition. La raison principale était, clairement, qu'il n'était pas le seul à y vivre. Et à part Tommy, il n'y avait pas grand monde là dedans qui appréciait sa présence. Entre le majordome qui s'était allié à la chaussette violette qui servait d'animal de compagnie à Tommy et faisait de son mieux pour lui faire comprendre qu'il n'était même pas la merde en bas de ses godasses, et les servantes et autres bonnes qui le regardaient d'un air soit outré soit terrifié, il n'éprouvait pas vraiment le besoin d'être présent.

Et, bien sûr, il y avait le petit détail, ou plutôt le détail qui dépasse les deux mètres de haut, le colosse que Tommy appelait affectueusement son oncle. Le mec dont les ronflements peuvent faire tomber les lustres. Le mec qui un jour est l'incarnation même du parfait militaire, pour arriver le jour d'après comme le pire des saoûlards, plus le petit côté destructif. Caïn ne s'était franchement pas penché sur la question du pourquoi et du comment, il s'était juste arrangé pour connaitre les horaires du géant et l'éviter soigneusement, pas particulièrement pressé de se retrouver dans une accolade à lui décrocher les omoplates.

Ce qui nous ramène au moment présent.

Considérant toute, Caïn avait été rentré particulièrement tôt. Il faisait partie de ces gens qui vivent plus de nuit que de jour, vraiment, et de se trouver dans son lit avant Zylta trente était plus surprenant que ça ne devrait logiquement l'être. Il était rentré pour trouver le gargantuesque salon du bas plus proche de la porcherie que du salon à thé, et s'était empressé de disparaitre dans ses appartements (la chambre verte, l'humour fin de Tommy) sans plus de formalités. Vite couché, vite hors de toute ligne de mire.

Seulement, il semblerait que son système avait décidé de le trahir, et maintenant il était une heure du matin, et il n'arrivait pas à dormir. Mais alors, pas du tout. Les yeux grands ouverts et fixant le plafond vert. Tournant pour voir la forme endormie d'un grand Arcanin à côté du lit. Tourne encore, pareil pour la jolie Feunarde, son bâtard de fils planqué entre ses queues ondulant doucement. Probablement la seule fois de sa vie qu'il aura eu une chambre assez grande pour y loger les trois pokémons.
Il ne dormait résolument pas.

Avec un soupir exagéré, le gosse le laissa tomber hors du lit, ses pieds aux orteils cassés et désordonnés touchant le sol avec un bruit mat sur la moquette. Sans allumer la lumière, il chercha un pantalon (dormir en boxer, c'est bien, rencontrer une des nombreuses bonnes au tournant d'un couloir dans ce même attirail, un peu moins) et l'enfila avant de se diriger vers la porte. D'un geste absent, il glissa dans sa poche le petit couteau qu'il avait toujours quelque part autours de lui, force d'habitude, ainsi que la clé de sa chambre, non pas pour fermer derrière lui, mais pour ouvrir en sortant. Un peu de paranoïa est toujours justifié ici bas.
Direction: salle de bain. Autant profiter de l'eau chaude semblant infinie. Probablement l'une des rares choses qu'il appréciait pleinement dans ce manoir.

Sauf que, bien sûr, les choses ne se passent jamais comme on les a prévues. Le gosse ne s'attendait pas à tomber sur le Major à cette heure, en toute logique ce dernier pionçait dans un endroit abstrus et complètement sourd à tout ce que pouvait lui jeter son entourage. Mais ce qu'il n'avait pu calculer, c'est que quelqu'un s'introduirait dans la maison alors qu'il faisait sa promenade nocturne. Quelqu'un, quelque part, se déplaçait à grand bruit dans les couloirs. Pas assez discret pour être un voleur, où même le personnel. Pas assez pataud pour être le Major.
Alors... qui?

Sur ses gardes, il continua tout de même son chemin. Une fois dans la salle de bain, il devrait être à l’abri, non..? Ces gens étaient bien éduqués, et puis personne n'avait envie de se faire la honte d'être confronté à lui dans le plus simple des appareils. Non pas qu'il aie particulièrement honte de soi même, mais enfin. Les gens dans les manoirs sont surprenament pudiques, parfois.
Il n'arriva jamais aussi loin.
La porte du Major s'ouvrit soudainement devant lui avant d'être claquée rageusement, un parfait inconnu surgissant dans le couloir, d'humeur clairement maussade. Il s'élança dans le couloir vaguement éclairé d'un pas énervé, appelant l'homme que Caïn avait jusque là minutieusement évité. Ce dernier estima ses chances de s'échapper sans se faire voir, mais ce n'était clairement plus qu'une question de secondes avant que ce type ne l’aperçoive, vu qu'il se dirigeait droit sur lui.
Pas de moyen de s’échapper, autant prendre l'avantage.

-"Inutile de gueuler, l'alcool rend sourd. Surtout quand on dort. Sera pas dispo avant demain. Aprêm."

Impressionnant. Il arrivait même à garder son ton de voix posé alors qu'il s'adressait à un parfait inconnu capable de s’introduire dans un manoir haute sécurité et visiblement armé d'assez de courage pour vouloir affronter le Major Bob (une demie tonne de force brute) au milieu de la nuit. À tout les coups, il était armé, et certainement plus efficacement qu'un couteau de poche.
Il savait bien que tout ce fric ne pouvait pas être honnête.
Caïn avait quand même assez d'expérience pour reconnaitre un mafieux quand il en voyait un. Reste plus qu'à déterminer le rang et il savait exactement jusqu'à où il s'était fourré dans la merde.

Putain, il se trouvait beaucoup trop souvent dans ce genre de coups foireux pour le bien de sa santé physique.
Non, mais imaginez vous un peu la situation. D'un côté un homme, grand, imposant, en costard et cravate parfaitement repassés sous un anorak noir qui devait valoir son poids en or, embrassant une silhouette carrée se découpant contre le vague éclairage de nuit des couloirs. Le look parfait du mafieux influent, et qui en plus s'était déjà prouvé rien que par le fait qu'il venait affronter face à face le Major Bob.
De l'autre côté du ring, Caïn, dans son pantalon de pyjama emprunté à Tommy et donc trois tailles trop grand, vaguement accroché sur ses os. Le torse couturé de cicatrices des plus diverses, coupures, bleus, marques de dents et deux impacts de balles, blanc pâle sur peau brulée. Petit maigrelet se tenant droit malgré tout, l'air vaguement tendu malgré ses efforts. Les mains dans les poches, la gauche serrés sur la poignée d'un couteau qui semblait bien insignifiant, là, tout de suite.
Ouaip, c'est bien partit.

Premier réflexe de l'inconnu, glisser sa main dans la poche intérieure de son blouson. Bingo, en plein dans le mile, et pour une fois, le gosse n'était pas particulièrement réjouit de cette découverte. Bien sûr que ce type serait armé. Il sentait le coup foireux jusqu'à où se trouvait le gamin, pourtant à une distance respectable. Pas que ça l'aiderait beaucoup si monsieur décidait de tirer son flingue, mais enfin.

Pas choqué pour deux sous, le mafieux s'approcha un peu, indiquant d'un ton à faire tourner le sang au vinaigre qu'il saurait faire bouger le Major si nécessité oblige. Caïn se crispa légèrement, sa main s'enfonçant un peu plus dans sa poche, mais ne recula pas pour autant. Impossible, dans cette obscurité, de discerner clairement les traits de l'homme. Admirable. On se croirait dans un film policier, quand le grand méchant apparaît, le visage dans l'ombre... Moment que choisit une bagnole pour passer à toute vitesse dans la rue, plus bas, baignant l'étage d'une lumière diffuse l'espace d'un instant.
Super. C'est pas à ce moment là qu'il est censé te déclarer qu'il ne te reste que quelques instants à vivre?

Heureusement pour nous, l'homme en question ne semblait pas adhérer à ce genre d'humour douteux. Il profita visiblement de l'éclairage minute pour se faire une idée de ce qu'il avait croisé au détour d'un couloir, pour tirer, clairement, la conclusion à laquelle l'entièreté des habitants du manoir étaient déjà arrivés: Ce gosse n'a rien perdu ici. Dur de jurer plus que lui avec le décor, c'est clair. Toujours sur le même ton d'interrogatoire professionnel, l'homme s'en intrigua, et pas particulièrement poliment, qui plus est. Le gamin répondit au tac au tac, parce qu'il en fallait quand même plus que ça pour lui lier la langue, nan mais ho.

-"Je peux te- vous retourner la question. C'est pas trop une heure pour réveiller les gens, non?"

Et vas y que je me m'enfonce encore un peu plus dans la merde dans laquelle je suis déjà. En même temps, il était quand même vachement fort pour avoir l'air, si pas décontracté, au moins assez sûr de soi pour ne pas trembler dans les bottes qu'il ne portait pas. Et remarquez quand même, un effort pour faire preuve de politesse! Ah il suffit pas de vouvoyer pour être poli? Ben, il aurait essayé.
Surtout que ce type continue à s'approcher, et non, merci, mais je préfère qu'il reste à distance. Ça aide pas vraiment pour faire semblant d'être en pleine possession de ses moyens et contrôle de la situation quand on doit se tordre le cou pour garder le regard sur le visage du mec. Pas facile d'être petit.

La posture du gosse changea sensiblement, reculant légèrement un pied et sortant sa main droite de sa poche pour la laisser tomber à ses côtés, le bras juste un peu trop plié pour être vraiment détendu. Trop direct pour savoir contrôler parfaitement son langage corporel, quoique ça suffisait généralement pour tromper la plupart des gens. Mais en même temps j'aimerais bien vous y voir, faire la conversation à un brigand de haute gamme à une heure du matin dans une maison qui n'est pas la votre.
Bon, c'était pas la première fois qu'il se retrouvait dans la situation.
Mais ça ne rendait pas vraiment la confrontation beaucoup plus agréable.

Caïn avait une bonne idée de ce que ça faisait d'être un Ratata coincé par un Grahyena là de suite. Il n'entretenait aucunement l'illusion de pouvoir même vaguement intimider ce type, mais il n'allait certainement pas lui faire le plaisir de se ratatiner lui même. Le gosse garda donc son terrain quand le type s'approcha tranquillement, maintenant clairement au delà de la distance communément acceptable comme sûre entre deux personnes clairement pas en bon termes. Ah on veut jouer le jeu du grand méchant loup, hein.
C'est con, j'suis vert, pas rouge.

Le mec s'était entre temps approché juste assez pour que le gosse aie effectivement besoin de lever la tête pour pouvoir fixer son visage. En même temps, il avait l'habitude, ce serait pas la première fois...
Comme pour ponctuer sa réponse (définitivement mafieux. Mais pas entièrement hostile. Joie.) le mec avait allumé la lumière, permettant au gosse de se donner une idée plus exacte d'à qui il avait affaire, exactement. La quarantaine, les cheveux glués en arrière, la ride au milieu du front de celui qui fronce trop souvent les sourcils. Et clairement, en train de juger à quoi, exactement, il avait affaire, détaillant Caïn de la tête aux pieds. Ce dernier ne put pas s'empêcher de se demander, comme il se l'était déjà demandé trop souvent, exactement combien de sa vie pouvait se lire sur son corps et dans ses traits. Probablement beaucoup, surtout si on s'y connaissait.

Mais au diable s'il allait se laisser faire. Un sourire se profila doucement sur son visage, et il pencha la tête sur le côté, levant un sourcil vers l'autre. Parler affaires, hein. Tommy allait se faire questionner quand il rentrerait.

-"Ça ressemble plus à un règlement de comptes qu'à un business, pour le moment."

Geste bref du menton en direction de la main toujours confortablement logée dans la doublure de la veste. Y en a qui aiment jouer avec le danger, hein.
Bon, en même temps, Caïn espérait sincèrement qu'il ne se ferait pas flinguer dans le manoir. Ça fait désordre, c'est pas professionnel, aucun mafieux qui se respecte ne s'autoriserait une telle bavure, sauf peut-être pour l'exemple. Et franchement, il n'avait rien à se reprocher qui puisse faire de lui un bon exemple, pour une fois. Personne le connaissait, il ne pouvait être relié aux Leorios... Non, franchement.
Il haussa des épaules et enchaîna direct. C'est une bonne idée de répondre aux questions, quand même.

-"Et je suis pas sa mère, qu'est ce que j'en sais où il s'est effondré, le tonton."

Il réalisa une fraction de secondes trop tard qu'il s'était grillé comme ayant un lien plus ou moins direct avec Tommy. Sauf si l'inconnu ne connaissait pas ce dernier, mais franchement, il en doutait. D'un autre côté, c'est 'tet pas trop mal de faire savoir qu'on a quelque chose à voir avec le fiston du proprio, tant que ce dernier ne doit pas des sommes d'argent monstrueuses à notre mafieux de service. Et clairement, Caïn connaissait trop bien les raisons communes pour des visites nocturnes de mafiosi pour son propre bien.

L'offre de retourner dans sa chambre et faire semblant de n'avoir rien vu, rien entendu était assez tentante, franchement, mais quelque part le jeunot doutait fortement que ce serait aussi facile.
Mais merde, aussi.

Bon, à grillé, grillé et demie. Après tout être sous la protection du gamin casse pieds de service (j'ai nommé Tommy Leorios, ici pas présent) doit aussi avoir ses avantages. Et puis ça fait rire l'autre tête à claque qu'on réfère au Major comme tonton, visiblement, alors qui sait, peut-être n'est ce pas une si mauvaise idée de faire savoir avec qui il était. Sans compter que finalement, il n'avait pas donné particulièrement plus d'information qu'il n'avait reçu. J'suis avec le neveu, t'es avec l'oncle, magnifique. À part ça il n'avait toujours pas idée à qui il avait affaire, pas qu'il soit tellement pressé de savoir.

La remarque qui suit était tellement faible que le gamin ne put s’empêcher de hausser un sourcil, l'air de dire "sérieusement, c'est tout ce que t'as trouvé?", parce que franchement... Les mafieux et l'humour ça faisait pas tellement la paire, hein, sauf quand on parlait de menaces sous entendues, en quel cas ça devait faire partie de la description du métier d'être particulièrement créatif.
Abstenons nous de tout commentaire, même si ça lui brulait la langue de lâcher quelque chose de méchant. Comme déjà dit, l'humour c'est certainement pas la tasse de thé de notre mafioso de service. Surtout pas dans le cynique.

En plus l'affreux avait enfin consenti à sortir sa main de sa doublure, l'exposant gentillement pour prouver qu'il n'avait plus d'intentions néfastes, du moins pas pour le moment. Le gosse ne se détendit pas particulièrement pour autant, mais bon, c'est bien les gens qui font un effort pour être civique. Réjouissons nous.
Ou pas. La prochaine indication était claire, et le gamin fut forcé de constater que, comme toujours, c'est pas à un vieux singe qu'on apprend à faire des grimaces. Ce qui ne l’empêcha pas de feigner l'innocence, retirant sa main de sa poche dans un bruit de clés tout ce qu'il y avait de plus banal. On peut toujours rêver, et c'est plus avantageux de sembler moins dangereux qu'on ne l'est. Pas qu'il se sente particulièrement d'humeur à confronter quelqu'un en possession d'une arme à feu, quelle que soit sa propre situation. Il avait déjà essayé, et croyez le où non, il n'était pas pare balles.
Dommage hein.

-"Bon, maintenant qu'on est d'accord, hein, je vais me recoucher et laisser les grands parler business, comme promis?"

Hop hop, magnifique excuse pour faire un pas (ou deux) en arrière, dans l'intention de se retirer dans la chambre magnifiquement verte qui lui était prêtée et faire semblant de n'avoir rien vu rien entendu, au moins jusqu'au retour du Leorios junior qui allait se faire questionner sur le sujet. Il avait toutefois gardé le regard rivé sur l'autre type, sait on jamais. Quelque chose lui disait que s’échapper de l'affaire n'allait pas être aussi facile que ça.

Comme pour soutenir cette remarque mentale, ce fut le moment exact que choisit une bonne pour surgir de derrière l'une des portes fermés, en train de reboutonner distraitement sa chemise. Elle stoppa net en remarquant que la lumière était allumée, puis poussa un petit cri choqué en voyant qu'elle n'était pas aussi seule qu'elle ne le croyait, avant de redisparaitre dans la chambre à toute vitesse, claquant la porte derrière elle et parlant sur un ton un peu paniqué à qui pouvait bien se trouver avec elle là dedans.
Euh.
Ça m'a l'air d'être le moment idéal pour se faire la malle, ça... Regarde pas par ici, pour voir...

Deux balles parties dans une direction encore non identifiée stoppèrent le fuyard net sur ses pas. Il aurait du se douter que ce ne serait pas aussi facile que ça. Remarquez, ça valait le coup d'avoir essayé. En tout cas, si le mec avait eu, à quelque moment qu'il soit, la moindre intention d'être ne serait ce qu'un minimum de discret, c'était fichu maintenant. Et connaissant la famille, ça allait encore tout retomber sur Caïn ça, à tout les coups.
Il allait d'ailleurs s'en plaindre ouvertement, sans se soucier plus que ça du fait qu'une arme à feu soit en ce moment même pointée sur son torse, remettant les deux mains dans ses poches d'un geste qui, espérons le, avait l'air parfaitement nonchalant, quand une voix à faire trembler les murs résonna à ses oreilles. Si les coups de feu n'avaient pas réussi à le faire sursauter, le cri de guerre du Major, quand à lui, eut un succès indéniable.
Mais je vous ai rien demandé, comment je me retrouve encore dans cette situation pas possible, moi...

-"Manoir de tarés, je vous jure... Tommy est bon pour l'interrogatoire."

Il parlait plus pour lui même que pour qui que se soit d'autre, pour le coup, mais le mafioso avait probablement entendu. S'il avait percuté que ça comptait tout autant pour lui que pour le colosse en approche, qui sait. À vrai dire, le gosse s'en foutait pas mal en ce moment.

Il n'eut de toute façon pas le temps de contempler longuement ses propos, parce que descendant l'escalier comme un tremblement de terre, arriva l'homme de la soirée, l'infameux Major Bob, emballé dans le pijamachu précédemment annoncé. Pour un maitre d'arène électrique, ça devrait, peut-être, être moins étonnant que ce ne l'était. Mais vraiment, une montagne à rayures, ça manquait un peu de classe quand même.

En tout cas, le type semblait connaitre le fada au flingue, parce que son visage légèrement rougit par l’ébriété s'assombrit une fraction de secondes en l’apercevant, avant de s'éclairer à nouveau, inspirant un grand coup pour prendre la parole. Il n'en eut pas le temps, parce que la porte derrière laquelle s'était trouvé la bonne s'ouvrit soudainement, cette dernière se jetant sur le major, suivie de près par... une autre bonne, tiens. Ou elle était pas cuisinière celle là? Caïn se souvenait jamais.

-"Monsieur le Major! Mon Dieu, quelle peur! Débarrassez nous de cet homme, je vous en prie!"

Sur quoi le Major en question éclata d'un rire franc à faire trembler les lustres, donnant une claque dans le dos de la pauvre damoiselle qui failli y laisser sa cage thoracique. Il se dirigea ensuite vers le mafieux, lui posa un bras autours des épaules (putain tout ces gens grands. Mais qu'est ce qu'il faisait là, le gamin avec son mètre soixante-quelque chose...) et s'adressa à la jeune fille encore sonnée par la claque ainsi qu'aux quelques autres personnes qui venaient voir ce qui se passait.

-"Vous en faites pas, il est... avec moi. J'avoue que son sens de l'humour n'a jamais été sa force majeure, mais bon, on peut pas tout avoir!"

Caïn hésitait à retenter une sortie avec le petit personnel, clairement choqué mais habitué aux excentricités de ma montagne blonde... Dans quelle mélasse s'était il encore fourré? Et pourquoi avait il cru une seconde que de loger dans un manoir le garderait à l'abri des criminels divers et variés!?

Le personnel ne semblait avoir attendu que l'ordre du chef (sous chef?) de maison pour s'éclipser et faire semblant de n'avoir rien vu rien entendu, ce qui donnait une bonne idée au gosse du nombre de fois qu'ils devaient déjà s'être retrouvés dans cette situation. Évitons tout commentaires déplacés, mais une chose est sure, dès qu'il avait de nouveau un boulot acceptable, il se tirait d'ici. Pas qu'il n'apprécie pas Tommy, mais sa famille et son manoir c'était un peu trop pour quelqu'un qui avait pris l'habitude d'habiter sur quatre mètres carrés quand il avait de la chance. Sans parler de mafieux apparaissant au milieu de la nuit quand tout ce que tu voulais c'est un putain de verre d'eau.
Remarque, ça ça lui était déjà arrivé avant, donc il n'avait pas vraiment le droit de se plaindre. Au moins il avait un militaire qui devait savoir ce qu'il faisait? Non? Un peu?
Ouais non en fait il était dans la merde aussi.

Le Major Bob, quand à lui, après avoir laissé filer la pauvre bonne et sa comparse et s'être fait virer de l'épaule du mafieux sans plus de ménagement, continuait de sourire d'une oreille à l'autre sans bonne raison apparente. La remarque du mafieux lui fit froncer les sourcils un instant, et il allait probablement lui répondre quelque chose sur le fait qu'il était maitre de l'arène électrique et que de ce fait un pijamachu était pratiquement obligatoire, et que d'ailleurs il en avait offert un à Tommy, et que l'autre abruti devrait probablement en porter un de Grolem, mais heureusement il n'eut pas le temps de commencer cette phrase, coupé en pleine inspiration par la prochaine question du type, visiblement pas d'humeur à plaisanter.
Sont pas drôle dans cette famille. Et Caïn n'appréciait pas particulièrement qu'on le désigne du bout d'une arme vaguement tenue en main, juste pour le geste. Il fit donc un pas sur le côté, s'écartant du type en jaune et par la même occasion, de la ligne de mire de l'arme. Probablement, ça comptait comme provocation, mais rien à foutre. Au point où il en était.

L'ex-maitre d'arène, dont, après examination, les joues brulaient d'une couleur qui trahissait son état d’ébriété, roula des yeux de façon exaspérée, ce qui lui donna un air légèrement malsain, considérant la situation. Mais enfin.

-"Je déteste quand tu prends ce ton là, mon petit Giovanni, je sais que ça va se terminer en migraine. Que je vais avoir de toute façon, tu me diras, mais tu ne fais que les empirer."

Un point pour le gosse dans le jeu de qui-est-tu. Il avait eu le nom du mafieux avant que celui ci n'aie le sien, ce qui ne l'avançait absolument à rien, mis à part une petite victoire personnelle. Ce qui suffit quand même à dessiner un sourire en coin sur ses traits cassés. S'il avait un nom, questionner Tommy serait beaucoup plus facile. Muaha.
Sa victoire fut, malheureusement, de courte durée. Le visage du maitre des lieux s'illumina à nouveau. Clairement, il avait du mal à aligner ses pensés, parce que la seconde d'avant il avait eu l'air d'être à deux doigts de laisser le peuple se démerder et retourner se coucher.

-"Mais pour répondre à ta question! Ce charmant jeune homme est un ami de mon adorable neveu, bien sûr! Un invité! Alors tu es gentil avec lui, hein, avec euh... Klaus ou Karl ou quelque chose comme ça..."

-"Caïn."

-"Ah oui, je me disais bien que c'était un truc biblique. C'est mignon, non?"

Sans commentaires du côté du concernés, qui s'était contenter de corriger le Major avant que celui ci ne partes dans les noms complètement abracadabrants. En même temps, ce type L'appelait toujours "petit", alors pas étonnant qu'il ne retrouvait plus son prénom. Alias. Tout compte fait il avait toujours encore une longueur d'avance sur Giovanni, puisqu'il n'avait été présenté que par son pseudonyme, pas son vrai prénom. Bon, en même temps, la plupart des gens le connaissaient sous ce nom et pas l'autre, alors c'est pas ça qui allait l'aider...

Mais en fait, maintenant qu'il avait le Major pour l'aider, il pouvait toujours faire une deuxième tentative de fuite, non? Il n'était plus sûr quel avait été son but initial (ah si, la salle de bain) mais certainement le gars n'avait aucune raison de le garder plus longtemps s'il allait se faire disséquer par son partenaire en crime... Non?

[Avertissement pour profanités. Et pas des jolies comme Gio’ et Mei’ les font.]

Okay, rester calme et ne pas péter un câble, ne gueuler sur personne, y a des gens armés et des tanks vivants ici, ne pas péter une pile... En même temps, c'est franchement pas facile avec le Major qui se comporte comme un gosse gâté auquel on vient de refuser un bonbon et le mafiosi - non, Giovanni - qui balance des histoires de Rockets comme si c'était parfaitement normal. On fait pas dans la discrétion dans ce métier, habituellement? Ah, et aussi, mêle toi de tes affaires, je squatte chez qui je veux et ça te regarde que couic.

Avec ce petit bout d'information en main, donc, le gosse commença à passer en revue ce qu'il savait sur les Rocket, ce qui s'avérait être bien peu, en fait. La région dont il venait les intéressait peu, trop de petits malfrats et grandes mafias déjà en place, et il ne s'était pas particulièrement intéresse pour leur cas depuis qu'il était dans la région. M'enfin reste que ça jetait une toute nouvelle lumière sur la fortune Leorios, qui, quand même, lui avait parue vaguement suspecte. Merci pour l'information, et pendant que ces messieurs se disputent qui le gosse allait idéaliser (personne, je vous rassure) on va se tirer d'ici, hein, qu'ils s'entre tuent en paix...

Pendant que les deux abrutis en venaient aux mains, Bob dans son ébriété n'hésitant pas à s'emparer de l'autre pour appuyer ses arguments, le gamin commença, doucement mais surement, à reculer pas à pas, visant la courbure du couloir par laquelle il s'était ramené. Il avait comme l'impression que moins il en savait, mieux c'était pour sa peau, alors autant se faire la malle dans un stade précoce de la dispute.
Sauf qu'à un moment, l'arme se retrouva soudainement à nouveau plantée dans sa direction générale, dans les doigts d'un mafieux qui gigotait et jurait (enfin, maugréait) plus que le gosse n'appréciait, et le réflexe de lui faire la remarque arriva avant celui de disparaitre, malheureusement pour lui.

-"Att-"

Trop tard.

*BLAM*

Court silence, puis un léger bruit d'agitation dans le manoir, et les deux abrutis, encore emmêlés, le fixant d'un air surpris et vaguement inquiet, ou carrément vert de trouille pour le Major. Caïn, quand à lui, venait de changer de couleur, momentanément figé sur place, alors qu'une ligne de taches sombres s'était étiré sur le mur le plus proche.
Inquiété, il baissa les yeux vers soi même pour juger de l'étendue des dégâts. Il avait du sang sur l'intérieur du bras gauche, et une longue éraflure au bords brulés le long de la hanche, du même côté, du niveau de l'estomac au bas de l'os protubérant, ce dernier apparaissant une seconde à l'air libre avant d'être inondé de rouge.

-"Mais put-"

Et puis la douleur, un peu en retard, rattrapa, et le ton de sa voix vira de surpris à violent, alors que sa main droite se plaqua contre la blessure, la gauche par dessus, tentant de vaguement fermer l'impact.

-"Mais putain de bordel de couilles, merde! Je me suis pas fais assez flinguer dans cette putain d'histoire à la con!? Fils de- Va te- CHIER QUOI. MERDE! Adulte de mon cul oui, faites lui ravaler son flingue! Saleté!"

Suivi par un flot de jurons des plus colorés à faire non seulement pâlir, mais carrément fuir le marin le plus assidu. Assez pour freiner dans son élan un Major qui, héroïquement, voulait se lancer à la rescousse du gamin. Enfin, au moins, le faire hésiter un moment pendant que Caïn bougeait son poids sur l'autre jambe, une petite voix à l'arrière de sa tête se demandant comment il allait expliquer à Tommy qu'il avait mit du sang plein son vieux pyjama. Super.
Mais le Bob ne serait pas Bob s'il lui en fallait aussi peux pour le décourager, et après s'être remis de sa frayeur, surprise et choc, il se lança à nouveau à la rescousse du gamin, titubant légèrement.

-"Nonnonnon meure pas on va s'occuper de toi gamin j'ai vu pire ne t'en fait pas on va réparer ça ça va aller..."

Etcétéra. Un véritable vomissement verbal en grande partie incompréhensible alors qu'il attrapait le gosse comme s'il ne pesait rien du tout (ce qui n'était pas trop loin de la vérité) et le posait sur le fauteuil le plus proche, s'agitant dans tout les sens et empestant- l'alcool- Comment peut on boire autant et être encore debout-
Impossible de penser droit dans ce nuage toxique.

-"DÉGAGE!"

PLAF, un pied nu (le droit, encore à peu près valide) entra en collision directe avec le visage du Major Bob, toute la force du petit corps maigrelet de Caïn soudainement tendu pour se débarrasser de l'offensive créature qui le coinçait, réussissant à étaler l'espèce de montagne sur la moquette. Certes, son équilibre était déjà compromis par l'alcool, mais quand même. Le gamin avait l'air d'un animal blessé, rétracté sur sa chaise, les crocs serrés à en faire pâlir sa mâchoire, les jambes rétractées, les doigts crispés sur sa blessure, et, curieusement, le biceps droit tressaillant d'un tic nerveux. Le Major, quand à lui, avait toutes les mimiques d'un Teddiursa battu.

-"Mais- mais je..."

C'est pas parce qu'il s'était reculé sur sa chaise comme un Ratata coincé dans un piège qu'il avait arrêté de jurer pour autant, les injures les plus colorées qui lui venaient à l'esprit s’échappant dans un flot devenu pratiquement incompréhensible entre ses crocs serrés. Il avait du sang sur les doigts, sur la chaise probablement plus chère que sa propre peau, sur le coussin. Charmant. En ce moment même, il s'en foutait royalement, l'autre con de mafieux aurait assez de fric dans ses poches pour réparer ses propres dégats. Surtout que visiblement, l'efficacité de son arme l'intéressait plus que ce qu'il faisait.

Ironiquement, ça choquait plus l'ex-militaire que le gamin. À la limite, il était surtout surpris que le gars n'avait pas encore eu l’occasion de l'essayer jusque là. Devait être très haut dans les rangs Rocket, du coup, s'il se salissait aussi peu les mains. Chouette, flingué par un gradé. Quel honneur. Va te faire. Ce qu'il aurait d'ailleurs rajouté immédiatement si cet abruti de Major n'était pas intervenu, toujours encore plus pâle que les linges immaculés qui couvraient les lits du manoir. Blablabla quelque chose sur la guerre. Je t’ai pas demandé d'empathie, merde, garde la pour toi. Oh ça va hein, c'est pas la première fois qu'on me tire dessus, moi non plus, ta guerre m'intéresse pas le moindre du monde.
Il avait peut-être dit ça à voix haute entre les jurons, d'ailleurs.
Mais de toute façon ils étaient occupés à se disputer, alors.

L'image d'un mafieux en mini-jupe le coupa brefment dans ses pensés, lui faisant lever un sourcil l'air de dire "sérieux?" pour constater qu'effectivement, ça suffisait à faire faire au tireur ce que Bob voulait. Mais je rêve, c'est quoi ce cirque... En fait non il ne voulait pas savoir.

C'est seulement quand le Major disparut en chasse de soins et le laissa seul avec Giovanni qui s'approchait de lui comme on s'approcherait d'un petit pokémon grognant qu'il commença à perdre son calme. Enfin, ce qu'il en restait. Ses genoux remontèrent instinctivement vers son corps, se protégeant derrière, jurant à nouveau quand plier ses jambes se releva être assez douloureux. Il paniquait, et si ça ne se voyait pas déjà un peu dans ses mouvements, le vomissement verbal qui suivit était une assez bonne indication. Parler, parler est toujours bien pour couvrir et gagner du temps.

-"Explique moi exactement à quel moment avoir le mec qui t'as descendu fouiller dans la blessure de balle est devenu une bonne idée. Parce que d'après moi, c'est une très, très mauvaise idée. Genre merdique. Chiatique. Attardé, ce que je ne suis pas encore jusqu'à preuve du contraire. Conneries..."

Il cherchait une sortie. C'était en plus grande partie subconscient, les yeux sautant du mafiosi au couloir, retour sur l'homme devant lui, de nouveau dans les corridors, il devait déjà s'être trouvé dans une situation semblable, comment il s'en était sorti dans le passé, damned, si seulement ses souvenirs de ses premières années de vie n'était pas aussi en bordel..
Encore des mots, injures pour la plus grande partie, s'échappant de ses lèvres, relativement rationnel et grammaticalement corrects, mais sans importance. Des étoiles dansaient sur le bord de sa vision, largement ignorées. Sa main gauche quitta sa blessure subrepticement pour glisser dans sa poche à nouveau, et il espéra que le clic du couteau s'ouvrant passa inaperçu.
Ah oui, c'est comme ça qu'on se sort de ce genre de merde.
Non, il n'avait pas oublié que l'arme à feu était encore dans la poche intérieure de la veste du mafieux.
Les lucioles juste au bord de son champs de vision, c'était terriblement chiant.

Y en a qui réfléchissent pas vraiment à ce qu'ils font. Par exemple, y a des gens qui mettent les deux paumes de leurs mains en avant en se voulant rassurant, mais qui gardent tranquillement leur arme à feu dans leur poche, et s'attendent à ce que ça rassure qui que ce soit. Et puis la tête peu convaincue qui miroitait assez bien l'expression de Caïn, minus le côté panique et "aie j'ai mal". Bon c'est bon, ces deux abrutis se trouvaient tout les deux dans une situation qui leur déplaisait énormément, pour différentes raisons.

Le mafieux avait d'ailleurs clairement oublié que le gosse se baladait armé, même quand il était en pyjama, vu la façon dont il se déplaçait autours de lui, tranquille et un peu ronchon. Le baby-sit, c'est pas ton truc? Ben je te rassure, avoir un mafiosi responsable de moi, c'est pas mon plus grand trip non plus.

Avec un dernier juron résigné et une grande inspiration qu'il espérait discrète, le gosse tendit une main encore un peu tremblante et ensanglantée vers le morceau de drap, et l'arrangea tant bien que mal pour compresser la plaie, parce qu'il n'avait quand même franchement pas envie de tomber dans les pommes maintenant. Enfin, jamais, mais surtout pas maintenant.
Moment que choisit le Major pour réapparaitre, au galop malgré son état d’ébriété, arrivant de la direction que fixait le mafieux.

-"Voilà, c'est bien, Giovanni, tu as fait ce que je t'ai dit? Petit, t'es encore avec nous? J'ai la trousse de secours ici, y a tout ce qu'il faut, on va s'occuper de toi, tout va aller, voilà..."

Clairement, le Major parlait plus pour soi même que pour qui que se soit d'autre, et des trois c'était le plus erratique. N'importe quoi. Surtout en pijamachu. Caïn allait d'ailleurs lui faire remarquer poliment (ou avec le "mais ta gueule" que tout le monde pense très fort) quand ce dernier commença à déballer son matériel, c'est à dire compresses (plus trop utile), bandages et désinfectant.
Petite lumière rouge qui s'allume dans la tête du gosse.

-"Ton désinfectant, c'est à base de quoi?"

Regard un peu troublé du Major, qui s'arrête, titubant un peu, et lève la bouteille à ses yeux, lorgnant sur l'étiquette. Ça lui prit plus longtemps que ça ne devrait pour déchiffrer les pattes de mouches des ingrédients, surtout quand on sait qu'il doit y avoir deux ou trois différent types de désinfectant, tout au plus.

-"D'alcool, quoi d'autre...?"

Calmement, posément, le gamin changea la main qui tenait la compresse, sortit son couteau (joli modèle, pas de commentaires quand à son origine) de sa poche, et posa son bras sur son genoux, l'arme devant lui, le poignet détendu et la lame vers le bas. Mais ses phalanges devenaient blanches autours de la poigne d'acier avec laquelle il la tenait.

-"Tu t'approches, je t’éviscère."

-"Mais-"

-"À pas mais. je vivrais sans."

La tension dans sa voix était à couper au couteau, facilement. Regard de chien battu du Major qui essaye d'aider et se faire refouler comme un lépreux. En même temps, ça a pas l'esprit flexible, les militaires. Pas de doute qu'il savait soigner une blessure, mais seulement en suivant le protocole. Roulement des yeux du gosse (beuh, pas une bonne idée). C'est pas si compliqué de sauter une putain d'étape. Et puis c'est pas comme si ça avait tellement de chances d'infections, vu comment ça avait joliment saigné, que c'était brulé par la chaleur de la balle, enfin bref, c'est dégeulace, passons les détails.

Le gosse suivit l'échange entre les deux nouilles sans commentaires, son expression passant de méfiant à vaguement curieux à choqué, le dernier étant quelque chose qu'on ne voyait franchement pas souvent sur lui, à simplement écœuré et résistant à l'envie de se passer une main sur le visage ou de rouler des yeux d'un air exaspéré, pas prêt à relâcher sa garde. Surtout pas maintenant.
Au moins le mafieux partageait son opinion.
Bravo les gars, vous avez réussi à faire taire Caïn, et ça, ça n'arrive vraiment pas tout les jours. Malheureusement ça ne dure pas éternellement non plus.

-"Rouler des mécaniques. Sérieux. Sérieux? Tu m'as vu, l'éponge? J'ai une gueule à "rouler des mécaniques", comme tu dis si bien?"

Clairement, il faisait un effort pour garder le ton de sa voix relativement calme et posé, mais honnêtement, ça ne faisait qu'empirer la menace imminente d'explosion qui émanait du gamin. Il n'avait aucune patience pour les cons et les ivrognes. Surtout quand il était en train de saigner comme un gruicui égorgé. C'est pas comme si la blessure s'était pas bien nettoyée déjà, à pisser le sang dans les lambeaux de draps. Merde quoi.
Avec la main qui tenait son couteau, il indiqua les deux cicatrices dans l'épaule et au dessus du cœur avec la poignée de l'arme. Histoire de soutenir ses arguments.

-"Tu crois que c'est la première fois que je me fais flinguer moi, abruti? Tu les a peut-être pas vues, celles là? Non? En même temps ça m'étonne que tu saches même capable de marcher droit vu comment tu empestes. Ben, pour ton information, c'est pas la première fois, quoique d'habitude faut que je me donne un peu plus de mal que juste être debout dans un coin pour me prendre une balle - regard très noir vers le mafieux - et j'ai survécu jusque là, alors tu te calmes, tu me donnes cette putain de boite et ces bandages et tu te pousses qu'on puisse respirer. Je désinfecterais plus tard et seul."

Y en a d'autres qui savent se lancer dans des monologues si il faut. Mais en même temps, c'est vraiment pas évident de convaincre un bourré, surtout un comme Bob qui avait fait dans le militaire et avait l'habitude de donner des ordres, pas d'en recevoir. Maintenant il était mécontent et vexé, en plus. Magnifique, juste magnifique...
Le Major eut quelques secondes de bug, tentant de digérer l'information, visiblement choqué (bouché, ce type...) avant de s'énerver à nouveau, sans pour autant oser s'approcher du gamin qui s'accrochait toujours encore à son couteau avec une poigne d'acier.

-"Mais c'est pas une raison! Tu dois prendre soin de toi, tu-"

-"Je prend soin de moi, je te gardes à distance. Tu pues l'alcool. Et vu que je vais pas te laisser 'm'aider', t'as intérêt à me donner ça, sinon t'auras un cadavre de 19 piges flingué dans ton manoir à expliquer. Bonne chance pour ça."

Comment être macabrement rationnel. Au moins il s'était gardé des descriptions trop graphiques, le Major serait bien capable de nous faire un breakdown ici et maintenant s'il en venait à apprendre que la jeunesse de nos jours sait décrire de tête un cadavre décrépissant et l'intervention policière qui va autours. Dur à croire que ce type avait effectivement fait la guerre, sensible comme il l'était.

Enfin au moins il eut la sagesse d'esprit de donner la boite et les bandages au gosse qui les avait réclamés sans plus discuter, mis à part les regards désespérés en direction de Giovanni dans l'espoir de recevoir un peu de support. Ouais, bonne chance avec ça.

Le gosse avait attrapé les bandages et la trousse, et s'était mis à l’œuvre, bandageant tant bien que mal sa plaie, appliquant une autre compresse plus efficace, serrant peut-être plus que nécessaire. C'était pas très beau, comme travail, ce ne l'est jamais quand tu fais tes bandages toi même, surtout autours du torse, mais c'était quand même efficace. Et on ne surprendra personne en mentionnant qu'il n'avait pas l'air de le faire pour la première fois.

Devant lui, le Pikachu difforme tentait désespérément de convaincre le mafieux de... il ne voulait même pas savoir de quoi. Et le pire, c'est que se dernier se laissait convaincre. Ben vas y, vous gênez pas pour moi surtout, baisez comme des lapins sur la moquette pour ce que ça vaut. Ça aussi j'ai déjà vu, quoique jamais avec un Pyjamachu dans l'affaire.
Il écoutait à peine la suite de la conversation, enregistrant vaguement que le moche s'était débarrassée du puant pour une bouteille de vinaigre, et jusqu'à ce que Bob trouve son chemin vers la cuisine et retour, ça allait prendre un moment. Pour le moment, il était surtout concentré sur ses bandages, rafistolant tant bien que mal. Il ferait quelques points de suture si ça se remet pas.

Décidément, le Major le mettait d'une humeur massacrante. Au moins on pouvait respirer un peu maintenant qu'il était aller empoisonner un autre coin. Mais franchement. Franchement? De quoi je me mêle? D'où il était aller tirer l'idée splendide qu'il devait faire tonton de remplacement pour le gosse? Ils s'étaient à peine vu de tout le temps qu'il squattait là, et à aucun moment Caïn n'avait fait la moindre tentative de socialisation, au contraire. Qu'il aille faire chier Tommy avec ses histoires de guerre, pauvre petit géant de muscle, carrière militaire, ça doit être tellement traumatisant. Ouais, ben va te faire foutre avec ta guerre et tes blessures héroïques. Moi aussi, je l'ai faite, la guerre, pas tout à fait la même mais ça se vaut. J'ai fait la guerre contre moi même, et je saurais jamais qui a gagné. Entre autres.
Alors ta pitié et tes instincts maternels, tu te les met où je pense et tu me fout la paix, c'est déjà assez chiant tout seul.

Caïn s'arrêta soudainement, son bandage relativement terminé (un peu plus dur de respirer là dessous, ou c'était juste le sang qui lui faisait tourner la tête?), et leva le regard pour croiser celui, perplexe, du mafiosi.

-"...Quoi."

C'est pas vraiment mieux que "Je viens de dire tout ça à voix haute, n'est ce pas?"
Parce que la réponse serait probablement "à partir des points de suture, plus ou moins, oui."
Note perso: Éviter de perdre un litre de sang sans prévenir. On oublie de se la fermer quand on pense.


[C'est coooouuuuurt. Tu as droit à une excuse formelle in box si tu veux T_T]

Williamine ou vin blanc... La seule réponse que Caïn donna à cette remarque fut un haussement d'épaules, relativement neutre. Ni l'un ni l'autre alcool faisaient partie des choses avec lesquelles il avait particulièrement d'expérience. Trop cher, trop luxueux en ce qui concerne la Williamine, pas assez violent pour le vin blanc. Étonnante lacune d'expérience qu'il n'avait nullement envie d'aller combler. C'était peut-être pas plus mal qu'il y avait une chose au moins où il ne s'y connaissait pas, vu que l'inverse venait généralement d'un trop plein de pratique.

Mais il n'eut pas trop le temps de ruminer sur cette pensée, parce que le Major choisit ce moment pour se matérialiser au bout du couloir, armé.. d'une autre bouteille d'alcool fort. Mais c'est pas possible d'être un alcoolique pareil. C'est pas toi qui t'es fait flinguer mec, tu n'as pas de blessures à endormir à coup violent d'éthanol. Remarquez, avec beaucoup de chance, il réussirait à se tuer. Caïn se demandait vaguement à quel point Tommy lui en voudrait s'il laissait son adoré tonton se taper un coma éthylique dont il ne se réveillerait plus.
Ça valait probablement le coup.

Et puis Giovanni prit feu.
Manoir de fous.

Non, mais plus sérieusement. Il n'était pas sûr comment il avait pu oublier que le raffut finirait forcément par réveiller ses pokémons, mais le fait est, il fut aussi surpris que les autres de voir Seth apparaitre au détour d'un couloir, la fourrure dressée, ses queues en éventail dans son dos, l'air d'un démon enragé alors qu'elle balançait sans réfléchir un grand coup de flammes dans la direction générale du mafieux. Qui n'eut pas vraiment le temps de réagir, le Major étant plus rapide que lui, l'aspergeant... de Pastis. Mais sans dec', vous êtes tous fêlés dans cette piaule!?

Malheureusement, au lieu de se consumer sur place et débarrasser ainsi la planète d'une saloperie de plus, le mafieux eut la présence d'esprit de se balancer dans la piscine, détruisant au passage une des fenêtres. Bob pourra expliquer les dégâts si qui que ce soit demande, hein, lui il s'en lavait les mains.

-"Seth, ici."

La feunarde était lancée pour terminer son travail, au galop vers la fenêtre pour aller calciner tout ce qui avait la prétence de dépasser de l'eau de la piscine, mais la voix du gosse l'arrêta net sur ses pas, retournant vers lui immédiatement pour observer la blessure d'un air inquiet. Tout ces gens qui se faisaient du souci pour lui, sérieux. Soit il vivait, soit il crevait, y avait pas trente six solutions, aucune raison de se faire du mauvais sang.

De son côté, l'ivrogne s'était enfin décidé de cible, titubant vers la fenêtre, ses deux bouteilles toujours encore en main. D'un pas peu sur, il se pencha par dessus le verre brisé, avant que sa voix hésitante ne résonne vers l'extérieur.

-"Gio', mon poto? Tu vis encore?"

Idée de génie frappa soudainement le gamin.

-"Seth, regarde par là..."

Le doigt pointe vers le cul du Major, dépassant grossièrement dans sa position peu favorable, toute la masse du bonhomme se balançant dangereusement de droite à gauche. C'est pas stable, tout ça, pas stable du tout...
Ni une, ni deux, la jolie Feunarde se lança de tout son poids contre le postérieur du soulard, rebondissant agilement mais non sans propulser l'homme un bon mètre en avant. Et vu qu'il se tenait juste à quelques centimètres du bord...

PLAOUF!

Oh c'est bon.