Le pokémon était entré dans la machine. Mais comment était-il arrivé là, d’abord ? Il n’avait pas l’air d’appartenir à un dresseur… Enfin, peu importe, le collègue l’avait déjà équipé, et il ne restait plus qu’à lancer le jeu. Mais le malheureux programmeur était un peu stressé. Il savait que son projet était perfectible, il avait été terminé dans la précipitation dans l’espoir que PIX•E retienne sa proposition, et résultat, cela avait fonctionné, il était là en personne pour cette incroyable inauguration. Seulement, l’anxiété et le doute n’aidant pas, le pauvre homme s’était légèrement mélangé les pinceaux, et le pire, c’est qu’il ne s’en était rendu compte qu’un peu trop tard.
La partie était lancée, il ne restait plus qu’à espérer que le pokémon n’allait pas remarquer sa petite erreur…
* * *
VIRTUAL TRAINER PROJECT : START
Le bruit des flots résonne au loin. Il fait complètement noir, mais peu à peu la vision s’éclaircit et finit par révéler l’intérieur de la cabine d’un bateau.
Le point de vue est légèrement surélevé et permet d’observer la totalité de la pièce sans difficulté. Un hublot, un placard et une couchette sur laquelle le joueur est actuellement installé. Rien de plus, à part une porte donnant probablement sur le couloir extérieur. Sur la porte du placard, un petit miroir est accroché et laisse apparaître une truffe noire très familière. Entre le jeu et le monde réel, l’apparence était parfaitement identique.
Et puis un bruit attire l’attention de l’occupant de la cabine. Une grande silhouette rigide lui tourne le dos, debout au pied du lit. Vêtu d’un costume beige et d’un petit chapeau, il est particulièrement élégant, bien que son visage soit assez quelconque. Bizarrement, il ne bouge pas.
Puis un avion en papier s’invite en passant par l’interstice du hublot. Le triangle flotte doucement et termine naturellement sa course sur le matelas de la couchette, à portée de patte de celui justement assis au même endroit. Un liseré blanc indique qu’il peut être utilisé. L’objet se déplie automatiquement entre les petites pattes noires et indique une série de chiffres et une flèche pointée vers le bas. L’homme pivote alors la tête et prononce un
« Nya » en contraste parfait avec son allure de gentleman anglais. Son regard vitreux ne laisse deviner aucune forme de sentiment. Mais le voilà qu’il se baisse pour tirer de sous la couchette une grosse valise en cuir.
Le bagage présente un code à quatre chiffres qui ne tarde pas à être résolu. Il s’ouvre, et révèle un ensemble d’appareils technologiques savamment agencés pour s’encastrer dans l’armature de la valise. Une antenne se déplie automatiquement et se met à pivoter sur elle-même, tandis que ce qui ressemblait en tous points à un petit combiné de téléphone filaire se met à sonner.
Quelques grésillements, puis une voix :
« Tu m’entends ? C’est Nimbus, tu me reçois ? Appuie sur le bouton vert pour que je sache que la liaison est établie ! »Le petit bouton en question s’allume, l’occasion de mettre à l’épreuve les contrôles instinctifs du jeu.
« Parfait ! Ouf, ça y est, tu y es Agent 034 ! Alors, tu as trouvé ton pseudo pour cette mission ? Tu es sous couverture après tout… »Une interface apparaît équipée d’un clavier. Mais à peine une touche est-elle frôlée que la série de lettres se volatilise.
« Térébenthine Ba ? Ok, je note ! Je t’envoie tes papiers, tu peux t’en servir si jamais on te demande qui tu es. »La valise s’active soudainement, et une carte d’identité en sort, prête à être cueillie. Dessus, le nouveau pseudo est indiqué aux côtés de la photographie de l’homme en costume beige et au-dessus d’une inscription supplémentaire indiquant « agent de maintenance ».
« D’abord il faut que tu sortes sur le pont principal pour améliorer le signal. Prends le transmetteur et pose le là-bas. Avec ça je pourrai te géolocaliser sur la bateau et te guider pour la suite de la mission. Oublie pas ton pokémon avec toi, surtout !- Nya ! »L’homme en costume s’active à nouveau et marche autour de son « dresseur » avant de s’asseoir sans un mot sur la couchette.
« Tiens, prends cette oreillette, comme ça on restera en communication. Tu trouveras dans le placard de quoi t’aider. Surtout, veille bien à rester discret, si jamais tu te fais griller, t’es fichu ! Il y a tout un tas de types armés sur le bateau et j’espère bien te retrouver en vie ce soir, au port ! Allez, à tout de suite ! »La communication est interrompue. Le transmetteur clignote jusqu’à être récupéré et ajouté dans l’inventaire, tout comme l’oreillette, automatiquement placée sur l’oreille gauche de l’agent 034. Son drôle de pokémon, quant à lui, se lève mécaniquement et marche lentement jusqu’au placard, comme pour inviter à l’ouvrir. Sa démarche le fait se cogner à plusieurs reprises contre la porte qui finit par s’entrebâiller. Sur l’étagère en bois, une fausse moustache du plus bel effet, ainsi qu’un bouton de chemise flanqué d’un micro discret.
L’inventaire une fois préparé, l’homme en costume se dirige seul vers la porte de la cabine. Lui semble connaître le chemin et invite son dresseur à le suivre à grand renforts de
« Nya » répétitifs.
Du côté du couloir, deux choix sont possibles. Soit à gauche, là où semble vouloir aller le pokémon de l’agent 034, soit à droite. Mais la première direction est occupée par un homme en noir légèrement menaçant, tandis que le couloir est vide du côté droit. À moins qu’il ne reste quelque chose dans la cabine qui n’a pas été encore trouvé ? Tandis que la jauge de discrétion se remplit doucement, signe d’une couverture toujours intacte, le premier choix se présente. En avant, Thérébenthine !