Visite au manoir [PV Elias]

C’était l’effervescence au manoir Stappleton. Les couloirs fourmillaient de domestiques, balais et chiffons à la main, en quête du moindre détail qui leur avait échappé. Tout devait être impeccable, il ne fallait rien laisser au hasard, pas même une petite trace sur une fenêtre ou un tableau mal aligné. Le moindre défaut devait rapidement être corrigé, car d’ici peu, le manoir allait accueillir du monde.

Debout en haut des marches de l’escalier principal, Daniella gérait les derniers préparatifs comme une véritable chef d’orchestre. Chaque habitant du manoir devait accomplir sous son commandement une tâche précise avant de s’empresser d’aller en remplir une autre. La grande dame leva les yeux vers la pendule du hall. Il ne restait plus qu’une dizaine de minutes avant l’arrivée des invités. Tout était prêt de son côté, seule une dernière vérification du salon principal s’imposait, car c’était là que les visiteurs iraient en premier.

À l’extérieur, Oswald se chargeait de donner quelques dernières consignes. Un jeune homme s’était déjà rendu aux grilles pour les ouvrir au moment de l’arrivée du bus. Le majordome, lui, rappelait rapidement à certains sujets le sens de la visite qu’allaient suivre les invités une fois arrivés. Au sous-sol, tout le monde était déjà parfaitement informé. Trente minutes dans le salon, puis vingt dans la grande salle à manger, avant de se rendre dans la salle du dîner. Le reste de la visite suivait un plan tout aussi millimétré, que les nombreuses pendules du manoir étaient déjà prêtes à rythmer sans le moindre accrochage.

Les pendules sonnèrent la deuxième heure de l’après-midi. Toutes les têtes se levèrent. Les domestiques terminèrent leur tâche et s’empressèrent de regagner leurs quartiers. À l’extérieur, Oswald se positionna avec précision au pied des quelques marches permettant d’accéder à la grande porte, jetant un dernier regard à sa montre. Au même moment, le rideau d’une fenêtre du premier étage retomba doucement. Derrière lui, Gwendolyne s’éloigna des carreaux de verre pour se diriger vers l’une des deux portes de la pièce tapissée de velours. Patty, incapable de dissimuler son excitation, lui adressa un sourire inspiré, tout en lui ouvrant la porte pour la laisser passer. Derrière elle, Cerbère et Princesse la suivaient au pas.

Le bus venait de pénétrer l’enceinte. Il roula avec précaution jusqu’à la fontaine, qu’il contourna avec aisance pour terminer sa course garé en parallèle du manoir. La porte avant s’ouvrit dans un soupir caractéristique, révélant au terme de quelques secondes la silhouette d’une jeune femme en robe longue. Peu après, ils arrivèrent.

« WOOOOOAH MAIS C’EST SUPER GRAAAND !
– Vas-yyyy ! Prends des photos !
– Mademoiselle on peut aller à la fontaaaaine ?
– J’ai envie de faire pipi… »

Sur le chemin vers l’escalier principal, Gwendolyne ne put s’empêcher de lâcher un soupir. Elle n’avait pas pu dire non à cette sœur méditique de Lavanville à qui elle envoyait régulièrement des dons. D’après elle, la mère charminelle de Sinnoh organisait chaque année un camp de vacances pour enfants défavorisés afin de leur permettre de partir en voyage. Cette fois-là, leur parcours les faisait passer quelques jours par le temple Charmina de Lavanville, dont Nellie, la sœur méditique, avait la charge. Craignant ne pas avoir d’idée d’activité intéressante à leur proposer, elle avait fait la demande à Gwendolyne un mois plus tôt d’organiser une visite de son manoir pour ces enfants. La petite héritière n’était pas des plus à l’aise à l’idée d’avoir des enfants courir partout chez elle, mais ne put finalement se résoudre à refuser. Le problème était que l’information avait circulé, et donc…

« Ah voilà le deuxième bus ! »

Oswald proposa de consacrer l’après-midi entière à une visite des lieux ouverte au public. Évidemment, les places étaient limitées car le manoir ne pouvait accueillir une grande quantité de monde en même temps, c’est pourquoi un compromis fut trouvé avec un système d’acheminement par bus. En tout, cinq bus étaient attendus au manoir. Le troisième n’arrivait que dans une heure, cela dit. La journée allait être longue.

Oswald avança à la rencontre de Nellie, déjà débordée par les innombrables demandes des enfants. Au même moment, le bus reprenait sa révolution autour de la fontaine pour quitter l’enceinte de manoir, laissant sa place au second transport. Le temps de la manœuvre, le majordome conduisit le premier groupe d’enfants vers la porte d’entrée. Les cris étaient nombreux, l’excitation tout aussi grande, en particulier lorsque la grande porte s’ouvrit, révélant l’intérieur du bâtiment. Patty fut celle qui réceptionna le groupe à l’intérieur. Son apparence rassurante capta aussitôt l’attention des enfants qui l’écoutèrent prononcer le discours de bienvenue, avant de conduire la petite troupe vers le grand salon, situé dans l’aile est du manoir.

Au même moment, Oswald reçut le groupe du deuxième bus. Les touristes étaient nombreux, mais moins que les locaux qui ne pouvaient laisser passer une occasion de visiter ce manoir qu’ils avaient toujours aperçu au loin sans jamais avoir une idée de son apparence intérieure.

Si le groupe d’enfants restait au manoir pour l’après-midi, les touristes, eux, n’avaient droit qu’à une visite d’une heure. Largement de quoi leur montrer le rez-de-chaussée ainsi que quelques parties de l’étage. Gwendolyne avait catégoriquement refusé que l’on fasse visiter ses quartiers privés, répugnée à l’idée que des étrangers mettent les pieds dans sa chambre.

« Hors de question. Je ne suis pas morte, que je sache. »

La réplique avait été claire et efficace, suffisamment pour dissuader l’idée d’étendre la visite aux quartiers de la propriétaire des lieux. Le simple fait de faire visiter son foyer comme un établissement historique était déjà bien assez dérangeante pour la demoiselle, inutile de la faire passer pour une reine décapitée dont les appartements privés avaient été restaurés en guise de site historique. Néanmoins, pouvoir ouvrir les portes de son manoir aux enfants était une motivation suffisante pour la petite Stappleton, et selon Jack, c’était une bonne image pour la Dame de Cœur. Et cela ne durait qu’une après-midi, après tout.

Cependant Gwendolyne resta catégorique, aucune photo n’était autorisée. Alors, dans le hall d’entrée, un domestique attendait, boîte à fermoir dans les mains, que les visiteurs y déposent leur appareil, ou même leur téléphone. Quant aux plus téméraires, la mise en garde du majordome faite à l’entrée du manoir suffit à les décourager, sans compter sur les domestiques répartis dans toutes les pièces du bâtiment pour s’assurer que personne ne déroge à la règle.

Les touristes pénétrèrent ainsi dans le hall du bâtiment. Oswald les guida rapidement en direction de la salle de l’escalier principal qu’ils dépassèrent pour entrer dans la grande salle à manger. Pendant ce temps, les enfants avaient été installés dans le salon des invités. L’endroit était suffisamment grand pour tous les accueillir. Patty s’appliquait à présenter les lieux, ses origines, le travail de rénovation et reconstruction qui avait dû être entrepris avant l’emménagement de la Dame de Cœur, et comment Gwendolyne elle-même avait dirigé les opérations. Attentifs et à l’écoute, les enfants avaient tous les yeux rivés sur le grand portrait de Gwendolyne qui était accroché face à ceux, si bien qu’ils ne remarquèrent même pas que le modèle en chair et en os venait d’entrer à son tour dans la pièce.

Souriante, elle gratifia les enfants d’un bonjour raffiné auquel tous répondirent en chœur, comme des écoliers. À l’image de leur patronne, presque tous les domestiques étaient partis pour être occupés jusqu’à la fin de la journée.

L’après-midi s’annonçait ainsi bien remplie.

Céladopole – 1 semaine plus tôt

En fin de journée, le jeune homme aux cheveux verts se baladait tranquillement dans les rues, son habituel sourire sur le visage et un journal à la main. La journée avait été plutôt rentable, il était parvenu à voler le portefeuille d’une vieille bourgeoise avec l’aide précieuse de son Ténéfix dans le quartier aisé de Céladopole, ni vu ni connu, et ne pouvait s’empêcher de sourire en songeant à sa réaction une fois qu’elle s’en rendrait compte. Et, en trainant en ville, il était tombé sur quelque chose de particulièrement intéressant, qu’il avait hâte de partager avec ses compères. Et cela n’allait pas tarder, puisqu’il arriva devant un immeuble de la banlieue de la grande ville. Il entra sans plus attendre et prit l’escalier pour aller au troisième étage. C’était là qu’il vivait désormais, avec quelques amis hors-la-loi, ils louaient un confortable appartement.

Entrant à l’intérieur, il se dirigea vers le salon, où il trouva deux de ses colocataires. La première, Alice, une jeune fille aux longs cheveux blancs et aux yeux jaunes brillants, à l’air particulièrement innocent, était assise sur le canapé, occupée comme à son habitude derrière son ordinateur, et afficha un sourire amical à Elias lorsqu’elle le vit. Sarah, pour sa part, habillée tout de noir et aux cheveux bouclés et mal coiffés de la même couleur, était assise par terre, nettoyant son cher Magnéton, un paquet de bonbons ouverts à côté d’elle, et se contenta d’un signe de tête au voleur lorsqu’il entra. Le dernier colocataire, Max, était absent, mais cela ne dérangeait pas Elias, car la mission qu’il allait proposer requérait plutôt de la subtilité que de la force brute, dont son colocataire était coutumier. Sans plus attendre, le voleur lança le journal sur la table basse, à une page bien précise, en s’écriant :  

« Voici notre nouvelle cible ! »

Les filles s’approchèrent du journal pour voir de quoi il s’agissait, et le titre était suffisamment clair : « La Dame de Cœur ouvre son manoir au public », accompagné de deux photos, l’une du fameux manoir, et l’autre de sa propriétaire, la dénommée Gwendoline Stappleton, lors d’une de ses sorties de mécène. Une figure caritative de renommée, au manoir très protégé, qu’Elias voyait comme un challenge très tentant. Néanmoins, son enthousiasme n’était pas totalement partagé par ses amies. Sarah, mâchant un bonbon, déclara :

« T’es sûr que c’est une bonne cible ? J’veux dire… c’est une bourge, mais elle fait des trucs bien, j’crois qu’elle a donné du fric à l’orphelinat, d’ailleurs. », ajouta-t-elle en songeant probablement à sa propre enfance dans ce lieu qui était à l’époque très délabré.

« T’as vu sa baraque ? répondit Elias en haussant les sourcils. Elle aura qu’à vendre quelques bijoux pour compenser ce qu’on va lui prendre, finit-il en haussant les épaules.

« J’imagine que son manoir est très bien gardé… », songea à voix haute Alice, qui était la plus prudente du groupe.

« Justement, c’est l’occasion ou jamais !, répondit Elias au tac au tac, téméraire comme à son habitude, elle va pas l’ouvrir au public tous les jours. J’suis sûr que tu peux nous avoir des places. Imaginez un peu si on y arrive… », imagina le jeune homme avec des étoiles dans les yeux.

L’enthousiasme du jeune homme devint un peu contagieux, du moins avec Sarah, qui avait été convaincue par ses arguments, et qui aimait également les challenges, et en plus, elle allait pouvoir tester quelques gadgets ! Alice, pour sa part, demeurait sceptique, mais se doutait qu’elle allait se faire convaincre par les autres de ce plan risqué, c’était ce qui se passait généralement. Elias, lui, était impatient, il imaginait déjà le prochain journal annonçant le vol de cette chère Stappleton. Avec sa renommée, un tel événement ferait la une de la presse, une forme de gloire pour le voleur qu’il était. Avec l’aide de ses alliées, il était certain que la réussite était assurée.

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Lavanville – Aujourd’hui

« C’est bon, on est dans le bus. »

Elias et Sarah étaient assis côte à côte, dans le deuxième bus qui arriverait au fameux manoir, chacun d’eux ayant une oreillette reliée à un ordinateur dans une voiture, à Lavanville, pas très loin du manoir, où se trouvait Alice. Cette dernière avait réussi à obtenir des places pour ses deux amis, qui avaient été assez coûteuses d’ailleurs, mais l’argent n’était pas vraiment un problème pour des voleurs... Quant au manoir lui-même, elle avait découvert après plusieurs recherches que le bâtiment était une ancienne demeure de nobles, dont elle avait pu mettre la main sur des plans un peu basiques, mais qui avaient certainement bien changé depuis… malheureusement, pas moyen de trouver de plans plus récents. De ce qu’elle en avait lu dans la presse people, elle savait juste que le manoir était très grand, qu’il possédait un magnifique jardin et une armée de domestiques. Bref, une fois n’est pas coutume, elle n’allait pas être d’une grande aide pour guider Elias, mais pourrait toujours venir récupérer ses amis en voiture si jamais ils devaient s’échapper rapidement. De toute façon, ils n’allaient pas pouvoir s’éterniser, les touristes n’étant autorisés qu’à rester une heure. Et aucune idée d’où se trouvaient les objets de valeur de Stappleton, mais sa chambre serait un bon début pour commencer les recherches…

Dans le bus, les deux jeunes gens étaient parmi des touristes de plus en plus excités à l’idée de visiter le manoir de la Dame de Cœur. Elias avait du mal à comprendre leur fascination pour la demeure d’une grande bourgeoise, il trouvait même cela un peu pathétique, mais, avec autant de monde à gérer pour les domestiques, cela allait lui faciliter la tâche. Pour mieux se fondre dans la masse, lui comme Sarah s’étaient habillés de façon classe. Pour lui, un t-shirt vert, un pantalon et un blazer sans manches noirs et une cravate rouge (dont il avait bien eu du mal à faire le nœud d’ailleurs). Elle avait troqué ses vêtements noirs pour une tenue plus appropriée, gardant son pantalon noir, avec un chandail et des chaussures grises. A en juger par sa grimace, Elias voyait bien que Sarah n’appréciait guère cette tenue, mais lui ne se plaignait pas trop, se trouvant même plutôt élégant. Et, comme cerise sur le gâteau, ils avaient même accepté à contre-cœur de se passer un petit coup de peigne pour tenter d’ordonner leurs tignasses indomptables, sur le conseil d’Alice, qui avait voulu les rendre le plus présentable possible.

« On y est… »

Après une rapide traversée dans la forêt, le bus atteignit finalement les murs d’enceinte du manoir, et put entrer par le portail exceptionnellement ouvert. Toutes les personnes du bus, y compris les deux voleurs, ne pouvaient être qu’impressionnés par la taille et la beauté du bâtiment qui se trouvait devant eux, en face d’une magnifique fontaine. Les touristes commençaient déjà à prendre des photos, à peine descendus du bus, alors qu’Elias aperçut un homme moustachu, le majordome vraisemblablement, qui était chargé de l’accueil. Il réexpliqua les règles de la visite, et annonça que les photographies étaient interdites à l’intérieur du manoir, au grand dam des nombreux touristes. Cela n’était pas grave pour les voleurs, mais lorsqu’il ajouta que leurs appareils électroniques seraient déposés à l’entrée du manoir, Sarah ne put s’empêcher de pousser un petit soupir. Ce n’était pas prévu, mais pas de là à faire déstabiliser Elias, au contraire, le challenge ne faisait que le motiver davantage.

Une fois arrivé à l’entrée, ils ne se firent pas prier pour donner leurs portables au domestique, malgré la petite moue boudeuse de Sarah, qui gardait quand même quelques atouts dans sa manche, tandis qu’Elias espérait bien que le personnel n’ait rien pour détecter leurs oreillettes. Après être restés quelques minutes dans le hall, qui était aussi impressionnant que l’extérieur, Ils furent conduits par Oswald dans une grande salle à manger, au grand bonheur des touristes qui se contentaient de regarder avec intérêt chaque coin de la salle, et notamment les magnifiques tableaux qui ornaient les murs, puisqu’ils ne pouvaient pas faire des photos. Elias et Sarah se lancèrent un regard furtif, ils n’avaient pas beaucoup de temps et le savaient, alors il valait mieux commencer à agir… Sarah s’avança donc vers Oswald pour déclarer avec une voix forte, pour que les touristes entendent également :

« ‘Scusez-moi, on aura l’honneur de voir la Dame de Cœur aujourd’hui ? »

La jeune fille n’était sans doute pas très crédible en groupie, et ne put s’empêcher de parler familièrement, comme elle le faisait habituellement, mais cela eut l’effet escompté sur le groupe qui se tourna vers Oswald avec intérêt pour sa réponse. Quoi de mieux que de voir le manoir ? Voir en chair et en os sa propriétaire, évidemment, qui était actuellement occupée avec le groupe d’enfants dans une autre pièce. Elias profita de l’attention tournée vers Sarah et Oswald pour sortir discrètement un pokemon de sa pokeball.

« à toi de jouer… »

Ténéfix, qui adorait jouer à être invisible, ne pouvait qu’apprécier cette mission, qui plus est lorsqu’il s’agissait de trouver des objets de valeur comme des pierres précieuses, tâche pour laquelle son espèce était connue pour être redoutable. Il allait faire une reconnaissance du manoir, profitant de son aspect spectral pour fouiner. Espérons seulement que d’autres pokemons Psy ou Spectre de le détectent pas… Elias se dirigea à son tour vers Oswald, après qu’il eut répondu à Sarah, affichant un sourire amical et un air innocent – il était meilleur acteur que son amie – et lui demanda de façon respectueuse :

« Excusez-moi, monsieur, est-ce qu’il est possible d’aller aux toilettes ? »

« Naturellement, Mademoiselle Stappleton nous rejoindra à l’issue de la visite pour vous rencontrer. »

La majorité des touristes affichèrent une mine ravie et excitée. Certaines dames se rejoignirent sur  un hochement de tête satisfait, tandis que leurs maris se détournaient déjà du majordome pour reprendre leur contemplation de la salle à manger et de sa décoration. La jeune fille qui venait de poser la question, elle, ne sembla pas particulièrement intéressée par la réponse du moustachu, qui d’ailleurs était déjà interpellé par un autre invité. À l’écoute de sa demande, Oswald s’adressa à un domestique, positionné près de l’entrée du salon.

« Richard, ce jeune homme souhaiterait profiter des commodités. Pouvez-vous l’y conduire ? Vous nous retrouverez dans la salle de dîner.
- Bien, monsieur. Jeune homme, veuillez me suivre, s’il vous plaît. »

Le domestique était un grand homme dont les cheveux gris et le visage marqué trahissait un âge bien supérieur à celui d’Oswald. Mais malgré son air digne et son imposante carrure, il se tourna vers le jeune garçon avec beaucoup de délicatesse et l’invita, d’un geste de la main distingué, à le suivre. Le majordome ne s’embarrassa pas de les regarder quitter la pièce et rejoignit le groupe de touristes, les yeux rivés sur le lustre en cristal qui pendait du plafond. Une bonne terminait tout juste la présentation de l’objet et fit un pas en arrière pour laisser de nouveau la parole à Oswald, qui invita le groupe à se rendre dans la salle de dîner, située à gauche du grand salon. La séparation entre les deux pièces était marquée par une grande porte à deux vantaux que le majordome ouvrit avec suffisamment de théâtralité pour arracher aux visiteurs un léger souffle d’admiration.

Tous levèrent la tête, captivés par les belles tapisseries qui recouvraient les murs de la salle, dont la pièce maîtresse était une longue et somptueuse table en chêne, recouverte d’un service en argent étincelant.

« Monsieur, les toilettes sont ici, faites-moi signe lorsque nous pourrons rejoindre votre groupe. Je vous attends. »

De son côté, monsieur Richard se posta près de l’entrée de la salle d’eau, droit, les mains jointes dans le dos. La pièce était adjacente à la salle du grand escalier et faisait face au vestiaire, d’ordinaire destiné aux invités du manoir. L’endroit était en lui-même suffisamment spacieux pour laisser à son visiteur toute la discrétion nécessaire afin de concrétiser la raison de sa présence. En plus d’un siège, on y trouvait disposait d’un lavabo dont la couleur cuivrée s’accordait à merveilles avec le marbre rose des murs. Un large miroir à destination des personnes désireuses de se refaire une beauté ainsi que quelques commodes en bois venaient compléter ce tableau intimiste et rassurant.

Au moment même où Richard referma la porte derrière le jeune homme, de nombreux bruits de pas en provenance du couloir menant au grand salon se firent entendre. Quelques instants plus tard, Mademoiselle Gwendolyne fit son irruption dans le hall du grand escalier, suivie par une ribambelle d’enfants excités à l’idée d’aller visiter la bibliothèque de l’aile ouest. La petite héritière prit soin de saluer le domestique, qui lui répondit par un hochement de tête lent et maîtrisé. À ses côtés, Cerbère et Princesse avançaient docilement, l’un la truffe en l’air, l’autre d’un air alerte.

Debout, du haut des escaliers, Daniella observa le petit groupe s’engouffrer dans le couloir ouest. Sans un mot, elle leva ses yeux vers la pendule accrochée près d’elle puis pencha la tête, perplexe. Ils étaient en avance. Alors, la grande dame, toujours à l’étage, se dirigea lentement vers l’aile ouest à son tour.

« Ouaaah tous ces livres ! »

Les enfants, tout comme Nellie, regardèrent avec admiration les hautes étagères remplies de livres qui recouvraient la totalité des murs de la pièce. Il y en avait des grands, des petits, des fins, d’autres très épais, tous décorés d’une couverture en cuir pour protéger de la lumière leurs pages légèrement jaunies par le temps. Une domestique, postée pour garder la bibliothèque, adressa un regard à sa petite patronne qui profita de l’agitation des enfants pour lui glisser quelques mots. La jeune femme quitta discrètement son poste, pour disparaître dans le couloir. Patty prit immédiatement le relais, et invita les enfants à s’asseoir devant elle pour leur expliquer les règles d’un jeu de piste qu’ils devront compléter à l’aide des livres de la bibliothèque. Gwendolyne déclara qu’elle aussi prenait part au jeu, ce qui ne manqua pas de ravir les enfants.

Au même moment, Richard s’apprêta à toquer à la porte de la salle d’eau, afin de s’assurer que son visiteur ne rencontrait aucune inconvenance.