Je ne trouvai pas le sommeil cette nuit là. J’avais souvent cette habitude de venir m’accouder à la fenêtre quand je ne trouvai pas le sommeil, me perdant dans mes souvenirs en contemplant les étoiles. Cela me rendait terriblement nostalgique, un peu triste parfois. Pourtant j’appréciai toujours autant ces moments de calme et de solitude...

Le ciel était clair, les astres brillaient intensément comme dans mes souvenirs. Je laissai échapper un bâillement en me frottant les yeux, commençant à ressentir la fatigue accumulée qui s’était comme évaporée au moment de m’endormir. A force de veiller tard, le corps finit par s’y habituer. Mais la raison m’emporta finalement jusqu’à mon lit, du moins c’est ce qu’elle aurait fait si une secousse n’avait pas fait brusquement trembler le bâtiment. Surprise, je perdis l’équilibre et tombai sur le lit, me demandait encore si ce qui s’était passé était bien réel. Ce n’était tout de même pas normal, il fallait que j’aille voir.

Je m’habillai en vitesse, ne prenant pas la peine d’attacher mes cheveux, et sortis en courant. Tout semblait calme, Oliville dormait paisiblement... ce pourrait-il que l’explosion vienne de derrière ? Dans le doute, je fis un détour pour aller vérifier. Personne ne venait là d’ordinaire, c’était devenu mon terrain d’entrainement privé depuis que j’étais championne. Et c’est là que je la trouvai... la responsable de ce boucan. Une feunarde magnifique, mais dans un triste état. Quoiqu’elle ne semblait pas trop blessée, juste un peu sonnée. Elle avait tout de même pulvérisé un rocher, avec ça... sérieusement ?

« C’est toi qui a fait tout ce boucan ? Tu vas bien ? »

Je m’approchai un peu pour l’examiner, mais tout allait bien, elle s’était relevée sans trop de difficultés. Par contre... je me demandais encore d’où elle sortait et comment elle s’y était prise pour faire trembler la terre de la sorte. Un pokémon rare et prisé en plus... si près de la ville, c’était improbable. A moins... qu’elle ne cherche quelque chose. Ou quelqu’un.

« Qu’est-ce que tu fais ici... c’est dangereux pour toi, non ? »

Je me rendais compte que ça devait lui paraitre assez stupide, elle le savait déjà, sans doute. Peu importe. Je voulais savoir ses raisons, maintenant qu’elle était là. J’espérai ne pas lui faire peur aussi, ce serait difficile d’établir le contact. Mais pour je ne sais quelle raison, je m’inquiétai un peu. Cette rencontre... n’était décidément pas le simple fait du hasard.

Comment l’exprimer ? Au moment où les mots sortirent de la gueule de cette renarde, ce fut comme un coup de marteau. Non seulement elle était parvenue à énoncer une phrase construite devant moi, mais surtout, elle avait réussi à lui donner le sens d’un délire incompréhensible. Une vraie philosophe ! A la fin de son discours – duquel j’avais décroché passées les cinq premières secondes à vrai dire, plus occupée à se questionner sur la logique de la situation que celle des mots – je compris subitement qu’elle s’adressai à moi et tombai à la renverse, m’étalant magistralement sur le sol.

« Aie...
- Oh, je suis Kaïsha. Et tu as devant toi le plus grand renard intergalactique de tous les temps ! »

Assise sur le sol froid et grognant de douleur, je la fixai d’un air interloqué avant de finalement hocher la tête de dépit. La situation m’échappait totalement, comment diable un bordel pareil avait pu être provoqué par une seule personne ? En vérité, j’en oubliais déjà ce qui s’était produit juste avant tant la situation était absurde. A croire que j’avais passé une faille dimensionnelle ou un truc du genre.

« Hm... soit. Je soupirai, me relevant et dépoussiérant mes vêtements. – Je... je m’appelle Alizire et tu as devant toi... une personne normale qui... te prend pour une folle, voilà ? »

Le simple fait de m’écouter me donna une violente enfin de me gifler. Non mais sérieusement, qu’est-ce que je foutais encore ? Au lieu de l’aider, j’étais en train de la prendre une abrutie et de passer moi-même pour une idiote, bravo. Je soupirai une fois de plus, me massant la joue en signe de réflexion. Mais rien à faire, je n’avais pas la moindre idée de ce que je devais dire. Peut-être qu’elle avait juste besoin d’un peu de repos pour se remettre les idées au clair ?

« Tu es sûre que ça va ? Tu veux pas te reposer ? On parlera de ton... rêve après, d’accord ? et ce faisant, je reculai de quelques pas en l’invitant à me suivre d’un geste de la main. – Viens à l’intérieur, il fait froid dehors. »

D’ailleurs, j’allais finir par attraper un rhume si je sortais sans mieux me couvrir un minimum. J’étais sortie en hâte, mais je n’avais logiquement pas prévu de m’éterniser dans le froid non plus. C’est tout ce que je pouvais faire pour elle de toute façon... en espérant qu’elle n’aille pas m’attirer des ennuis et qu’elle soit disposée à m’éclairer un peu sur son univers délirant. Mais franchement, si j’avais su, je me serais simplement allée me coucher et demain rien n’y aurait paru. Avec des si...

Face à face dans le salon, à se regarder en chiens de faïence. Je me demandais ce qu’elle attendait pour m’expliquer ses attentes, parce qu’actuellement, je peinai à savoir si elle était vraiment atteinte ou sérieuse à propos de cette conquête de l’univers. C’était quand même étrange il fallait se l’avouer... prendre le temps d’y réfléchir un peu de serait pas un mal.

Mais cela semblait mal partit. Peut-être qu’elle n’osait plus parler de peur que je la prenne encore pour une folle ? Au point où on en était, c’était difficile d’empirer pourtant. Il fallait que je trouve quelque chose pour la rassurer, un truc...

« Je veux conquérir la planète Firefox. Une planète de légendes, que nul n’a réussit encore à mettre sous le joug ! Imagine un peu, la galaxie entière admirative devant Kaïsha aux super-pouvoirs et à... comment déjà... Alizire la chasseuse d’étoiles ! Pas mal hein ? »

Qui... que... quoi... ? Au moins avait-elle fait avancer la situation... Alors en plus de vouloir explorer l’univers, la planète qu’elle recherchait n’était même pas répertoriée ? Quoi qu’en y repensant... ça ne servait à rien d’explorer des endroits déjà connus, il n’y avait là aucun mérite. Les grands explorateurs étaient-ils toujours des personnages aussi extravagants ?

« Petit bémol, elle se trouve pas mal loin d’ici et si on veut être les premiers, il faudra se dépêcher.
- ... Kaïsha aux super-pouvoirs ?... »

J’avais encore un peu de mal à assimiler toutes les informations qu’elle m’avait envoyées à la figure. Moi, une chasseuse d’étoiles ? Ca sonnait vraiment classe, mais en même temps, ça ne devait pas être très facile à porter. Tant que personne n’était au courant sur terre, ça n’y changerait rien, n’est-ce pas ?

« Partante ?
- Chasseuse d’étoiles, hein ?... »

C’était un peu gros pour être crédible. Une rencontre déjà pas banale qui aboutirait sur une gloire éternelle, tout ça par magie, grâce au destin ? De toute façon, comment est-ce que j’allais respirer dans l’espace, hein ? Et avec quel moyen de transport, elle ne savait pas voler et n’avait pas de vaisseau à ce que je sache !

Pourtant... l’idée de manquer une opportunité pareille me faisait peur. Refuser son offre et apprendre un matin aux informations la découverte de cette planète, je ne m’en remettrais jamais.

Alors... pourquoi ne pas lui donner une chance ?

« Ecoute... je veux bien te suivre, mais... il faut un plan avant d’y aller non ? Tu as une carte qu’on sache où aller et sur quelle planète faire escale et... comment on s’y rend surtout ? »

Cela faisait un sacré bordel à organiser, à bien y penser. Je ne savais pas du tout à quoi m’attendre, est-ce que tout était prêt, qu’on aurait pu embarquer dans la seconde qui suivait, où plutôt un truc du genre ‘‘C’est quoi un plan ?’’ à me faire tomber de mon fauteuil ? Bonne question.

En voilà une jolie carte. Cela aurait été plus pratique que je puisse la lire, mais il fallait faire avec. Cette renarde était donc une sorte de nomade de l’espace qui connaissait l’univers comme le fond de sa poche ? Déjà difficile à croire, mais le pire, c’est qu’elle avait l’air sérieuse. Et même fière d’étaler sa science, c’est qu’elle n’était pas radine en confiture ! Mêlant à sa carte des informations qui n’avaient rien à voir, il y avait vraiment de quoi être paumé.

Soit. Admettons. Mais elle n’avait toujours pas abordé la question du vaisseau. Car en fait, il n’y en avait pas. Fendons la voie lactée sur le dos de la légendaire kitsune de l’espace ! ...Cela dit, tout se tenait. Du moins pour son arrivée ici en éclatant un rocher. L’atterrissage un peu à revoir, pas nécessairement. Le tout dépendant de l’état dans lequel elle comptait nous faire arriver... je n’avais pas vraiment envie de servir de crash test, pour tout dire.

« Ah, encore une chose, je ne sais pas pourquoi toi et pas quelqu’un d’autre. Tu es la première personne que je croise sur Terre et comme je ne veux pas perdre mon temps, je te déclare l’Elue de la prophétie et tout le blablabla. Pour cette expédition, tu seras nommée commandant. Bon. Des questions ?
- Prophétie ?... Hm, je suppose que tu peux me raconter ça en route, on en aura surement pour un moment. »

Je me relevai du canapé, soupirant de dépit. Oui, je n'avais pas envie qu'elle ne s'embarque encore dans un récit encore plus tordu que ses premières explications. Du moins, pas maintenant. Je n’avais aucune idée du genre de délire dans lequel je m’embarquais, mais... c’était plus fort que moi. Elue de la prophétie ? Sérieusement... toutes ces explications ne tenaient pas plus debout que mes suppositions logiques. Dans la plus absurde des situations... que devais-je croire ?

« Et... je suppose que respirer dans le vide et ne pas geler c’est toi qui t’en occupes aussi ? »

La renarde acquiesça, semblant apprécier que je marche enfin dans son sens. La feunarde légendaire de la prophétie des ancêtres avait réponse à tout, faut croire. Au moins savait-elle ce qu’elle faisait, c’était un minimum rassurant. Le paradoxe du délire, presque trop fou pour ne pas être censé. Tssh...

J’attrapai de quoi me couvrir, mon écharpe et mes gants, une bouteille d’eau et quelques encas dans mon sac – le stricte nécessaire – et me voilà prête. Parée pour la conquête de l’univers et la recherche de cette planète de légendes. Je ramassai au passage la pseudo-carte-gribouillage au cas où et lui fis signe que tout était bon. Restait le décollage...

« Evite de tout exploser si possible... et euh... je monte comment ? »

Je suppose que j’allais devoir l’enlacer comme une grosse peluche et lui arracher les poils pour ne pas tomber. Une fois dans l’espace et la gravité en moins, ce serait moins problématique, mais avant d’y être... Mais avant tout, j’ouvris la porte et l’invitai à sortir. Pas de trous dans mon toit, merci.

Bref... on y va ?