[Capture] Un doux parfum d'aventure

La petite balle de tissu rouge quitta doucement la surface de la table basse pour s’élever lentement dans les airs. Elle suivit alors une trajectoire incertaine, roula sur le côté, puis finit par en rejoindre deux autres, réfugiées dans une orbite stabilisée au-dessus de la tête de Princesse, qui les regardait d’un air à la fois curieux et fasciné.

Assise confortablement dans son voltaire, Gwendolyne assistait silencieusement à l’entraînement de sa petite Wimessir, caressant de sa main gauche la tête de Cerbère assis à côté d’elle.

« Patty, ajoutez une balle maintenant. »

Assise à côté de la table basse, la jeune femme de chambre piocha dans un petit coffre en bois une nouvelle balle qu’elle posa devant elle. L’objet, comme soudainement animé, roula doucement jusqu’au bord de la table avant d’entrer à son tour en suspension. Oswald ne quitta pas l’étrange spectacle des yeux, réfugié dans le coin du boudoir pour prendre des notes sur un petit calepin. L’exercice se déroulait à merveilles : contraindre Princesse à concentrer son attention sur des objets précis réduisait grandement les effets involontaires de ses capacités psychiques. Malheureusement, le fait que le stylo d’Oswald s’échappe de ses doigts pour rejoindre le ballet aérien montrait que quelques balles étaient loin d’être suffisantes.

Le majordome fit signe à sa petite patronne, qui avait déjà constaté que l’ensemble du mobilier du boudoir était près à quitter le sol à son tour. Empreinte d’inquiétude, Princesse perdit sa concentration, rendant la trajectoire des balles de tissu soudainement incertaine et frénétique. Un simple geste du doigt de la dresseuse suffit à faire comprendre à Cerbère qu’il pouvait rejoindre le petit pokémon pour mettre un terme à l’entraînement. Princesse se réfugia immédiatement contre le flanc du Démolosse afin d’enrayer l’emballement de ses facultés psychiques. Les balles retombèrent aussitôt sur le sol, l’une ricochant sur le front de Patty avant de rejoindre le coffre en bois. Oswald avança tranquillement jusqu’à l’une des fenêtres pour ramasser son stylo.

« Bien, je propose d’arrêter l’entraînement pour aujourd’hui.
– C’était trop joli toutes ces balles qui volaient ! Est-ce qu’on pourrait essayer avec des balles de différentes couleurs la prochaine fois ?
– Nous pouvons essayer lors du prochain exercice. Mademoiselle, avez-vous encore besoin de moi ?
– Vous pouvez disposer Oswald, merci pour votre aide. »

Le majodrome s’inclina respectueusement puis quitta le boudoir sans un mot. À peine la porte fut-elle fermée que la pendule de la pièce sonna la troisième heure de l’après-midi. Gwendolyne quitta son fauteuil pour aller jeter un œil par la fenêtre. Le temps était couvert, mais Daniella n’avait pas parlé de pluie ce matin. Peut-être qu’une petite promenade dans le parc serait agréable avant de prendre le goûter. L’idée devait être soumise, mais la petite héritière se ravisa en voyant l’expression affligée de Patty et Princesse, toutes les deux le regard fixé vers la porte du boudoir.

Les yeux de Gwendolyne glissèrent vers la porte, puis de nouveau vers ses deux camarades qui lâchèrent un soupir conjoint.

« Bon, qu’est-ce que vous avez toutes les deux ?
– C’est Oswald… Il est tout triste ! »

Nouveau regard vers la porte du boudoir. Non, décidément, elle ne voyait rien.

« Je n’ai rien remarqué de différent.
– Depuis hier, il est tout raplapla !
– Il s’est passé quelque chose de particulier ?
– Je suis sûre que c’est à cause de la fleur ! »

Gwendolyne ne put s’empêcher de lever un sourcil. Patty s’empressa quant à elle de ranger la dernière balle de tissu dans le coffre et le prit dans ses bras avant de se relever. Elle insista pour se rendre dans la verrière, ce que la petite patronne ne put lui refuser. Le petit groupe quitta alors le boudoir et traversa l’ensemble de l’étage pour rejoindre le jardin d’hiver du manoir, une pièce toute en longueur percée de larges fenêtres et remplie de plantes en tous genres. Sur le chemin, Patty expliqua que la veille, l’une des habitantes du manoir avait fait malencontreusement tomber une orchidée en pot sur le sol pendant qu’elle nettoyait la pièce. La fleur s’était cassée net, et selon Oswald, elle avait peut de chance de repousser, car c’était une plante très fragile. Il insista pour dire que cela n’avait pas d’importance, mais Patty savait que même s’il refusait de l’admettre, le majordome tenait beaucoup aux fleurs dont il s’occupait.

« Monsieur Basile m’a dit ce matin que c’était même une plante rare !
– Si ce n’est qu’une fleur, il suffit d’en racheter une.
– Mais tu sais qu’Oswald n’achète jamais rien pour lui… Ah ! On pourrait lui en offrir une !
– Je n’y vois pas d’inconvénient, si ça permet de lui remonter le moral.
– Oooh oh ! Il faudrait que ce soit toi qui choisisse la fleur ! Ça lui ferait encore plus plaisir !
– Je ne sais pas si je-
– Noon ! Non je sais ! ll faut qu’on aille en chercher une dans la nature ! Une fleur super rare ! »

Danger. Lorsque Patty avait une idée en tête, il était difficile de la lui retirer. Encore plus quand ses yeux se mettaient à briller et qu’elle commençait à imaginer comment tout allait se dérouler. Gwendolyne recula d’un pas, mais sa femme de chambre enroula ses mains autour des siennes.

« Imagine, ce serait comme une mission secrète ! Comme quand on était petites !
– Tu sais comme moi comment tout ça a fini…
– Si tu réussis à faire une surprise à Oswald, je suis sûre qu’il sera trop impressionnée ! »

Jeu, set et match. Victoire par K.O de Patty sur la petite Gwendolyne, toujours frustrée d’avoir une longueur de retard sur son majordome, peu importe la situation dans laquelle elle se retrouvait impliquée. Il était presque impossible de prendre Oswald au dépourvu. Les tentatives avaient été nombreuses depuis qu’il avait prit la petite héritière sous son aile, mais à chaque fois le moustachu avait réussi à déjouer les stratagèmes déployés. Un chapeau melon en guise de cadeau ? La surprise au moment du déballage fut feinte, il avait trouvé le ticket de caisse deux jours plus tôt. Une nouvelle technique apprise par Cerbère ? Il l’avait anticipé, comme d’habitude. Gagner aux échecs ? Il ne joue jamais sérieusement.

Gwendolyne fixa l’espace vide où se trouvait il y a peu le pot de fleur infortuné. Si Oswald avait le moral en berne, alors il avait perdu en vigilance. C’était l’occasion rêvée. Patty sautilla sur place, ravie à l’idée de pouvoir faire un beau cadeau au majordome. La jeune Stappleton, elle, se voyait déjà triomphante devant un Oswald surpris, ou qui sait, sincèrement ému.

Le plan fut aussitôt mis à exécution. Afin de contourner l’attention de l’As de pique, tout le manoir dut être mis dans la confidence. Visiblement, la frustration de Gwendolyne à ne pas réussir à prendre Oswald au dépourvu était commune à l’ensemble du personnel de la Dame de Cœur. Les combines furent nombreuses : mensonges, détournement d’information, suppression d’indices, rien ne fut laissé au hasard. Au bout d’une semaine, tout était prêt.


Le soleil était au beau fixe à Tribois-les-îles. La terrasse des nombreux salons de thé étaient déjà prises d’assaut au beau milieu de la matinée. En marge de la ville principale, un taxi roulait en direction du nord, vers une partie plus sauvage de l’île, recouverte d’une végétation abondante. Après quelques kilomètres rapidement avalés, le véhicule s’arrêta près d’un chemin à la lisière de la Jungle Arôme.

La porte arrière s’ouvrit, révélant la fine silhouette de Patty, vêtue d’un uniforme beige spécialement taillé pour l’exploration en milieu hostile. Dans ses cheveux, un petit serre-tête cousu de fleurs en tissu devançait une longue tresse solidement nouée. La jeune femme de chambre s’empressa de faire le tour de la voiture pour ouvrir l’autre porte mais se retint au dernier moment. Elles étaient venues incognito. La seconde portière s’ouvrit alors, laissant Gwendolyne sortir à son tour. Sa tenue était en tous points similaires à celle de Patty, si ce n’est que ses jambes n’étaient pas protégées par une jupe droite, mais par un bermuda bouffant recouvert de poches et étroitement resserré au-dessus des mollets. Plus bas, une paire de longues chaussettes blanches achevaient de dessiner une tenue pratique et élégante.

Dans un geste nonchalant, Gwendolyne ajusta son sac à dos, replaça ses deux tresses noires sur ses épaules, puis fit signe à son amie qu’elle était prête. Les portières se refermèrent, le taxi quitta la zone. Horaire de retour prévu pour la fin d’après-midi. Elles avaient la journée pour dénicher la perle rare.

Sans attendre, le duo s’engagea dans le sentier qui leur faisait face. La jungle arôme avait été aménagée pour permettre à n’importe quel visiteur de l’explorer en suivant un parcours proprement dessiné, mais les deux demoiselles n’étaient pas venues pour faire du tourisme, et firent le choix d’emprunter un parcours en marge, non balisé, et donc plus sauvage. La cartographie des lieux fut attentivement étudiée pendant la semaine : afin de trouver une véritable fleur rare, il était indispensable de s’aventurer profondément jusqu’au nord de la forêt.

Malgré la végétation abondante, les deux camarades avancèrent d’un bon rythme. Guidées par une petite boussole, elles n’hésitèrent pas à quitter leur sentier pour s’engager dans des parties plus touffues de la jungle.

Finalement, après une vingtaine de minutes de marche, Gwendolyne et Patty estimèrent qu’elles s’étaient suffisamment éloignées de la lisière pour entamer leur véritable recherche. Les pokéballs quittèrent leur sac à dos. Cerbère, déjà au garde à vous, attendait les ordres. Lui était surtout là pour intervenir en cas de danger. Celle qui allait réellement mener la quête de la fleur rare était Dune, la Cheniselle de Patty. Le pokémon insecte, à peine sorti de sa filet ball s’accrocha à l’extrémité d’une longue branche de bois tenue par sa dresseuse, à la manière d’une canne à pêche.

« Le nord est par là.
– C’est parti ! Dune, si tu sens quelque chose, tu nous fais signe ! »

Le pokémon suspendu balança gaiement de droite à gauche. La mission « Trouver une fleur rare pour Oswald » était désormais lancée.

Note : il faut imaginer une voix à la Sylvester Stallone. Mais celle du film Rambo, pas Rocky. (Non je ris j'y connais rien ~)

Terrasser son ennemi. Détruire le danger. Anéantir l'intrus. Quiconque entre sur mon terrain de manière non-sollicitée n'en ressortira pas vivant. J'avais fière allure avec mon maquillage de guerre sur le visage, afin de me fondre avec mon environnement. La jungle était hostile, mais je maîtrisais parfaitement ses moindres recoins, ses pièges et ses secrets. Quand on perd sa bien-aimée dans une fosse à piques ou à cause d'un humain qui se permet de la retirer à sa famille, ses amis, l'arrachant ainsi à tout ce qu'elle connaissait sans aucun remords, on apprend à anticiper les risques et y mettre un terme rapidement. C'est ainsi que je devins la personne que je suis aujourd'hui, déterminé à faire fuir les gens qui oseraient s'aventurer dans les profondeurs de la jungle dans le but de capturer les plus démunis.

Tous les jours, j'effectue la même routine. A mon réveil, je commence par me lever en prenant soin de désactiver les pièges placés la veille et destinés à me protéger pendant mon sommeil. Après un rafraîchissement bref dans la rivière à proximité, je peux enchaîner avec mon maquillage de guerre qui sert à la fois de camouflage : deux lignes de boue de chaque côté de mon visage. Ainsi, je suis paré à affronter le plus redoutable Pokémon-sbir qui s'est fait laver le cerveau et se retrouve à la merci des bipèdes ennemis. Comment je sais tout ça ? Voici mon histoire…


Nous nous étions rencontrés par une chaude et humide journée d'été. À cette époque, j'étais encore bien naïf et ignorant, n'hésitant pas à sortir des fourrées pour découvrir les secrets des sentiers battus (oui parce que je vis dans la partie sauvage, du coup c'est le civilisé le territoire inconnu, faut suivre un peu !). C'est là que je la vis. Timide. Discrète. Cachée dans un buisson. Je m'approchai et vis qu'elle restait où elle était. Je pensais donc qu'elle n'était peut-être pas si farouche ! Il s'avéra qu'en fait elle était coincé dans les branches… Ni une ni deux, je m'empressa de la délivrer des griffes des ronces, sans me douter un instant qu'un mal plus grand, dont je ne pourrais la sauver, planait…

Pour me remercier au calme, elle m'emmena près d'un point d'eau reculé des chemins pédestres. N'étant pas de ce coin là, il m'était encore inconnu à cette époque. À présent, c'est ici que je me suis installé, en sa mémoire. Nous pûmes soigner ses égratignures et discuter longuement, créant ainsi un lien fort et des rêves communs. Nous voulions parcourir la jungle en aide aux autres créatures dans le besoin. Il s'avéra qu'elle était finalement aussi téméraire que je ne le suis aujourd'hui. Dans notre palmarès de sauvetage, nous pouvons trouver des Paras, des Pijakos, voire des Pokémons plus gros tel qu'un Ronflex qui s'était égaré. Nous nous pensions invincibles et avons baissé notre garde.

Un beau jour, alors que nous parcourions la jungle comme à notre habitude en arpentant les sentiers pédestres, nous entendîmes des cris. Sans attendre, nous nous précipitâmes dans la direction d'où provenait cette détresse et nous eûmes le regret de constater une Croquine à terre, recouverte de boue. Elle semblait désespérée et avant que je n'aie le temps de réagir, ma bien-aimée se jeta dans l'action afin de sauver le Pokémon sans défense. Malheureusement le pire arriva… Le monstre qui tenait sur deux jambes avait déjà entrepri l'action de jeter cette sphère maudite aux couleurs du démon, et elle ne l'avait pas vu venir, se faisant aspirer à la place de la Croquine. Je vis son corps se distendre et devenir informe dans un rayon de lumière maléfique, l'horreur et la douleur dans son regard qu'elle posa une dernière fois sur moi avant de disparaître à tout jamais de ma vie…

- NOOOOOOOOOOOOOON ! criions-nous à l'unisson avec le petit Pokémon fruité.

Je tournai mon regard attristé vers lui, mais aussi surpris de découvrir qu'il partageait mon désespoir avec une telle intensité. Visiblement, ces images resteront gravées à tout jamais dans sa mémoire également… Son sacrifice n’aura pas été vain, et en pensant à cela mon coeur se sentit légèrement apaisé. Je savais qu’elle disparaissait en accomplissant son devoir et qu’elle serait fière de ce qu’elle venait d’accomplir.


Depuis ce jour funeste, je décidai de cesser d'attendre que les humains n'aient déjà pénétré dans ma jungle pour agir, préférant les faire fuir dès que l'occasion se présentait. Dorénavant, les pièges à piques, c'est moi qui les posais. Les cordes rattachées à un arbre et qui vous soulèvent lorsque vous marchez dans la boucle ? Ma plus belle œuvre. Une caisse maintenue par un bout de bois et contenant du fromage à l'intérieur ? Une invention machiavélique. Parfois il m'arrivait même de changer les direction des rares panneaux présents sur mon territoire : mon génie qui s'exprime. Et aujourd'hui je n'avais pas chômé. Après avoir fait déguerpir un groupe de féroces enfants qui soit-disant jouaient à se cacher - alors que nous savons tous que c'est une ruse pour s'approcher des Pokémons sans éveiller leurs soupçons -, voilà un duo de femmes déguisées en ranger et accompagnées des créatures à qui elles avaient lavé le cerveau afin de les soumettre à leur volonté (cette phrase est très longue non ? *kof*). Mais je n'étais pas dupe ! Leur vulgaire costume ne suffira pas à me résigner à les laisser passer, c'est ainsi que je m'interposai sur leur chemin en les sommant d'abandonner et laisser les Pokémons de la jungle tranquilles !

C’était un grand combattant. Il était brave, courageux, et n’avait peur de rien. Son corps, aiguisé comme une lame de rasoir par les années passées sur le front, se dressait droit, fier et puissant. Dans son regard, on devinait une souffrance désormais dissimulée derrière une résolution inébranlable. Il n’avait plus rien à perdre, car il avait déjà tout perdu. Mais il refusa d’abandonner, car il n’était plus faible. Non, il était-

« Oooohw il est trop mignon ! »

Patty s’accroupit au niveau du Chétiflor pour l’observer de plus près, attendrie par les traces vertes sur sa petite tête jaune qui rappelaient des peintures de guerre. Le pokémon plante semblait ne pas vouloir que les deux aventurières pénètrent plus profondément dans la jungle. Était-ce pour les protéger ? Peu de chance, à en juger par son comportement. Les feuilles écartées, il cherchait à faire barrage de son corps, bien que sa frêle silhouette ne soit pas ce qu’il y a de plus intimidant. Gwendolyne compta l’ignorer et passer son chemin, malheureusement, les yeux pétillants de Patty indiquaient qu’elle s’était déjà attachée à lui. Le doigt tendu vers lui, la femme de chambre tenta d’établir un contact, mais la drôle de brindille ne sembla pas encline à parlementer.

« Laisse-le Patty, on a autre chose à faire. »

Les yeux rivés sur sa boussole, Gwendolyne reprit son chemin et avança de quelques pas, jusqu’à ce qu’un aboiement de Cerbère la fasse stopper net. Au même instant, un filet de liane s’écrasa alors lourdement sur le sol juste devant elle. Sans un mot, la tête de la demoiselle pivota lentement vers le Chétiflor, qui ne semblait pas innocent dans cette affaire.

« Cerbère. »

Des flammes commencèrent à crépiter dans la gueule du canidé à cornes. Il n’était plus l’heure de pourparler. Heureusement pour le petit pokémon plante, Patty s’interposa.

« Attends ! Peut-être qu’il peut nous aider !
– C’est un Chétiflor, Patty.
– Il doit être intelligent pour avoir su préparer ce genre de piège ! Peut-être même qu’il connaît bien la jungle et pourrait nous dire où trouver une fleur rare ? N’est-ce pas ? »

La petite femme de chambre s’accroupit à nouveau face au pokémon fleur, affichant un air réjoui et rassurant, bien différent du regard assassin que Cerbère et Gwendolyne continuaient de lui adresser. Pour le Chétiflor, l’heure était venue de faire un choix. Mais la jeune Stappleton n’avait pas la patience d’attendre qu’un pokémon à tête de cloche décide ou non de servir de guide, alors elle somma sa camarade de reprendre l’exploration et de laisser le pokémon plante où il était. À regret, Patty salua la créature longiligne et courut rattraper sa partenaire de route. Dune, toujours accrochée à sa branche, reprit sans attendre son rôle de radar.

Seulement, la route des deux exploratrices croisa le chemin de plusieurs nouveaux pièges, certains innocents, d’autres particulièrement dangereux. Ce Chétiflor avait gardé une vraie rancune contre les visiteurs de la jungle. Admirative, Patty félicitait l’ingéniosité du pokémon plante, tandis que Gwendolyne réfrénait du mieux qu’elle le pouvait ses envies d’incinérer la totalité des lieux. Alors, pour ne pas perdre de vue la raison de sa présence ici, la petite Stappleton resta concentrée sur sa boussole et continua mécaniquement sa progression, jusqu’à s’arrêter au pied d’un grand arbre couvert de mousse.

« Alors, est-ce que Dune sent quelque chose ? »

La question s’effaça au cœur des feuillages. Gwendolyne se retourna. Patty n’était plus là. Dune non plus. Elles avaient probablement suivi une autre piste sans prêter attention. Pourvu qu’elles ne se soient pas laissées prendre par un autre piège idiot… Il ne restait plus qu’à faire demi-tour.

« Haa… Tâche de les retrouver Cerbère. »

Mais le pokémon feu semblait en vouloir autrement. Le museau pointé vers le sommet du grand arbre, le Démolosse se mit à grogner. À peine eut-elle le temps de se retourner que Gwendolyne aperçut quelque chose quitter la cime pour foncer droit sur elle.

Spoiler:

Force. Brute. Taper. Moi conquérante jungle. Moi vouloir trouver adversaires à ma taille. Tous ! Tous adversaires ! Faibles. Moi force puissante. Moi faire muscles quodidi… Quotidi… Quoditi… Tous jours ! Toi combattre si toi vouloir passer, mais toi pas gagner donc toi pas passer. Hahaha.

Tels seraient les mots que vous auriez pu entendre si vous parliez Pokémon. Ou plus particulièrement, si vous étiez dans la tête de cette Pijako, suspendue sur une branche, surplombant le chemin sous elle. Elle guettait la venue de créatures dignes de son octogone. Spoiler : il n'y en avait pas, elles se faisaient toutes battre à plate couture par ces ailes musclées et parfaitement huilées pour le combat (comment ça, l'huile c'est pas l'idéal pour le combat ? Attendez de voir si ses éclaboussures lors d'un ébroument c'est pas efficace quand ça rentre dans les yeux de l'adversaire et lui pique les orbites !). Toujours est-il qu'elle cherchait quodidi… Quotidi… Quoditi… Tous les jours un ou une concurrente à la hauteur de son entraînement. Ce dernier était simple : voler en rond non-stop pendant quarante-cinq minutes, puis enchaîner avec trois séries de cinquante lever de poids en se servant d'un Manzai (pour des raisons de consentement, on dira qu'il trouve ça rigolo de se faire balancer dans les airs, sur une branche, à plusieurs dizaines de mètres du sol. Et pas du tout qu'il est là contre son gré après une malheureuse aventure dans laquelle il se promenait gaiement dans la jungle avec son dresseur encore novice, qu'il avait fini par se perdre dans toute cette végétation, puis que la Pijako lui avait "gracieusement" offert son aide en le kidnappant pour s'en servir d'outil d'entraînement.) et terminer par une course d'obstacles dans les feuillages pour renforcer ses gambettes afin de garder une silhouette uniforme et élégante !

À présent, revenons-en aux deux aventurières qui avaient déjoué non sans peine les plans de notre Rambotiflor. Elles s'avançaient dans la jungle, ralenties par les précautions supplémentaires qu'elles devaient prendre pour ne pas se faire capturer (comme c'est cocasse ~), mais également par la pluie qui commençait à tomber. Ah la météo, toujours si imprévisible. Si vous aviez regardé une chaîne d'informations locales avant de partir, vous auriez probablement évité de sortir de chez vous pour venir vous balader dans le coin aujourd'hui, le ciel étant globalement assez imprévisible dans cette région. Visiblement cette malheureuse averse suffit à séparer les deux commères, le sol devenant instable et la nécessité de regarder où mettre ses pieds une priorité. Ainsi, petit à petit elles finirent par s'éloigner jusqu'à complètement se perdre de vue, l'odeur d'herbe mouillée n'aidant pas à se repérer avec l'odorat. De toute façon la question ne se posait pas car la jeune héritière avait pénétré l'octogone de notre héroïne du jour, Ray Pijako ! Celle-ci n'attendit pas qu'ils comprennent dans quoi ils s'étaient embarqués et fonça sur le quadrupède depuis les hauteurs, lançant par la même occasion une attaque Furie.

Mais le combat réservait d'autres surprises. Car tandis que les humaines avançaient dans la jungle en évitant les pièges, leur créateur les avait suivi pour sauter sur l'occasion si jamais un de ses plans fonctionnait. Visiblement, il avait bien fait de suivre la jeune fille peu sympathique qui ne faisait que ronchonner depuis qu'elle était entrée sur ces terres magnifiques dont elle ne savait apprécier la beauté, de toute évidence. Rambotiflor avait senti que si une des odieuses humaines était plus destinées à faire du mal à la population des environs que l’autre, ça serait bien elle. C'est pourquoi il profita de la diversion de la Pijako pour activer son piège : le sol s’effrita sous les pieds des deux inconnus, pas assez pour les blesser, mais suffisamment pour les empêcher de s’échapper cette fois. Puis le Chetiflor pénétra l’arène afin de rejoindre le combat, prêt à en découdre ! Ils avaient peut-être surmonté ses obstacles précédents, mais cette fois, la balade était finie.

Tu te trouves donc dans une sorte de mini-clairière entourée d’hauts arbre junguleux *kof*, le sol sous tes pieds enfoncé d’environ un mètre et sous la pluie, amusez-vous bien ~

« En stratégie, il ne faut jamais sous-estimer le potentiel d’un repli stratégique. Nous allons regarder l’exemple à la page… Oh ? Oui mademoiselle ?
– Je pense que la fuite c’est pour les gens qui ont peur. Moi j’ai pas peur. S’ils fuient c’est qu’ils sont nuls.
– Moi je n’ai pas peur, mademoiselle.
– Moi je n’ai pas peur.
– Ceci ne sont que des exemples de batailles historiques, mademoiselle. Nous allons tâcher de comprendre pour quelles raisons ils décident d’agir ainsi. Ces connaissances sont importantes pour une demoiselle de votre rang et sans doute vous seront-elles utiles, un jour.
– D’accord.
– Entendu.
– Entendu. »

Les cours de stratégie militaire d’Oswald n’étaient pas les plus faciles à suivre, à l’époque. Mais le majordome en était convaincu, ils lui serviraient un jour. À ce moment-là, lui même ne savait pas que son élève allait choisir de suivre le parcours de sa mère, et pensait sans doute que ces connaissances l’aideraient dans la gestion de sa fortune. À moins qu’il s’en doutait déjà, à ce moment-là ? Dans tous les cas, cela était pénible de l’admettre, mais encore une fois, le majordome avait eu raison.

Dans la jungle, le sol se changeait peu à peu en boue sous les assauts répétés de l’averse. Les pieds partiellement enfoncés, Gwendolyne ajusta son chapeau tandis qu’elle reculait de quelques pas. Devant elle, Cerbère esquiva avec souplesse les coups de bec de leur nouvel assaillant, un Pijako qui visiblement n’appréciait pas l’idée de recevoir de la visite. À l’appel de sa dresseuse, le canidé profita d’une ouverture du pokémon à plumes pour se glisser sur son flanc et lui adresser un puissant coup de patte arrière qui le projeta de l’autre côté de l’étrange arène. L’oiseau heurta une racine mais se releva aussitôt, bien que l’attaque coup bas de Cerbère eut laissé quelques traces.

Autour d’eux, de hauts murs de terre et de racines bloquait toute échappatoire. Le sol s’était enfoncé d’un coup, changeant le pied du grand arbre en une sorte d’arène dont la seule issue semblait être la victoire. Mais le Pijako était déjà prêt à renouveler son assaut, et cette petite teigne de Chétiflor était prête à lui prêter main forte. Les pokémons étaient petits, mais tous les deux partageaient la même colère que Gwendolyne ne parvenait pas à expliquer. D’autant qu’à en juger par la manière dont le volatile gonflait désormais son plumage, il était préférable de ne pas s’attarder davantage.

Tandis que Cerbère s’interposait afin de garder sa dresseuse en sécurité, celle-ci décida de s’approcher de l’un des murs de terre, dans l’espoir d’y trouver une prise pour se sortir de ce vilain guêpier. Sa main blanche agrippa une racine et tenta de se hisser, mais le rhizome rompit aussitôt et la fit glisser au pied du mur boueux.

« Cerbère, garde les à distance ! »

La gueule du pokémon crépita aussitôt. Sous la pluie, aucune chance de mettre le feu à la jungle. Une gerbe de feu saura repousser les deux pokémons sauvages, le temps pour Gwendolyne de réfléchir à une solution. Mais tandis que la jeune Stappleton courut rejoindre son pokémon, son pied s’enfonça brutalement dans le sol, manquant de la faire tomber en avant.

L’équilibre tout juste retrouvé, Gwendolyne claudiqua maladroitement et se retourna. Face à elle, un petit trou sombre, signe du passage d’une partie de sa jambe à travers le sol. Mais la malheureuse n’eut pas le temps de comprendre la situation davantage que déjà son corps tout entier fut entraîné vers le bas.

Un cri de surprise, puis déjà le ciel gris et les feuillages disparurent. La chute sembla longue, mais ne dura qu’une paire de seconde avant d’être ralentie par des lianes et des racines suspendues. Le corps de la petite héritière sembla rebondir comme une poupée de chiffon, avant d’atterrir avec une certaine lourdeur dans ce qui semblait être un gros tas de feuilles. Le haut était devenu le bas, Gwendolyne s’agita autant que possible puis parvint enfin à dégager sa tête tressées de cheveux noirs hors du tas de végétaux. L’instant d’après, Cerbère la rejoignit dans son infortune.

Quelques gouttes de pluie impertinentes continuèrent d’éclabousser le bout du visage de la jeune héritière, trouvant leur chemin du ciel jusqu’à cette étrange caverne souterraine. La tête levée, Gwendolyne constata avec surprise que le ciel se résumait désormais à la taille d’une fenêtre creusée dans un plafond devenu inaccessible. La distance qui séparait le sommet du tas de feuilles à l’ouverture était suffisamment grande pour décourager toute tentative de regagner l’extérieur par le haut. Heureusement que des lianes et des racines suspendues à l’horizontale avaient ralenti la chute de la pauvre demoiselle, sans quoi se remettre debout aurait été beaucoup plus difficile.

Cerbère sortit à son tour sa truffe du coussin, les crocs refermés sur une petite baie qu’il n’attendit pas pour croquer avec appétit. Gwendolyne n’était pas d’humeur aussi gourmande, et tenta déjà d’extirper le reste de son corps d’un tas qu’elle comprit être en réalité presque uniquement constitué de baies. Les feuilles servaient plutôt à les protéger, de l’humidité sans doute.

« Je suppose que c’est un garde-manger… »

Si ce n’était pas le cas, cela en avait tout l’air. Une telle quantité de baies ne se regroupe pas par magie, et à en juger par l’environnement toujours sauvage, ce n’est l’œuvre de la main humaine.

Un frisson se glissa dans la nuque de la petite aventurière. Pour posséder autant de nourriture, le propriétaire devait être un grand pokémon, ou bien s’agissait-il d’une colonie ? Peu importe la réponse pour Gwendolyne qui se laissa rapidement glisser jusqu’au pied du tas. D’un claquement de doigt, Cerbère la rejoignit aussitôt, se léchant discrètement les babines pour les débarrasser des dernières gouttes de jus de baie.

Plus haut, l’activité semblait s’être calmée. Avec un peu de chance, le Pijako n’avait pas en tête de venir poursuivre son combat dans cette caverne, et le Chétiflor n’était pas suffisamment têtu pour la suivre. D’un autre côté, le fait qu’ils ne viennent pas à sa poursuite était peut-être signe que cette caverne était le territoire d’un pokémon dangereux. Gwendolyne eut beau retourner la situation dans tous les sens, la seule conclusion sur laquelle elle était en mesure d’aboutir et qu’il ne valait mieux pas s’attarder trop longtemps ici et rejoindre la surface de la jungle le plus tôt possible. Avec un peu de chance, Patty aura trouvé pendant ce temps là une fleur à offrir à Oswald.

La petite Stappleton soupira, puis débarrassa sa tenue des quelques feuilles et traces de boue qui y étaient toujours accrochées. Face à elle, deux galeries sombres s’étendaient plus profondément encore dans les entrailles de la jungle. Gauche ou droite, le choix aurait dû être rapide. Mais un son en provenance de l’une d’elle ravisa la demoiselle qui se dépêcha d’aller se cacher derrière le tas de baies dans l’espoir de savoir dans quels nouveaux problèmes elle s’était désormais retrouvée.

Spoiler:

> Mais enfin, c’est pas bientôt fini ?! Toutes ces rooonces et cette teeeeeerre, aaarg… N’y a-t-il donc aucun moyen de sortir d’ici ? Seulement quand je me croyais si près du but, il a fallu qu’ils gâchent tous… Foutus sauvageons, avec leur boue partout là sur leur visage ! Je me retrouve piégée à nouveau dans cette jungle humide et désagréable...
POURQUOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOooooooooooooooooooiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii…

Si vous vous y connaissez un peu en cinéma, c’est ce genre de plan où l’on passe du personnage qui parle à une vue d'ensemble du lieu où il se trouve, en effectuant un dézoom très rapide pour donner un air dramatique, montrant ainsi la densité de la jungle, et des volatiles au loin qui s’envolent en entendant le cri qui résonne en écho. S'ensuit un plan sur Patty qui relève la tête pour écouter la provenance de ce retentissement, avant d’hausser les épaules puis de poursuivre son chemin dans l’espoir de retrouver son amie à bouclettes. Le bruit pouvait venir d’un pokémon qui s’était fait mal en glissant dans une flaque, pas de quoi s’inquiéter… Quoi qu’il en était, elle se dirigeait sans le savoir en direction de la petite créature désespérée de toute cette végétation (on se demandeuh bien de qui ileuh peut s’agiiir !).

Mais nous en saurons plus en temps voulu. La force des dés du destin ne nous mène pas encore de ce côté de l’histoire, alors revenons-en à la riche héritière qui était heureusement habillée pour les situations qui se présentaient à elle. Enfin… Si tant est qu’un parachute n'aurait pas été de trop. Sous la force des coups répétés à la surface, mêlés à la météo pas des plus conciliantes, le sol s’était ramolli avant de s’effondrer, entraînant avec lui la demoiselle et son canidé. La chute n’épargna pas le duo, qui devrait se réveiller avec quelques bleus et contusions demain matin. Enfin s’ils parvenaient à sortir de cette jungle en vie. Ce dont la demoiselle doutait de plus en plus en entendant un bruit sourd retentir dans la caverne au moment où elle s’était pourtant décidée à reprendre la route. Cachée parmi les baies, elle gardait tout de même les yeux rivés sur la bifurcation du tunnel en attendant de voir quel nouveau malheur allait lui tomber dessus.

D’abord une ombre menaçante. Des pas lourds, lents. Pom… Pom… Pom… Les vibrations se faisaient de plus en plus fortes au fur et à mesure que la créature s’approchait de sa salle de festin. Et en tendant l’oreille - ce que vous faites sûrement lorsque votre vie en dépend -, une petite voix criarde pouvait se faire entendre. Quel étrange association… Finalement, une tête émergea du tunnel de droite, révélant par la même occasion un imposant Tropius, sa face agrémentée d’une petite paire de lunettes dont la montures est composée de lianes séchées. La voix continuait de déblatérer tandis que la jeune héritière pouvait voir que les paroles ne venaient pas du Pokémon de deux mètres. Ses lèvres étaient immobiles, et pourtant les mots d’un monologue se faisaient entendre…

> J’te jure il m’a parlé comme ça ! Alors j’allais quand même pas me laisser faire, je lui ai dit : “Hey ! Heu si tu te calmes pas je vais appeler mon cousin là, j’te jure il mesure au moins trois mètres !” Évidemment je parlais de toi, même si j’sais que tu fais pas vraiment trois mètres LOL (est-ce que les gens qui disent LOL à l’oral ne sont pas encore plus détestables que la moyenne ?). Et là alors ça l’a calmé direct, il a pris ses jambes à son cou, je te raconte même pas la tête qu’il faisait ! Je suis pas près de le revoir çui-là, à mon avis il va vite changer de coin, c’est moi qui te l’dis.

En remarquant la luminosité intense de la pièce comparée à d’habitude, le Pokémon vol releva la tête pour constater le trou béant dans le plafond qui faisait à présent office de puits de lumière. Il ne semblait pas si étonné que ça, ou alors il était aussi lent à afficher ses émotions qu’à effectuer toute autre action. Il resta vers l’entrée du tunnel, mais suffisamment avancé dans le garde-manger pour qu’on puisse le contempler avec aisance. Finalement, on pouvait apercevoir à la base de son cou la provenance du soliloque : une petite créature d’un orange-sanguine flamboyant, dont le corps était agrémenté de deux petits champignons de chaque côté, ainsi que quatre fines pattes et deux grosses pinces qui n’essayaient même pas de dissimuler les nombreux petits crocs autour de la bouche. Vous l’aurez compris, il s’agissait là d’un…

> Sarpa, veux-tu bien descendre pour aller chercher la demoiselle et son compère qui souillent nos aliments ? N’ayez crainte, on ne va pas vous blesser. Seulement, c’est notre unique stock de nourriture et nous aimerions bien qu’il reste comestible.

> Tu veux les laisser s’en tirer comme ça ? J’te rappelle combien de temps ça nous a pris de réunir toutes ces baies ?! HEY VOUS ! Ouais le caniche et sa maîtresse, sortez de là avant que ce soit moi qui vienne vous chercher !

> Allons, ne sois pas aussi autoritaire. Vas les chercher puis nous les raccompagnerons à la sortie. Ensuite il faudra qu'on réfléchisse ce qu'on fait avec ce plafond. Encore.

Le petit Paras descendit du dos de son ami pour s'approcher de la pile de nourriture (et selon le contexte je ne parlerais pas que des baies, une chance pour toi qu'il s'agisse de Pokémons végétariens ~). Il ne semblait pas très commode malgré sa petite taille. Sûrement un excès d'égo ou de confiance en soi dûe à la présence de la créature de deux mètres située juste derrière lui… Du coup il enchaîna en faisant de grands mouvements de pinces en l'air.

> Bon les deux p'tits rigolos, sortez de là avant que je vienne vous chercher. Mon pote là il veut bien vous aider à sortir d'ici, c'est un vrai labyrinthe quand on connaît pas l'coin ! Mais moi chui pas aussi sympa qu'lui, alors si vous voulez avoir une chance de vous en sortir et pas que je vous casse les dents, va falloir que l'un de vous se dévoue pour faire un combat… De danse !

Derrière lui, le Tropius poussa un léger sourire, probablement tout comme toi derrière ton écran. "Oh non, encore un combat de merde (parce que je sais que tu es un petit insolent), comment vais-je encore pouvoir l'éviter ? Et puis c'est quand que je trouve ma Coquine lààà !" tu te demandes sûrement. Et moi aussi Hocchan, moi aussi…

En attendant, te voilà face à un Paras qui te défie au milieu du puits de lumière, avec son ami dinosaure qui bouche l'accès aux chemins. Mais de toute façon, si tu te montres un minimum coopératif tu as bien compris qu'ils seraient tout-à-fait enclins à vous escorter jusqu'à la surface. Pour te montrer qu'il était prêt, le Pokémon insecte effectua des mouvements de breakdance au rythme d'un tempo imaginaire (honnêtement j’y connais rien et je pense que toi non plus, donc est-ce qu’on a les deux envie de chercher des mots qu’on ne connait pas pour l’occasion ? J’en doute ~ Alors faisons cliché et imaginons les mouvements habituels de vagues avec les bras, toupie sur la tête et finale en position d’aguicheuse : sur le côté, une jambe tendue et l'autre repliée vers le haut, genou en l'air, et une main qui soutient la tête huhu).

Dans le grand salon, les notes du piano à queue résonnaient avec pudeur. Une première touche en ivoire s’inclina, suivie d’une seconde. La première recommença, et invita celle à sa gauche de suivre son geste. Mais le doigt trébucha, et la mélodie lâcha un drôle de hoquet. Petite pause ponctuée d’un « oups » discret, et la mélodie reprit sa marche.

Pour les deux petites filles, l’heure était à l’apprentissage. Si la première s’appliquait à suivre la partition posée sous ses yeux, langue tirée pour favoriser la concentration et ne pas faire d’erreur, la seconde devait marcher dans les pas de son tuteur en veillant à ne pas lui écraser les pieds. Un, deux, trois, un, deux, trois. La phrase du majordome se répétait en permanence, sans jamais faillir, comme un infatigable métronome que ne saurait arrêter qu’une exécution parfaite de la part des deux élèves. La valse du piano gagnait en assurance et en justesse, en revanche, les petites jambes ne cessaient de se mettre en travers du chemin des plus grandes, comme incapables de rattraper le temps perdu. L’homme à la moustache finit par se redresser.

« Bien, faisons une pause. Bravo mademoiselle Patty, vous faites beaucoup de progrès. »

Sourire radieux de la concernée, qui sauta du siège, toute guillerette, réveillant par son passage en trombe le malosse couché par terre. La propriétaire du canidé, quant à elle, ne put dissimuler une moue mécontente tout en observant son professeur de la journée sortir par la porte des domestiques.

La poignée tournée, l’homme ne put se retenir de caresser sa moustache du bout des doigts, l’air perplexe. Ses craintes étaient fondées, et malgré les nombreuses leçons déjà effectuées, Gwendolyne n’avait fait aucun progrès. Oui, la petite tenait véritablement de sa mère, car elle n’avait aucun sens du rythme. C’était un cas désespéré.

***

« … de danse ! »

Les paroles du cancrelat résonnèrent avec effroi dans l’oreille de la jeune aventurière. Ses yeux s’écarquillèrent et croisèrent l’expression similaire de son pokémon, qui lui aussi, savait parfaitement que les compétences de Gwendolyne en matière de danse frôlaient le néant. Oswald avait tout tenté, pourtant, allant jusqu’à expérimenter différents types de danses, diverses méthodes d’apprentissage, mais rien n’y fit, la riche héritière était incapable de bouger en rythme. Pour elle, c’était comme si son oreille et son corps étaient dissociés, et que l’un avait un temps de retard sur l’autre. De son point de vue, pourtant, elle suivait parfaitement la musique, mais n’importe quel regard extérieur resterait dubitatif, se demandant parfois si elle n’était pas tout simplement sourde.

Évidemment, dans le foyer Stappleton, cette information était un secret très jalousement gardé, et seul le cercle très rapproché de la jeune héritière était au fait de cette incompétence. Pire encore, tout le monde était convaincu que Gwendolyne était une excellente danseuse, car elle avait reçu les enseignements d’Oswald, dont les talents de valseur n’étaient plus à prouver. Certains employés rêvaient même un jour de voir leur patronne s’illustrer sur la piste et éblouir son public par son charisme naturel. Ils l’imaginaient secrètement tournoyer dans les bras d’un homme, comme un fantasme qu’ils souhaitaient tous voir concrétisé. Malheureusement, à chaque occasion qui se présentait à elle, Gwendolyne trouvait toujours un prétexte pour s’abstenir de quitter son siège. Les manœuvres étaient systématiquement discrètes et d’une immense finesse, si bien qu’il ne vint jamais à l’esprit de personne que ces désistements à répétition cachaient en fait une incapacité critique à suivre ne serait-ce que quelques notes.

Bien entendu, Oswald n’y était pas pour rien, là non plus. C’était même lui qui, conscient qu’il n’arriverait à rien avec la petite héritière sur le terrain de la danse, lui apprit différentes manières de refuser élégamment toute proposition pouvant lui être faite. Il en relevait de sa réputation, après tout, et au sein des sphères mondaines, ne pas savoir danser pouvait avoir de terribles conséquences ! Alors tantôt elle prétexta un empêchement de dernière minute, tantôt elle mit au défi quelqu’un d’autre de danser à sa place, et alla même jusqu’à compter sur le carillon de l’horloge du grand salon pour qu’il sonne à la seconde exacte où la danse devait commencer, lui permettant d’annoncer la fin de la soirée et d’éviter de justesse un désastre certain.

Mais quel prétexte pouvait-elle donner ici, au beau milieu d’une jungle, face à un paras doué de parole accompagné d’un tropius à lunettes ?

Le regard de Gwendolyne se leva instinctivement vers le plafond du garde-manger, toujours creusé d’un trou béant. Elle devait délirer, toute cette situation n’avait absolument aucun sens. Sans doute finirait-t-elle par se réveiller au milieu de cette maudite jungle, après avoir repris connaissance. Oui mais, quand même, la légère douleur qu’elle ressentait dans sa cheville avait tout de réel, et le regard provocateur du paras, aussi.

Évidemment, la petite bête ne représentait en réalité aucune menace sérieuse, Cerbère était en pleine capacité de le faire rôtir dès qu’elle lui en donnerait l’ordre. Et ce n’était probablement pas sans plaisir qu’elle le regarderait faire. Mais il y avait ce mastodonte à lunettes juste derrière, et lui, Gwendolyne ne pouvait sans doute pas s’en débarrasser aussi facilement. D’autant qu’à bien y réfléchir, celui-ci semblait plutôt enclin à l’aider et à l’accompagner hors de ces galeries, alors il ne serait pas judicieux de se ranger contre eux en attaquant aveuglément.

La demoiselle se pinça le front. Elle n’avait donc pas d’autre choix que d’obtempérer. Et qui sait, cette bestiole n’était peut-être pas très au fait des mœurs humains en matière de danse, et sans doute qu’il-

Break Dance Time !

Pirouettes acrobatiques et toupie sur le dos, le crabe aux champignon lança déjà les hostilités. L’assurance naissante de Gwendolyne s’écroula aussitôt. Cela ne ressemblait à rien qu’elle connaissait, mais ces figures devaient sans aucun doute être d’un niveau qu’elle n’attendrait probablement jamais.

Elle était fichue.

Mais alors que la petite héritière était sur le point de perdre tout espoir de sortir vivante de ce guêpier, son regard croisa l’expression moqueuse et provocatrice du petit pokémon à pinces, qui continuait de se trémousser avec un air de défi. Les dents serrées, Gwendolyne sentit sa fierté piquée à vif. Son talon la démangeait, non pas pour exécuter un premier pas, mais pour venir écraser cette vermine fongique qui osait lui tenir tête. Une colère infusée de frustration se mit en ébullition. Elle allait lui montrer ce qu’une demoiselle de son rang pouvait faire, une fois saisie par la plus pure des sources de motivation. La haine.

La jeune héritière s’avança, menton levé, adressant un regard méprisant et brûlant au petit pokémon. La main tendue, elle pointa son doigt en direction de son adversaire d’un air autoritaire.

« En temps normal, je dirais que je n’ai pas de temps à perdre pour des idioties de ce genre, mais à présent, je vais me faire un plaisir d’arracher cette assurance de ton visage de minable crustacé. »

Un sourire teinté de sadisme finit alors par se dessiner sur le visage de porcelaine de la jeune héritière. Ses lèvres pourpres, caressées du bout de ses doigts fins, laissèrent doucement s’échapper un ricanement délicieusement arrogant.

« Et une fois la victoire emportée, je me ferai un plaisir de voir ta carcasse brûler entre les crocs de Cerbère. Tu vas regretter d’avoir mis au défi Gwendolyne Stappleton ! »

Et elle leva la main et claqua des doigts. Puis dans un déhanché endiablé, la jeune héritière laissa son corps exprimer toute sa rage à l’encontre de cette maudite jungle dans laquelle elle se retrouvait piégée. Sans jamais quitter des yeux le petit pokémon insecte, elle agita ses bras et se trémoussa avec une intensité que sans aucun doute la créature n’était pas prête de voir. Même Cerbère, pris dans le mouvement, agita sa tête au rythme des fredonnements saccadé de sa dresseuse, saisie d’une fièvre désormais incontrôlable. Les poings serrés, la demoiselle enchaîna les moulinets et ondula son corps de la plus incroyable des façons, foudroyant constamment du regard son rival, oubliant parfois même de cligner des yeux. Sans aucun doute, l’insecte et ses champignons ne pouvaient qu’être ébahis devant une telle preuve de force, car le pokémon resta immobile à contempler ce qui ne pouvait être que la cause de sa défaite certaine.

Son compère, en revanche, du haut de son long cou, était sans doute témoin malgré lui de la pire prestation de danse qu’il lui eut été donné de voir. Les gestes irréguliers, associés à des mouvements maladroits et dépourvus de sens, ne répondaient à aucun rythme, pas même celui du canidé noir. Il s’agissait sans doute là de la plus incroyable démonstration d’absence de talent que la jungle ait connu depuis le début de son existence. Mais brûlant de conviction, Gwendolyne percevait dans ce qui n’était finalement qu’une gesticulation indescriptible un véritable coup d’éclat, preuve que dans les situations les plus désespérée, elle rebondissait toujours et parvenait à atteindre un nouveau stade de perfection.

Le dernier mouvement sonna probablement comme un glas funeste pour le paras, et fut sans aucun doute perçu comme un geste de salut pour le tropius, qui suivit des yeux la drôle d’humaine tournicoter maladroitement vers son pokémon et s’asseoir sur son dos en croisant les jambes, se rattrapant in extremis à l’une des cornes de sa monture pour ne pas tomber. Essoufflée, mais triomphale, Gwendolyne se pencha en avant afin de se délecter au maximum de la panique qui ne pouvait à ce stade que s’infiltrer sous la carapace du petit insecte.

« Je suis prête à t’épargner, mais pour cela, j’attends de toi que tu me rendes un service. Je cherche une fleur rare, un spécimen qui ne pousse que dans cette jungle. J’imagine que tu dois connaître les lieux, alors si tu me conduis à elle, tu auras la vie sauve. »

La petite héritière se redressa et passa dans une nonchalance feinte une de ses tresses par dessus son épaule. Puis, alors qu’elle reprenait toujours son souffle, une toux importune s’invita au fond de la gorge et l’obligea à serrer les lèvres, afin de ne rien laisser paraître face à son rival.

Spoiler:

S'ils avaient su… Ils se seraient probablement abstenus. Après avoir enduré la danse épileptique de la demoiselle devant eux, le Tropius et le Paras se regardèrent avec un air mélangeant empathie et malaise. Mais surtout du malaise. Peut-être que sur un malentendu, deux mouvements auraient pu s'accorder ; quelque chose qui ne serait pas du ressort de l'erreur, mais d'un "joyeux petit accident" m'voyez ? Mais non, là l'erreur fut de lancer ce défi sans savoir à qui on avait affaire… Il ne restait plus qu'à leur laisser la victoire pour s'en débarrasser au plus vite et essayer d'oublier ce qu'il venait de se passer.

> Rappelle-moi ton nom déjà ? Cette prestation était si… Waouh, je n'ai pas les mots. Les pinces m'en tombent, je m'incline face à cette… performance ?

Le Paras essayait autant que possible de ne pas laisser transparaître la gêne dans sa voix, mais de toute évidence la jeune femme semblait trop sûre d'elle à cet instant pour faire attention à la forme plutôt qu'au fond de ce qui était dit.
Elle avait demandé quoi déjà ? Une fleur unique dans cette jungle ? Elle est marrante tiens, y a que ça des plantes rares dans le coin ! Le petit Pokémon demanda à son compère s'il savait de quoi elle parlait et il semblait avoir sa petite idée. Il se retourna lentement (pas par choix, mais parce qu'il était grand et opulent), signe qu'il avait bien compris la requête et qu'il invitait toute la petite équipe à le suivre.

Le Tropius guida les étrangers et son acolyte, remonté sur lui entre-temps, à travers le dédale sous-terrain. Les yeux habitués à l'obscurité, lorsque la sortie fut atteinte, un petit temps d'adaptation était nécessaire pour retrouver une vision correcte, malgré les grands arbres qui procuraient de l'ombre. Une fois l'équipe remontée à l'air libre, le Pokémon dinosaure invita ses nouveaux amis à poursuivre ensemble leur route à l'extérieur cette fois, toujours dans l'optique de les guider à travers la végétation. Il connaissait un spécialiste des plantes en tout genre et se doutait que la demoiselle trouverait son bonheur en lui expliquant ce qu'elle cherchait.

La route fut relativement silencieuse entre le Paras et le Torpius. Ils ne voulaient pas prendre le risque de relancer la conversation sur ce qu'ils venaient de voir dans les sous-terrains. Ils entrecoupèrent le silence de quelques banalités, comparables à du small talk, telles que "Tiens, y a un nouvel arbre ici" ou "On repassera par là au retour, j'ai repéré des baies" et si on écoutait bien, on avait même droit à un "Vivement que les températures remontent et deviennent convenables !". Ils s'assuraient également que la riche héritière et son cabot suivaient toujours. Pour le grand Pokémon, il n'était pas question de les abandonner ici, il n'avait qu'une parole. Pour le petit crabe en revanche, l'idée lui avait parfois traversé l'esprit…

Les voilà donc qui arrivèrent vers un tronc. Un arbre énorme dont les racines ressortaient de toute part, créant de petits abris pour les créatures de la jungle qui n'étaient pas bien épaisses. À la base du tronc lui-même, un creux profond - creusé ou naturel, difficile de faire la différence sans être connaisseur - ne laissait voir que l'absence de lumière. Le Torpius s'adressa au feuillage, tandis que le Paras descendit de son dos pour aller toquer. Avant que quelqu'un n'apparaisse, il s'engouffa dans le creux. Quelques minutes s'écoulèrent avant que des étranges formes n'apparaissent dans l'ombre. Des yeux, plusieurs paires d'yeux. Lorsque finalement la créature se décida à arrêter son petit numéro de Pokémon mystérieux, Gwendoline et son brasier sur patte comprirent qu'ils eurent à faire à un… Noeunoeuf ? C'était ça, la solution à tous leurs problèmes ?

> Bieeeeeen le bonsoir lady and gentlemen ! Bieeeeeenvenue dans mon aaantre. Je vous dirrrrais bien d’entrer mais je crains que nous ne soyons à l'étroooooit. Mon ami au lllllong cou m'a dit que vous cherchieeeeez une fleur rare. Nous soooooommes les oeufs qu'il vous faut ! Cccccccependant, il nous faudra plus de précisions… Car voyez-vous, il existe dans cette juuungle une écheeeelle de rareté ! Où se situe ce que votre coeur désiiiire ? Mais avant tout… Sachez que par iciii, tout a un prix ! En échange de notre savoooir, nous vous demanderons un service proportionnel à votre demaaande ! Réfléchisssssez bien…

(Là on dit que tu réponds, à toi de voir si tu veux que le Paras te raconte ce que le Noeunoeuf explique pour que tu comprennes la situation ~ Et comme tu as dit que tu voulais la plus rare, ta quête sera d'autant plus difficile !)
(C'est faux, quelle que soit ta demande, la quête serait la même, c'est pourquoi je poursuis avec mon Pokémon ovulaire et tu complèteras ce que tu veux *kof*)

> Mmmmh je voooois… La tâche ne sera pas aiséééée jeune fille ! Votre misssssion consistera à me trouver un turban de couleur jaune pâle… La couleur est capitale ! Vas, jeune fiiiille, vas et reviens lorsque tu l'auras trouvé. Tu recevras en récompense ton plus grand désiiiiiir.

Puis il recula pour retourner à l'obscurité de son tronc. De leur côté, le Paras ressortit du tronc pour grimper à nouveau sur le Torpius. Ils vous saluent rapidement puis reprennent leur route, en "repassant par là parce qu'il y a des baies" et vous n'entendrez plus jamais parler d'eux. Ou peut-être que si, l'avenir nous le dira ! À toi de jouer petite aventurière /o/