Happy bee, honey ! [pv Giovanni]

Chocolate.

Forcément, sa fille ne manqua pas de lui rappeler son manque de ponctualité. Remarque à laquelle il répondit par un vague regard fataliste. Mais son léger retard fut rapidement oublié, effacé par le cadeau que Chocolate tenait précautionneusement entre ses mains, et qu'elle ne tarda pas à déballer, d'abord toujours avec une certaine précaution, puis, lorsqu'elle rencontra résistance, avec la sauvagerie Bootlegienne, attitude qui sut décocher un sourire intérieur au Pokémafieux.
Une fois la montre déballée, il remarqua dans les iris de son aînée une sorte de lueur de surprise, puis, quelque chose d'autre, qu'il interpréta comme une certaine... fierté. Fierté de se voir léguer une montre qui possédait autant d'histoire. Chocolate l'avait compris, ce n'était pas seulement un cadeau pré-commandé, mais une partie de l'histoire de sa mère, et de sa grand-mère qu'elle mettait désormais à son poignet. Et Giovanni fut plus que comblé de l'entendre le remercier pour le présent, bien qu'il n'en montra rien.

"Désolée, je suis une cuisinière pitoyable, j'ai acheté le muffin à la pâtisserie à côté de mon arène, un gros gâteau n'aurait pas été bon pour ton cholestérol, n'est-ce pas ? Et puis... "C'est quand même plus intime avec un petit gâteau comme celui-là !""

Il observa le bout de muffin que lui tendait sa championne et le saisit, affichant un demi-sourire à la limite de la moquerie. A croire qu'elle avait également hérité de certains défauts de Lisa... Elle aussi, avait toujours préféré acheter du pré-fait plutôt que de s'enquiquiner des heures aux fourneaux pour un résultat incertain. C'était d'ailleurs souvent au Pokémafieux de se mettre le tablier et de préparer des choses quelque peu décentes lorsqu'il leur arrivait d'inviter les voisins à manger... Parce que oui, autrefois tous deux avaient, ou plutôt "simulaient", d'avoir une vie normale, avec des voisins, le journal jeté au pas de la porte tous les matins, accompagné des factures, la cheminée au coin du feu les soirs, Persian servant plus de Pokémon domestique que de garde du corps... Enfin, tout cela était autrefois... Sakaki chassa rapidement ces vieux souvenirs émergents par une bouchée de Muffin.

"Ne te préoccupes pas du cholestérol de ton vieux père, veux-tu ?"

Et alors que Chocolate se leva pour se dépoussiérer et remettre son bonnet en place, elle lui demanda par la même occasion comment se portait sa mâchoire. Le mafiosi attendit de terminer le muffin avant de lui aussi, se lever, pour se mettre à hauteur de sa fille, sans toutefois la regarder, son attention étant exclusivement portée sur le médaille qu'ornait la sépulture, dans lequel se trouvait une photo de la défunte.

"A vrai dire, ma mâchoire s'en est bien remise.

Le quadragénaire fut tenté de rajouter "Néanmoins d'autres parties en ont trinqué" mais préféra quand même se garder les petits aléas de sa vie pour sa propre personne.

"Par contre, le QG où tu aimais t'aventurer quand tu étais petite, est totalement détruit.

Il ignorait si la première Sakaki se souvenait, mais alors qu'elle était âgée de quatre ans, tout au plus, il lui arrivait, très rarement, peut-être deux fois dans l'année, de prendre sa fille au travail, au Quartier Général Rocket secret de Rosalia, lui faisant croire qu'il s'agissait d'un bunker militaire désaffecté mis à disposition de son entreprise "bienfaisante". Pourquoi dire ça à sa fille, qui avait probablement perdu tout souvenir de cette époque ? A vrai dire, pour meubler la conversation. Et lui signaler parallèlement que la base de Rosalia avait été annihilée. Au-cas-où elle serait tentée un jour de venir lui rendre visite, bien qu'il pensait cela improbable...

"Sinon, j'ai appris que tu avais tenu mon ancienne arène à niveau. Il paraît que tes matchs sont tant spectaculaires que plusieurs équipes de télévision aimeraient avoir le droit de les rediffuser. Tu as de quoi monter un bien solide business, là-dessus...

Ou comment dire qu'on était fier de sa fille façon Sakakienne... Ce n'était pas une suggestion que lui faisait Giovanni, mais simplement une remarque en tant que père.

Même si le mafiosi ignorait s'il pouvait se considérer comme tel.

Après tout, malgré l'épanouissement apparent de sa fille, même devant la tombe de sa génitrice, il ne faisait aucun doute qu'il restait des parts d'ombre du passé de l'aînée Sakaki. Des blessures... profondes, qui mettaient du temps à cicatriser. Et qu'il avait causées.

Il se devait de les réparer.

Mais plus le temps avançait, plus il avait l'impression que la seule façon de réellement obtenir la rédemption familiale qu'il attendait tant, était de gagner cette guerre. Puis de se rendre. Ou d'au moins, mourir pendant la bataille finale. Pour sauver les vies qu'il avait déjà condamnées. Mais ces optiques d'avenir étaient pour le moment, totalement inconcevables pour le quadragénaire qui ne se voyait ni finir en prison, ni mort.

Par lâcheté ?

Non.

Fierté.

Mais est-ce que l'orgueil justifiait le sacrifice de sa famille ?

Non. Sakaki le savait pertinemment. Néanmoins, il ne pouvait rompre la promesse faite à sa mère il y avait longtemps. Il ne pouvait pas annihiler la Team Rocket. Pas tant qu'il serait toujours hanté par sa matriarche.

Quand bien même il avait le soutien des êtres qui l'importaient le plus au monde.

Sa fille. Même si le contact demeurait froid.

Son fils. Même si la réconciliation était toujours une utopie.

Meister. Même si ce dernier rêvait de le voir enfermé.

Sakaya. Même si la petite dernière ne le connaissait que depuis peu.

Son père... Même s'il n'avait pas grandi auprès de lui.

Et alors que Giovanni détachait son regard du médaillon de Lisa pour observer sa fille avec une lueur indécelable dans les yeux, témoignant d'un côté de la douleur de voir sa famille déchirée, et de l'autre du bonheur de retrouver sa première enfant, une sonnerie stridente retentit. Abolissant le silence de l'hiver présent.

De l'agacement se ressentit dans les gestes du mafiosi qui se dépêcha de sortir le téléphone de son manteau. Il fut tenté de rejeter l'appel, mais lorsqu'il constata que le numéro était celui de Xander, il sut que c'était à propos du combat avec la Team Adverse.

Laissant de côté sa fille, le paternel s'éloigna de quelques pas et demanda d'une voix basse le compte rendu. Le mot "fuite" percuta les nerfs de Sakaki qui dut se retenir de fracasser le téléphone portable contre une tombe proche...

Damnation.

Il devait retrouver Lysander, profiter que la défaite soit fraîche, afin que les différentes stratégies adverses restèrent bien en mémoire des vaincus. Pour mieux les étudier. Et aussi, car il fallait remotiver les troupes.

Re damnation.

Et soupire.

Le téléphone fut raccroché, et un regard autrement plus désolé fut lancé à sa fille.

Mais cet air ne perdura pas, le sérieux et impassibilité s'était accaparé les traits du mafiosi qui se rapprocha de sa fille.

"Chocolate... Il faut que j'y aille. C'est... important."

Et parce que l'ex-champion de Jadielle ne se sentait pas de voir sa fille protester, ou peut-être au moins lui demander de quoi il en retournait, il se hâta de la serrer contre lui.

L'étreinte dura quelques secondes. Le temps pour Giovanni d'observer le médaillon de Lisa, et de susurrer du bout des lèvres un "désolé". Pour une fois... sincère.

Puis... le contact fut rompu.

Et une sinistre silhouette faisait grincer le portail de fer et quittait d'un pas rapide le repos des morts.