Comment ça, tu ne fais rien? [Tib'] [Fini]

Midi passé, le soleil est haut dans le ciel, ciel bleu comme la mer qu'on entend encore vaguement au loin, avec le bruit de ville qui grouille et gronde dans le fond. Les couleurs de l'automne dominaient l'endroit, les feuilles allant du doré au pourpre virevoltant dans l'air froid saturé de l'odeur de Doublonville, la fumée, la sueur, la nourriture, le parfum, tout ça mélangé à la sensation glacée du vent d'octobre. On est un peu en dehors, quelques maisons se trouvent encore de ci de là, mais la plus grande partie des environs sont verts, enfin oranges, et il y fait plus calme qu'au cœur de la capitale grouillante de monde, de vie, active et toujours en mouvement, quelle que soit l'heure. C'est la route qui mène au parc naturel, aussi connue sous le nom de route 35, parce que personne ne s'est foulé à leur donner un nom plus original que ça. Et si, au lieux de continuer pour aller chasser des insectes comme un imbécile pour gagner des cailloux, on s'écarte du chemin de terre battue? Et si on grimpe la petite barrière blanche qui la sépare des parties herbeuses, même si en cette saison, l'herbe ne ressemble plus à grand chose d'autre qu'un peu de paille à brûler et de gadoue? Et si on passe, là, et qu'on s'installe contre un arbre, un arbre un peu défoncé, presque entièrement vidé de ses feuilles, à part l'un ou l'autre lambeau brun tremblant encore dans le vent léger, et qu'on tourne son visage vers le seul rayon de ce soleil lointain qui brille dans le ciel azur, cherchant à s'accaparer la dernière source de chaleur avant les longs mois d'hiver?

Eh bien, on se sentirait comme ce gosse, là, l'affreux avec les trous dans le jeans et dans la peau, les cheveux verts pâle contre l'écorce presque noire, les bras derrière la tête et les yeux fermés, immobile si ce n'est pour la main gauche, agitée d'un léger tic, comme si elle cherchait à serrer entre ses doigts quelque chose qui lui manquait dans cette situation. Une clope, peut-être? Il en avait la tête en tout cas, stéréotype d'adolescent rebelle qui ne faisait que ce qui lui plaisait, la tête d'un glandeur de première, d'un gosse qui ne fout rien, là à se dorer le nez au soleil, pour le moment pas trop malheureux de sa vie. À côté de lui, un grand Arcanin dormait, ses flancs striés de noir se soulevant au rythme de sa respiration, un souffle brûlant lui échappant à chaque expiration. Il était efflanqué, vaguement sous alimenté, et portait les marques d'un combat récent, son épaule et ses pattes griffées, et des poches sombres sous ses yeux clos. Il avait du porter le gamin jusqu'à cet endroit un peu reculé, si on jugeait par le harnais simple encore attaché autours de sa tête, quoiqu'il semblait avoir été ouvert un peu pour lui donner plus de liberté tant qu'il était au repos. Et un peu plus loin, les quatre pattes en l'air, un petit Feurisson haletait de tout ce que lui permettait son petits corps baraqué, le souffle court, les yeux roulés dramatiquement en arrière. Il avait absolument voulu venir avec, sortir lui aussi et suivre Cain, le môme qui pionçait, là. Seulement, quand on est un petit pokémon feu de rien du tout, trapu sur ses petites pattes, suivre un canidé de feu, même au trot, connu pour sa vitesse, ça crève. Et comptez pas sur son maître pour l'attendre. Alors maintenant, il essayait tant bien que mal de retrouver son souffle, explosé, ses flammes partant dans tout les sens.

Au bout de quelques minutes, il s'était repris, redevenu à peu près normal, enfin assez pour se mettre sur ses pattes et ramper misérablement vers le gamin qui n'y prêta aucune attention. Il resta là un moment à pousser des petits cris de pauvre pokémon misérable, ses yeux orangés rivés sur son humain, son père pour autant qu'il en avait un. Et puis quand gémir pendant des éternités ne servit à rien, il essaya autre chose, grimpant sur Cain, d'abord juste une patte sur la jambe, puis l'autre, avant d'éteindre ses flammes et de se hisser entièrement sur son maître, toujours en essayant d'attirer son attention.
- Énosh, casse toi...
Un petit mouvement d'épaule, sinon rien, première sommation. Pas de réaction de la part du pokémon feu, il continuait à essayer de grimper sur son maître, lui mettant une patte dans la figure pour essayer de le convaincre de le prendre dans ses bras. Résultat, ce dernier finit par s'énerver, mais zut, laisse moi dormir, comme si j'avais rien de mieux à faire que de subir tes caprices. D'un geste rapide, il attrapa le petit monstre par la peau de la nuque, lui arrachant un petit bruit de douleur surpris avant de lui décrocher un regard noir.
- J'ai dit, casse toi, j'ai pas envie de subir tes caprices.
Et d'un mouvement rapide, il balança le trouble fête plus loin, le dénommé Énosh décrivant un bel arc de cercle en l'air avant de retomber quelques mètres plus loin, sans se faire trop mal, certes, mais l'air d'être le pokémon le plus triste et le plus mal traité de toute cette planète. Et vas y que je te fais tout un drame. Cain roula des yeux, clairement désintéressé du sort de l'autre pleurnichard, et retourna à sa sieste. Ça lui rappelait d'ailleurs curieusement sa dernière rencontre, ce type là, le Tommy. Fada lui avait envoyé un paquet, il savait vraiment pas quoi en penser, pourquoi au grand pourquoi, un slip à clous? C'était quoi son délire? Où était il allé pécher ça? Et qu'est ce qu'il était censé faire avec!? Il avait pas vraiment la tendance masochiste lui, contrairement à cet hurluberlu. Fallait d'ailleurs qu'il trouve une bonne réponse à ce paquet à la con, qu'est ce qu'il allait inventer...
Enfin, à part étranger ce couillon pour avoir fait virer Moe. Parce que dans les crises de rage du patron, ce dernier ne l'avait toujours pas payé, et lui il avait la dalle!

Entre temps, le jeune pokémon de feu s'était remis debout, secoué, et faisait encore sa pauvre victime torturée par un maître désintéressé. C'est d'ailleurs ce moment là que choisit un dresseur pour se pointer à l'improviste, qui sait s'il venait juste d'arriver ou avait été là déjà tout un bout de temps, en tout cas, le Feurisson le repéra et se précipita vers lui, lui sautant dans les bras (petit déjà vu, quelqu'un?), réclamant de toute la force de son petit être de l'affection et des câlins. Et ce toujours en ayant l'air aussi maltraité.
Argh, Cain voyait venir les réprimandes de loin... Pas moyen de flemmardiser tranquille ici.

Route 35. Assez belle en soi, et elle regorgeait de dresseurs, plus ou moins forts, la plupart étant des campeurs, des scouts, ou autres personnes venues passer du bon temps. Tibauww, d'ailleurs, était également venu pour ça. Nous étions en plein dans l'automne. Les arbres avaient viré du vert en brun, au rouge, certains même au jaune, et bon nombre de leurs feuilles étaient tombées, et gisaient sur le sol encore boueux des pluies récentes qui avaient trempé les environs. Tibauww marchait dans les flaques, comment un grand enfant, faisant fuir les Arakdos. Il était venu à Johto, interrompant son parcours, car on lui avait demandé d'apporter quelque chose au Champion d'Ecorcia, ce qu'il avait fait. Et il en profitait donc pour visiter un peu la région, et peut-être capturer de nouveaux Pokémons. Et il était donc là, sur le chemin qui menait à Rosalia. Il projetait d'abord de se rendre au Parc Naturel, s'il le pouvait. Il venait de quitter Doublonville, mais il n'avait pas pu entrer dans le Casino, et s'était donc contenté d'achats à l'immense Centre Commercial de la ville. Alors qu'il marchait sur la route, il entendit des voix. Il sauta agilement par-dessus la barrière blanche en bois qui séparait la route de la forêt, et s'avança discrètement vers l'origine des bruits. Il y avait là un jeune garçon, plus vieux que lui, avec ses Pokémons. Il en avait deux qui semblait particulièrement puissants: Un Arcanin et un Feunard. Tibauww en avait vaguement entendu parler, mais sans plus. Il profita du fait qu'il y avait de l'animation de leur côté pour sortir son Pokédex et les pointer vers eux. Il commença par l'Arcanin, et le Pokédex se mit à crachoter:

-Arcanin, Pokémon feu. Évolution de Caninos. Arcanin fait partie des légendes Chinoises. Il a longtemps été considéré comme légendaire, car on pensait qu'il courait avec le vent. Sous ses aspects terrifiants, il est doux et fidèle, et les dresseurs s'en servent comme monture. Quand il combat, il crache des flammes impressionnantes.

Effectivement, ce Pokémon n'était pas de ceux contre lesquels Tibauww irait se frotter. Il pointa ensuite son encyclopédie électronique vers le Feunard, et il se remit à dire de sa voix robotique et monotone:

-Feunard, Pokémon feu. Évolution de Goupix. Feunard a longtemps été vénéré, car les gens pensaient qu'il était légendaire. C'est un Pokémon gracieux, dont les nombreuses queues se balancent au rythme de ses pas légers. Beaucoup de dresseurs convoitent Feunard, pour sa beauté et pour sa puissance au combat.

Là aussi, c'était très impressionnant. C'est alors que Tibauww remarqua un petit Pokémon, qui semblait vouloir attirer l'attention du garçon. Tibauww ne le connaissait pas, et pointa pour la troisième fois son Pokédex:

-Feurisson, Pokémon feu. Évolution d'Héricendre. Rapide et agile, Feurisson fait jaillir de grandes gerbes de feu sur son dos et sa tête. Quand il est excité ou énervé en plein combat, il peut faire monter l'air qui l'entoure à une température dangereuse pour les êtres humains. Il attaque en courant et en lançant des rafales d'air brûlantes, qu'il transforme en Lance-flamme.

Tibauww semblait faire face à un adepte des Pokémons feu. Il s'intéressa ensuite plus particulièrement au dresseur. Il était plus vieux que Tibauww, comme il l'avait remarqué. Ensuite, il avait une coiffure assez étrange: Rasée sur les côtés, touffue sur le haut, et d'un vert pâle. Il avait un jean troué. Ce gosse semblait un peu être un exclu de la société, qui ne faisait que ce qui lui plaisait, un point c'est tout. Il se déroulait une scène étrange sous ses yeux. Le Feurisson grimpait sur son maître, mais ce dernier ne lui prêtait aucune attention. Au contraire, il le fit partir avec un:

-Énosh, casse-toi...

Il semblait méchant avec son Pokémon, comme s'il ne voulait pas qu'il continue à le suivre. Le petit Feurisson refit une tentative, mais il se fit rabrouer encore plus violemment:

-J'ai dit: casse-toi ! J''ai pas envie de subir tes caprices.

Décidément, on ne pouvait pas dire qu'il débordait d'amour pour son Pokémon ! Il prit son Pokémon par le cou, et l'envoya balancer des mètres plus loin. Quelle attitude intolérable ! Tibauww, bien que jeune, était plein de bravoure et n'allait pas laisser passer ça. Il s'avança à découvert, s'approchant du garçon. Mais avant qu'il ait pu ouvrir la bouche, le Feurisson courut vers lui et lui sauta dans les bras, en se blottissant dans le creux de sa poitrine. Le petit Pokémon semblait complètement en manque d'affection. Tibauww commença à le caresser, lentement d'abord, puis avec plus de vigueur. Le Feurisson semblait euphorique qu'on lui témoigne enfin un peu d'amour et de câlins. Après une minute d'affection ininterrompue pour ce Pokémon qu'il ne connaissait même pas, Tibauww le redéposa par terre. Ensuite, il se tourna vers Cain, s'avança vers lui et lui dit:

-Hé, oh ! Ça va pas, non !? Pourquoi tu le traites comme ça !? C'est ton Pokémon quand même !

Tibauww resta planté devant le garçon adossé à l'arbre, guettant sa réaction. Il n'allait tout de même pas laisser quelqu'un martyriser un Pokémon sans intervenir !

Petit monstre de feu se faisait câliner, c'en est désolant. Est ce que je saute dans les bras du premier venu, moi? Et je vais pas plus mal pour autant, c'est quoi ce caprice, un jour tu vas sauter sur quelqu'un qui va te briser la nuque pour, et là t'auras l'air malin. Non mais faut pas rêver, la terre entière n'est pas couverte de dresseurs aimants et gentils comme celui qui vient de te ramasser, le 'tit jeune là, avec les cheveux bruns en pétard. Remarque, petit, il devait pas être loin de Caïn au niveau taille, vu que ce dernier ne faisait pas exactement partie de la catégorie des grands, surtout du haut de ses dix-sept ans. M'enfin il se rattrapait en ayant la tête du gosse que t'as vraiment pas envie d'emmerder, genre grande-gueule, chiant, pénible, provocateur et je-m'en-foutiste. Remarquez, ça correspondait très bien à son profil, son sale caractère, alors au moins on était prévenu. Mais ça ne semblait pas inquiéter plus que ça le jeunot qui faisait des papouilles à Énosh tout content qui, après environs une minute de comportement affligeant, non mais t'es pas net toi, qu'es' vous lui trouver à cet affreux, le reposa au sol et se dirigea d'un pas décidé vers le plus âgé qui l'observait d'un air blasé et désintéressé. Si tu viens me faire la morale, t'inquiète pas que je suis paré, j'y ai eu droit tellement de fois, des petites mamies qui croulaient devant l'adorable chaussette verte, des dames qui rêvaient de le pouponner, il est populaire mine de rien! Mais pas avec moi, les grands débordement d'amour ça n'as jamais été mon fort.
La seule chose qui décida le gosse à réagir, c'est quand ce gamin, s'étant défait du Feurisson, vint se planter juste en face de lui, lui cachant efficacement le soleil et le peu de chaleur de cette fraîche journée d'automne, tout ça pour lui expliquer comment il devait traiter les pokémons. Non mais c'est quoi ce beans, pourquoi les gens se mêlaient toujours de ce qui les regardait pas? Si le petit monstre de feu se sentait vraiment si maltraité, ça ferait belle lurette qu'il se serait cassé, après tout, il était certainement assez fort pour se débrouiller tout seul, zut à la fin!

-"D'abord, c'est pas mon pokémon, c'est le fiston de l'autre, là."
Petit mouvement de pouce vers la Feunarde installée tranquillement quelques mètres plus loin, à profiter du soleil. Elle leva la tête en entendant qu'on parlait d'elle, sa boucle d'oreille en forme de plume d'argent brillant l'espace d'une seconde en suivant le mouvement, et elle fixa son regard vert sur les trois concernés, l'air très peu intéressée. Caïn enchaîna sur la première phrase sans laisser le temps à l'autre de placer un mot.
-"Ensuite, si ça te pose un problème, t'as qu'à lui expliquer de pas m'emmerder quand je sieste. Ou tu peux toujours essayer de l'emmener, c'est pas moi qui le force à me coller au basques."
Eh, c'est pas comme s'il voulait absolument garder le petit pokémon avec lui, c'était pas son problème, à la base il avait été plus encombré qu'autre chose par un bébé. Non, honnêtement, lui et les petites bébêtes ça collait pas trop bien ensemble, ça fonctionnait pas, c'était pas son fort. D'ailleurs, en général, elles le comprenaient vite, y avait que cet imbécile d'Énosh pour insister encore et toujours. Enfin c'est pas croyable, même sa mère elle avait réussi avec lui, en tant que petit Goupix traumatisé, et c'est pas comme si il lui avait facilité la tâche. Et pourtant, ils s'étaient arrangés, pourquoi le fiston devait lui faire la vie difficile, lui? Pourquoi il ressemblait pas un peu plus à sa maman?
Puis c'était un mâle, lui au moins il risquait pas de lui pondre un œuf d'un mâtin à l'autre. Alors prend un peu de poil de la bête, non mais je vous jure!

Bon, bah vu qu'ils semblaient en avoir pour un moment, autant s'informer tout de suite de à quoi on avait affaire. Pas gêné, l'adolescent détailla le gosse en face de lui de la tête aux pieds. Il était plutôt bien bâti, une tête qui lui revenait pas du tout mais qui pourrait être sympathique s'il n'était pas présentement super fâché contre lui, les cheveux et les yeux bruns. À sa ceinture, une rangée de quatre pokéballs trahissait le fait qu'il était certainement un dresseur, pas des plus expérimentés puisqu'il n'était pas encore à six, à moins qu'il ne soit du genre à n'en garder qu'un nombre restreint et le booster au max. Et, deuxième signe, le pokédex dans la poche, ça ne trompe pas. Encore un de ces gamins qui voulaient devenir le plus fort, le plus grand, le plus puissant, qui croyaient en l'absolu pouvoir de l'amitié et rêvaient d'un monde meilleur. C'est beau de rêver, mais c'était pas tellement son truc, il avait essayé y a fort longtemps et ça lui était très méchamment retombé dessus, alors depuis, il était bien terre à terre. Il avait appris la leçon. Viens pas me faire la morale, gamin, je suis déjà trop vieux pour apprendre, je suis déjà trop formaté par le monde dans lequel je suis né, je suis irrécupérable, je traiterais ce pokémon comme je crois qu'il mérite d'être traité et s'il est pas content, il fait comme moi, il prend ses clics et ses clacs et il se casse, c'est pas moi qui l'arrêterait. Au contraire.

-D'abord, c'est pas mon Pokémon, c'est le fiston de l'autre, là.

Il indiqua avec le pouce le Feunard, qui semblait être unE feunardE, qui leva la tête dans leur direction quand il ( ou plutôt elle ) entendit que les deux garçons parlaient d'elle. Tiens ? Un Feurisson fils d'un Feunard ? Étrange... Il le questionnerait plus tard. Enfin, c'est ce qu'il se dit, jusqu'à-ce qu'il se rappelle de ses cours à l'école des Dresseurs. Les Pokémons n'étaient pas "compatibles" rien qu'avec les Pokémons de leurs espèces, il y avait ce qu'on appelle "les groupes de reproduction" et chaque Pokémon faisant partie de ces groupes était reproductible avec un autre Pokémon du groupe. Ce devait être le cas ici. La Feunarde, qui ne paraissait pas très intéressée, remit vite sa tête sur ses pattes. Le jeune homme qui lui faisait face enchaîna:

-Ensuite, si ça te pose un problème, t'as qu'à lui expliquer de pas m'emmerder quand je sieste. Ou tu peux toujours essayer de l'emmener, c'est pas moi qui le force à me coller aux basques.

Ah tiens.. En fait, il ne désirait pas ce Pokémon. C'est lui qui le suivait. D'un autre côté, c'était compréhensible, étant donné que sa mère était avec lui. Le garçon ( dont il ne connaissait même pas le nom ) pouvait au moins faire un effort pour comprendre ça ! Alors que Tibauww réfléchissait, il remarqua que son interlocuteur le toisait de haut en bas, ne cherchant même pas à se faire discret. Très culotté, comme gamin... Son regard s'arrêta un instant sur ses Pokéballs, puis sur son Pokédex. Ensuite, il le fixa dans les yeux, avec comme un petit air de défi.

-Ah ouais, c'est comme ça ?, se dit Tibauww, hé bah on va voir ce qu'on va voir !

Il soutint le regard du garçon, un court instant, sans rien dire, puis il lâcha:

-T'es assez pathétique, dans le fond...

Il resta un moment sans rien ajouter, pour essayer de voir la réaction du garçon, qui ne trahissait aucune émotion derrière son masque d'enfant rebelle. Bon... Continuons, alors !

-Tu vois pas que tout ce que ce Feurisson veut, c'est un peu de ton amour ? Sa mère "t'appartient" quand même, je te rappelle... Il est encore en droit de te suivre ! Après, si ça te chante, tu peux toujours l'enfermer dans une Pokéball...

Il resta ainsi, guettant sa réaction.

Ah, t'aimes pas qu'on te détaille de la tête au pieds? Tu me trouves sans gène, tu me trouves culotté? Ça se voit dans tes yeux, gamin, cherche pas, je vois bien à la tête que tu fait que mes manières t'importunent. Et je m'en moque éperdument, la seule raison pour laquelle je relève le détail, c'est pour me faire une idée de toi. Dresseur, amoureux des pokémons, gosse rêveur qui veut conquérir le monde par le pouvoir le l'amitié, devenir le plus fort et le plus doué, le plus grand, le plus puissant, et tout ça avec des fleurs. Tu t'amuses à faire se battre des petites bestioles qui t'ont rien demandé et tu viens me faire des reproches sur la façon de laquelle je traite ceux qui m'entourent? Et c'est moi qui suis culotté? Et sur le tas, tu viens m'insulter, me dire que je suis pathétique, sur ce ton désolant presque empreint de pitié, presque comme si tu voulais m'aider, me tendre la main et me tirer de la merde. Regarde toi, regarde toi avant de me juger, moi. Tu es quoi, un petit dresseur? Un enfant encore, plus jeune que moi, qui ne s'est jamais pris de coups, qu'a été choyé, aimé, soutenu? Qui rêve maintenant de conquérir le monde par la force de l'amour, de devenir le plus fort en faisant se clopper une bande de pokémons capturés à coup d'attaques et rafistolés au prochain centre, que tu re-tabasses au prochain tournant? Incapable de voir que malgré tout tes efforts, tu vas nul part, tu peux devenir aussi fort que tu veux, y en aura toujours d'autres pour te casser la gueule? Et c'est moi qui suis pathétique, après. C'était tellement ridicule, dit comme ça, que Caïn, pourtant adepte des remarques mordantes, ne se prit même pas la peine de réagir à cette remarque, ou alors à peine, un haussement de sourcil sous entendant bien qu'il n'avait pas besoin de la pitié d'un môme et ne l'estimait pas plus que ça.

Alors le jeunot continua dans sa lancé, lui reprochant qu'il ne témoignait pas assez d'amour à ses pokémons. Ah bah, carrément. Genre j'ai que ça à faire. Qu'il se trouve un autre proprio, c'est pas moi qui lui ferais des gros câlins baveux tout les jours, c'est pas mon genre, en tout cas, j'les fais pas à une chaussette verte et pitoyable, misérable, pleurnicharde alors que merde, il a à bouffer et et un endroit pour dormir, si ça lui suffit pas qu'il parte. Personne le retiendra.
-"Tu parles d'une mère, elle s'en occupe pas plus que moi."
Ça il l'avait dit à mi-voix, plus pour soi même que pour l'autre hurluberlu, mais c'était vrai, sa mère ne prenait pas exactement soin de son fils. Et en plus, il avait évolué, il n'était plus un bébé, loin de là, il n'avait vraiment pas besoin que ses parents s'en occupent. Regardez, l'autre qui me fait la morale c'était à peine un adolescent et il courrait déjà le monde, alors venez pas me raconter des histoires de mère qui doivent s'occuper de leurs gosses. Non, cette façon de voir les choses n'était pas du tout axée sur son expérience personnelle, où allez vous me pêcher ça... Mais il enchaîna directement sans laisser le temps de commenter cette réflexion.
-"Qu'il me suive, j'en ai rien à foutre. Mais de l'amour, qu'il aille s'en trouver ailleurs, c'est pas mon problème. Déjà, je le nourris et je le loge, et c'est pas donné. Alors m'emmerde pas avec tes morales et tes principes, on a pas les mêmes, ceux qui sont pas contents n'ont qu'à changer de côté."
Petit bruit misérable entre gémissement et pleurnichement, ridicule, sorti de la gorge du petit pokémon feu. Le préjugé propriétaire du monstre ne réagit même pas, tellement il avait l'habitude, à ses yeux Énosh se comportait comme un enfant gâté, cherchait à se faire remarquer par tout les moyens, et il trouvait ça plus ridicule et énervant qu'autre chose. Et s'il le mettait dans un Ball, il serait officiellement à lui, ce qu'il ne voulait vraiment pas.

Entre temps, Seth, la Feunarde aux oreilles percées, s'était relevée, son intérêt piqué, pour s'approcher de son maître et du petit impertinent qui osait venir lui faire des reproches. Elle lui aurait bien foutu le feu aux fesses, d'ailleurs, mais un coup d'œil noir de Caïn l'en dissuada promptement, apparemment il ne voulait pas qu'elle se mêle de ses histoires, comme toujours. Elle s'était déjà fait rembarrer une fois pour avoir essayé de lui faire la morale, il y a longtemps, et elle avait compris. Alors au lieu de venir semer la pagaille, elle signala simplement au Feurisson de se la fermer d'un claquement de crocs qui le fit se taire instantanément, les oreilles baissées, et fuir vers le grand Arcanin qui ne s'intéressait pas vraiment à son sort mais se laissa grimper dessus, tant qu'il ne le gênait pas pour dormir.
Alors qu'est que tu veux me répondre maintenant? Tu veux continuer à me chercher des poux, à essayer de me convaincre de devenir bon et aimant, de traiter cette bande de bons à riens, de rebuts comme moi comme des amis? J'aime pas les pokémons, c'est pas mon truc, ça l'a jamais été, la seule raison pour laquelle ce gosse se trimbalait avec eux c'était qu'il avait voulu s'échapper, et que le seul moyen de ce faire c'était le Goupix traumatisé qu'avait un jour été la magnifique Feunarde qui l'accompagnait maintenant partout. Il n'allait pas se donner de mal pour eux, pas plus que nécessaire, déjà il les nourrissait tous, et pour le reste, ils étaient assez grands pour se démerder tout seuls.
Comptez pas sur moi. Je sauve ma peau en premier.

Son interlocuteur le regardait le plus dédaigneusement, le plus méprisamment possible. Il gardait cet air de je-m'en-foutiste particulier aux jeunes de son âge rebelles, ce qui, dans le fond, ne l'étonnait pas.

-Tu parles d'une mère, elle s'en occupe pas plus que moi.

Il avait dit cela tout bas... Si bien que Tibauww faillit ne pas l'entendre. Mais il l'entendit. Pauvre petit Feurisson, quand même... En tout cas, Tibauww eut la confirmation qu'il avait énervé celui qu'il dénommerait "Crête verte", car quand il entendit sa réponse..:

-Qu'il me suive, j'en ai rien à foutre. Mais de l'amour, qu'il aille s'en trouver ailleurs, c'est pas mon problème. Déjà, je le nourris et je le loge, et c'est pas donné. Alors m'emmerde pas avec tes morales et tes principes, on a pas les mêmes, ceux qui sont pas contents n'ont qu'à changer de côté.

Et voilà qu'il devenait agressif ! Si ça continuait comme ça, il allait le laisser là, dans son océan d'égoïsme et d'égocentrisme ( ce qui revient un peu au même, me direz-vous ). Mais il ne pouvait pas laisser ce petit Feurisson, qui était toujours collé à ses jambes, avec ce... Garçon. Il ne savait pas quoi faire. Il ne pouvait pas le prendre avec lui, il n'avait pas assez de place dans son équipe. En gros, tout ce qu'il pouvait faire, c'était le laisser aux mains de ce qu'il considérait comme son maître. La vie est parfois dure et injuste, mais c'est comme ça. Il tourna les talons, et fit mine de s'en aller, quand soudain, il eut une idée. Il revint vers le jeune homme à la crête verte et lui lança:

-Ça te tente un combat Pokémon ? Ton Feurisson, là, contre mon Reptincel à moi.

Comme pour appuyer ses propos, il sortit la Pokéball de son Reptincel et la lança. Spyro en sortit, et cracha un jet de flammes.

-Et en prime, un petit pari. Si je gagne, tu fais des efforts pour s'occuper de ton Feurisson. Si tu gagnes, je pars, et je ne t'emmerde plus.

Il avait employé cette expression vulgaire exprès pour attirer l'attention de son interlocuteur. Il se doutait que ce garçon avait toutes les raisons du monde de refuser, mais il espérait que l'envie de se débarrasser de lui serait la plus forte.

Ah, on me trouve égoïste et égocentrique? Fort bien, fort bien. Je suis parfaitement d'accord avec le premier terme, d'ailleurs j'en suis très fier, je me débrouille tout seul et les autres peuvent aller se faire voir. J'ai déjà essayé le travail de groupe et ça m'a pas fait de bien, alors maintenant, c'est moi d'abord et le monde après, là! Par contre je suis pas égocentrique, je suis pas le centre du monde et j'ai jamais prétendu l'être, pas plus que toi, ou tes pokémons, ou le maître de la ligue ne l'est. Pour ce que j'en sais, le centre du monde, il est sous nos pieds, très loin, et brûlant, et parfaitement dénué d'intérêt. Mais enfin, pense ce que tu veux, je m'en balance, de toute façon j'attends que tu partes, j'ai plus rien à te dire. Non mais je vous jure, ça sait à peine se débrouiller sans sa maman et ça viens déjà m'expliquer comment je dois gérer mon monde. Rahlala, la jeunesse de nos jours, c'est plus ce que c'était. Moi à ton âge... euh... je me baladais avec un couteau dans la poche 24/24, je restait mes nuits partout sauf chez moi et je passais plus de temps dans un état second qu'en mode normal. Bon, mauvais exemple, j'en conçois, passons.
Le petit enquiquineur lui proposa un combat, appuyant ses arguments en libérant un petit lézard rouge qui envoya un jet de flammes dans les airs pour se faire bien voir. Mais j'y crois pas, faudrait savoir ce que tu veux à la fin, toi! D'abord du veux aider le pauvre petit maltraité, et la seconde d'après, tu me proposes de taper dessus. Ces dresseurs, je vous jure, tout dans l'esbroufe mais rien dans la cervelle. T'es con ou tu fais exprès?

-"Faudrait savoir ce que tu veux. D'abord tu t'énerves parce que je le bouscule, et après tu veux lui taper dessus? Il vaut rien en combat, il va se faire laminer."

Après, si il avait toujours envie de déchiqueter un petit Feurisson misérable qui tentait maintenant de comprendre de quoi on parlait, en oubliant même de trembler tellement son intérêt était piqué. On parlait de lui? Lui, personnellement, en question? Était il le centre de l'intérêt? Son "papa" le défendrait il? C'est ça les pokémons qui ne comprennent rien de plus au langage humain que le ton de la voix et quelques mots clef, ils interprètent tout de travers et comme ça les arrange.

-"Au cas ou t'avais pas noté, je suis pas un dresseur, les pokémons, c'est pas mon truc. Contrairement à toi, je les entraîne pas comme des machines à se battre, alors ceux qui se débrouillent pas tout seuls, ils deviennent pas plus forts."

C'était ça, en plus de l'âge, qui expliquait la grande différence de force entre les deux évolutions finales et le petit affreux. Seth, elle s'était entraînée d'elle même, elle avait voulu devenir plus forte pour ne plus jamais être à la merci de personne. Ésaü, il était déjà assez fort quand il est arrivé, et il avait lui aussi continué à grandir, pas pour les mêmes raisons, mais il était devenu fort. Mais le petit Énosh, il n'avait aucune raison de grandir, de devenir puissant et combatif. Après tout, il était au chaud et nourri, toujours en compagnie de pokémons puissants, alors que lui même ne soit bon à rien, ça ne changeait pas grand chose. C'était un petit adolescent de rien du tout, quoi, qui cherchait à se faire remarquer comme c'était typique à son âge, mais pour ce qui était du mérite, il n'en avait pas tellement, à part peut-être celui d'avoir réussi à évoluer, et encore.
Et c'est aussi pour ça que le respect, déjà assez limité d'habitude, que lui portait son maître était inexistant, remplacé par un certain dédain vis à vis de cette bestiole qui n'était pas foutue de se démerder toute seule.

Le Feurisson en question semblait en avoir mare de ne rien comprendre, et puis les deux humains se tapaient la discut' ne donnaient plus vraiment faire attention à lui. Alors il s'intéressa maintenant à la Reptincel qui venait de surgir, admirant cette nouvelle espèce qui se présentait à lui, encore quelque chose qu'il n'avait jamais vu. Mais autant se méfier un peu, quand même, il restait bien campé derrière le gamin pour détailler la nouvelle arrivée. La seule chose dont il pouvait être sur, c'est qu'il s'agissait d'un pokémon feu, comme lui, après, mystère. Mais il avait l'air d'être fort en tout cas, pourquoi il rencontrait que des pokémons plus forts que lui, quelle arnaque, c'était pas juste!
Le Caïn, quand à lui, retomba contre le tronc de l'arbre avec un soupir. S'il allait devoir se taper le petit chieur pendant encore longtemps, autant se faire la vie belle, confortable, et tranquille. Il était au soleil, il ne commençait le travail que dans quelques heures, et de toute façon, glander était une de ses occupations préférées. Alors avec ou sans bruit de fond, en se disputant sur la meilleure façon de s'occuper d'un Feurisson ou simplement tout seul sans autre interruption, ça lui changeait pas grand chose.

Et bien non. Il avait refusé. Remarquez, ce n'était pas plus mal.

-Faudrait savoir ce que tu veux. D'abord tu t'énerves parce que je le bouscule, et après tu veux lui taper dessus? Il vaut rien en combat, il va se faire laminer.

On ne pouvait pas franchement dire qu'il avait tort. Tibauww semblait contradictoire, et le petit Feurisson semblait si fragile... C'était une idée stupide qu'il avait eu. Après tout, pourquoi il s'obstinait à essayer de défendre le Feurisson ? C'était son choix de suivre ce... Gamin.

-Au cas où t'avais pas noté, je suis pas un dresseur, les Pokémons, c'est pas mon truc. Contrairement à toi, je les entraîne pas comme des machines à se battre, alors ceux qui se débrouillent pas tout seuls, ils deviennent pas plus forts.

Des machines à combattre... Ce n'était pas comme ça que Tibauww voyait l'avenir de ses Pokémons. Il les entraînait pour leur faire découvrir leurs capacités, ce dont ils étaient capables... Pas seulement pour son bénéfice personnel. Son interlocuteur semblait en avoir marre de lui. Il était venu là pour passer un moment tranquille sur un tapis de feuilles mortes au pied d'un arbre, et Tibauww était venu l'enquiquiner. Moui... C'était une version des faits envisageables, même si au début, Tibauww s'était plus vu comme un "Justicier" ( Minable, non ? ). Il s'apprêtait à faire demi-tour, sans répondre au type à cheveux verts, mais son Reptincel, Spyro, ne bougeait pas. Il regardait fixement le jeune homme. Fixement et méchamment. Tibauww voyait la haine de Reptincel grandir dans ses yeux. Mais pourquoi ? Les Reptincel étaient encore plus impulsifs que Tibauww, il aimait la bagarre, même s'il était docile. Mais Spyro semblait énervé. Peut-être la remarque qu'on avait faite à Tibauww l'avait énervé ? Même ce-dernier s'en fichait un peu... Toujours était-il qu'il ouvrir la gueule et balança un jet de flammes, juste au-dessus de la tête du garçon en face de lui, lui faisant roussir ses cheveux déjà un peu verts.

-Hé !

Ce fut la seule réaction de Tibauww, éberlué devant l'attaque de Spyro, qui avait fait exprès de viser bien au-dessus, comme un avertissement. Mais il reprit assez vite ses esprits et demanda à son Pokémon:

-Mais t'es fou !? Laisse-le, il vaut pas la peine qu'on s'occupe de lui...

Tibauww voulait juste partir d'ici, mais Spyro ne semblait pas de son avis, malgré les efforts qu'il faisait pour le tirer. Il pensa à le mettre dans sa Pokéball, mais ça ne lui plairait pas. Il s'escrima donc en vain à essayer de faire avancer le Reptincel dans la direction opposée au jeune homme...

Ouais, tu les vois pas comme des machines à se battre, comme tout les autres. Ils disent tous ça, à se voiler les yeux, à parler d'amitié, de force, de potentiel, tout ça. Mais les faits restent les mêmes. Vous n'êtes pas objectifs, vous refusez de voir que c'que vous faites vraiment, c'est envoyer des petites créatures, capturées à coup d'attaques violentes et enfermées dans des balles minuscules la plupart du temps, se taper dessus jusqu'à ce que l'un des deux perdre conscience, tombe au sol assommé par la douleur. Et après, vous les soignez, vite fait, vous les droguez et vous les renvoyez au front, se faire laminer encore et encore. Et après ça parle d'amitié, de gentillesse, de confiance, de partenariat? Y en a qui sont gonflés. Bien sur qu'ils tapent, c'est ça ou ils finissent eux même en petit morceaux. Et la meilleure, c'est que c'est moi qu'on engueule pour avoir lancé un Feurisson sur une distance de quoi, deux mètres à tout casser? Vous vous êtes déjà pris une dracorage dans la gueule, pour voir? Alors avant de venir me faire la morale, contemplez vous un moment. Après, si vous continuez comme ça, c'est pas mon problème, mais me considérez pas comme une merde quand vous êtes franchement pas mieux.

Caïn regarda du coin de l'œil le môme réfléchir, visiblement moins fier et sur de lui que quand il était venu, sa cape imaginaire volant au vent, sauver la veuve et l'orphelin. Ou, dans notre cas, le pauvre petit pleurnichard traumatisé. Eh. Comme quoi ses arguments valaient quelque chose quand même, ça portait à réfléchir. Allez, laisse moi pioncer tranquille, j'ai encore quelques heures avant d'aller bosser, j'en profite.
Sauf que ça ne semblait pas être l'opinion de l'affreux lézard que Énosh reniflait maintenant avec curiosité, et qui lançait au gosse un regard meurtrier lourd de reproches, auquel le concerné ne répondait qu'avec un coup d'œil blasé et profondément désintéressé. Tu crois que tu me fais peur, avec tes petits yeux noirs fâchés?

C'est au moment ou il s'apprêta à se rendormir, ignorant le nerveux, que ce dernier lui lança brusquement un nuage de flammes, laissant tout juste au gamin le temps de glisser vers le bas pour s'écraser au sol, le jet passant tout juste au dessus de lui pour brûler une marque noire sur l'arbre derrière lui. Mais merde! Ça se croit dresseur et ça ne contrôle même pas ses saletés de bestioles! Le brun commença une phrase, mi reproche, mi "il n'en vaut pas la peine" adressé au dragon de feu, mais il n'eut pas le temps de la finir que le Reptincel se retrouvait plaqué au sol, les crocs de la feunarde profondément enfouis dans son épaule. Méchantes représailles. Et elle n'y était pas allée de main morte, si le lézard n'avait pas bougé au dernier moment, les mâchoires d'acier se seraient refermées sur sa gorge, impitoyables. Maintenant, elle le maintenait au sol, sur le ventre, serrant toujours son épaule comme un étau impitoyable, le sang perlant sur les écailles oranges et les crocs blancs immaculés. Un grondement sourd s'échappait de la gueule de la femelle au neuf queues hérissées, lui faisant bien comprendre qu'elle était, de loin, plus puissante que ce petit susceptible et qu'elle n'hésiterait pas à le lui faire sentir.

-"Seth, lâche le."

Elle s'exécuta, gardant toutefois toujours un œil mauvais sur l'agresseur de son maître. Tu n'es pas le seul à défendre ton humain ici, petit, tu n'es pas non plus le seul à savoir te servir de ta force, loin de là. On voyait dans l'expression cette fois vraiment, profondément meurtrière de la renarde de feu qu'elle n'attendrait pas un instant avant de mettre fin à ses joyeux jours de lézard/casse-croûte si ce dernier n'apprenait pas à se comporter, et vite. Si le petit monstre avait un tant soit peu de jugeote, il mettrait effectivement son ego sans sa poche pour le temps présent et fermerait son clapet.
Le gosse se leva, alla à la rencontre du pokémon et s'agenouilla en face de lui, à côté de la femelle aux neuf queues, ignorant purement et simplement si ce dernier s'amusait encore à le fusiller du regard ou pas. Pas son problème.

-"Ça fait mal? Tu l'as cherché tu sais, Seth a fait ce que tu as fait pour ton dresseur. Sauf que toi tu n'as pas eu droit à un avertissement, parce qu'en général, ça te coûte la vie, ce genre de gestes généreux. Pas de bol."

-"Qu'es tu me regardes comme ça? Tu m'en veux pour t'avoir traité de machine à combattre? Parce que tu crois que c'est pas le cas? Réfléchis un peu, idiot. T'as cassé la gueule à combien de petits pokémons pour arriver à évoluer? Tu va devoir en tabasser combien encore pour atteindre la puissance dont tu rêves? Et tu crois qu'ils n'ont rien eu, eux, qu'ils se sont miraculeusement redressés dès que vous étiez partis?Viens pas me faire la morale, j'aurais pu l'abandonner tout seul dans une ruelle de Doublonville ce pleurnichard, j'aurais pu, comme toi, le laisser pour mort après l'avoir réduit à l'état de steak.
Tu t'énerve contre moi, mais tu t'es regardé une seconde!?
Imbécile."

Oui, c'était du mépris qui se manifestait maintenant dans les paroles du gosse, plus seulement du désintérêt blasé. Il n'était pas un ange, ça il le savait, loin de là, mais cette arrogance du parfait petit dresseur qui suit la voie qu'on lui a toujours indiquée, ça le poussait à bout. Apprenez à ouvrir les yeux, non de non, apprenez à regarder un peu ce que vous faites avant de reprocher à d'autres leurs actes! Les hommes sont tellement aveugles quand il s'agit de leurs propres erreurs. Tellement cons. Tu te trouve tellement géniale, petit lézard, tellement intelligent, tu m'en veux pour maltraiter un pokémon qui, au fond, n'est pas si mal lotis que ça, nourri et logé, mais toi, ce que tu as fait, tu n'y penses même pas une seconde. Ça t'es jamais passé par l'esprit que toi aussi, tu cause beaucoup de douleur, même plus que moi. Les centres pokémons, ça n'existe pas dans la vie sauvage, et si tu tabasses le pokémon d'un dresseur, c'est pas mieux. Tu fais mal. Tu fais très mal, certainement encore plus que ce que tu sens maintenant dans ton épaule. Et plus tu deviens puissant, plus tu va faire de mal.
Moi, je m'en fout, c'est pas moi qui me prend les coups, si tu veux vivre ta vie à devenir plus fort et exterminer les autres, c'est pas mon problème.
Mais viens pas me reprocher d'être cruel.
Tu t'es pas vue.

Après que le jet embrasé ait percuté l'arbre derrière la tête du garçon, tout bascula du tout au tout ( J'ai casé trois tout dans la même phrase ! ).

La Feunard, mère du petit Feurisson, bondit sur Spyro et lui agrippa le cou, avec ses crocs aiguisés. Plus du côté de l'épaule que du coup, mais bon soit, passons, là n'était pas la question, car heureusement le Reptincel avait eu le réflexe de bouger, modifiant la cible du Pokémon renard. Quelle idée lui était passée par la tête, en même temps, agresser l'autre...Le sang commença à perler sur la peau d'écaille du Pokémon mi-lézard mi-dragon ( Disons Pokémon reptile ). Cela devenait un peu trop sérieux au goût de Tibauww. Rah là là, lui qui était venu pour faire une balade tranquille, il avait encore fallu qu'il vienne se mêlait de ce qui ne le regardait pas. Et c'était son Pokémon qui en faisait les frais. Foutue curiosité... La Feunard, les queues hérissées ( Tibauww en dénombra neuf ) lâchait un grondement sourd. Le jeune homme, imperturbable, lâcha:

-Seth, lâche-le.

Et elle s’exécuta, docile. Tibauww en fut presque impressionné. Quelle assurance il exerçait sur son Pokémon ! Il devait l'avoir depuis longtemps (Sûrement depuis plus longtemps que Tibauww, étant donné que le sien lâchait du feu à tout bout de champ ). La renarde de feu gardait un oeil mauvais sur le Spyro, comme si elle guettait des représailles. Mais Spyro semblait avoir compris qu'il n'était pas de taille, et il recula derrière son maître. Mais son interlocuteur n'en avait pas fini avec lui. Il commença un long sermon ( Dans le genre ceux ennuyeux que font les parents quand on faisait des bêtises étant petit ):

-Ça fait mal ? Tu l'as cherché tu sais, Seth a fait ce que tu as fait pour ton dresseur. Sauf que toi tu n'as pas eu droit à un avertissement, parce qu'en général, ça te coûte la vie, ce genre de gestes généreux. Pas de bol.

Ça coûte la vie, ça coûte la vie... Tu te donnes des airs, là. Enfin, Tibauww l'espérait. Et il continua:

-Qu'est-ce tu me regardes comme ça ? Tu m'en veux pour t'avoir traité de machine à combattre ? Parce que tu crois que c'est pas le cas ? Réfléchis un peu, idiot. T'as cassé la gueule à combien de petits Pokémons pour arriver à évoluer ? Tu vas devoir en tabasser combien encore pour atteindre la puissance dont tu rêves ? Et tu crois qu'ils n'ont rien eu, eux, qu'ils se sont miraculeusement redressés dès que vous étiez partis ?Viens pas me faire la morale, j'aurais pu l'abandonner tout seul dans une ruelle de Doublonville ce pleurnichard, j'aurais pu, comme toi, le laisser pour mort après l'avoir réduit à l'état de steak.

Outch... Ça commençait à faire mal, là. On voyait le genre de type qui avait perdu tout espoir. Qui avait une vision cynique du monde, terre-à-terre, qui ramenait tout à la réalité. Dur.

-Tu t'énerves contre moi, mais tu t'es regardé une seconde !?

Ouais, Tibauww s'était regardé. Et il se préférait de loin à l'autre ingrat, devant lui. Chacun pense ce qu'il veut. Tibauww voyait un monde merveilleux, et le garçon un monde de merde. Tibauww était plus heureux comme il l'était, même s'il était entouré de mensonges.

-Imbécile.

Des insultes !? T'es content, t'es plus vieux, plus grand, plus fort, plus expérimenté, alors tu en profites ? C'est du joli. Tibauww avait bien envie de partir, maintenant. Il n'avait plus rien à faire ici. Le ton méprisant qu'il utilisait, ça en disait long sur ce qu'il pensait de lui. Que faire, maintenant ? Il avait bien compris que rien ne ferait changer le jeune homme d'avis.

Alors, il fit quelque chose de complètement insensé. Il s'approcha de l'autre, sous les grondements de la Feunard, et s'allongea en s’adossant à un arbre voisin. Comme ça, sans raison. Il en avait marre de lutter. Il fit rentrer Spyro sans sa Pokéball, et l'accrocha à sa ceinture. Il se sentait un peu démuni, comme ça, sans Pokémon face à un type qui ne l'aimait pas avec des Pokémons qui ne l'aimaient pas non plus. Mais pourquoi il faisait cela !? Lui-même n'en savait rien. Il était fatigué. Exténué, même. Il rabattit sa capuche sur son front, croisa les bras sur sa poitrine et ne bougea plus. L'autre devait se dire qu'il avait pété un plomb, et à vrai dire, Tibauww le pensait aussi. Il n'avait aucune raison de faire ça, et il avait plutôt des raisons de ne pas le faire. Il en avait marre de lutter, c'est tout. Pourquoi continuer à se faire de son interlocuteur un ennemi, s'il pouvait s'en faire un ami ? Il lui demanda:

-C'est quoi, ton nom ?

Phrase assez primitive quand on l'analysait de près. Mais voilà, Tibauww devenait bizarre. Il entrait dans la puberté, dans "l'âge bête". Du coup, il faisait des trucs complètement loufoques. Une feuille brunie vint se déposer en douceur sur son ventre. Il attendit.

Gros blanc, temps mort. À voir la tête du gosse, il n'avait rien à répondre à ça. Rien à dire. Pas d'idées, pas de réponses, juste une réalisation muette, comme s'il acceptait les mots du gosse sans pour autant les appliquer à soi même. On pense pas tous pareil, c'est la vie, faut faire avec. Vivre et laisser vivre. C'est ce que semblait avoir compris le petit brun, et ce que témoignait ce moment de silence avant qu'il ne rappelle son Reptincel, toujours muet. La rage soudaine dont avait fait preuve Caïn retomba aussi soudainement qu'elle était venue. Il avait atteint ce qu'il voulait atteindre, il n'avait plus aucune raison de s'énerver. L'autre allait probablement s'en aller, dépité, se creuser la tête ou décider d'oublier cette rencontre désagréable, et ce ne serait qu'un autre de ces petits moments sans importance qui vont et qui viennent dans notre vie.
Sauf que, contrairement à toute attente, le jeunot ne s'en alla pas. Au contraire, après avoir remballé son affreux lézard sans cervelle, il s'approcha. Le môme au sol s'attendait presque à se prendre un grand coup de pieds dans la gueule (ce serait pas la première fois), et entendit Seth se tendre et gronder sourdement, mais rien n'en fut. L'autre se contenta de s'effondrer au pieds de l'arbre voisin, dans la périphérie de la vision du vert qui se demandait ce qui se passait dans sa tête. La capuche sur les yeux, détendu, on dirait bien qu'il allait suivre l'exemple de notre emmerdeur de service et profiter des derniers rayons de soleil de la saison. Choix judicieux.

Un court silence s'en suivit, pendant lequel le Feurisson retourna se peloter contre la jambe du petit, et Caïn roula en conséquent des yeux, ayant presque honte pour ce pokémon incapable au plus haut point. Et puis, envers et contre tout, l'inconnu lui demanda son nom.
Qu'est ce que tu veux? Tu veux faire ami-ami maintenant? Tu te cherches un allié de taille? Tu veux m'amadouer pour me mettre un couteau dans le dos après? Tu veux quand même me convaincre de mieux traiter ce pleurnichard? Ou alors, tu en as simplement marre, pas envie de te battre pour une cause que tu as perdue, tu as décidé qu'après tout c'était pas rentable, que j'avais pas une tête si horrible que ça et que tu n'avais rien à perdre à réessayer. Après tout, c'était possible aussi.
Accordons lui le bénéfice du doute. C'est pas comme si le plus âgé avait mieux à faire, et il avait beau avoir une grande gueule, la langue acérée et toujours une commentaire acerbe à balancer, il était tout de même capable de se comporter plus ou moins correctement.

-"Caïn."

Il faillit rajouter "pour vous servir", par habitude, mais décida contre. Faut pas pousser quand même, le métier de serveur ça déteint mais pas à ce point. Encore un court silence. Il faisait presque chaud maintenant, le soleil haut dans le ciel, le vent s'étant posé. La Feunarde semblait avoir décrété que le danger était passé et s'était rallongé, suivant l'exemple du grand canidé de feu qui avait à peine bronché depuis le début de la scène, clairement désintéressé.

-"Toi?"

Encore un peu, et on pourrait presque croire que le gosse s'intéressait à ce gars. Mais où va le monde? Pas très loin, je dirais, mais il y va sans regard en arrière, du moins jusqu'à ce qu'on invente une machine à remonter le temps. Euh... bref.
Le petit jeune eut à peine le temps de répondre que, sans crier gare, le ventre de Caïn décida d'exprimer son mécontentement. Un gargouillement à peine audible s'en échappa, suivi par un juron à voix basse. Et merde, il avait faim. Faute de sous, il avait sauté son repas de midi et prévu de rattraper le soir en taxant quelque chose dans les cuisines du bar. Sauf que, quand on a dix-sept ans et déjà pas grand chose sur les os, eh ben même un seul repas en moins, ça se faisait sentir. Arg, maudit soit cet imbécile de Moe qui s'était fait attraper, c'est pas parce que lui se fait virer que le serveur disparaissait miraculeusement! Les problèmes de cœur du patron n'allaient pas remplir son portefeuille.
Lui qui commençait à apprécier ce beau temps, faut toujours quelque chose pour te mettre des bâtons dans les roues.
Zut.

Le petit Feurisson vint se coller aux jambes de Tibauww, pour réclamer encore d'autres câlins. Ce dernier lui grattouilla derrière l'oreille, comme il faisait avec son Reptincel. Peut-être tous les Pokémons feu aimaient-ils cela ? Peu probable, mais toujours état-il que le hérisson semblait y prendre du plaisir. Son interlocuteur, dont il allait sûrement connaître le nom, sembla réfléchir au fond de la pensée de Tibauww. Qui se posait des questions dessus aussi, soi-disant passant. Et il sembla avoir fait son choix: « -Caïn. » Caïn... Ce n'était pas un nom très courant, par ici. C'était même la première fois que Tibauww l'entendait. D'autres feuilles vinrent lui tomber dessus, et il les chassa d'un mouvement de la main. Caïn. Caïn and co'. Non, évitons les jeux de mots ridicules. Pendant que Tibauww "méditait" sur sa récente découverte, le Caïn en question lui posa une question. Question qui, elle aussi, avait une tonalité légèrement primitive: « -Toi ? » On pouvait comprendre par ce simple mot qu'il souhaitait également savoir le prénom de son interlocuteur. Interlocuteur qui allait le lui donner. « -Tibauww. » Et voilà, une nouvelle connaissance à ajouter à son registre d'amis ! ( Ou pas. ) Et ils étaient là, tous les deux, allongés sous leur arbre respectif, à se dorer le bout du nez aux derniers rayons du soleil de la saison. Et puis, tout commença par un gargouillement de ventre affamé.

Tiens le Caïn avait faim ? ( Oui, le Caïn, ça sonne mieux. ) Tibauww aussi commençait à avoir un petit creux. Il ouvrit son sac posé à côté de lui et en sortit un bout de papier d'aluminium...Vide. Zut. Rations sandwichs épuisées. ... C'est pas grave ! On va en acheter d'autres au supermarché du coin ! Hop, Tibauww cherche le porte-monnaie... Et se souvient qu'il l'a oublié sur la table de nuit de sa chambre du centre Pokémon. La poisse ! Caïn, à côté de lui, n'avait pas l'air non plus d'avoir la bourse bien remplie. Comment ils allaient faire, maintenant ? Deux gamins sans fric qui cherchaient à bouffer. Tibauww pouvait toujours retourner à sa chambre, mais c'était relativement loin, et il avait surtout la grosse flemme de le faire. Il se tourna vers Caïn, et lui demanda: « -Heu... T'as de l'argent ? » On pouvait toujours espérer. « -Si pas... Comment on fait ? » Un seul mot sautait aux yeux de Tibauww: "Vol". Mais c'était contre ses valeurs de pré-adolescent de treize ans en pleine aventure Pokémon. Il ne voulait pas se laisser influencer et partir sur la voie de la délinquance. Enfin... Si ça pouvait lui permettre d'avoir un sandwich... Juste un petit sandwich... Pourquoi refuser ? Ça ne ferait de mal à personne. Faut bien qu'ils mangent !

Ils avaient l'air fin, ces deux là. Derniers rayons de soleil de l'année, très certainement, déjà on sentait que le froid arrivait à grand pas, et ils se laissaient gâcher cette matinée merveilleuse par leurs ventres.
Ah, mais qu'entend je? Caïn se redressa légèrement en entendant Thibaud (Ou allez savoir comment il prononce ça, moi je cherche pas) fouiller dans son sac, plein d'espoir. Non, il a à manger? Sérieusement? Remarquez, il avait pas une tête à manquer de fric ce gosse, et puis si on tape sur des petits entraîneurs sans rien sur le dos on gratte assez vite de l'argent, sûrement. Peut-être qu'il devrait essayer ça. Si les combats pokémons ne le dégoûtaient pas à ce point, ça aurait pu se faire. Tant pis.
Entre temps, force était de constater que malgré sa tête, le petit n'avait rien de plus que lui, et en plus le culot de lui demander s'il avait des sous. Non mais tu as vu ma tête? T'as vu mon jeans qui tombe en lambeaux? Mes poches qui sont trouées tellement j'ai rien à mettre dedans? J'ai tellement l'air d'avoir des sous cachés derrière les oreilles? Le regard terriblement pas convaincu auquel eut droit le gosse dut répondre de lui même à la question, parce qu'il s'empressa de demander une solution. Là, j'avoue, c'était limite qu'il se serait fait envoyer chier comme une peau d'orange. Non mais tu t'attends à quoi? T'as pas besoin de moi pour te tenir par là main, tu trouves une solution toi même, je suis pas un garde manger, au contraire je serais plus approché au gouffre qu'autre chose. Mais il se retint. En fait, on va s'amuser un peu, plutôt. Tester les limites. Tirer des coups de revolver dans les principes si inébranlables de ce gosse.
C'est plus drôle.

Il laissa échapper un soupir entre exaspéré et fatigué, vaguement irrité d'être dérangé par son ventre pour, au fond, pas grand chose. Puis il se leva et s'étira de tout son long, les bras vers le ciel d'un bleu clair et brillant, faisant craquer ses vertèbres et ses épaules par la même occasion. Son regard tomba ensuite le petit jeune encore assis.
-"Je peux me démerder pour nous trouver à manger, mais je doute que ce soit en accord avec tes principes de preux chevalier. Viens."
Enfin, petit, c'est vite dit. Debout, ce type était vraiment pas loin de la taille de Caïn, une poignée de centimètres peut-être, pas plus. Bah! Ce qu'il n'avait pas en grandeur, il le rattrapait bien assez en caractère. Sans plus discuter sur ses intentions, il fit signe aux trois pokémons de rester sur place et se dirigea vers la ville, les mains dans les poches, d'un pas rapide.

Il les mena jusqu'au prochain supermarché (qui ne vend pas que des articles pokémon, j'entend) et y entra, détaillant les longs rayons de nourriture en boite et en brique, de toutes les formes et couleurs, au noms parfois assez étranges et tirés par les cheveux. Bon, rayon pokémon, ça c'était pas son truc, rayon alcools, passons vite, rayon... ah, voilà! Ça ça ressemblait plus ou moins à ce qu'il cherchait, des boites de sandwich, qui n'avaient même pas l'air si mauvais! Visiblement plus heureux, le gosse resta un moment à contempler les différentes possibilités avant d'en empoigner deux et de se diriger vers la caisse, faisant patiemment la queue derrière une petite grand-mère à l'air méchant qui lui rappelait désagréablement la mamie psychopathe à laquelle il avait eu affaire pas si longtemps avant. Peut-être qu'ils avaient vécu dans le même asile, qui sait. Si c'est le cas, ils avaient intérêt à renforcer leur sécurité en tout cas, parce que là c'est pas au point...
Arrivé devant la caissière, une grosse dame à l'air bienveillant et un peu abruti, il déposa les deux pains et dégaina son portefeuille, affichant maintenant une mine un peu soucieuse. Il chercha un moment dedans, pendant ce temps la dame en face lui annonça le prix en l'observant, la mine interrogative.
-"Je... j'ai pas assez, m'dame, je suis désolé. J'vous les rends."
La tête du gosse qui à faim. Dernier regard aux sandwich dont il ne verrait jamais la couleur. Et surtout ne connaîtrait pas le goût. Il les reposa sur le comptoir, fit une tête à Tibauww qui semblait dire "c'est balot, pas de fric" et s'apprêta à sortir, quand la caissière l'interpella.
-"Bon va, prend en un, c'est pas grave. Je vais pas vous laisser mourir de faim quand même."
Hop, le visage du gamin qui s'éclaire, heureux, alors qu'il prend sagement le sandwich que lui tends la dame, souriant d'une oreille à l'autre.
-"Sérieux! Oh merci m'dame, c'est cool!"
Et, de nouveau avec sa tête de gamin content, il sort, toujours talonné par le petit jeune qui devait entre temps être un peu perdu. Il reprit le chemin inverse, nettement moins rapide cette fois, pas pressé par la fin.

Dès que les deux jeunes arrivèrent hors du champs de vision du supermarché en question, Caïn s'arrêta complètement, et dégaina de la poche de son pull un deuxième pain, qui était apparu là on ne sait quand, et le lança au gosse:
-"Plus faim ou plus justicier, Tib'?"
Oui, c'est méchant.
Mais c'est marrant.

Caïn regarda Tibauww, l'air de dire "Non mais tu trouves vraiment que j'ai l'air d'un richard ? Tu crois que je vais te répondre 'Oui, tiens, une bourse pleine de louis d'or !' ? Hé bah mon pauvre vieux...". Bah quoi, on pouvait toujours espérer, non ? Bon, en tout cas, le sandwich semblait s'éloigner du nez de Tibauww. Mais, contre toute attente, le jeune se leva, et lui lança: « -Je peux me démerder pour nous trouver à manger, mais je doute que ce soit en accord avec tes principes de preux chevalier. Viens. » ... Tibauww pensa: « -J'ai pas de principe de preux chevaliers non plus, j'ai juste quelque chose qui ressemble à un sens moral. » Enfin bon, ce n'était pas le moment de recommencer à lancer des remarques acerbes et à retomber en froid avec Caïn, étant donné qu'il avait faim aussi. Il se leva, et remarqua qu'il avait presque la taille de son interlocuteur, alors que celui-ci était bien plus âgé que lui. Il demanda à ses Pokémons de rester où ils étaient. Dociles, ils obéirent. Tibauww fit une derrière caresse au Feurisson avant de suivre Caïn. Ce-dernier, les mains dans les poches, l'air détendu, prit la route vers le supermarché le plus proche.

C'était un supermarché plus orienté nourriture et besoins ménagers que fournitures pour combats Pokémon, évidemment. On allait pas caser de la bouffe entre deux Pokéballs. Enfin soit. Tibauww suivit son nouvel "ami" en déambulant dans les rayons, jusqu'à trouver celui avec des sandwichs ( Je suis obsédé par les sandwichs, j'ai l'impression: J'en parle tout le temps ! ). Il regarda avec attention les différents choix, et Tibauww, resté derrière lui, ne put pas voir ce qu'il avait choisi. Bon, pas grave... Il le suivit cette fois jusqu'à la caisse, où ils firent la file derrière une petite vieille. Jusqu'ici, c'était assez étrange, on pourrait presque croire que Caïn l'avait fait marcher et avait en fait de l'argent. Tibauww en eut carrément la certitude lorsqu'il sortit son portefeuille une fois devant la caissière grasse, mais il remarqua qu'il était vide. C'était quoi l'embrouille, là ? Puis il prit une mine déconfite, et regarda la caissière: « -Je... j'ai pas assez, m'dame, je suis désolé. J'vous les rends. » Tibauww pensa intérieurement: « -What the fuck ? » Et soudain, Tibauww comprit le stratagème de son comparse. Il se tourna vers lui, l'air toujours aussi déconfit. Il s'apprêta à sortir quand l'infirmière l'interpella, et lui dit: « -Bon va, prends-en un, c'est pas grave. Je vais pas vous laisser mourir de faim quand même. » Le visage de Caïn s'éclaira. Quel bon comédien, quand même. « -Sérieux !? Oh merci m'dame, c'est cool ! » Et il ressortit. Tibauww adressa un sourire à la caissière, qui le lui rendit, et suivit Caïn dehors.

Ils firent quelques mètres hors du supermarché. Puis Caïn s'arrêta, sortit de la poche de son pull un deuxième sandwich. « -Plus faim ou plus justicier, Tib' ? » « -... » Tibauww s'approcha, remonta sa manche, et... Prit le sandwich. ( Celui qui avait été offert par la caissière, pas l'autre volé, le plus naturellement possible, en essayant de faire croire que cela avait été non-intentionnel. ) « -T'as été génial, mec. » Et ouais, Tibauww n'était pas un justicier. Il ouvrit la boîte, sortit le pain fourré à divers ingrédients qui lui semblaient succulents... Jusqu'à-ce qu'il voit la sauce. Sauce Andalouse. Il détestait ça. « -Merde... » Il regarda avec dégoût, avec une mine sûrement encore plus déconfite que celle imitée par Caïn devant son portefeuille vide, car celle-là était une vraie mine déconfite, avec les joues qui s'affaissent, les épaules qui se relâchent et le regard qui se vide. La dernière fois qu'il avait mangé cette sauce, il y a des années, il avait vomi pendant une heure aux toilettes. Mais c'était il y a très longtemps. Peut-être l'aimait-il, maintenant ? Il hésitait forcement. Mais un nouveau gargouillement de son estomac le décida. Il tenta une bouchée du sandwich. ... Assez mauvais, mais pas de quoi vomir ses tripes. Il haussa les épaules et finit son pain à vitesse raisonnable, mais en sentant quand même un mauvais arrière-goût dans la bouche. Bon. Les feuilles continuaient de tomber des arbres. Qu'est-ce qu'ils allaient faire, maintenant ? Tibauww retourna vers l'arbre où attendaient les Pokémons de Caïn. Ils regarda derrière son épaule pour voir s'il le suivait. C'est bon, ils avaient le ventre plein, les idées bien éclaircies... Et il se tourna vers Caïn, lui demandant: « -Tu m'files ton numéro de Pokématos ? Si t'en as un, bien sûr... » Ce n'était absolument pas pour le vexer, bien au contraire. « -Parce que je crois que je vais y aller, moi...Je dois repartir demain ! » Il n'était que quinze heures, mais Tibauww devait se préparer pour le lendemain. « -À moins que tu ne veuilles faire un truc ..? »

[HRP: Je suis désolé, je n'ai vraiment pas fait avancer l'histoire, je suis en manque d'inspiration et je me suis promis de répondre aujourd'hui x_x Excuse-moi, vraiment !]

Plus faim que justicier. C'est trop facile, c'est même plus drôle à ce stade là, ce gosse sait pas ce qu'il veut. Bon, il s'est quand même arrangé pour pas prendre le pain volé, crois pas que je m'en suis pas aperçu, mais j'vais laisser passer, je t'ai déjà assez fait marcher pour la journée. Sans plus s'intéresser au gosse qui semblait un peu dépité de trouver dans son sandwich quelque chose qui lui déplaisait fortement, Caïn s'attaqua au sien, soulageant un ventre vide. Bon, ça ne réglait en rien ses petits soucis d'argent, mais en tout cas ça calmait très bien la faim qui le poursuivait.

Ils atteignirent à nouveau l'endroit où ils s'étaient rencontrés, une petite heure plus tôt, profitant d'un soleil qui doucement mais sûrement s'approchait de la cime des arbres, la température chutant avec lui. Maintenant, on le sentait venir, cet automne, et l'hiver qui le suivait de près. Un des avantages des pokémons feu ça, c'est que les coûts de chauffage restaient très abordables, même quand la neige couvrait le paysage. D'ailleurs, il devait doucement être l'heure pour lui de se remettre au boulot, en espérant que cet imbécile de patron s'était momentanément souvenu qu'il avait un deuxième employé qui voulait bien qu'on lui file du fric, non de non, sinon ça allait plus durer longtemps avant que la caisse ne disparaisse mystérieusement. Faut pas se moquer du monde non plus, les histoires de cœur c'était pas son problème, lui il voulait du liquide!

Ce qui étonna vraiment Caïn, c'est que le petit, après s'être fait ramasser et marcher sur les pieds, lui demanda quand même ses coordonnées. Alors là, chapeau, au moins on peut dire qu'il ne tenait pas de rancune. Bon, ça n'empêchait pas qu'il était quand même un petit justicier et entraîneur utopiste comme le serveur avait du mal à les supporter, simplement par leur manque complet de réalisme, mais au moins, il s'avait s'adapter. Aller, soyons cool.

-"Moi j'dois aller bosser, donc je vais y aller."

Alors il s'en va? Il est pas d'ici? En fait, rien d'étonnant, après tout, c'était la particularité des dresseurs, ils parcouraient le monde dans le but de devenir le plus grand, le plus beau, le plus fort et tout le barda. Avec un haussement d'épaule, il détailla rapidement l'autre, repéra le portable à sa ceinture et le décrocha d'un geste adroit, appuyant sur une touche au pif pour voir avec un rictus un peu moqueur qu'il était non seulement allumé, mais en plus déverrouillé.

-"Facile à voler ça, à ta place je mettrais au moins un code dessus."

Hop hop, les touches, euh voyons, numéro du téléphone... Bon, on voyait que Caïn avait beau ne pas ignorer le fonctionnement de ces gadgets, il n'était pas non plus le plus capable, vu le temps qu'il prenait pour repérer les touches. Rien de bien étonnant remarquez, il n'avait jamais vraiment eu besoin d'appeler des gens, et ne se faisait pas non plus appeler tout les jours. C'est ça de laisser toute sa vie derrière soi et de recommencer à zéro, on perds tout les contacts, pour autant que contacts il y avait. Non, parce qu'en sortant de l'hosto, de toute façon, on connais plus grand monde.
Bon, les petits flashs de passé, on va les remettre bien dans leur coin de mémoire et revenir à la réalité, merci. Parce qu'à part te déprimer, ça sert pas à grand chose.

-"Tiens, c'est le numéro du bar dans lequel je bosse, si t'essayes le soir j'y suis."

Soir voulant dire de seize à une heures, bien sûr. Il n'était pas sûr pourquoi on lui demandait son numéro, peut-être par pure politesse, qui sait. C'est pas comme si on lui demandait souvent. Et personnellement, si il rencontrait quelqu'un comme ça, vite fait, il ne s'emmerdait pas à garder le contact en général. Enfin de toute façon, il ne s'attendait pas vraiment à ce qu'on l'appelle, de toute façon, tu veux faire quoi, si tu te balades à l'autre bout de Johto, me dire que tu vas bien? Je m'en moque un peu hein.
Bah, son problème.

Avec un Au revoir rapide, il appela le grand Arcanin qui n'avait fait que dormir depuis le début de cette histoire. Ce dernier se leva en vitesse et le gosse s'en approcha pour resserrer le harnais qu'il avait dans la gueule. Puis il ramassa sans grand ménagement le Feurisson pleurnichard qui s'était de nouveau accroché à sa jambe et le déposa sur la croupe du canidé de feu, avant de se hisser lui même sur son dos par la force de ses bras. Bon, quand on est pas très lourd, ça facilite bien sûr la chose.

Et ils étaient partis.

Voici vos lignes :
Cain : 443
Tib ' : 260