Mélancolie... Rencontre... Nouveau départ ?[PV NC-12][FINII]

Le soleil avait tiré sa révérence laissant pleinement sa place à son astre complémentaire; la lune. Les rayons du soleil s'étaient éclipsés au profit de l'obscurité, la température avait chuté de quelques degrés. Les nuages blancs devinrent sombres. La vie citadine s'éteignit. Les commerces alimentaires fermèrent, tandis que ceux festifs s'ouvraient. La nuit atteignait son apogée sur Céladopole.

Ville du crime. Ou plutôt, ancienne ville du crime. Autrefois, la venue des ténèbres était redoutée. Autrefois, on ne laissait guère ses adolescents traîner dans les rues si le soleil ne les éblouissait pas, on ne se permettait pas de sortir entre amoureux pour profiter d'une soirée à deux lorsque la seule lumière présente était celle des lampadaires, autrefois, on fermait à doubles l'ensemble de nos fenêtres et de nos portes avant d'aller dormir...
Les temps avaient changé. La ville en était la preuve...

Il y avait quelques années elle était gouvernée d'une main de fer par la mafia locale. Les commerces fluctuaient, les bénéfices lui revenaient presque totalement, la scène politique n'était qu'une immense pièce de théâtre dont les metteurs en scène étaient les administrateurs de la pègre et la police qu'une meute de Caninos fidèles à des maîtres qui leur fournissait leur pâtée quotidienne... L'insigne "R" était respecté, craint, voire idolâtré. Désormais, il n'en était plus rien...

Désormais, des jeunes se baladaient tranquillement en bandes dans les rues, parfois se contentant de boire à ne plus pouvoir marcher, parfois en allant faire quelque dégât par-ci par-là, parfois en faisant hausser le taux de criminalité à Kanto par différents actes tel endommagent des infrastructures ou tapage nocturne. Désormais la police réprimandait les actes criminels...

Les petits copains et petites copines sortaient pour aller voir un film, manger au restaurant, ou tout simplement illustrer leur amour à l'air libre, profitant du romantisme de la nuit pour exprimer leurs sentiments.

Les commerces restaient ouverts tard, les boîtes de nuit étaient bien plus nombreuses qu'autrefois et les gens avaient tu leur ancienne paranoïa, avaient annihilé leurs inquiétudes...

La ville était devenue une des plus prospères. Une cité économique, où le tourisme était un bon revenu grâce au nouvel aménagement de Céladopole, plus moderne et branché, bien que le bénéfice tiré des touristes restait moins exhaustif que dans certains autres endroits voisins, telles les Iles Ecumes. Toutefois l'argent rentrait bien, merci les centres... Le maire était ravi. Les citoyens ne se plaignaient guère du prix des terrains, du prix de la vie... ils avaient une bonne parité du pouvoir d'achat, puisque les Pokédollars ne s'enfouissaient plus seulement dans les poches des membres de la Team Rocket...

La vie était belle.

Mais pas pour tout le monde...

Giovanni observait d'un regard mélancolique du haut de l'immeuble de son ancien casino la cité prospérant dans les ténèbres... Ce qu'il regrettait l'ancienne bonne époque... certes, il ne passait pas son temps à se lamenter de son passé, mais revenir à l'endroit où il avait connu les périodes les plus prospères de sa vie professionnellement parlant, avant sa défaite contre ce satané môme, lui procurait une sensation de gâchis au plus profond de son âme... comme si les choses auraient toujours pu continuer à bien tourner ... comme si tout cela n'avait été qu'un regrettable coup du destin... et oui, Giovanni ne se disait pas que tout cela avait été de sa faute, oh que non. De même qu'il ne pensait pas avoir réellement perdu le match contre Red, juste manquer de vigilance et que l'issue du combat aurait été totalement autre s'il avait combattu avec plus de sérieux...

Orgueil quand tu nous tiens...

Soupirant, le pokémafieux enfouit ses mains dans les poches et esquissa une faible grimace en repensant à sa pseudo-défaite d'il y avait quelques années...
Grimace qui s'agrandit lorsqu'il repensa également qu'il se devait d'investir quelques millions pour remettre en état le casino, si le projet du maire de le "rayer pour oublier le passé" ne passerait pas les votations populaires... Tout ça à cause d'un attentat. Tout ça à cause d'eux... la simple évocation mentale des Quetzacoalts sut carrément faire soupirer une seconde fois le mafiosi, lui faisant désagréablement rappeler son statut de "allié sous chantage" par rapport aux terroristes...

Levant la tête vers les étoiles, il tenta de canaliser la furtive colère qui lui était venue en pensant au danger quotidien que couraient ses enfants. En pensant à l'imbécilité de son frère. A l'innocence de sa petite demi-soeur dans toute cette histoire. A l'incapacité de son père. A la haine de Silver. Mais le dévouement que Chocolate lui vouait, en se jurant qu'elle le protégerait de lui-même, sut lui faire un baume au coeur et l'aida à avoir un semblant de sourire. Sa première fille...

A qui il mentait... A qui il dissimulait la vérité... Il savait qu'un jour elle le saurait, c'était inévitable. Mais il espérait vraiment que quand ce jour arriverait, il serait mort pour ne pas avoir à voir l'expression faciale de son aînée, pour ne pas avoir à se faire tuer par elle...

Son micro-sourire s'envola.

Damnation... il devait quitter le casino avant de s'enfermer dans un cercle vicieux de pensées négatives dans lequel il ne voulait aucunement tomber, ayant des choses plus importantes à faire que se morfondre.

Sur cette pensée, le mafiosi détourna le regard de la ville qu'il avait un jour dominée et s'apprêta à aller prendre la seule porte qui donnait accès à l'intérieur du bâtiment. Cependant... une fois la main sur la poignée, un son faible se fit entendre...

Des bruits de pas. Qui devenaient de plus en plus forts, à mesure que la personne montait les escaliers...

La personne était apparemment seule, il ne s'agissait donc pas de jeunes qui faisaient passer le temps en se donnant la frousse dans un endroit abandonné soi-disant infesté d'ectoplasmas... c'était un, ou plutôt une car Sakaki crut reconnaître des talons, solitaire, qui venait dans son ancien QG du crime... Il valait mieux pour le quadragénaire de bénéficier d'un effet de surprise, aussi, il se mit de côté, de façon à ce que quand la porte s'ouvrirait, la personne ne puisse le voir directement... S'il s'agissait d'une personne inconnue, il se contenterait de l'assommer et de partir... se sachant recherché par l'Interpol, ne voulant courir aucun risque de témoin l'ayant aperçu...

Les sous-terrains de Céladopole sentaient la moisissure. Une odeur légère, fine comme une dentelle de veuve noire, mais qui se propageait sur toute la longueur du tunnel. Dans les recoins les plus sombres, on distinguait une forme vaguement humaine, derniers éléments pauvres de la ville que la police n'avait pas encore réussis à trouver. Les sous-terrains de Céladopole étaient le trésor le plus cher au coeur de Mina. Ils contenaient ses plus précieux souvenirs.

Elle les connaissait mieux que quiconque, mieux qu'Aaron-même, alors que c'était lui qui y avait vécu une grande partie de son enfance. Elle reconnaissait, dix ans plus tard, les visages de ceux qu'elle avait côtoyés étant petite. Ces gros barbus plein d'espoirs qui voulaient renverser le pouvoir de leurs smogogos. La vieille Baya et ses os frêles qui la forçait à manger des racines très amères pour se préserver du froid pendant ses escapades. Les triplés, qui n'étaient désormais plus que jumeaux, et qui rêvaient de devenir champions d'arène. Tous ces gens qui lui avaient tendu la main, et poussée à poursuivre son propre rêve. Vivre l'amour.

Un rêve de niaise, aurait assuré Alehandra. Une manipulation pour simple d'esprit, pensait sans doute Aaron.

C'était depuis ces sous-terrains qu'elle l'avait suivi. Ils étaient tous deux allé rejoindre la nouvelle mère de son meilleur ami de l'époque. Et de là, tout s'était enchaîné. Le temps avait filé trop vite. Les motards n'étaient plus que des clochards, ou des employés banals. Baya était partie à Doublonville, et les jumeaux auraient bien du mal à la reconnaître, avec ses manières de grande dame, sa robe haute couture et ses talons brillants. Dans un sous-terrain comme celui-là...

"Une jolie femme comme vous n'aurait pas une pièce pour un pauvre gars comme moi ma bonne dame?"

Mina s'arrêta, sur le fil, et serra la gorge, reconnaissant dans cette voix les inflexions de Rouge, compagnon d'infortune d'Aaron. Elle sortit plusieurs billets de son sac et les lui tendit, avec un sandwich. Rien de bien brillant, juste de quoi subvenir à ses besoins un jour. Croyant à un rêve, et imbibé d'alcool plus que de raison, Rouge se rendormit en laissant tomber dix pokédollars. Mina passa une main sur ses tempes. Quand l'Oiseau d'Or reviendrait, elle lui ferait nettoyer cet endroit. Rendre justice aux braves qui lui avaient toujours porté secours sans jamais pouvoir recevoir la contrepartie de leur gentillesse. Il n'y avait que l'homme pour laisser les justes dans la crasse et la dépendance.

Ses pas la menèrent jusqu'au croisement fatidique. Elle s'arrêta, et se pencha avec une sorte de pincement au coeur. De la droite, il ne venait rien. Bien sûr, les motos s'étaient tues depuis bien longtemps ici. D'en face, aucune odeur de nourriture ne parvenait. Un ragoût de Rattata paraissait délicieux quand elle le partageait avec la petite bande. Et il n'y avait aucun enfant des rues bruyant pour les bousculer, Aaron et elle. Non, rien que le vide, et la fuite des démunis pour la venue des nouveaux riches de Céladopole.

"Dix pokédollars par tête ! Mais c'est du vol !
- Non, avec ça ils nous donnent un toit et le droit de faire notre commerce ici. Nous sommes sous leur protection.
- Tu parles d'une protection. Pouvoir te faire trancher la gorge s'il manque un pokédollar...
- Ah, ma fille, un jour tu comprendras sans doute qu'il vaut mieux payer un droit de vie plutôt que de courir après l'argent toute son existence..."

Baya. Que devenait-elle aujourd'hui ? Est-ce que la Team Rocket avait fini par se lasser ? Elle était sous la Tour Radio aux dernières nouvelles. La situation avait-elle changé pour elle ? Mina était prise d'un doute énorme. SI Giovanni mettait la main sur ces gens qui avaient tant compté pour elle, alors... alors... elle ne savait pas. A vrai dire, elle avait toujours attaqué cet homme pour ne jamais avoir à s'en défendre. Paul lui avait rapporté son entretien avec le mafiosi. Elle avait mal compris. Bien sûr. Sakaki tenait à ses enfants autant qu'elle à son enfance. Jamais il n'aurait stupidement condamné sa primogéniture pour rouler des mécaniques devant un champion.

La Quetzacoalt prit la voie de gauche, et s'arrêta face à une trappe. La trappe au butin. Là où ils déposaient l'argent par tête. En échange quelque chose tombait toujours. En hiver des vêtements troués, ou bien des restes du restaurant. En été des bouteilles d'eau entamées. Que des invendables qu'ils se faisaient un plaisir de consommer.

Elle était restée deux ans dans ce tunnel, en compagnie des autres. Deux ans avant qu'on ne la retrouve et l'emmène de force à Safrania pour y étudier. Deux ans avant qu'elle ne rencontre son destin.

Sa main se posa sur la pierre, et saisit une poignée rouillée, qu'elle força dans un claquement sonore. Un petit escalier descendit, branlant. Avec maintes précautions, elle grimpa les marches, et ramena la trappe au plafond, pénétrant dans un cagibi noir et plein de poussière. Elle alluma son portable pour faire la lumière sur la pièce. Les mimigales avaient épargné l'endroit. Une porte fermée à verrou était la seule issue. Un hublot crasseux lui permit de voir des cuisines abandonnées. Des casseroles étaient encore en état de travail, mais la nourriture y avait pourri depuis longtemps. Une ambiance digne de la tour de Lavanville régnait partout, la glaçant jusqu'au sang.

"Allez mylady, tu ne vas pas te laisser impressionner pas deux ou trois chaud lapins" lui aurait dit Devil Joe. Elle sourit. Bien sûr. Si elle restait jour et nuit à côté d'un spectre, pourquoi devait-elle en craindre deux ou trois de plus ?

Elle traversa, dans un silence religieux, la pièce éclairée par le néon de secours survivant aux années d'abandon, et emprunta les escaliers de service pour explorer le Casino dit.

La moquette, défraichie, avait dû être d'un carmin éclatant.
Les machines à sous, éventrées, d'un rutilant à faire pâlir un orfèvre.
Les sommes d'argent, nulles, si grandioses qu'elle en aurait pleuré.

Dire que tant d'argent se jouait au dessus de sa tête deux années durant.

Elle monta les marches, avec le déhanché d'une grande dame, jusqu'à la régie, et s'assit un moment à la place du chef.

Un fauteuil qui avait tout de royal. Confortable bien que défoncé. Elégant, en cuir noir. Elle s'y prélassa et ferma les yeux.

Le silence était doux, aussi doux que l'odeur de cuir.

Elle s'efforça d'imaginer la vie du mafiosi. Une veuve, une ex-femme et une maîtresse. Trois enfants dont un disparu et deux inaccessibles. L'argent coulant à flot tous les jours. La ville au creux de la main. Et aujourd'hui... voilà à quoi elle l'avait réduit. Un casino de poussière et de regrets. Mina se redressa, légèrement sonnée par l'odeur, et entreprit de grimper à l'échelle, sans doute celle qui se rendait sur le toit, avec la légèreté et la grâce d'une danseuse.

Elle se sentait dans la peau d'une maîtresse rendant visite à son amant en cachette. Dans le silence et le respect le plus total de sa pauvre concurrente. Après tout, elle poignardait Alehandra dans le dos en pénétrant en territoire ennemi sans aucune escorte, pas même celle de ses pokémons.

Un long couloir, éclairé par une vitre cassée qui laissait filtrer la lune, la guida jusqu'à l'extérieur. Elle le parcourut lentement, avec volupté, caressant le crépis du bout des doigts. Mélancolie. Le soir était froid. Elle ôta le foulard de ses cheveux et s'entoura les épaules pour ne plus frissonner. Du bout des pieds, elle approcha du bord du toit et pencha la tête, ramenant ses cheveux sur son épaule droite avec un sourire. D'ici, on avait vraiment l'impression de dominer la ville. Seul l'arrogant centre commercial nous défiait de quelques étages.

Décidant que rien ne la menaçait, la jeune femme s'assit sur le bord de l'immeuble et ôta ses chaussures, en parfaite innocence, sourire aux lèvres.

"Je comprends qu'on se sente maître de soi d'ici, Sakaki."

Elle bascula en arrière, et s'allongea, bras sur le visage, ne laissant dépasser qu'un oeil.

Oeil qui captura une silhouette, furtivement.
Mais suffisamment pour qu'elle se redresse, comme groggy, et fronce les sourcils, incrédule.

Elle devait avoir des hallucinations.

"Mais... qu'est-ce que vous fichez ici à une heure pareille ?"

*C'est mon endroit à mon heure* faillit-elle ajouter.

La poignée tourna légèrement. Sakaki ralentit son rythme respiratoire, sentit sa pulsation cardiaque augmenter de quelques légers battements, ses muscles se raidir, prêts à être utilisés, et focalisa son attention sur la porte qui s'ouvrit légèrement... lentement... Puis, des ténèbres émergea une frêle silhouette, élégante, mince, féminine. Un foulard dissimulait son visage, et la rendait totalement anonyme...

La première réaction logique qu'aurait dû avoir Giovanni était d'attaquer directement cette inconnue, témoin potentiel de son existence, et de sa présence à Céladopole si elle venait à l'apercevoir... mais quelque chose l'empêcha d'abattre le tranchant de sa main sur la nuque de la jeune femme qui se rapprochait du bord du toit, là où il se situait quelques minutes auparavant, étant totalement de dos à lui et ne paraissant pas avoir perçu sa présence, ce qui aurait été une occasion en or de l'assommer et de s'en aller sans se faire remarquer... Ce quelque chose s'apparentant à une odeur avait avorté cette envie... Il ignorait à quoi elle se rapportait, mais était certain qu'elle se rapportait bien à quelqu'un de sa connaissance... Cette sorte de senteur... douce alchimie d'odeurs mielleuses, tantôt sucrées, tantôt plus corsées avec comme un soupçon de musc, comme affirmant une personnalité de caractère...

Damnation, il savait que ce doux parfum lui était familier, et pourtant, il peinait grandement à mettre un nom sur sa détentrice...

Jusqu'à ce que son regard analysa enfin la silhouette, sa façon de marcher. Doucereuse, envoûtante... lui soupçonnant une connaissance, lui rappelant un autre casino... mais tout cela n'était guère certain, et il préféra rester passif avant de se manifester, en attendant d'avoir la certitude qu'il s'agissait bien de la femme qui lui avait procuré tant de soucis...
Cette femme qui, dès qu'il l'avait rencontrée, lui avait aspiré un mélange de haine, pour la société qu'elle représentait, et de désir, pour ce qu'elle pouvait peut-être être... Une brillante et ambitieuse jeune journaliste aux rêves démesurés...

Enfin, elle l'aida à mettre un nom sur cette odeur et démarche en enlevant son foulard, dévoilant une chevelure rosace, qui, à la lumière du jour tenait plus du blond vénitien... une couleur unique, attirante, intrigante... qui devait avoir une texture fine, douce, agréable. Puis elle se rapprocha d'autant plus du bord, s'assit, enleva ses chaussures chic, dévoilant des pieds fins. Sa silhouette se découpant dans la nuit avait quelque chose de mystique. Quelque chose de surnaturel, qui donnait envie au mafiosi de se montrer...

... Mais il faisait quoi là ?

Secouant la tête, et s'en voulant de penser à de pareilles choses d'une personne considérée comme ennemie fausse alliée, il s'apprêta à discrètement passer par la porte, la fermer et descendre les escaliers dans un silence religieux afin de quitter le toit en passant inaperçu... mais la voix claire, légère, toutefois bien présente et forte, étant un autre témoin de sa force de caractère, de la demoiselle l'empêcha de faire le moindre pas...

"Je comprends qu'on se sente maître de soi d'ici, Sakaki."

Immédiatement, le Pokémafieux esquissa une grimace... il avait pensé ne pas s'être fait remarquer, et était en réalité grillé depuis le début apparemment...

Résigné, et quelque peu frustré de s'être fait ainsi débuché à la première seconde, il s'avança légèrement et sortit de l'angle de la porte pour se rapprocher de Mina, étant désormais à quelques mètres d'elle. La demoiselle s'étira de son long, tel un félin paresseux, et cacha son visage de ses bras...

Attitude qui sut faire hausser un sourcil au Pokémafieux qui ignorait la raison du pourquoi la jeune femme lui faisait une telle... scène ?

S'avançant de quelques pas, incertain de ce qui devait être judicieux de faire ou non, le mafiosi s'apprêta à parler, mais sa parole fut coupée avant-même qu'elle ne sortît de sa bouche par un prestigieux :

"Mais... qu'est-ce que vous fichez ici à une heure pareille ?"

Deuxième haussement de sourcil après un vague sursaut, ne s'attendant décidément pas à se faire poser pareille question... Est-ce qu'elle était bipolaire pour avoir deux réactions diamétralement opposées ou bien ?...
Sacrezut... il venait de remarquer qu'il s'était en fait auto-grillé... La demoiselle Turnip ne l'avait même pas aperçu... Et il était désormais trop tard pour partir incognito...

Il lui fallait répondre, guère d'autres choix...

"Vous savez, les us de la politesse vous prescrivent de me dire "Bonsoir"..."

Un silence gênant s'installa, et Sakaki se sentit soudainement assez... amusé de la situation, bien que d'un point de vue théorique, il était préférable de ne pas se trouver au même endroit qu'un Quetzacoalt responsable de son propre contrat... et donc de la vie des siens.
Il ignorait à quoi était dû cet amusement. Tout ce qu'il savait, c'était qu'il ne pouvait pas partir soudainement et laisser en plan la demoiselle, car désormais, elle venait d'attiser sa curiosité à différents niveaux.

Pourquoi se rendait-elle dans SON ancien casino. Pourquoi avait-elle murmuré son nom. Pourquoi semblait-elle aussi confortable dans ce milieu de bâtiment pourri abandonné ? Pourquoi avait-elle réagi avec autant de surprise, dissimulant une certaine honte ou gêne, peut-être...

Enfin, avant de bombarder la demoiselle avec ses interrogations, il allait d'abord répondre à la sienne...

"Ce que je fais ici ? Vous voulez dire, ce que je fais dans MON ancien casino en train d'admirer MON ancienne ville ? Je vous rappelle que vous avez déjà répondu à votre interrogation, quelques secondes avant que vous vous aperceviez de ma présence..."

A nouveau il marqua une légère pause durant laquelle il se passa furtivement la main dans les cheveux avant de l'enfouir à nouveau dans sa poche, signe de nervosité ? Pas de son point de vue, mais peut-être...

"Et quant à vous... pourrais-je savoir pourquoi vous susurriez mon nom au clair de lune... Pourquoi vous vous trouvez sur le toit de mon ancien magasin à sous ? En train d'admirer la cité qui fut autrefois mienne... ?"

Faisant quelques pas supplémentaires en direction de Mina désormais redressée, il planta ses iris de félin dans celles azur de la demoiselle, à la quête d'une réponse...

Et bien... bonsoir ?

Pour votre gouverne... je ne "susurrais" pas votre nom. Je pensais à vous, voilà tout. Enfin, pas exactement, à vous, mais...

J'aime beaucoup la vue que l'on peut avoir d'ici. C'est comme créer le monde et l'observer grandir... tout en pouvant, à son tour, se sentir grandie en regardant le ciel.

Vous savez, j'ai grandi ici.

Enfin, grandi, disons que j'y ai vécu pendant les deux plus belles années de ma vie. J'avais seize ans. Mon père m'avait trouvé un prétendant. Un fils d'entrepreneur. Je ne l'ai pas supporté, et je suis partie. A l'époque, il y a dix ans, votre nom était encore craint en dessous. Et j'ai été recueillie par le réseau souterrain de la ville. Qui se trouve exactement sous votre casino. La trappe du cagibi de la cuisine. C'était ma famille qui la remplissait de l'argent qu'elle réussissait à mendier. Puis de celui que j'ai continué à leur fournir une fois que je suis sortie d'ici, et que j'ai rejoint la Sylphe SARL

Je ne suis pas une simple gêneuse. Mais je dois avouer que je me sens... embarrassée de vous avoir troublé dans votre contemplation. Si vous me le demandez, je peux m'en aller.

Un premier bonsoir poli certes toutefois guère convaincu sortit de la bouche de Mina une fois que son interlocuteur eût terminé de parler. Puis une légère rougeur vint colorer les joues blanchâtres de la jeune demoiselle qui parut… grandement embarrassée… ce qui sut interpeller le mafiosi…

Elle, gênée ?

Mina Turnip ? La journaliste à scandale audacieuse et culottée de renommée multi-régionale ? La femme de caractère qui ne se laissait marcher sur les pieds par personne, y compris les plus grands directeurs de presse de Kanto et de Johto ? La terroriste secrète qui tenait tête à
la plus grande icône du crime ?... Etrange…

"Pour votre gouverne... je ne "susurrais" pas votre nom. Je pensais à vous, voilà tout. Enfin, pas exactement, à vous, mais..."

Et elle balbutiait en plus… à penser que la rouquine commençait à perdre tous ses moyens. Amusant. La remarque sut tirer un petit sourire moqueur au Pokémafieux qui ne se prit pas la peine de contester ses dires ou de chercher plus loin, après tout, cela étant sans réelle importance…
Il laissa juste un petit moment de flottement venir, durant lequel la représentante Quetzacoalt détourna son attention sur la ville, comme pensive. Giovanni quant à lui resta de marbre, et observait en silence la silhouette élancée en position assise de la promeneuse nocturne. Seuls les bruits de la nuit venaient perturber cette tranquillité… jusqu’à ce que l’intervieweuse décidât enfin de reprendre la parole…
Pour dire une phrase que les âmes philosophiques pourraient éventuellement qualifier de profonde… Âme philosophique que n’était pas Giovanni… « se sentir grandi » en observant les étoiles ? N’importe quoi… Sakaki haïssait lever le menton au ciel… lui rappelant un sentiment qu’il préférait éviter ressentir… celui de la bassesse de sa condition humaine. Il ne comprenait pas comment Mina pouvait tournoyer sur elle-même, les iris portés sur l’univers tout entier, et se sentir « grande » ici synonyme de « mûrie », puisqu’observer de ces yeux des astres qui à l’échelle nous rendaient aussi imposants qu’une mymygale rétrécie d’environ cent cinquante mille fois nous procurait justement cette sensation de petitesse… d’insignifiance… décidément… les femmes… étaient vraiment compliquées à cerner…

"Vous savez, j'ai grandi ici."

L’expression faciale qu’adopta Giovanni changea du tout au tout, passant du neutre à l’halluciné, bien qu’il tentât de le dissimuler. Mina aurait très bien pu lui dire « je suis enceinte de vous », il aurait affiché la même surprise sur son visage, alors que celui de Mina paraissait calme, quoi que légèrement perturbé, comme nostalgique… Elle lui avouait le lieu de son enfance, à lui ?

En fait non… Elle lui avait avoué qu’elle y avait passé les années les plus belles de sa vie, de ses seize à ses dix-huit ans apparemment… donc Céladopole représentait plutôt son adolescence que son enfance, plus précisément son passage à l’âge adulte. Qui ne s’était pas fait en douceur apparemment… une fugue… à cause du père.

Une amertume certaine se dessina sur le visage de Giovanni, lui rappelant un certain moment de sa vie en tant que paternel… bien que les raisons de cette fuite n’étaient pas les mêmes. Un mariage forcé… le mafiosi ignorait qu’il y avait encore des gens suffisamment archaïques pour continuer à perpétuer ce genre d’anciens mœurs…

Ainsi la belle, la talentueuse, la reconnue et admirée Mina Turnip, avait passé une partie de son existence dans les souterrains de Céladopole, là où les Hommes se mêlaient et cohabitaient avec les Rattatak… Elle avait survécu par la mendicité, elle qui désormais pouvait se payer un enivrant parfum, des habits valorisants et une coiffure impeccable… celle qui avait fait de son nom presque une marque. Et ce brusque changement de mode de vie était dû à un travail, à la Sylphe SARL… et à une belle ascension dans le milieu du visuel, de la mode, du marketing… du business.

Sakaki connaissait parfaitement les exigences de recrutement de la Sylphe, et se demanda un court instant comment une gamine, séparée de sa famille, sans beaucoup de fonds propres, sans vrai foyer et sans grande éducation universitaire était parvenue à décrocher un emploi dans une des plus réputées entreprises au monde… Mais la réponse lui vint rapidement.
Il savait que la volonté pouvait soulever des montagnes. Et Mina apparemment illustrait parfaitement cet adage… sa force de persuasion qu’il lui reconnaissait comme qualité, et sa force de caractère, lui rappelant vaguement une personne qu’il avait rencontrée lors de son adolescence, lui avaient sans doute permis de gravir les plus hauts échelons de la société, jusqu’à devenir une réelle icône, un vrai modèle de réussite et de pouvoir…

Au fond, elle ressemblait également à sa Mère. De par son parcours. Madam Boss, l’orpheline sans argent qui volait pour se nourrir alors à peine âgée de 4 ans. Puis qui fonda un commerce sur le vol, s’associant avec d’autres miséreux. Puis visant légèrement plus haut, avec quelques rackets, et notamment en usant de son fort charisme et de son caractère autoritaire ainsi que des hommes à sa disposition pour faire plier les commerces à lui verser une partie de leur rendement mensuel. Et, voyant que cela rapportait, visait encore plus haut… faisant prospérer un marché noir ainsi que la contrefaçon et la traite de Pokémons et d’êtres humains… puis fonda une idéologie. Celle du profit maximal. Trouva des adhérents. Toujours plus nombreux au fil des ans. Rivalisa avec les Grandes Mafias déjà en place presque centenaires telle la Poke Nostra, … les écrasant. Si bien que désormais, leur nom est effacé des registres historiques, affichant sur leurs pages que le nom seul de la Team Rocket. L’entreprise criminelle qui voulait atteindre les étoiles… et ne plus se contenter de les observer avec envie.

"Je ne suis pas une simple gêneuse. Mais je dois avouer que je me sens... embarrassée de vous avoir troublé dans votre contemplation. Si vous me le demandez, je peux m'en aller."

La douce, porteuse et claire voix de Mina fit abruptement sortir Sakaki de ses pensées et le força à poser son regard sur la demoiselle qui s’inclina par politesse, un sourire toujours malicieux aux lèvres. Le pokémafieux décida de rester un court moment dans le silence, puis abaissa les yeux au sol, reprenant le cours de ses pensées… cette fois-ci les axant plus sur le comparant que l’élément comparé… plus sur Mina que sur sa Génitrice.

Pourquoi diable lui avait-elle entrouvert en partie les portes de son passé ?Pourquoi lui avait-elle avouer l’endroit où une partie de ses souvenirs errait ? Pourquoi lui avoir parlé d’un endroit qui lui tenait à cœur… A lui, sur papier allié et officieusement élément sous chantage… et donc ennemi rebelle fort potentiel… C’était comme s’il avouait à la rouquine que Sakaya Kakubin était sa sœur, lui indiquait le lieu où son père tenait son centre d’élevage ou affirmer que sa petite dernière était bien vivante dans un pays étranger… c’était s’ouvrir, c’était s’exposer… se mettre en position de vulnérabilité en quelque sorte.

Remarquant que le silence qui découlait de son introspection mentale pouvait commencer à devenir gênant et à faire perdre patience à la journaliste, Sakaki raccourcit de quelques pas la distance qui le séparait de Mina, se retrouvant désormais à quelques centimètres d’elle, la surplombant quelque peu. Cachant ainsi les reflets de la lune et plongea le doux visage de la demoiselle dans une obscurité totale.

« Non, restez… »

La voix grave et profonde du mafiosi vint percer la quiétude de la nuit alors qu’une main se posa sur l’épaule frêle au premier abord mais pourtant robuste de la terroriste, exerçant ainsi une légère pression sur sa clavicule sans réelle force, pour l’inciter à se rasseoir.

« Votre présence m’importune pas… et je n'en ai pas encore fini avec vous… »

Enlevant sa main de l’épaule de la jeune Turnip, Giovanni alla l’enfouir dans sa poche tandis qu’il arborait un air intéressé, piqué dans le vif de sa curiosité…

« Vous savez, Céladapole est une ville qui a vu grandir d’importants personnages au cours des siècles… »

Il laissa ses paroles planer durant un court instant, avant de reprendre.

« Ce que je me demande, c’est si vous comptiez en faire partie en versant le sang de nombreux innocents… vous, une femme si fragile, et nostalgique. »

Un mince sourire empli d’espièglerie se dessina sur les lèvres du Pokémafieux en utilisant ces deux adjectifs qualificatifs, attendant avec attention et patience la réaction et la réponse de la journaliste à son interrogation…

Non, restez…

Ce que je me demande, c’est si vous comptiez en faire partie en versant le sang de nombreux innocents… vous, une femme si fragile, et nostalgique.

Je ne suis pas aussi fragile que mes os de mannequin peuvent le laisser entendre très cher

En revanche, vous mettez dans le mille en parlant de nostalgie. Ces derniers temps j'ai... tendance à me tourner vers le passé plutôt que vers le futur. Mais vous devez connaître cela.

Des personnes que j'ai tuées je ne connais pas le visage. En dehors... de la fête foraine.

Je n'ai... tué que deux personnes. Et je vais même vous dire lesquelles.

Celle qui me permit d'accéder au titre de journaliste et détentrice SARL. Une journaliste un peu trop zélée au goût d'une amie chère à mon cœur. Elle commençait à rassembler trop d'éléments. Nous risquions d'avoir à nous justifier. Alors, j'ai étudié son emploi du temps.

C'était un samedi après-midi. Elle rentrait de sa manucure. Quinze heures treize, exactement. Au coin de la rue des Ortides et de l'avenue Commerciale. J'ai sauté du haut d'un petit immeuble et me suis éraflé les mains sur un câble de maintient légèrement cisaillé. Le bruit lui a fait lever la tête, mais j'ai refusé de regarder.

Alors, je l'ai entendue courir, et je me suis jetée sur ses épaules. Elle est tombée, s'est débattue. Mais j'étais déjà plus souple et forte qu'elle. Je lui ai saisi le corps et l'ai lancée de toutes mes forces contre le mur. Elle s'est effondrée, mais était vivante. J'ai pris sa tête entre mes mains, et je lui ai brisé la nuque. Crac.

Ce fut mon initiation. Mon droit de passage pour les Quetzacoalt. Tuer pour l'Oiseau d'Or. Ce fut également une des plus grosses absurdités de toute ma vie.

"Je ne suis pas aussi fragile que mes os de mannequin peuvent le laisser entendre très cher." En revanche, vous mettez dans le mille en parlant de nostalgie. Ces derniers temps j'ai... tendance à me tourner vers le passé plutôt que vers le futur. Mais vous devez connaître cela."

La provocation de la demoiselle sut faire brièvement tiquer le quadragénaire qui toutefois, ne démordit pas de cette légère allusion à ses faiblesses certaines qu'il avait apparemment trop exposées. Non, la seule chose qui l'intéressait, ce n'était pas de se disputer avec la jeune femme, mais d'écouter ce qu'elle avait à dire, sans doute passionnant, au vue de son comportement, lui tournant le dos, et passant une main nerveuse sur sa frêle nuque. Dénotant ainsi un certain sentiment de... gêne, de honte, voire de culpabilité. Le conte promettait d'être captivant.

Avide de savoir, le mafiosi centrait la totalité de son attention sur les lèvres charnues de la blonde vénitienne qui lui avoua peu à peu ses véritables forfaits.
Et au fil de ses paroles, l'espièglerie qui s'était lue sur le visage du Pokémafieux se vaporisa doucement, calmement, à mesure que la jeune journaliste contait son horrible récit, relatait ses faits qu'elle devait considérer comme regrettables.

Ainsi, il avait eu raison. C'était la volonté de Mina qui l'avait amenée à détenir la SARL. Qui avait propulsé une pauvre fille fugueuse n'ayant connu aucune autre fortune que celle mendiée voire volée au sommet. Une volonté si forte que même l'action d'ôter la vie n'avait su détériorer. Ainsi, depuis le début, la demoiselle défendait les intérêts Quetzacoalts, bien avant qu'ils soient tant connus, et redoutés, bien avant le 31 octobre de l'an dernier...

L'air innocent qu'il croisa lorsqu'elle décrivit de quelle façon elle avait éliminé "Une journaliste un peu trop zélée au goût d'une amie chère à son cœur" fit un terrible contraste, voire un effrayant contraste, avec ce qu'elle lui conta par la suite. Comment elle avait tué cette fouine. D'un simple mouvement mortel à la nuque, désaxant les vertèbres cervicales. Geste qu'on ne pouvait exécuter à bien si on n'était pas incroyablement déterminé à éliminer son adversaire... accentuant un côté "implacable" chez la jeune femme que Giovanni n'avait fait que de deviner jusqu'alors.

"Ce fut mon initiation. Mon droit de passage pour les Quetzacoalt. Tuer pour l'Oiseau d'Or. Ce fut également une des plus grosses absurdités de toute ma vie."

Le sourire peu convaincant qui se dessinait sur le visage de Mina avait quelque chose de presque attendrissant. Équivalent physique d'un long "mae culpa", accentuant les éventuels regrets qui se dissimulaient sous l'intonation et les phrases de la journaliste.
Désormais, Sakaki savait qui il avait vraiment devant lui. Pas une gamine superficielle qui veut être encore plus célèbre qu'elle ne l'est déjà. Pas une folle qui ne vivait que pour son idéologie et n'avait guère le sens des réalités. Non, sinon elle n'aurait jamais jugé ses actes d'"absurdités"...

Sortant les mains de ses poches pour les croiser sur son torse, Sakaki fit plusieurs pas, passant outre Mina, observant désormais de face Céladopole, tournant le dos à l'écrivaine de talent.

"Avez-vous seulement conscience que vous m'avouez qu'en réalité, vous n'avez pas aimé tuer pour l'Oiseau d'Or, la quête ultime de votre Team. Que finalement, vous considérez votre propre enrôlement dans cette société comme "absurde"."

Une faiblesse. Un filon. Quelque chose à exploiter. Voici la façon dont Giovanni voyait les aveux que venait de lui faire la reine de l'écriture. Et il comptait bien s'en servir. Forcément, une fois toute l'histoire contée.
Aussi, hâtif de connaître la suite, le mafiosi détourna ses yeux de la brillante ville pour les poser sur ceux azurs de la jeune femme, un brin de délectation dans les pupilles.

"... Mais je vous en prie, poursuivez. Vous ne m'avez toujours pas dit qu'elle était la seconde personne tuée, mademoiselle Turnip."

La deuxième personne que j'ai tuée...

C'est votre fille, Sakaki. Tina.

Mais je peux vous... jurer, sur ma vie-même que jamais je n'ai donné l'ordre de l'exécuter. Et ce même après cette... désastreuse soirée au Casino de Doublonville. C'était une enfant, je ne tue pas d'enfants.

Je ne suis pas pour les sacrifices rituels. Mais la venue du Quetzacoalt est un rite compliqué, alors je m'y suis pliée. Je n'aime pas avoir une double vie. Mais les gens... les gens ne comprennent pas le rêve qu'a notre chef. Moi je le comprends. Je la comprends.

Je ne veux rien de plus que ce que j'ai obtenu par mes propres moyens. Mais la... personne qui comptait-

c'est ridicule. Je me cherche des excuses. Je n'en ai pas, voilà toute la vérité.

Quitter les Quetzacoalt revient à mourir. Si vous ne vous suicidez pas de peur, on vous rattrape et on vous exécute. Je suis assez bien placée pour connaître le sort des cinq derniers qui en sont partis. Jambe arrachée. Bras broyé. Oeil éclaté. Langue coupée. Sein ôté. Ils vous enlèvent ce que vous étiez pour eux. Je suis leur visage. Je ne peux pas partir.

Vous et moi voulons la même chose Giovanni, arrêter cette folie avant de faire d'autres... morts. Oh par Arceus

je suis désolée pour votre fille.

Nervosité. Angoisse. Gêne. Peur. Telles étaient les différentes étapes que traversait l'âme de la journaliste suite à la question posée par le mafiosi, et cela se voyait, de façon très flagrante. Tellement flagrante, que Sakaki soupçonna un bref instant la journaliste de jouer à l'actrice, afin de susciter une quelconque réaction sur sa personne. Mais la phrase qui s'abattit telle une balle dans le coeur du pokémafieux lui prouva la sincérité de la demoiselle.

Tina.

La responsabilité de Mina dans cette affaire lui avait échappée. Mais elle lui revenait, en pleine figure, aussi violemment qu'une baffe, lui faisant prendre conscience que s'il avait dû calciné le corps falsifié de sa dernière enfant, c'était à cause du contrat qui le liait aux terroristes, à cause de leur accord, qui s'était physiquement déroulé avec Mina... symbole humain de ce contrat. Immédiatement, les muscles masséters du quadragénaires se contractèrent suite à cette prise de conscience, et l'étreinte qu'il exerçait de ses mains sur ses avant-bras s'intensifia, alors que son regard perdait de sa délectation pour faire place à une imperceptible rancoeur, malgré les larmes, les pleurs, la souffrance qui se lisait sur le visage de la jeune femme. Malgré la non-culpabilité directe de la jeune Turnip, lui avouant qu'elle n'avait pas donné l'ordre d'exécution, qu'elle ne tuait pas d'enfants... Faisant ainsi savoir au mafiosi qu'en réalité, il pouvait revenir au choix de la blonde vénitienne si ses enfants vivaient, ou mouraient. Element important à connaître. Le second élément important dont Giovanni eut connaissance, fut l'identité sexuelle du leader Quetzacoalt... une femme... Bien que cela ne l'avançait pas énormément, cela demeurait une information capitale, rétrécissant le champ de recherche des espions Rockets en quête de l'identité du boss Quetzacoalt.

Lui tournant le dos, mouvement qui fit sortir le mafieux de ses pensées, la talentueuse chroniqueuse vit sa respiration devenir saccadée, et la tristesse apparemment augmenter, commençant à délirer. A parler de choses que Sakaki peinait à comprendre. "La personne qui comptait". Un sanglot interrompit sa phrase.... "c'est ridicule. Je me cherche des excuses. Je n'en ai pas, voilà toute la vérité."... Est-ce qu'elle parlait d'un proche ? Exécuterait-elle les ordres par loyauté envers une personne d'estime ? Le mafiosi ne le saurait probablement jamais...

De toute manière, cette information n'était pas vitale, contrairement aux autres qui suivirent. Dénonçant la barbarie quetzacoalt, faisant même hausser un sourcil au quadragénaire. Il avait fait d'horribles choses aux traîtres Rockets, mais les terroristes faisaient preuve d'une imagination dont il était totalement dépourvu. Torture imagée, souffrance physique intense, mort lente, douloureuse. Un scalpel du visage, voilà ce qu'attendait Mademoiselle Turnip si elle se rebellait... quelle entreprise... gâcher un si beau visage, voilà quelque chose qui témoignait bien de leur folie.

La rancune éprouvée en repensant au sort de Tina s'évapora lorsque Mina se heurta à lui, emplie de chagrin, de tristesse qui devait la ronger comme le faisait la rouille à du fer. Voilà un châtiment mérité pour avoir menacé sa progéniture, mais suffisant. Il ne fallut pas plus au mafiosi pour laisser de côté cette haine, car après tout, Tina était toujours vivante. Tina allait bien. Tina avait un avenir bien à elle, brillant, il le savait. Eloigné de tout terroriste, de tout voleur. Eloigné de lui, son futur serait magnifique. Il le savait. Aussi, il jugea inutile de revenir sur le "décès" de sa fille avec Mina qui semblait particulièrement frappée par la "mort" de la benjamine.

"Vous et moi voulons la même chose Giovanni, arrêter cette folie avant de faire d'autres... morts. Oh par Arceus... je suis désolée pour votre fille."

Le pokémafieux contempla un bref instant la trace des larmes ayant ruisselé sur le doux visage de la journaliste, éperdu dans une longue réflexion. Prenant en compte toutes les informations que lui avait révélées la mannequin, directement, ou de manière plus discrète. Elle l'avait grandement aidé, volontairement. Bien qu'il soupçonnait le coup de l'émotion favoriser quelque lapsus... Dans tous les cas, au final, elle lui avouait qu'elle s'en voulait pour sa benjamine, qu'elle regrettait avoir rejoint cette société dont elle ne pouvait plus se défaire, et qu'elle ne voulait plus voir ses mains couvertes de sang.

Les larmes témoignaient de sa sincérité, de même que sa respiration, de même que son intonation, de même que son comportement en général.

Elle ne lui mentait pas. Elle ne voulait plus être Quetzacoalt. Elle ne faisait plus partie du camp "ennemi", car elle se posait en leur victime.
Elle pouvait être de son côté. Elle pouvait être un atout non-négligeable.

Sortant de ses pensées, le pokémafieux laissa un instant planer cette absence de bruit, alors seulement perturbée par la respiration saccadée de la représentante Quetza, puis il entreprit un acte qu'on pouvait qualifier d'osé.
En effet, sans réfléchir d'avantage, le Boss entoura de ses bras le corps de la jeune femme, et la pressa contre lui, doucement, dans un silence total, religieux. Ne daignant dire un mot, attendant seulement que le mouvement saccadé des poumons de Mina cessent.

Après quelques secondes, voire quelques minutes, la notion du temps lui ayant totalement échappé, Sakaki remarqua que la respiration de la demoiselle se fit plus sereine, et que la gêne de cette étreinte semblait avoir disparu. Il se décida donc enfin à rompre le silence qui s'était peu à peu imposer, imperturbable, malgré les forts bruits de la ville citadine qui retentissaient au loin, mais qui ne les atteignaient plus vraiment.

"Le pardon ne se mérite pas. Il est offert gratuitement. Le souci, c'est que je suis très radin à ce niveau-là. Mais je ne vous vois pas comme coupable, plus depuis ce soir."

Une victime. Victime de sa propre ambition, victime de ses envies de grandeur, voire de ses rêves philanthropes. Mais une victime quand même. Voilà comment en un mot Giovanni résumait Mina Turnip, la si brillante et recherchée journaliste, femme d'affaire implacable, forte, obstinée. La terroriste qui ne l'était pas vraiment, en fin de compte. Elle demeurait une femme, avant d'être un corps de métier, avant d'être membre d'une organisation. Et sa sensibilité venait de la rattraper.

"Je m'étais trompé sur votre compte, Mina. Vous n'êtes pas qu'une vulgaire soldate, incapable de réflexion, ni une folle à lier qui pense faire les justes choix. Vos regrets sont la preuve même de votre humanité, et de votre besoin de rédemption. Arrêtez de vous sentir coupable, arrêtez d'avoir peur, et faites front... Avec moi.

Giovanni se défit avec douceur du contact de la journaliste, puis alla chercher de sa main son menton qu'il tint fermement, toutefois sans brusquerie, la forçant ainsi à relever la tête afin qu'elle l'observât bien dans les yeux.

"Seule, ils vous tueront. Mais ensemble, nous avons une chance de briser vos chaînes."

Enfouissant ses iris profondément dans celles de la représentante Quetza, Giovanni tenta d'y analyser les différents sentiments qui pouvaient traverser son âme. De la peur ? Peut-être. De la méfiance, sûrement. Du dégoût ? Ce n'était pas impossible. Mais peu lui importait, il fallait la convaincre.

Délaissant le menton de Mina dans une furtive caresse, Sakaki lui tourna le dos, pour à nouveau observer le prestige de Céladopole. Puis, de sa voix grave, toutefois dénuée de sévérité ou de menaces, il couvrit les bruits lointains de la ville.

"C'est une proposition qui s'offre à vous Mina. Vous êtes bien entendu libre de la refuser... Je vous assure que votre vie ne dépend pas de votre réponse."

Ce que venait de lui dire Sakaki aurait dû lui faire plaisir. Il venait d'une simple phrase débarrasser son cœur de toute inquiétude quand à son avenir tant qu'il se tiendrait dans les parages. Il ne voulait plus, ou peut-être pas du tout, sa mort. Mais sous cette flopée de pardon se cachait de gros défauts, et des personnalités qui n'étaient pas les siennes. Soldate sans réflexion, folle à lier pensant faire le juste choix. Elle avait été totalement aveugle par amour, puis avait fini par admettre que cet amour n'avait rien à voir avec ses projets de vie. Elle ne pouvait pas suivre indéfiniment un être qui la méprisait pour ses aspirations. Et elle ne pouvait pas non plus toute sa vie être celle qui désirait sans être aimée en retour. Elle s'était sali les mains, par deux fois, pour le protéger. Elle avait menti, frappé, fait souffrir sous ses ordres. Car de personne d'autres que lui et sa mère adoptive elle n'acceptait de requêtes. Mais tout ça devait effectivement changer. Elle devait les protéger de leur propre folie, et protéger les autres êtres vivants en les empêchant d'atteindre leur but.

"Si je refuse de m'allier à vous pour empêcher cette folie de continuer..." elle rougit comme une adolescente, croisant le regard déterminé de Sakaki. Les bras ballants, elle papillonna du regard et s'arrêta, l'écoutant avec attention. Puis lui laissant lui tourner le dos, croisant les bras sur sa poitrine.

"J'en mourrai sans doute Sakaki. Je connais Aa... mes supérieurs bien mieux que quiconque en ce monde. Et l'un d'eux serait prêt à tous les sacrifices pour atteindre son but. Je serai avec vous, mais..."

Elle se mordit la lèvre, regarda le sol, et se rapprocha du mafiosi, se faisant toute petite. Elle ne le connaissait pas assez, lui, pour savoir s'il viendrait à accepter ses conditions. Oh, si petites conditions. Elle savait en revanche que si les victimes du Sinistre Halloween mettaient la main sur le cerveau qui avait arraché à leur famille des âmes proches, ils le tueraient sans autre forme de procès. Cela, c'était encore trop dur à accepter pour elle. Aaron avait été longtemps son modèle, sa raison d'être, son sourire quotidien. Puis à mesure que sa patience s'était amenuisée, il était devenu son bourreau, tortionnaire involontaire et indifférent à son cœur. Qu'il avait lamentablement brisé du bout du talon, lorsqu'elle l'avait embrassé. Une seule fois.

"Si vous veniez à... affronter les miens." Mina grimaça, elle avait beaucoup de mal à se considérer comme étant un membre externe de ceux qu'elle avait fréquentés toutes ces années. "Laissez-les en vie, de votre main j'aimerais qu'aucun de ceux que j'aime ne meure." Elle écarquilla les yeux, prenant conscience qu'elle lui demandait de ne pas faire ce qu'elle avait exactement fait. "Sauf si cela est... inévitable. Je ne connais pas le degré de folie ni d'irresponsabilité des admins Quetzacoalt, mais ensemble nous pourrons sans doute réussir à les mettre en déroute."

Ayant retrouvé le courage, elle osa un léger sourire, et plaça sa main en hauteur, écartant l'auriculaire et le pouce des autres doigts de sa main pour simuler le vol d'un avion dans le ciel.

"Un de vos agents avait été mis sous surveillance il y a quelques jours. C'était ma commande, car je n'étais pas certaine que le jeune Abel fasse partie des vôtres, mais à part l'espion que j'ai engagées et moi, personne ne sait qui il est réellement, et l'espion en question n'a pas assez de relations en haut de la chaîne pour avoir un impact sur mon image."

Elle se tourna doucement vers la ville et inspira profondément, fermant les yeux. Étrangement, pouvoir vider son sac la rendait sereine, et lui procurait une énergie qu'elle n'aurait pas soupçonnée. Elle était, elle devait bien l'avouer, aussi légèrement impressionnée et à fleur de peau, du fait de la présence de Giovanni. Elle sentait sa présence à ses côtés, comme une aura écrasante de force et de détermination qui l'entourait, la poussant à agir, elle aussi.

"Il se débrouille plutôt bien. Il avait réussi à me suivre jusque chez une jeune recrue sans que je m'en aperçoive. Je me suis également battue contre lui. Ce n'était pas exactement difficile de le mettre au tapis, mais il est plein de volonté. Il fera un merveilleux dresseur."

Comme une excuse, elle se tourna vers lui, un air que personne à part peut-être Aaron ne lui avait vu sur le visage. Doucement, elle sortit de sa torpeur et inspira une nouvelle fois.

"Vous avez sans doute des questions à me poser. Je ne me défilerai pas."

Sakaki, le dos tourné, avait écouté les dires de la demoiselle. Il avait remarqué le lapsus qui faillit lui faire révéler un nom, mais se décida à faire comme s'il était passé inaperçu. Il saurait, tôt ou tard, quel nom avait la blonde vénitienne en tête à ce moment, de toute manière. Cependant, peut-être sans le vouloir, ou pas, elle lui avait révélé sa position exacte au sein de l'entreprise Quetzacoalt. Elle avait avoué avoir deux supérieurs, donc... cela sous-entendait, le chef, et son bras-droit ? Peut-être. Ou bien faisait-elle allusion à deux administrateurs... ce qui baisserait la position hiérarchique de Mina à un grade de capitaine, ou quelque chose dans le genre... ce qu'il ne pensait pas être possible, étant donné qu'elle s'était chargée, elle, de lui faire signer un contrat qui devait tenir à coeur aux Quetzacoalts... Elle occupait donc une place importante. Ce qui confirmait la première thèse... Mina avait deux chefs, sûrement ceux à la tête de la Team adverse. Ce qui faisait d'elle, un excellent parti.

Enfouissant ses mains dans les poches, Sakaki écouta dorénavant les requêtes de la demoiselle.
Requêtes auxquelles il s'attendait, à vrai dire... Il doutait que Mina n'allait pas s'allier à lui sans certaines conditions. Et ayant remarqué la sensibilité de cette dernière, il pensait bien qu'elle allait lui demander de ne pas blesser "les siens" sauf si cela était inévitable. Quelle douce naïveté. Naïveté qui en disait long sur elle. Plus long que ce qu'elle ne pouvait penser.
Déclencher des attentats, tremper ses mains dans des hectolitres de sang, des centaines de gens pouvaient le faire, pour différentes raisons : l'argent, le pouvoir, l'idéologie, ou la simple folie pure, uniquement pour répandre le mal. Mais la jeune Turnip ne correspondait au profil d'aucune de ces catégories de personne... Elle aimait l'argent, il n'en doutait pas, mais en gagnait assez via son statut de "People", et sa personnalité était dépourvue de la superficialité qui s'attachait aux amoureux de l'argent qui en demandaient toujours plus. Le pouvoir ? Elle en avait également, via la sylphe SARL, et, malgré son ambition, il ne pensait pas que la domination du monde était la carotte qui la faisait avancer dans la voie des terroristes. L'idéologie ? Elle venait de lui prouver que non, à cause des remords. Et de sa volonté à ne plus faire davantage de victimes. La folie pure ? A moins qu'elle fût une actrice remarquable lui ayant fait le coup de la nostalgie, des regrets et de la fragilité, il n'y croyait pas. Toutefois, il demeurait un Sakaki, et sa méfiance était toujours de mise...

"Un de vos agents avait été mis sous surveillance il y a quelques jours. C'était ma commande, car je n'étais pas certaine que le jeune Abel fasse partie des vôtres, mais à part l'espion que j'ai engagées et moi, personne ne sait qui il est réellement, et l'espion en question n'a pas assez de relations en haut de la chaîne pour avoir un impact sur mon image."

Mina était désormais à ses côtés, contemplant la ville, inspirant profondément, les yeux fermés. Ce qu'elle venait de lui dire sut faire sourire le mafiosi. Ainsi, ses amis quetzacoalts prétendaient vouloir une relation de confiance, mais jouaient également au jeu de l'espionnage. C'était fort amusant, et serait une bonne excuse de résiliation de contrat, si la vie de ses enfants n'était pas en jeu... Au moins, Abel demeurait neutre au vue des terroriste, selon les dires de la journaliste. C'était plutôt une bonne nouvelle, sachant son importance et toutes les informations que Giovanni lui avait cédées. Et également, son rôle dans la capture des légendaires. Il ne doutait pas que si les adorateurs de l'Oiseau d'Or avaient connaissance de tous ces états de faits, ils tâcheraient d'entraver au mieux le jeune Kujaku...

"Il se débrouille plutôt bien. Il avait réussi à me suivre jusque chez une jeune recrue sans que je m'en aperçoive. Je me suis également battue contre lui. Ce n'était pas exactement difficile de le mettre au tapis, mais il est plein de volonté. Il fera un merveilleux dresseur."

Le sourire du quadragénaire s'agrandit légèrement. Il était bien d'accord sur ce point. Abel avait un bel avenir devant lui. Et des techniques prodiges pour un jeune de son âge. Il ferait un splendide adversaire pour le Pokémafieux, d'ici quelques années, sans doute.

Tournant la tête pour observer Mina, qui elle aussi avait son attention sur lui, elle prit un air indéfinissable, peut-être subtil mélange de bonheur et de douleur et inspira, avant de lui affirmer que s'il avait des questions, elle y répondrait.

Se mettant de face à Mina, il l'observa attentivement dans les yeux, pour y contempler la détermination qui s'y lisait, puis, décidant de mettre au clair un point avant d'entamer l'interrogatoire, il s'exprima, d'une voix profonde, comme empreinte de gravité, et de froideur.

"Vous souvenez-vous, Mina, de notre première rencontre ? Avant que je me décide à conclure votre alliance, j'avais fait une menace. Celle de tuer l'ensemble des familles relatives aux agents Quetzacoalts, peu en importait leur âge, peu en importait leur implication, peu en importait les coûts, si on touchait à ma fille..."

La tension sembla monter d'un cran alors que le Pokémafieux conservait ses fines iris fixées sur celles de Mina.

"Vous demandez à un père de ne pas blesser les responsables de la mort de sa chair. De passer l'éponge sur le meurtre de sa fille... Navré Mina, mais je considère votre requête impossible...

Le quadragénaire fit quelques pas en direction du vide, pour mieux se rapprocher du bord de l'immeuble, afin de contempler encore une fois au mieux la ville de Céladopole qui s'offrait à lui.

"Cependant... je vous promets de faire preuve de plus de clémence quant à leur sort que l'ensemble des familles des victimes du 31 octobre..."

Evidemment, la notion de clémence pour un fils de Madam Boss était tout à fait relative. Mais il se jurait, en son for intérieur, de ne pas faire une vendetta personnelle trop cruelle lorsqu'il aurait à faire aux dirigeants Quetzacoalts.
Soupirant calmement, il détourna à nouveau la tête de la cité lumineuse pour porter son attention sur la magnifique blonde vénitienne.

"Avant d'entamer un interrogatoire, j'aimerais m'assurer d'une chose...

Tournant cette fois-ci l'entier de son corps en la direction de la journaliste, Sakaki lui faisait face, d'un regard de squale. Puis, il fit quelques pas afin de raccourcir au strict minimum de la sphère privée la distance qui les séparait, et posa ses deux mains sur ses épaules. Le ton de ses iris s'adoucit, une sincérité rare y étant apparue. Enfin, d'un air solennel, il posa la question qui lui fallait poser.

"Avez-vous conscience de ce que vous faites, Mina ? Vous rendez-vous bien compte que vous trahissez votre camp pour celui qui lui est opposé ? Que vous êtes donc une traîtresse et que les conséquences pour vous pourraient être... désastreuses, si vous veniez à commettre la moindre erreur ? Avez-vous bien réalisé que vous travaillez pour un homme de mon genre, qui vous assure protection, certes, mais dont les exigences sont hautes... ?"

Mina écouta la sentence, lourde de menace, tomber comme un marteau sur une enclume. Mais son regard n'était pas sur le mafiosi. Non, plutôt sur ses mains, qu'il passait dans ses cheveux pour les enfouir dans ses poches. Spécialiste du langage du corps après des années d'interview, Mina releva légèrement le coin droit de sa lèvre et croisa pour sa part les bras contre sa poitrine, se posant en barrière contre les messages que lui envoyait, involontairement, le plus grand mafieux des trente dernières années. Elle redressa la tête et le dos, et lui offrit un visage froncé, non pas par la colère mais par le désarroi le plus total.

"Qu'est-ce que vous ne voulez pas me dire qui vous gêne tant Giovanni?"

Une simple question d'information. Il n'était pas habituel pour un homme d'une telle envergure d'hésiter à en ressembler à un pitoyable petit adolescent avec des mauvaises notes qu'il préfère cacher. La journaliste pinça légèrement les lèvres et le contourna, laissant là son interrogation. Ce n'était ni le lieu ni l'endroit pour être tatillonne sur l'honnêteté de son plus grand ennemi. Ennemi qui allait devenir son plus précieux et dangereux allié, si elle faisait le pas qu'elle n'osait pas franchir depuis le début de leur conversation.

"Pensez-vous que je possède plus d'avenir dans un monde recréé par la douleur d'un seul être ou bien dans celui imparfait créé par des années d'histoires ? Croyez-vous qu'un tableau parfait et recommencé dix fois est plus beau que celui qui a sur la toile les traces du travail de son artiste?"

Son regard se porta sur la ville de Céladopole et son coeur se serra, elle renonçait à tant de choses...

"La seule chose qui me maintenait dans une vague folie fanatique était l'affection que me portait une personne. Mais à présent qu'elle n'en fait plus rien, je peux enfin penser comme je l'ai toujours fait, avec ma propre tête."

La journaliste chercha fébrilement l'écrin contenant ses deux badges d'arène, qu'elle collectionnait à présent avec fierté, et les caressa avec une certaine nostalgie dans le regard. La plupart des gens dans ce monde se contentaient d'être les plus puissants dresseurs et de gagner leur vie en combattant, elle avait percé dans un milieu délaissé à cause des créatures domptées qu'avaient découvert très longtemps auparavant les scientifiques de la Sylphe. Sylphe dont elle détenait maintenant des parts, en bonne investisseuse.

"Tout le monde croit que j'ai eu de la chance tout au long de ma vie, mais la vérité c'est qu'un nom se construit. Je suis Whilelmina Turnip, et je ne permettrait pas qu'on modèle la trame de mon futur pour des ambitions de vengeance démesurée !"

Elle avait prononcé cette dernière phrase en criant presque, refermant son écrin d'un claquement sec. Le poing serré et le corps tendu, elle accrocha ses cheveux en un chignon débraillé, et pointa son doigt, accusateur, en direction de Sakaki.

"Croyez-vous que m'allier à vous me fasse plus peur que de gâcher des années de travail et de construction? Les Quetzacoalt sont ma famille. Et quand on aime sa famille, on empêche sa destruction. Ils se détruiront en même temps qu'ils invoqueront l'Oiseau d'Or. Soyez-en sûr. Alors aidez-moi à les arrêter. Même si pour sauver le plus grand nombre il faut supprimer ceux qui résistent."

Giovanni s'était attendu à beaucoup de choses. A beaucoup de réponses. Mais pas de ce genre-là...

Il observait la journaliste, surpris, mais faisant l'effort de masquer ce sentiment par un visage impassible. Son doigt accusateur toujours pointé vers lui, la demoiselle lui offrait un visage déterminé, voire à la limite de la hargne des convictions. Elle ne se laissait ni faire, ni intimider.

Pour protéger sa famille, elle ferait apparemment tout. Et ce n'était pas lui qui allait l'en empêcher, il l'avait bien compris. Et comprenait aussi parfaitement qu'elle voulait qu'il renonçât à sa vengeance personnelle. Ce qui, techniquement, lui était possible, puisque Tina était à des milliers de kilomètres d'eux, sûrement en train de réviser ses cours de la plus Haute Ecole de Dressage et D'études Pokémons pour le lendemain... Cependant, la crainte que cette renonciation puisse mettre la puce à une journaliste dont l'esprit analytique était aussi aiguisé l'empêchait pleinement de partager le secret le plus capital qu'il détenait.... mais l'aide de Mina lui était bien trop précieuse, pour être ignorée pour le simple plaisir de voir les têtes de ceux qui avaient osé le défier tomber...
Alors, il lui fallait jouer la carte de la prudence dans sa manière de répondre.

"Détrompez-vous, rien ne me gêne Mademoiselle Turnip..."

A nouveau, le Pokémafieux alla briser la distance que la blonde vénitienne avait créée, d'un pas assuré.

"Seulement, vous demandez à moi, Giovanni Sakaki, de passer l'éponge sur le décès prématuré de ma dernière enfant. De ne pas en tenir rigueur, lorsque le sort de ces terroristes seront entre mes mains... Je vais être honnête avec vous Mina. Je ne serai d'aucune pitié.

Il marqua un temps d'arrêt dans sa phrase, puis porta son regard encore une fois sur Céladopole, pensif. Réfléchissant aux dires précédents de la femme qu'il avait en face de lui.

"... Cependant, je suis prêt à vous laisser décider du sort des personnes qui vous sont chères... et de ne pas m'immiscer entre vous, et votre famille.

Il l'avait bien compris. Mina était terroriste, par amour. Mina avait tué, par amour. Il y avait quelqu'un, dans cette organisation, que la journaliste aimait par-dessus tout, et pour qui elle serait prête au pire. Même à le blesser, pour le sauver.

Mina se pinça l'arrête du nez en fronçant les sourcils, et ferma les yeux un instant, en signe d'intense concentration. En réalité, ses yeux la piquaient à un point insupportable. Mais la présence de l'homme le plus puissant du Kanto et Johto réunis lui interdisait de verser la moindre larme, surtout lorsqu'elle recommençait à prendre un peu la situation en main. Elle avait une chance de sauver Aaron et Alehandra de leur folie, et de leur épargner la mort lente et douloureuse que, elle en était certaine, Giovanni leur réservait. Elle déglutit, tout de même avec peine, et se força à sourire, sortant un petit Pokématos de la poche avant de sa robe légère. Le seul instrument qu'elle s'était autorisée avant de partir en vadrouille.

"Laissez-moi vous les montrer. Ainsi vous saurez quand vous vous trouverez face à eux."

Elle fouilla une seconde dans son instrument, papillonnant du regard avec nervosité et sortit une photo. La seule où elle avait réussi à prendre tous les admins Quetzacoalt en même temps. Ixtab qui tenait Izztama par les épaules, en bonne mère. Popol Vu, nonchalament assis sur le canapé de leur salle de réunion, Mina à ses côtés avec un large sourire. De l'autre côté, Metnab, vaguement ennuyé par la situation. Et derrière eux, Camaztotz et Witz sur le point d'éclater lors d'une de leurs légendaires disputes. Un air attendri prit le visage de la journaliste, qui tendit l'appareil au pokémafieux.

"L'autre femme est Ixtab, une stratège-née qui a été prise en pitié par Alehandra, lorsque ses deux parents furent tués lors des évènements de la Sylphe SARL. Ses parents étaient chercheurs en pokéballogie." Elle marqua un temps, laissant à Giovanni le soin de comprendre qu'elle aussi avait perdu un proche par la faute du camp adverse. "Elle est la tutrice de Izztama, un télékinésiste qui a rendu complètement folle sa pauvre mère. Il ne faut pas le négliger, il est capable de soulever jusqu'à cinquante tonnes par la force de son esprit. A condition de ne pas être perturbé, bien entendu."

Elle se rapprocha du leader Rocket et passa un doigt par dessus son épaule pour lui désigner le canapé.

"Là... c'est moi. Un peu plus jeune j'en conviens." L'adolescente aux cheveux blonds ébouriffés et à la taille de guêpe sembla rayonner un peu plus sur la photo. "Et je crois que vous connaissez déjà Popol Vu . Le seul avec qui j'ai passé un peu de temps chez moi. Et cela fait fort longtemps croyez-moi. Il est archéologue. Ou archiviste. En tous cas, il ne faut pas se laisser tromper par son air de rebelle à cigarette, c'est un garçon tout ce qu'il y a de plus cultivé... et de plus forcé, également. Je n'ai rien dit pour ne pas lui attirer d'ennuis mais il rêve plus que quiconque de quitter les Quetzacoalt au plus vite."

La blonde tapota ensuite les trois hommes sur la droite du canapée.

"Lui c'est Metnab. Le responsable de la folie Quetzacoalt. C'est cette personne plus que quiconque qui croit en l'Oiseau d'Or. Autant vous dire que je ne l'apprécie pas énormément." Elle passa rapidement à la suite, ne souhaitant pas s'étendre sur le sujet. "Et voilà Camaztotz, notre force brute, ancien militaire victime de la paix, il nous a rejoint grâce à sa force brute. Il est capable de tuer d'un seul poing, et je l'ai vu faire. Mais c'est un boulet. On le supporte pour Witz, son frère." Elle désigna le freluquet aux cheveux clairs, qui était sur le point de sauter à la gorge du grand blond à ses côtés. "Notre espion."

Elle jeta un regard interrogatif à Giovanni, comme pour voir s'il avait eu le temps de tout comprendre, et appuya sur son téléphone pour la photo suivante. Une image d'elle, un an plus tôt tout au plus, aux côtés d'un jeune homme aux cheveux bleutés. Ou plutôt, enlaçant tendrement un jeune homme aux cheveux bleutés. Le seul et unique moment de tendresse qu'elle avait réussi à faire immortaliser. Elle avait dû pour cela employer Witz en personne, pour garder un souvenir des jours où Aaron était encore agréable avec elle. Elle eut un sourire lointain, gênant, surtout devant Sakaki.

"Et voici... Aaron. Notre leader. Peut-être la plus grande victime de la folie Quetzacoalt."

Désormais, il comprenait. Son regard parcourait de haut en bas l'image que lui montrait Mina, où le dénommé Aaron l'enlaçait, comme deux amants éconduits d'amour, animé par l'innocence de la flamme naissante. L'homme aux cheveux bleu marin tenant délicatement son visage d'ange humidifié par ce qui semblait être des larmes de joie, alors qu'elle, de ses douces mains, s'accrochait à sa nuque. Front contre front, ils souriaient.
Cela aurait pu être touchant, si le mafiosi avait eu un coeur moins sec. Cependant, cette image ne le laissa guère indifférent, même s'il ne pouvait dire en quoi... Mais là n'était pas l'important.
Ce qui importait, était que désormais, il savait qui était son ennemi. Ses ennemis, la journaliste lui ayant montré d'autres têtes, pour la plupart inconnue, à l'exception de ce Popol Vu, qu'il avait croisé sur la plage d'Irisia, il y avait quelques semaines en arrière.

S'il faisait l'inventaire... Il y avait donc cette jeune stratège qui avait vu ses parents mourir par sa faute indirecte. Un gamin possédant d'incroyables compétences de télékinésie qui paraissaient s'apparenter à de la fiction tant ce qu'avait décrit la journaliste était incroyable. Popol Vu, qui, selon les dires de la mannequin, était également un allié potentiel, s'il n'aspirait qu'à quitter l'organisation terroriste. Ce "Metnab", missionnaire des Quetza et de leur folle idéologie, apparemment. Et les deux frères blonds, l'un représentant la force militaire, l'autre étant l'espion de la bande.

Toutefois, malgré ces présentations des administrateurs Quetzacoalt plus que complètes, Sakaki avait bien dénoté que la jeune Turnip avait omis volontairement un certain élément... le lien. Celui qui unissait tous ces protagonistes était la pièce manquante de l'échiquier terroriste.

Aussi, le mafiosi prit la main de la journalite, et lui plaça son Pokématos en son creux, lui glissant un sincère "Merci". Grâce à elle, il savait quel visage avait son ennemi principal. Même si cela ne l'avançait pas à grand-chose (il doutait que les admins adverses aient tous un dossier gouvernemental qu'il pourrait exploiter pour tout savoir d'eux qui soit vrai, et non falsifié comme cela devait être le cas.), cet acte demeurait symbolique, et démontrait bien de la bonne foi de la jeune femme.

"Je comprends la dureté de votre décision Mina. Trahir les gens qui nous sont le plus proche est bien l'acte le plus douloureux à faire. Mais vous avez fait le bon choix. Grâce à vous, des vies seront épargnées."

Il relâcha la main de la star de renommé régionale puis posa la sienne, se voulant rassurante, sur l'épaule d'apparence frêle mais robuste de cette nouvelle alliée.

"Cependant, vous devez me dire...

Il rapprocha quelque peu son visage de celui de la journaliste pour lui susurrer ses paroles, comme pour renforcer le caractère confidentiel de ses mots d'une voix suave.

... Qui est cette Alehandra."

Vous ne deviez pas en entendre parler. Jamais.

L'actionnaire majoritaire et la dirigeante actuelle de la Sylphe SARL. Accessoirement la femme qui m'a sortie de ce trou sous votre casino et qui m'a élevée au rang où s'était hissé mon père avant moi- paix à son âme.

Alehandra est notre chef à tous. Notre mère à tous. Elle est le pilier central des Quetzacoalt. Sans elle rien n'aurait vu le jour.

Elle était également la tutrice de Aaron.

Quelle garce.

Apparemment, Sakaki avait mis le doigt sur un intéressant sujet, étant donné la vive réaction de la blonde vénitienne, qui sembla violemment heurtée par le poids de la fatalité. Oups, elle avait laissé échapper une importante information. Oups, l'importante information n'était pas tombée dans l'oreille d'un sourd.
Et la voilà qui se retrouvait prise en faute, gênée, ses joues d'apparence si douces prenant une soudaine teinte rougeâtre, colorée par le sentiment de honte et le froid qui commençait à devenir oppressant au fur et à mesure que la nuit avançait. Ses gestes devenant tout à coup très saccadés, se tournant dans les quatre directions, animés par la crainte, la colère contre soi-même et l'auto-déception, preuve que le mafiosi venait vraiment de découvrir le pot-aux-roses...

Pot-aux-roses des plus passionnants d'ailleurs...
Ainsi, le noyau, le coeur de l'organisation n'était pas la simple force de la foi, comme il était cas dans les groupes extrémistes religieux où les chefs importaient peu. Non, il s'agissait bel et bien d'une personne, qui avait spécialement réuni tous les bons ingrédients pour fonder une dangereuse Team d'idéologistes sanguinaires, prêts à tout pour parvenir à leur illusoire but.... Un seul être humain était parvenu à hisser un groupuscule au rang de "dieux" sur Terre, faisant carrément la pluie et le beau temps de ses habitants, comme l'avaient autrefois fait Madam Boss et son héritier...

Ce simple constat donna envie au mafiosi d'esquisser un soupire irrité, énervé d'avoir vu un prélude à son but ultime être accompli avant lui par quelqu'un d'autre que lui... Non, les attentats ne faisaient pas partie intégrante de ses hobbys, toutefois, gouverner par la peur, voir les gens à peine oser prononcer son nom et celui de sa propre organisation, avait toujours été quelque chose qu'il convoitait, car preuve d'un pouvoir suprême sur tous les autres êtres de cette planète. Sa mégalomanie venait à le rendre jaloux du succès Quetzacoalt.

Mais rapidement ces néfastes sentiments furent balayés par le récit de Mina, qui lui conta très brièvement l'histoire de la fondatrice des terroristes.

Elle avait apparemment sorti de la misère ses fidèles agents, qui devaient sans doute ressentir lui devoir une dette, posséder la majorité des actions de la Sylphe, ce qui allait rendre la récolte d'informations sur son compte plus aisée, et avait été la tutrice d'Aaron donc, le petit ami de Mina...

Un bref silence vint, dans lequel Sakaki prépara mentalement ses futurs ordres de mission, tels que l'envoi d'espions au sein même de la très chère Sylphe, puis soudain, une voix plus que franche s'éleva dans le froid de Céladopole.

"Quelle garce."

Le temps parut se figer très brièvement. Des particules de flocon commençaient doucement à descendre du ciel, premiers messagers de l'arrivée de Noël, alors que Giovanni jaugeait la jeune femme d'un regard froid, analyste. Avant d'enfin, tirer un sourire de squale très discret.

"Intéressante conclusion.

Le rictus se transforma brièvement en un sourire amusé sur le visage du quadragénaire qui brisa la distance récemment faite par la mannequin, s'approchant d'elle à pas de félin.

"Néanmoins, une journaliste maîtrisant aussi bien le style du langage humain ne s'abaisserait pas à une telle injure sans réels arguments, que je vous prierai d'étayer, afin que je me rallie, ou non, à votre avis.

Il laissa un moment ses paroles en suspens, avant de réfléchir très furtivement et basiquement par lui-même. Quelle motivation pouvait pousser une femme à un haïr une autre ?

Un homme.

Alehandra s'était-elle accaparé le beau jeune homme dont la tout aussi belle jeune femme était tant éprise ?... La trahison de Mina reposait-elle exclusivement sur ce triangle-amoureux ? Par quête de revanche ? Ou réelle inquiétude de la folie terroriste ?

"Elle s'est accaparée de l'homme que vous aimiez, n'est-ce pas ?..."

Elle n'a pas fait que s'accaparer Aaron, Giovanni. Elle l'a détruit. Elle a changé tout ce qui était bon en lui en une idéologie religieuse et destructrice. Et c'est ce qu'elle fera avec le monde entier si je ne l'arrête pas avant cela.

Je sais ce que vous vous demandez. S'il n'avait été question que de jalousie, j'aurais tué Alehandra sans remords. Mais il s'agit de plus que cela. Les gens changent avec leurs malheurs. Aaron a changé avec les siens de la même façon que sa tutrice a changé. Seulement, la folie d'un seul ne doit pas être la folie de tous. Il faut les faire revenir à la raison.

De la même façon que votre échec contre Red vous a fait revenir à la raison, autrefois.

Il vit ses larmes perler. Il remarqua son attitude fière, malgré la blessure saignante qu'elle daignait lui montrer. Il comprit bien l'atteinte qui était faite à son égo, à elle, une femme talentueuse qui avait sûrement beaucoup sacrifié pour l'homme qu'elle aimait, et qui avait vu ce dernier se métamorphoser en vulgaire automate, pantin, influencé par sa rivale. Il comprenait sa position défensive, et son envie de ne pas se venger, mais de tout simplement les préserver tous. C'était... vaillant. Loyal. Deux qualificatifs qu'il ne pensait pas trouver au camp adverse, et, à vrai dire, jamais retrouver dans le genre humain tout court...

Aussi, ce fut un regard respectueux que croisa Mina lorsqu'elle releva le menton pour observer le quadragénaire, et lui expliquer sa motivation, perçant le doute qu'il avait à ce sujet. La préservation de la majorité, voilà ce qu'elle voulait réaliser. Le moyen ? Faire recouvrer la raison aux chefs terroristes...

Décidément, dans ses yeux azurs qui avaient dû être témoins de tant de choses, se dessinaient toujours une certaine innocence, ou plutôt idéalisme nourri par une naïveté presque touchante. Giovanni doutait sérieusement que de telles personnes pouvaient être ramenées à une once de rationalité, car, pour lui, elles étaient saines d'esprit, et faisaient de telles choses par calcul. Parce qu'elles étaient fichtrement intelligentes. Fêlées, mais intelligentes. Elles voyaient grand. Elles ne voyaient pas les morts, les cadavres. Elles voyaient leur but, et rien que leur but. Comme l'avait fait la Team Rocket, autrefois.

Comme ne tarda pas à le faire remarquer la mannequin...
Ses mains calées contre son visage, son regard océan porté sur lui, qui l'observait, de ses iris félins, elle lui susurra, rapprochant son visage du sien, ce qui aurait pu s'apparenter à un affront.

"De la même façon que votre échec contre Red vous a fait revenir à la raison, autrefois."

La chaleur que les mains de la jeune femme lui apportait parut soudainement devenir plus froide, moins agréable. Son regard perdit de l'innocence qui avait frappé le mafiosi pour faire place à une once d'audace dont peu de gens pouvaient se vanter d'avoir...
Ainsi, elle osait lui balancer à la figure, à lui, le plus grand chef mafieux ayant jamais foulé le pieds sur cette Terre, son échec le plus humiliant ? Lui rappeler sa défaite... contre ce vulgaire dresseur... accompagné de son Pikachu... Lui faisant par conséquent ressurgir d'anciens souvenirs tels Red, s'accrochant, au bord du gouffre, proche de l'échec final, voire même, de la mort. Lui, Giovanni Sakaki, fier, droit, debout, prêt à lui écraser la main et le laisser tomber froidement dans les bras de la Faucheuse s'il se refusait à rejoindre ses rangs... et puis ce sourire... oui, le sourire du gamin. Victorieux. Malicieux. Déterminé. Lui aussi un peu fier, dans le sens plutôt vantard qu'orgueilleux... et... soudain; le choc. L'épiderme qui se contracte involontairement avec tous les autres muscles du corps. Les messages nociceptifs qui s'affolent, pour finir par ne plus répondre. Les nerfs cérébraux qui eux aussi accroissent tant leur activité qu'une perte de conscience se fait... Puis, le visage du gamin, encore. Ensuite, vint le noir. Et enfin, en même temps que le réveil, l'humiliation. L'égo piétiné. La rage. Qui dure. Infiniment. Pour finir par se transformer en remise en question...

Tranquillement, presque précautionneusement, Giovanni alla emprisonner les poignets de la jeune femme, pour détacher ses mains de son visage, et les porter à leur mi-hauteur, faisant glisser ses doigts des poignets pour saisir une autre proie; les douces mains de la journaliste, qu'il tenait fermement, mais sans brusquerie. Apportant ainsi un peu plus de chaleur à leurs extrémités non protégées.

"Il est amusant de constater que... de toutes les personnes soi-disant proches à mon cadre de vie, aucune n'ait interprété les choses comme vous.... aucune n'a jamais comparé mon retrait comme un retour à la raison...

La poigne faite sur les mains se resserra de quelques crans, néanmoins tout en demeurant non désagréable.

"Au contraire... Dans une mafia, lorsque le chef paraît faible, on cherche à faire tomber sa tête..."

Cette fois-ci ce fut au tour du pokémafieux de rapprocher son visage de celui de la journaliste, acollant son torse à quelques centimètres de celui de la journaliste, il alla murmure quelques mots à son oreille d'une voix basse, au ton neutre, cependant suave.

"J'ai cloné un légendaire. J'ai créé le Pokémon le plus puissant au monde. J'ai fait main basse sur l'ensemble des marchés illégaux de Kanto et Johto. Je suis infiltré partout, je corromps les politiciens, je fais des expérimentations sur des Pokémons et, parfois même, sur des êtres humains, dont des enfants.... vous pensez vraiment que vous pouvez juger cela comme un retour à la raison"

Chose dite, il se dégagea de la proximité de la jeune femme, pour la jauger parfaitement dans le blanc des yeux, à la recherche du moindre sentiment qui pourrait y passer, pour l'analyser.

Ne soyez pas si nerveux, Giovanni, vous allez attraper froid si vous vous énervez.

Vous étiez fou, vous avez été ambitieux, maintenant, vous devenez juste puissant. Et vous n'avez besoin de vous justifier auprès de personne, ne vous abaissez pas à cela, surtout pas avec moi.

Vous n'avez rien à me prouver, Giovanni.

Un sourire se dessina, une remarque frivole se fit, son col fut remonté et son cou vint accueillir un châle aux couleurs chaudes typiques des continents exotiques qui alimentaient l'admiration des enfants. Le temps parut figé, lors de ces différentes actions, et une étrange chaleur que le quadragénaire ne pouvait expliquer parcourut l'ensemble de ses cellules. Les mots de Mina semblèrent flotter dans l'espace temporel et résonner dans l'esprit du Pokémafieux, qui demeura droit, stoïque, ayant calmement observé la journaliste sans sourciller.

Ainsi, elle l'avait pensé fou. Ces déclarations qui, en y réfléchissant, tenaient du secret confidentiel, n'avaient même pas provoqué une once de peur dans le coeur de la jeune femme. Ni même un dégoût. Ou un quelconque sentiment répulsif face à ses aveux pour le moins empreints de gravité. Ils avaient juste permis à la demoiselle de se faire une opinion de lui. Elle le considérait désormais comme un homme autrefois fou et ambitieux, qui aurait conclu sa folle croisade en devenant puissant. Il y avait dans cette phrase autant de flatterie que de moquerie pour le Pokémafieux. Mais il n'en démordit pas. Il n'avait même pas contracté un seul muscle de son visage pour manifester son éventuel désaccord. Rien. Ses traits étaient lisses, impassibles. La raison de cette passivité ? A vrai dire, peut-être parce qu'au fond de lui, Giovanni ne voyait pas ce qui pouvait être à redire. Peut-être Mina avait-elle percé l'entier de son être en à peine une heure, chose que lui-même était incapable de faire depuis toutes ces années. Il n'en savait rien. Et ne s'en préoccupait qu'en demi-mesure.
Ce qui était important, là, sur le moment présent, était l'attitude de la mannequin qui l'avait prié de ne pas se justifier et qui observait désormais les étoiles, inspirant ensuite profondément, comme prête à balancer une vérité.

"Vous n'avez rien à me prouver, Giovanni."

Et là... cette simple remarque finale sut briser le masque émotionnel que portait le mafiosi. Mina ne le vit pas, son regard azur étant porté vers les ténèbres de l'univers, mais Sakaki, à ce moment précis, esquissa sans le vouloir un sourire dépourvu de malveillance ou alimenté par l'orgueil. Il était tout simplement... reconnaissant. Un sourire simple. Impulsif.

Cette phrase... il était drôle de voir à quel point il aurait aimé l'entendre d'une autre personne, mais malgré tout, qu'elle avait le pouvoir de le faire sentir comme... apaisé. Une certaine quiétude et légèreté dominaient les pensés du Pokémafieux qui ne se gêna pas de raccourcir à nouveau la distance que Mina avait précédemment creusée entre eux deux, d'un pas leste.

"Je n'ai rien à vous prouver... n'est-ce pas ?

Il était à une distance de bras de la mannequin lorsque sa voix grave s'éleva dans la froideur ambiante. Et il continuait à avancer.

"A dire vrai...

Désormais, il pouvait sentir le souffle de la journaliste lui réchauffer l'épiderme.

"... je ne suis pas de cet avis.

Sa bouche se trouvait à environ un centimètre de celle de la blonde vénitienne dont il pouvait sentir le parfum enivrant, extrêmement doux, cependant parfumé de caractère, mis en évidence grâce à une pointe de musc.

"Il me reste à vous prouver une chose :..

Les mains nues toutefois guère froides de l'ancien champion vinrent sournoisement, doucement, se glisser du cou aux joues de la jeune Turnip. Les deux pouces du mafiosi firent quelques vagues caresses circulaires sur les joues quelque peu glaciales, mais incroyablement douces au toucher, de la terroriste espionne.

"... Que je suis à la hauteur de la promesse que je vous ai faite."

Dernière édition par Mina Turnip le Mer 21 Mar 2012 - 23:15, édité 1 fois

Le poul de la journaliste prit une brusque accélération à la proximité du parrain des Rockets. Sa peau, froide du soir, chauffa brusquement tandis que ses joues prenaient une teinte délicieusement rouge. Elle qui avait fait face à tant d'adversité au cours de sa carrière se retrouvait à rougir comme une enfant devant le grand Giovanni Sakaki. Ou plus exactement, devant la marque d'affection la plus démonstrative de toute sa vie.

Et elle lui venait de celui qu'elle considérait encore comme son ennemi quelques heures auparavant.

La Quetzacoalt maintint le regard sombre de son allié pendant plusieurs secondes, qui lui parurent s'allonger sans fin. Sa gorge se noua, de telle sorte qu'elle ne put avancer un mot, bloquée sur un contact trop rapide à son goût. On la tuerait si on apprenait ce qu'elle venait de faire. Et on la tuerait encore si quiconque apprenait ce qu'elle se retenait de faire, de toutes les fibres de son corps. Sakaki était si près, elle pouvait distinguer la pousse toute jeune du bleu de ses joues. Les stries légères de ses lèvres abîmées par le froid.

Elle ferma les yeux, se recentrant sur sa personne pour se calmer, et inspira profondément, penchant la tête en arrière pour se dégager légèrement. L'air du soir était frigorifiant à présent, s'engouffrait dans son nez, et lui chatouillait les poumons.

Ah ?

"ATCHAA !"

Un ange passa.

Pendant le long moment ou elle prit compte que sa main était plaquée sur son nez. Et qu'elle avait heurté de toutes ses forces la masse du torse de Sakaki.

"Hmsduexcuses"

La journaliste roula des yeux et sortit de la poche avant de sa robe un mouchoir en tissus pour s'en servir dans un concert de petits "pschii". Elle ne savait plus où se mettre, fixant ses pieds avec une honte évidente. Confuse, elle farfouilla à la recherche d'un morceau de papier et d'un stylo. Elle sortit, victorieuse, le ticket de caisse qu'elle avait reçu précédemment pour son achat au centre commercial.

"Si vous aviez l'obligeance de me prêter de quoi écrire, je vous laisserais mon numéro personnel."

Elle tourna le ticket face au mafiosi et souffla une nouvelle fois dans son mouchoir.

"De cette manière... peut-être pourrons-nous discuter plus.. au calme, de notre accord."

Mina Turnip. Ou comment concilier classe et morve...

Giovanni la regardait, légèrement surpris de cet éternuement agressif qui venait d'assaillir de microbes son costard chic, puis, entreprit un micro-sourire, issu d'un amusement certain, pendant que la journaliste se mouchait avec une élégance étonnante.

"Vous auriez dû garder votre châle..."

Toujours ce sourire amusé accroché aux lèvres, le manitou de la pègre Rocket se défit de l'étreinte du bout de tissu coloré et alla le placer au tour du cou de la jeune femme, pendant que cette dernière semblait regarder honteuse le plancher. Puis, elle entreprit de chercher dans sa poche un quelconque objet, alors que Sakaki la dévisageait d'une faible méfiance. Méfiance qui s'évanouit aussitôt qu'un bout de papier apparut dans son champ de vision. Et que Mina lui demandât un stylo, pour qu'il y inscrive son numéro.

Demande qui fit reprendre au mafiosi les pieds sur terre...

Elle était la porte-parole Quetzacoalt; il était le Boss de la Pokémafia. Rien que le fait de se retrouver au même endroit, au même moment, pourrait leur attirer de conséquents problèmes. Surtout pour Mina, puisque Giovanni était son propre chef, ne devant de compte à personne. Ce qui n'était pas le cas de la chroniqueuse, qui se devait un certain professionnalisme, étant la détentrice du contrat les liant tous les deux. Mais tout ça, Sakaki le savait. Peut-être que toute cette mise en scène pseudo-romantique était une partie d'un plan ingénieux, qui voulait empêtrer la jeune femme dans une situation délicate, faisant en sorte que leur relation soit mal cachée, pour perturber les Quetzacoalts au sein même de leur groupuscule. Et ébranler l'ensemble de sa hiérarchie. Car, une société non soudée était une société morte.

Ou peut-être que non. Peut-être que tout était relatif à une relation contractuelle : Giovanni se rapprochait de Mina, lui promettait de belles choses, en échange d'une aide vitale pour l'anéantissement de la Team terroriste. Après tout, avec une espionne à ses côtés, la victoire lui était plus que certaine... Après, s'il allait, ou non, tenir ses promesses... cela dépendrait des enjeux, et de son humeur. Tout ne serait alors qu'un banal calcul d'intérêt professionnel. Avec ou sans trahison.

Ou peut-être l'intérêt n'avait rien de professionnel. Allez savoir ce qui traversait la tête du mafiosi en ce moment. Sans doute un mélange des trois cas...

"De cette manière... peut-être pourrons-nous discuter plus.. au calme, de notre accord."

Le ticket tourné faisait face au Pokémafieux, alors que la blonde vénitienne terminait de se débarrasser de ses muqueuses gênantes. Avec une neutralité déconcertante qui contrastait avec l'expression plutôt amusée de tout à l'heure, et l'ambiance générale de cette soirée, Giovanni se saisit du bout de papier et alla chercher dans la poche avant de sa chemise, sous son manteau, un stylo, et entreprit d'y annoter son numéro.

"Moi qui pensais que c'était à la femme de noter son numéro... et à l'homme de l'appeler..." se permit-il de glisser, alors qu'il terminait la boucle du 5, dernier chiffre du numéro fixe qu'il attribuait sur le bout de papier.

Enfin, chose faite, il retourna le ticket à la demoiselle et déclara avec sérieux :

"Pour des raisons évidentes de sécurité, il vous faudra m'appeler à des heures aléatoires, irrégulièrement, d'un téléphone préférablement publique... "

Sa villa résidentielle, à Rosalia. Voilà l'adresse téléphonique qu'il donnait à Mina, étant donné qu'il se devait changer de numéro cellulaire quasiment toutes les 5 heures, étant surveillé minutieusement par Vidic, Interpol, les terroristes, et certains fouteurs de trouble inhérents de la Team Rocket...

Enfin, il savait que toutes les précautions qui se devaient d'être prises allaient être prises par la jeune femme. Ce n'était pas pour rien qu'il lui faisait à ce point confiance, ou plutôt, qu'il lui accordait une méfiance aussi moindre; elle était rusée, maligne et assez intelligente pour savoir comment faire pour demeurer le plus discret possible. C'était certain.

Recentrant quelque peu le châle de la jeune Turnip qui n'avait pas été suffisamment bien mis, Giovanni se permit d'esquisser un sourire quasiment imperceptible, mais empreint de satisfaction.

"Nous nous recontacterons... Mina."

Après quoi, il laissa ses mains glisser le long du châle, fit quelques pas en arrière, ne perdant pas l'azur des yeux de la terroriste pendant quelques temps, puis finit par lui tourner le dos, rompant le contact visuel, pour aller prendre la porte encore ouverte, seul accès au casino... et, dans l'obscurité, s'agrandissait le sourire de Sakaki, qui porta sa main vers son organe d'odorat, pour y sentir les bribes d'un parfum doux voilé de musc.

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