J’ai l’impression… de voyager dans le temps. Le paysage m’apparait plein de couleurs ternes, comme les photos d’un vieil album que l’on aurait oublié au fond du grenier. La limite entre le ciel livide et les herbes hautes délavées semble s’estomper, les contours se confondent comme sur un tableau à l’aquarelle. Le soleil n’est qu’un pâle disque lumineux apparaissant et disparaissant entre deux vagues de nuages. De temps à autres, un vent glacial balaye le chemin, soulevant diverses graines et feuilles, donnant un éphémère souffle de vie à la végétation morte d’un été trop sec alors la pluie n’a cessé de battre le sol depuis les jours derniers. La météo semble plus clémente aujourd’hui cependant… qui sait pour combien de temps. Il fut un temps où ce temps de caninos ne m’aurait pas déplut… depuis les fenêtres de ma maison, je regardais souvent ce rideau aqueux obscurcir les journées du commun des mortels avec un air mélancolique.

Mais aujourd’hui, l’air est lourd, électrique. Ma Xya le ressent, elle aussi. Seul le bruit de ses pattes griffues foulant le sol et les bruissements des herbes et feuillages ballotés par le vent troublent le silence pesant qui règne sur la colline. La route parsemée de touffes d'herbes zigzague entre bosquets naturels et pâturages ou champs vides la moitié du temps, témoigne de la presque inexistence de circulation.. Gravissant la pente naturelle ma destination, je frisonne dans mon imper gris à chaque rafale qui me cingle le visage. Je ne reconnais que vaguement chaque élément du décor. Cet endroit était destiné à l’abandon et il semblerait la nature ait déjà commencé à reprendre ses droits, puisque le changement est assez radical. Les fougères pullulent sur les talus, les herbes dépassent les deux mètres par endroit et les ronces rendent des chemins difficiles d’accès. Quelques fleurs colorées deçà delà aussi, quand leurs fragiles pétales survivent aux intempéries. Je ressens comme un pincement au cœur, à me remémorer l’endroit tel que je l’ai connu. Croiser une présence humaine était déjà rare dans le temps, c’est un peu pour cela que j’aimais m’y promener. Maintenant… à par les paysans du coin, il n'y a plus personne je suppose.

Finalement, j’arrive à une sorte de pallier dans mon ascension, où le chemin se sépare en trois voies différentes. Je souris vaguement et lève les yeux vers la cime des arbres, cherchant la silhouette imposante du vieux manoir. Seul le sommet de son toit filtre entre les feuillages, comme dans mes souvenirs. Etrangement, le chemin qui y mène semble mieux entretenu que les autres, ce qui m’intrigue grandement. La bâtisse est bel et bien abandonnée, et ce depuis des années. Alors qui viendrait s’occuper de ce vieux sentier terreux, dans un coin aussi perdu ? Je hausse les épaules comme pour répondre à cette interrogation intérieure, puis m’engage entre les deux haies de ronces, noisetiers et autres arbustes locaux qui tendent des branches menaçantes au travers de ma route. Le craquement des brindilles, le crissement des feuilles mortes, le sifflement du vent… mon rythme cardiaque s’accélère, la pesanteur de l’air me devient insupportable. J’ai l’impression de sentir des esprits susurrer des avertissements funestes à mon oreille.

Le chemin semble s’éterniser à travers la campagne, la végétation devient de plus en plus dense et enfin, débouche dans une sorte de clairière sauvage où se mêlent mauvaises herbes et blocs de pierres érodés. Seul un petit chemin central est à peu près praticable, et à ma droite le vieux manoir délabré se dresse piteusement, une bonne partie de la charpente visible et des fenêtres fissurées noires de poussière. La porte, s’il y en avait une, est complètement obstruée par un monticule de débris. Sur ma gauche, les deux cerisiers trônent dans ce qui devait être un jardin, séparé de l’allée centrale par un muret de pierre dont seule une infime partie tient encore debout au milieu de la clairière. Je passe doucement ma main sur la pierre granuleuse, contemplant longuement ce qui fut un véritable point de repère pour moi, il y a quelques années. J’aurais aimé le remettre en état, comme avant, mais à quoi bon ? Je n’aurais pas le cœur à le faire, s’ils ne sont pas là… Je reste ainsi quelques minutes, cheveux flottants au vent

« Cela fait longtemps, grande sœur. »

J’acquiesce à la question de cette voix si familière, que je crois sur le moment être une hallucination. Je me retourne, et mon regard croise alors celui d’une jeune fille à la chevelure de nuit laissée libre aux vents et aux yeux d’émeraude, arborant une veste grise légère et une jupe claire. Son doux visage d’enfant est illuminé par un sourire amical, quoique ses yeux soient déjà embués de larmes par l’émotion. Elle s’approche doucement et me prend la main, sans quitter mes yeux du regard, puis se laisse tomber dans mes bras et me serre contre elle. Ses mains sont glacées, mais passée la morsure du froid, une douce chaleur commence à nous irradier. Elle se dégage finalement et m’attrape à nouveau par le poignet et se tourne vers le manoir d’un air énigmatique.

« … Comment as-tu deviné, petit sœur ?
- Que tu reviendrais un jour ?… Je viens souvent ici, quand j’ai besoin d’être seule. C’était le meilleur moyen de se retrouver, non ? » Elle marque une pause et scrute le ciel un instant. Je fais de même, constatant que le ciel s’est assombrit depuis tout à l’heure. En fin de compte, une averse risque bien de nous tomber sur le coin du nez. Un gros orage, même… « C’est pas bon, on ferrait mieux de trouver un abri. On prend le raccourci ? »

J’acquiesce et je fais signe à Xya de se préparer. Certes, le manoir aurait fait un bien bel abri, s’il n’était pas à moitié effondré. De plus, l’exposition de toiles de migalos ne me tente guère, sans vouloir être difficile. Nous devrions largement avoir le temps d’atteindre le petit village à quelques kilomètres en contrebas avant que l’orage n’éclate. Du moins, en coupant à travers champ, c’est largement faisable.

A l’époque, nous avions tellement l’habitude de flâner par ici, on en connaissait tous les secrets. On aurait retrouvé le chemin les yeux fermés, c’est dire… Le meilleur endroit pour traverser les haies, les ruisseaux, les champs communicants lorsque c’était possible. Tout cela sans carte, sans notes, rien que par mémorisation inconsciente. Mais ça à tellement changé depuis, j’espère qu’elle s’en souvient encore. Elle par contre, elle n’a pas changé d’un cil. Toujours sa bonne humeur, son sourire chaleureux… parfois nostalgique aussi, quand nous rêvassions sous les étoiles. J’espère que nous aurons l’occasion de remettre ça, un jour. Nous progressons d’un pas rapide vers le carrefour, à demi dans la lune tout en échangeant quelques nouvelles, du genre le classique quoi d’neuf, comment ça va, et j’en passe des meilleures. Nous arrivons finalement assez vite au chemin principal, mais je ne m’attendais certainement pas à y croiser un autre visage familier dans la même journée.

« Huh ? Qu’est ce que tu fais là ?
- Oh, une amie à toi ? »

Lyra n’avait pas vraiment saisit l’embarras dans lequel elle me met avec cette question. Je n’ai pas vraiment l’habitude de qualifier d’amie une personne que je ne connais qu’à peine, quant bien même elle me parait sympathique et, d’un autre coté, masse de personnes n’ayant pas le même point de vue… Qui est cette fameuse personne ? Elisabeth, que je me suis finalement résolue à appeler Elise, tout simplement parce que c’est un nom à rallonge et que je finis toujours par en oublier un bout, bien que même ce diminutif remonte en moi de douloureux souvenirs… Bref, une petite fille un peu réservée – et franchement bizarre par moments je dois l’avouer – que j’ai rencontré par hasard… un petit boulot à Ebenelle il me semble. Elle est mignonne comme ça, mais elle fait partie du genre de personnes que je n’aimerais pas croiser par une nuit sans lune… allez savoir pourquoi.

« Euh… on peut dire ça, oui…
- Hey, moi c’est Lyra, enchantée. C’est quoi ton nom ? »

Vent glacé. La petite n’a pas l’air au mieux, à en juger par sa réplique cinglante. « En quoi cela vous concerne ? »… j’avoue être surprise de sa réaction. Je la savais quelque peu froide, mais avec moi elle ne l’avait jamais été autant… Finalement elle décline son identité tout aussi froidement. Un peu solennelle comme présentation tout de même, ce doit être l’éducation. Je n’ai jamais réussi à m’y faire pour ma part, je trouve que cela fait de trop.

Lyra n’insiste pas et s’écarte un petit peu, me laissant en quelque sorte seule avec elle. La pluie qui avait commencé quelques instants plus tôt par quelques goutes isolées tombe maintenant en un fin rideau glaçant et silencieux. Cela fait à peines quelques minutes et pourtant nous sommes déjà trempées jusqu’aux os. La tempête semble venir d’Azuria, les nuages noirs suivent les courants d’air en direction de Carmin-sur-Mer maintenant. C’est un peu bête, c’est justement par là que nous allons… Elisabeth se met alors à éternuer en serrant son pokémon dans ses bras… tiens, encore son mignon petit Givrali qu’elle chouchoute tant, je n’y avais pas prêté attention. Je m’approche doucement et remarque alors ses yeux emplis de tristesse et un peu rougis, comme si elle avait pleuré. Je lui murmure à l’oreille :

« Lisou… ça va ? Tu as l’air triste… »

C’est mignon ce surnom, mais j’ai comme une certaine gêne à l’utiliser. Sans doute un peu trop affectif pour une personne que je connais trop peu, finalement. Un cliquement métallique attire mon attention et me pousse à m’écarter, mais ce n’est que Lyra qui ouvre son parapluie pour nous abriter un peu. C’est vrai que je n’aime pas vraiment la pluie, et nous allons toutes attraper froid à rester mouillées comme cela. J’en profite pour sécher un peu mes cheveux que je déteste vraiment sentir mouillés. C’est juste atrocement désagréable, et il n’y a pas mieux pour s’enrhumer. Xya est du même avis, puisqu’elle se colle sa fourrure chaude contre mes jambes pour éviter de se faire doucher. Je l’aurais rentrée en temps normal, mais quand il y a du monde avec moi, elle se met toujours dans mes pattes, pas moyen.

« Bon, ne trainons pas trop, nous aurons tout le temps de discuter au chaud. »

J’acquiesce et saisis doucement le bras de la jeune fille pour l’inviter à venir également. Lyra n’avait pas voulu adresser directement l’invitation à Lisou, probablement se prendre une autre réponse tranchante. On dirait qu’elle lui fait un peu la tête aussi, une petite moue discrète assombrit son visage, mais je suis certaine qu’elle ne lui en veut pas. Elle est comme ça, mais j’espère juste qu’elles ne se feront pas la tête toute la journée.

Un flash illumine alors la vallée, suivit d’un sourd grondement du tonnerre. Je reconnus aussitôt la pâle lueur d’inquiétude dans le regard de mon amie ; elle n’avait vraiment été rassurée par temps d’orage, et dans le cas présent nous devrons traverser une zone boisée… ce qui n’est pas des plus recommandés si on ne tient pas à se faire foudroyer. Le point décisif étant que faire le détour par la route équivaudrait au bas mot à tripler la durée du trajet. En fin de compte, sans vraiment demander son avis à l’invitée surprise, nous nous engageons toutes trois dans le sentier d’herbes hautes. Il ne faut pas longtemps avant que le chemin s’élargisse, débouchant sur un large champ de terre nue qui descend suivant la pente irrégulière de la colline jusqu’à la haie renforcée de fils barbelés qui le sépare d’un petit bois privé. Oui c’est mal de rentrer chez les gens de la sorte, mais quand nous étions gamines, on ne se gênait pas non plus. Tout en marchant silencieusement au milieu de ces aiguilles aqueuses, elle reprend :

« Ca rappelle des souvenirs, hein grande sœur ?
- Tant de souvenirs… »

Sur le moment, j’avais presque oublié la présence de la petite Miller. Grande sœur… sa voix revient en écho dans ma tête et je me sens rougir légèrement. Cela doit lui faire bizarre, surtout que nous n’avons pas vraiment un air de famille. Puis je n’ai pas vraiment l’envie d’étaler ça maintenant. Si simple et pourtant si compliqué à expliquer.

« Alizou, ça va ?
- …Ce n’est rien, désolée. »

Awh, ce surnom maintenant. Il n’y avait qu’elle qui m’appelait comme cela. Ca y est, je rougis vraiment cette fois, déjà que ça m'arrive souvent quand on me tire de mes rêveries... Allez vite, trouve quelque chose, change de sujet !

« Hmm… au fait, t’en es où dans la vie ?
- Je m’demandais quand tu allais poser la question, » fait-elle avec un sourire. « Je suis toujours dans l’archéologie, j’ai été admise à l’école d’Argenta. On voyage pas mal, d’ailleurs je pars en stage dans la région d’Hoenn bientôt. Et toi sinon ?
- Toujours rien…
- Désespèree pas, je suis sûre que tu finiras trouver. Et… mademoiselle Elisabeth ? »

Ceci dit avec un ton ironiquement presque exagérément respectueux. Sans méchanceté aucune, juste un peu moqueur. Avec l’air froid et distant qu’elle prend depuis tout à l’heure, il fallait s’y attendre. Qu’elle arrête de tirer cette tête de dépressive, c’est tout ce qu’elle souhaite. La météo déprimante n’aide pas, mais quand même. Pour ma part, c’est vrai que je suis curieuse de savoir quels sont ses rêves, je ne lui avais pas posé la question. C’est rare de voir des jeunes dresseurs aussi loin de chez-eux… ou peut-être que les conflits familiaux sont juste plus fréquents que l’on voudrait le croire.

La petite cherche ses mots, sans doute surprise d’avoir à prendre part à une conversation qui ne l’intéressait pas. C’est vrai que c’est gênant, d’entendre des gens parler entre eux à côté de soit sans ne rien y comprendre, rester en simple spectateur devant ces personnes avec qui en aimerait créer des liens sans savoir comment y parvenir. Elle a l’air si triste… je peux sentir son chagrin vibrer en moi. J’aimerais tant pouvoir faire quelque chose pour elle.

« Et bien... J'aimerais retrouver mon frère... Je euh... Je sais même pas où il est, comment il est et surtout si il existe vraiment enfin... »

Un frère ? A la façon dont elle raconte cette histoire, cela semble si peu crédible. Le genre de rêve que l’on raconte pour s’épargner la gêne de n’avoir rien à dire, tout simplement parce que l’on aimerait que ce soit la réalité. L’émotion semble lui couper le souffle par cette seule pensée. Et pourtant, une lueur de sincérité brille dans son regard, bientôt rejointe par la flamme du courage et de l’espoir.

« Mais autrement, je veux avoir que des pokemons de type glace, et me battre avec seulement ce type. Ça va être dur, mais j'ai pensé à faire partir des conseils un jour. »

Lyra esquisse un sourire amical. Enfin la petite Miller arrête de tirer une tête d’enterrement, cela lui fait chaud au cœur. Malgré tout, elle réprime bien vite ce signe de joie pour le simple principe de continuer à la bouder. Geste qui m’arrache un nouveau soupir, même si au fond je suis plutôt heureuse qu’elle soit toujours fidèle à elle-même. Elle a de l’ambition, au moins. Je n’ai aucune idée de quoi lui répondre, moi qui ai tant de possibilités, et qui ne sais même pas où aller…

Une larme perle au coin de mes yeux, mais je la chasse bien vite d’un revers de la main. Ce n’est pas de la tristesse… non, c’est autre chose. Quelque chose qui m’échappe sans doute, et qui pourtant me manque terriblement. Un nouvel éclair illumine tristement le ciel. C’est beau, mais dangereux à la fois. Mon amie me fait signer qu’il faut se hâter et nous nous remettons en marche.

Dans la rue déserte, l’eau ruisselle bruyamment dans les caniveaux tant l’averse est violente. Le ciel sombre et orageux pourrait laisser croire à une pleine nuit. Pour seul éclairage dans le petit bourg, une dizaine de lampadaires faiblards et quelques raies de lumières filtrant à travers les fenêtres des logements. Lyra nous attire toutes trois dans un petit bar au coin de la rue. J’étais déjà venue ici dans le temps, mais je ne suis pas certaine qu’on me reconnaisse. Au moins, nous sommes à l’abri et il y a du chauffage, c’est toujours ça de prit.

« … je peux faire quelque chose pour vous ?
- Désolée pour l’eau, il fallait vraiment qu’on se mette à l’abri…
- Oh Lyra, ça faisait longtemps. Attends-moi ici je vais chercher des serviettes. »

La barman monte à l’étage et revient rapidement avec de quoi nous sécher. Ce petit bar a ses habitués, hormis de temps à autres quelques gens de passage, tout le monde se connait. Pour nous, cela s’était fait par le biais des parents et des enfants du coin surtout, mais depuis le temps, je ne suis même plus sûre de me rappeler du nom de tout le monde. Heureusement qu’elle avait gardé des liens ici, de quoi on aurait eut l’air trempées comme ça sinon… Il n’y a que trois personnes aujourd’hui, mais tout de même.

« Eh bien, vous avez eut de la chance de passer par là. Et ces personnes avec toi… ?
- Oh, tu te souviens d’Alizire ? Et la ptite nouvelle c’est Elisabeth.
- Alizire je me souviens. Tu as changé dis donc !
- Eh… oui… »

La phrase typique des adultes quand ils vous revoient à partir de quelques mois d’absence si ce n’est moins. Et je ne sais jamais quoi répondre à une telle réplique, si c’est n’est « Aussi sûr que toi tu as vieillis », mais je n’ose jamais lâcher celle là… enfin bref. Elle souhaite également la bienvenue à la petite nouvelle comme disait l’autre, puis nous laisse nous installer à une table au fond près du radiateur. Enfin un peu de chaleur, qu’est ce que ça fait du bien quand on est trempée ! Je m’étire longuement sur la banquette en cuir noir qui nous serre de siège pour prendre mes aises comme au bon vieux temps.

Dehors, le tonnerre gronde encore. Le fracas de la pluie sur les vitres joue une étrange symphonie répétitive accompagnée de flash lumineux à intervalles plutôt irréguliers. Soudainement, la lumière du bar se met à clignoter. Tous les regards se tournent sur l’ampoule faiblissante, qui se rétablit finalement après quelques secondes d’indécision. Je fixe la fautive quelques instants, puis me colle à mon dossier et sans prendre garde, glisse doucement sur le côté pour poser ma tête sur l’épaule de Lisou. J’aimerais tant qu’elle soit heureuse avec nous elle aussi…

Lorsque ma tête se pose sur son épaule, je sens la sens frissonner. Etrange sensation… je ne l’avais pas ressentie depuis longtemps je crois. En fait, je n’y avais pas fait attention…

« A-Alizire … T-tu es fatiguée ? »

Ce murmure à mon oreille me fait frissonner à mon tour. Sa voix tremble, hésitante, elle à l’air gênée… Elle est timide, cela doit sans doute l’embarrasser un peu. J’allais me redresser mais je sens sa tête se poser contre la mienne à son tour. Pour une raison que j’ignore, je rougis légèrement et ferme les yeux. C’était une réaction assez inattendue, mais elle semble s’être détendue.

Une atmosphère étrange s’installe alors. Quelques paroles s’échangent discrètement, le timide tintement des verres, quelques toussotements. Je n’y fais même plus attention, sombrant dans une sorte de demi-sommeil. Je perds le temps du temps, c’est agréable. Que cela puisse durer éternellement… peut-être à ce moment, c’est ce que j’aurais souhaité, comme à chaque instant heureux de ma vie. Cela fait toujours mal de s’en séparer, même s’ils nous accompagnent dans nos mémoires.

« Dîtes, vous pensez que la tempête se calmera aussitôt ?... A priori, non. »

Lyra jette un regard interloqué à la jeune fille, ne comprenant pas vraiment ce qu’il lui prend. Se mettant à sa place, elle se sentirait un peu ridicule… mais peut-être n’a-t-elle tout simplement pas l’habitude des conversations ? Ce serait plausible, étant donné son comportement tout à l’heure. Elle détourna le regard vers la fenêtre, confirmant les dires de la petite : le temps n’est pas près de s’arranger, et le tonnerre semble s’amplifier. Les orages d’été comme ceux là peuvent parfois être violents et longs, elle aussi est heureuse d’être à l’abri.

Ma tête glisse alors de son épaule et je me redresse doucement, clignant des yeux pour me réhabituer à la lumière. Me retournant vers Elise, je constate que quelque chose la tracasse, comme si elle avait quelque chose d’important à dire. Cela m’intrigue un petit peu, surtout que sa mine triste ne présage pas quelque chose de joyeux.

« Je… Je voudrais m'excuser pour tout à l'heure, je n'ai pas été très aimable, en particulier envers Lyra. Excusez-moi, et merci Lyra de nous avoir trouvée un endroit où nous pouvons nous réchauffé, si je ne vous avais pas vu, je serai encore dehors…
- Lisou… »

Je ne trouvais rien d’autre à dire que de murmurer ce surnom. Je comprends un peu ses sentiments… si une inconnue m’avait abordé de cette façon, je crois que j’aurais réagit tout aussi froidement. Je me tourne vers Lyra, dont le regard semble perdu dans le vague. Une vague tristesse perd dans l’émeraude de ses yeux. Elisabeth… si glaçante il y a peu, qui a fait tomber les barrières de ton cœur ? Est-ce l’affection que te porte Alizire ? C’est bien ce qu’elle pense. Finalement, l’adolescente se retourne vers la fille des glaces et lui adresse un sourire sincère.

« Excuse-moi aussi, je n’ai pas été très juste avec toi non plus. Désolé de t’avoir brusqué, je ne voulais pas te faire peur. Mais ne me remercie pas, si Alizire n’avait pas été là, je crois que t’aurais laissé dehors… »

C’était probablement la vérité, mais je n’ai pas vraiment envie qu’elle me remercie. Je crois que je suis déjà assez embarrassée par cette scène sans qu’elle n’en rajoute. Sentir la reconnaissance n’est pas une chose désagréable en soi, mais c’est loin d’être quelque chose qu’on reçoit tous les jours dans ce monde, aussi altruistes puissent être nos actions. De toute manière, je crois que Lisou est presque aussi timide que moi, cela ne doit pas être simple pour elle non plus. Un silence pesant s’installe, ponctué par les coups de tonnerre et le battement de la pluie contre la vitre. Heureusement pour nous, Lyra brise le sceau et prends subitement la parole, lassée de l’orchestre naturelle.

« Vous voulez boire quelque chose ? C’est moi qui invite. »

Cette proposition me fait prendre conscience que ma gorge commence à être sèche, aussi je l’accepte avec joie. Mon choix et celui de Lyra se portent sur un chocolat chaud, et quelques minutes plus tard la serveuse nous apporte trois tasses sur un plateau. Rien de tel après avoir pris froid sous une pluie torrentielle. Et puis, cela rappelle des souvenirs.

A l’époque, quand un orage éclatait durant l’une de nos promenades, nous allions tous chez moi boire un chocolat chaud et nous regardions la télévision jusqu’à ce que la tempête se calme. Des souvenirs impérissables… et parfois, nous regardions simplement la pluie tomber par la fenêtre, d’un air mélancolique. Ce n’était pas les plus belles journées de ma vie, mais tous ces moments avaient leur le sens. Oui, regarder la pluie avait le don de me rendre nostalgique, et c’est encore le cas aujourd’hui.

Après avoir bu quelques petites gorgées, je pose ma tasse sur la table basse devant moi et me colle au fond de mon dossier, le regard tourné vers Lisou. Je sens alors Lyra me prendre la main puis se serrer contre moi. Elle semble émaner une sorte de chaleur agréable, surtout autour de ma main glacée. Je crois qu’elle aime beaucoup le contact, qu’elle ne pourrait pas vivre sans. C’est sans doute pour cela qu’elle n’a jamais souhaiter partir en voyage, même si la plupart des jeunes le font. Même si on ne se voit pas très souvent, il semble qu’elle ne veuille pas se séparer de ces habitudes qu’elle à toujours eut avec nous. Et… à moi aussi, je crois que cela me manquerait.

Sans se décoller de moi, elle tourna légèrement la tête vers la jeune fille et lui murmura :

« Tu veux bien que je t’appelle Elise ?... J’espère qu’on deviendra amies aussi, un jour. »

Depuis toujours, Lyra a toujours voulu essayer de s’entendre avec tout le monde. Avec certains le courant passait bien, avec d’autres moins. Avec elle, la relation avait plutôt mal débuté, mais il semble qu’elles puissent peut-être s’entendre finalement. Elle l’espérait.

Elle semblait si triste… pourquoi pleurait-t-elle autant ? Elle n’osait pas répondre à la question, secouée d’un imperceptible tremblement. Je sens la main de Lyra se resserrer sur la mienne, sans vraiment me faire mal, juste assez pour que je perçoive le doute qui l’habitait. Cette fille, Elise, pourrait-elle vraiment être une amie pour elle un jour ?

C’est étrange, mais la voir pleurer ainsi, cela me rappelait un souvenir. Une rencontre, un tournant… c’était il y a deux mois environs. C’est suite à elle que j’avais pris la décision de retourner à mes origines, ici. Cette personne que j’ai rencontrée au clair de lune… nous avions croisé nos histoire, nous avions pleuré ensemble sous l’astre de la nuit. Et nous nous étions fait une promesse. Quand nous aurions accomplit quelque chose dans nos vies, on se retrouverait à notre point de rendez-vous. A quoi pensais-tu, Lisou ? Est-ce encore ton frère qui te manque ? Et si… tu faisais partie de la famille, à présent ?

« Je… Je l’espère aussi, si ce n’est pas déjà le cas. »

La fille aux cheveux nuit resta silencieuse quelques secondes, le regard perdu dans le vague. Oui, c’était vrai… elle était déjà une amie en quelque sorte. Alors, pourquoi avait-elle posé cette question ? Pourquoi avait-elle ses doutes qui lui restaient sur le cœur, qu’attendait-elle de cette fille ? Peut-être… que c’était un peu plus qu’une amitié qu’elle souhaitait.

Depuis toute petite, elle avait eut du mal à se faire des amis. Souvent seule, elle accordait difficilement sa confiance, elle avait déjà été trop trahie. Jeune enfant, elle avait déjà été confrontée à la sombre vérité de la nature humaine. Et pourtant… ce jour où tout avait changé pour elle… « Il vaut mieux regretter de l’avoir fait que de se morfondre parce qu’on est resté passif. » Les déceptions, il y en avait toujours, et il y en aurait encore. La différence, c’est qu’elle avait su en tirer le meilleur. Seulement… il y avait un pas, un pas qu’elle n’avait franchi qu’avec un nombre très restreint de personnes. Elles étaient… comme sa famille. Cette fille qu’elle connaissait à peine, a-t-elle une chance d’en faire partie ?

Sa réflexion fut coupée par une brusque variation de luminosité. L’ampoule du lustre faisait encore des siennes… Un violent coup de tonnerre retentit soudainement, coupant finalement le courant et faisant sursauter la jeune fille. Déjà qu’elle n’aimait pas l’orage… il ne fallait pas la prendre par surprise comme ça ! Enfin, l’obscurité, c’était une autre affaire. Aussi surprenant que cela puisse paraitre, elle était dans le noir comme un poisson dans l’eau. Toutes ces soirées à méditer sous la clarté lunaire lui avaient sans doute forgé une affinité inexplicable pour les ténèbres, qui sait.

« Je vais voir si on peut remettre le courant, bougez pas. »

J’acquiesçais silencieusement, distinguant à peine les formes dans l’obscurité. De temps à autres, un flash aveuglait illuminait la pièce d’une triste lueur, mais la seule chose que l’on pouvait réellement regarder était la rue vaguement éclairée et le ciel aussi sombre que l’océan en pleine tempête. Lyra se leva et contourna la table basse avec prudence pour aller rejoindre la gérante et voir ce qu’elle pouvait faire. Finalement, elle revint avec quelques petites bougies qu’elle disposait sur les tables pour répartir la lumière un peu partout. Mais cette fois, au lieu de revenir s’installer près de la fenêtre, elle s’asseyait à l’autre bout de la banquette près d’Elise.

« On a des problèmes pour remettre l’électricité, alors on devra se contenter de bougies pour le moment, annonça-t-elle simplement tout en jetant un œil à sa montre. – Oh Alizire, un bus passe dans une demi-heure, ça te dirait de passer chez-moi ? Il y a quelques trucs que je voudrais te demander…
- Ah… euh, avec plaisir.
- Et toi aussi tu viens Elise, hein ? Faut un début à tout ! »

Elle avait dit cela avec cet entrain qui la caractérisait quand elle était avec ses amis. Sans crier gare, elle s’approcha doucement d’Elise et l’enlaça tendrement au niveau des épaules. La jeune fille resta immobile, fermant les yeux tout en serrant sa nouvelle amie dans ses bras. Le rouge lui monta légèrement aux joues, ce qui était assez rare venant d’elle. Quand elle relâcha en partie son étreinte, elle tourna sa tête vers la petite fille timide et lui adressa un sourire complice.

C’était étrange de la voir ainsi, mais cela me faisait chaud au cœur. J’ignorais ce qu’elle mijotait en nous invitant toutes les deux chez elle, peut-être qu’elle voulait sceller cette nouvelle amitié ? J’espérai que Lisou accepterait, cela nous ferait tellement plaisir à toutes les deux… si l’étreinte surprise de Lyra ne l’avait pas trop intimidé du moins. Mais bon, elle était comme ça, elle ne pouvait plus lui en vouloir maintenant. N’est-ce pas, Lisou ?

Elle… elle pleure ? Lyra ne comprenait pas la réaction de la jeune fille, elle avait l’air heureuse il y a un instant, et maintenant elle pleurait à chaudes larmes. Même si elle essayait de le cacher avec un sourire, cela se voyait bien qu’elle pleurait. Etait-ce réellement de la tristesse, ou bien… autre chose ? Elle ne savait comment réagir dans une telle situation, c’était gênant. Alors elle se approcha doucement la main de son visage et sécha ses larmes et resta immobile face à elle, attendant que son chagrin passe.

Je regardai tristement par la fenêtre, l’orage semblait s’être calmé, mais la pluie n’avait pas l’air de vouloir s’arrêter. C’était triste, toute cette eau tombant du ciel. Les nuages commençaient à peine à se disperser, dévoilant une lune presque complète. J’étais un peu frustrée que le temps soit si mauvais… j’aurais aimé que nous allions regarder les étoiles ensemble, comme on le faisait autrement dans notre enfance. Et dormir à la belle étoile, un souvenir impérissable… mais avec toute l’eau qui était tombée, le sol serait encore humide jusqu’à demain matin. D’ailleurs, je me demandais où j’allais passer la nuit… il y avait un centre dans la ville ou elle habitait ? J’aurais presque envie de rester dormir chez elle, mais je ne voulais pas m’imposer.

Soudain, la lumière se ralluma. L’orage passé, le courant devait être rétablit. Cela me surprit un petit peu, mais c’était déjà plus rassurant. A regarder la pluie tomber par la fenêtre, je me sentais un peu déprimée je crois, comme si la joie m’avait quitté l’espace d’un instant. Enfin, l’heure du bus approchait, il était temps de rejoindre l’arrêt. Je remarquai alors l’ombre de Xya qui se mouvait vers la sortie, je l’avais presque oubliée. Heureusement qu’elle ne m’oubliait pas, mon gardien de l’ombre. Nous saluâmes la barman brièvement et nous mîmes en route vers l’arrêt de bus, toutes trois – ou toutes cinq, si nous comptions nos deux pokémons – sous le parapluie de Lyra. Il y avait moins de vent et la pluie tombait avec moins de force que tout à l’heure, ce qui nous évita d’être trempées à nouveau.

Le bus était presque vide. A peine trois personnes avant nous, à cette heure. Dans notre enfance, il était toujours presque plein et c’était dur de trouver une place sans avoir un inconnu bizarre à côté de soi. Mais j’étais tout de même contente de voir qu’il passait encore, sans voiture nous aurions du faire le trajet à pied autrement. Je pris place à côté de Lisou qui tenait toujours son petit givrali contre elle, tandis que Lyra s’asseyait derrière avec Xya. Elle prenait un peu trop de place et ses pattes griffues me dissuadaient bien vite de la prendre sur mes genoux, il avait de la chance le petit pokémon glace. Je soufflai discrètement quelques mots à Lisou :

« Il est mignon… je peux le… ? »

J’approchai timidement la main du pelage de la peluche des neiges, effleurant à peine son poil pour ne pas le réveiller, lui qui semblait dormir paisiblement. C’était très doux, mais froid. Pour un pokémon à fourrure c’était une sensation plutôt étrange, mais si pas désagréable. Sa dresseuse semblait même apprécier, vu comme elle le dorlotait depuis tout à l’heure. Peut-être que je devrais essayer de dresser un type glace à fourrure aussi, qui sait, cela pourrait me plaire.

Le trajet passa assez vite, un petit quart d’heure et pas d’arrêts intermédiaires jusqu’à notre ville de destination. Là bas, la pluie venait tout juste de cesser, mais un vent glacial tentant déjà de nous congeler sur place. Le temps était sombre, mais le coin était resté comme dans mes souvenirs. Cette petite ville n’était pas vraiment ma préférée, avec tout ce qui s’y était passé… mais bon, je ne comptais pas m’y éterniser. Mon amie nous conduisit vers les immeubles où elle habitait. Enfin… ce n’était pas vraiment pas vérité, mais elle préférait ne pas en parler avec n’importe qui. Même une amie.

« Phylaaaa ♥
- Hey Sylvia ! Ca faisait longtemps, pas vrai ? »

Une petite phyllali se tenait devant elle, l’air toute heureuse de retrouver une vieille amie. J’ignorais qu’elle possédait un pokémon, elle ne m’en avait jamais parlé. De toute manière, elle avait d’autres centres d’intérêt, peut-être était-ce simplement pour avoir de la compagnie ? Remarquant ma surprise, elle se tourna vers moi et me dit avec un sourire :

« Je t’expliquerais à l’intérieur. Je dois aller demander la clef à la concierge, attendez moi là haut, c’est au troisième. »

J’acquiesçai et entrainai Lisou avec moi dans les escaliers. Sylvia nous avait déjà devancé et grimpait les marches quatre à quatre avec une agilité remarquable. Oui, ce serait un bon atout dans une équipe, aucun doute. Des bruits de pas pressés m’alertèrent de l’arrivée de l’adolescente, la clef à la main. Elle aussi était agile et sportive, bien plus que moi en tout cas. C’était peut-être la raison.

Elle nous invita enfin à entrer dans l’appartement. C’était plutôt grand, bien que l’espace soit considérablement réduit par l’accumulation de diverses babioles deçà delà. A commencer par le salon, il y avait un grand canapé recouvert d’une vieille couverture trouée sur laquelle s’empressa de sauter la phyllali, une petite télé, une grande étagère où s’entassait un bordel sans nom, et j’en passe. Il y avait aussi deux chambres, une cuisine et une salle de bain, le tout pas nécessairement mieux rangé que le salon. La jeune fille semblait toute aussi surprise que nous, quoiqu’un peu gênée également.

« Désolé pour tout le bazar, je découvre en même temps que vous. Mon frère n’est pas très doué avec ces choses là… il rentre après demain, ça me laisse le temps. »

Pour l’avoir déjà rencontré, le frère de Lyra n’était pas quelqu’un de très… fréquentable, disons. Il était un peu renfermé et brutal parfois, mais elle l’aimait beaucoup. Enfin, mieux valait éviter de se mêler des histoires de famille des autres.

« Faites comme chez vous, vous pouvez faire sortir vos pokémons ça leur fera du bien.
- T’es sûre ? Vu l’état des lieux…
- Oh, ça peut difficilement être pire tu sais… »

Pas très convaincue, je laissai tout de même sortir ma petite équipe. Togetic, osselait, motisma, blizzi, chlorobulbe… et ma grahyena qui était déjà dehors. Je donnai d’ailleurs un premier avertissement au petit ange blanc qui allait à coup sûr me causer des ennuis d’ici la fin de la soirée, mais celui-ci fit mine de râler avant d’aller réclamer des câlins à tout le monde. D’un autre côté, j’allais enfin pouvoir voir à quoi ressemblaient les autres pokémons de Lisou, j’étais curieuse de savoir.

Je regardai les pokémons glace de Lisou avec amusement. Son petit Obali était vraiment mignon à rouler avec cette expression de béatitude sur le visage. Un peu ridicule en public peut-être, mais il avait réussi à me tirer un sourire. Le givrali lui semblait bien plus intrigué par la petite phyllali. Il grimpa sur le canapé à son tour, mais au moment où il s’approchait d’elle, le félin végétal sauta furtivement sur le dossier et le regarda avec un petit air innocent. Il ne fallait pas brûler les étapes non plus, elle aussi était timide, même sans en donner l’air.

Pendant ce temps, Lyra faisait un brin de rangement rapide, histoire de rendre le tout un peu plus présentable et surtout de gagner un peu d’espace. Elle n’aurait pas supporté de se détendre avec l’appartement dans cet état, c’était trop gênant d’accueillir des invités comme ça. Et puis c’était Alizire, cela faisait tellement longtemps qu’elle ne l’avait pas vue ! Et puis la petite Elise devait déjà être mal à l’aise, si elle pouvait éviter d’en rajouter… Enfin, elle n’avait pas le temps pour tout ça, il s’agissait juste de rendre l’espace plus agréable.

Lorsqu’elle revint dans le salon après avoir fait le tour, elle contempla avec surprise tous les pokémons présents. Ca en faisait beaucoup, tout de même. Ace l’accueillit avec un petit cri avant de se jeter dans ses bras. Apparemment il se souvenait d’elle aussi, cela lui faisait plaisir. Xya surveillant tout le monde, tapie dans un coin sombre comme à son habitude, mais il semblerait que le stalgamin ait échappé à sa vigilance. Enfin, avec sa taille, il ne risquait pas d’aller ouvrir les portes et fourrer son nez où il ne fallait pas. Finalement, la jeune fille s’approcha de moi et me dit :

« Hé, je ne pensais pas que tu en aurais autant déjà.
- Moi non plus tu sais, c’est une longue histoire. Et toi, tu t’y es mise aussi finalement ?
- Phy !
- Oh pardon Sylvia. Eh bien… c’est un peu long aussi, dit-elle en s’installant sur le canapé et nous faisant signe de nous asseoir. – En vérité, Sylvia est sauvage. Je l’ai rencontrée lors d’une sortie en ville, elle avait l’air seule et faible, je crois qu’on l’a abandonnée. Je l’ai ramenée chez moi pour la soigner et finalement s’est attachée à moi. Au début elle ne voulait pas rester ici, mais elle venait souvent me voir quand je sortais. Et finalement, c’est comme si elle habitait ici aussi maintenant. »

La concernée releva la tête à la fin du récit. La feuille sur son front s’illumina doucement, et elle commença à la frotter contre ses oreilles de feuille. Une douce mélodie s’en dégagea, agréable et apaisante. Givrali n’avait pas l’air non plus indifférent à ses talents, il semblait comme envouté. C’était son attaque siffl’herbe, qu’elle semblait maitriser à la perfection.

« Oui, elle adore la musique. Je crois qu’elle veut devenir musicienne errante, elle s’entraine souvent avec moi. »

Sylvia descendit alors de son perchoir pour se poster face à l’évoli de glace et passa à côté de lui, le caressant doucement avec sa petite feuille scintillante. Juste effleuré l’espace d’un instant, avant de venir sur les genoux de sa compagne se faire câliner. Je n’y fis pas vraiment attention, mais sans doute cette attitude devait être troublante pour le pokémon glace. Comme quoi, il n’y avait pas que pour les humains que c’était compliqué !

Le temps passa tandis que nous regardions nous pokémons s’amuser dans l’espace quelque peu agrandi, même s’ils étaient déjà trop nombreux pour la pièce. L’adolescente aux cheveux nuit caressait nerveusement le poil de la phyllali en fixant tristement le ciel sombre par la fenêtre, son regard se perdait dans le vague depuis quelques minutes déjà.

« Alizire…, » murmura-t-elle en rougissant légèrement.
- Quelque chose ne va pas ?, lui demandai-je timidement.
- Non, ce n’est rien… c’est juste que… j’aurais aimé qu’on regarde les étoiles ensemble… tous les quatre. »

A ce mot, je sentis mon cœur faire un bond dans ma poitrine. Quatre… pourquoi ce chiffre ? Je cherchais désespérément une explication, autre chose, mais je savais pertinemment à qui elle faisait référence, dès l’instant où elle avait prononcé ces mots. Pourquoi cela me faisait aussi mal de repenser à lui ? On avait perdu contact depuis si longtemps, je ne le revoyais plus qu’en souvenirs, comme une personne âgée qui se remémore ses jeunes années devant son album de photos ternies par le temps. J’avais envie de pleurer aussi, mais la présence d’Elise m’en empêchait. Elle se sentirait de trop si je commençais à pleurer dans les bras de mon amie… Le silence qui s’ensuivit commença à devenir pesant, je voulais dire quelque chose mais je ne trouvais plus mes mots, et plus les secondes s’écoulaient, plus je sentais que j’allais craquer. Alors, dans un soupir, je lâchai simplement :

« Demain à l’aube… »

Lyra esquissa un vague sourire avant de fermer les yeux et de s’effondrer sur le canapé, recroquevillée pour ne pas prendre trop de place. La mélancolie s’emblait s’être dissipée sur son visage, mais quelques doutes persistaient en moi. Elle semblait dormir paisiblement… la journée devait l’avoir épuisée, moi aussi je commençais à faiblir. Je levai les yeux vers Lisou un instant, songeant que ce coup de fatigue passager devait peut-être l’inquiéter.

« Ne t’en fais pas, elle va bien, la rassurai-je avec un semblant de sourire. Je marquai une pose, avant de murmurer – J’aurais préféré qu’on se revoie en des circonstances plus heureuses, mais c’est peut-être aussi bien ainsi… »

En quelque sorte, même si l’ambiance n’était pas à la rigolade, je pense que cela nous avait rapprochés. Je sentis quelque chose frotter contre ma joue, c’était mon togetic en éternel manque d’affection. Il avait comme une vague tristesse dans les yeux, comme s’il se faisait des soucis pour moi, lui aussi. Il me suffit de lui caresser doucement la tête pour qu’il retrouve sa gaité, étrange petit pokémon. Mais moi aussi, la fatigue commençai déjà m’engourdir. Je réprimai un bâillement avant de déclarer :

« On ferait mieux de se reposer un peu aussi en attendant. »

Sur ces mots, je retirais deux couvertures empilées sur un coin du canapé, en mis une sur le corps recroquevillé de Lyra et gardai la plus grande pour nous deux. Le chauffage était un peu faiblard et il faisait plutôt froid dans l’appartement, surtout avec ces pokémons glace, alors mieux valait prendre des précautions pour ne pas s’enrhumer. Je nous enveloppai alors toutes deux dans la couverture épaisse et me blottis contre la jeune fille, fermant les yeux et écoutant d’une oreille distraite le bruit de nos pokémons vacants à leurs occupations. Girvrali et phyllali semblaient finalement faire connaissance, se racontant quelques histoires à leur manière. Qui sait, peut-être qu’eux aussi allaient dormir l’un contre l’autre, ce soir…

Tout le monde semblait dormir paisiblement dans la maison, même les pokémons s’étaient un peu calmés. La petite phyllali regardait distraitement givrali, installée sur un vieux coussin dans un coin de la pièce. Ce dernier semblait envier un peu l’amie de se dresseuse, comme si les voir si proches le contrariait légèrement. Il ne mit pas longtemps à remarquer le regard de la féline, rougissant timidement en détournant le regard vers le sol. C’était étrange, comme un simple regard pouvait le gêner autant. Surprise par la réaction du pokémon glace, l’observatrice sortit subitement de ses rêves et enfouis sa tête entre ses pattes l’air de rien. Le premier contact allait être difficile, visiblement...

Finalement, ce fut l’évoli de glace qui prit l’initiative de s’approcher. La chance ne semblait pas de son côté cependant, puisqu’un objet roulant non identité – en la personne de duc obali – vient le percuter et l’entrainer dans une roulade magnifique jusqu’au premier mur sur sa route. Le pauvre tenta de se remettre sur ses pattes, tout étourdit, essayant vainement d’arrêter le petit trouble-fête dont la course décrivait une spirale autour de lui. Sylvia observa la scène avec étonnement, avant de s’approcher timidement pour voir s’il ne s’était pas blessé.

« Ca va, tu ne t’es pas fait mal ?
- O-oui, je pense que ça peut aller, avec lui ça ne me surprend plus, répondit-il en rougissant à vue d’œil, tournant la tête pour masquer sa gêne. La phyllali commençait aussi à être mal à l’aise de le voir ainsi, alors elle tenta d’amorcer sur un autre sujet.
- Ah... tant mieux alors. Dis, tu... tu viens de loin ? »

Le dialogue commençait à s’établir peu à peu, bien que les deux protagonistes peinaient encore à trouver leurs mots. Givrali frottait ses joues d’une manière plutôt mignonne, ce qui fit doucement rire la féline végétale. Elle le trouvait vraiment craquant à agir comme ça, c’était plutôt rare.

« Et-et bien... je viens de Frimapic, à Sinnoh... Et toi, tu as toujours vécu ici ?
- Moi... j’ai toujours été du coin, si on peut dire... Tu te sens bien avec cette fille si loin de chez toi ? »

Le concerné jeta un regard à sa dresseuse, esquissant un sourire. Elle ne saurait dire pourquoi, mais ce simple sourire lui en disait long sur la relation qu’il avait avec cette fille. Le genre de personne qu’il suivrait au bout de la terre s’il le faudrait, quels que soient les obstacles, et cela la laissait rêveuse.

« Depuis ma naissance, je vis avec elle. J'ai déjà vu mes frères et ma mère mais j'ai un vague souvenir d'eux. Elle m'a toujours bien traitée et protégée je l'aime énormément, peut importe où nous irons tout ce qui compte pour moi c'est de rester près d'elle. Il se tourna à nouveau vers elle, plus à l’aise et moins rougit. – C'est ta dresseuse la fille aux cheveux bleus nuits ? Si tu es libre, pourquoi restes-tu avec elle ?
- Je l'aime beaucoup aussi mais... je sais que je ne peux pas la suivre n'importe où, je n'ai pas envie de la gêner. Elle voyage beaucoup aussi tu sais, dit-elle en levant les yeux vers la fenêtre. Le ciel était dégagé à présent, laissant entrevoir quelques étoiles. Le félin des neiges s’approche d’elle pour observer avec elle, lui murmurant à l’oreille :
- Tu es sûr que tu ne peux pas la suivre ? »

Ils restèrent ainsi quelques instants, sans bruits. Peut-être que les filles pourraient les regarder aussi ce soir, finalement. Lyra avait l’air de tellement y tenir... Hm, elle fuyait la question. Si elle le voulait, elle pourrait l’accompagner, elle était sûre que son amie ne s’y opposerait pas. Peut-être était-elle trop attachée à ce lieu, ou peut-être que... Sylvia se tourna alors vers givrali et approcha à quelques centimètres de son visage, lui murmurant un « Trop compliqué pour toi ~ » avant de lui donner un petit coup de patte sur le museau. La réaction fut immédiate : il sursauta vivement, avant de virer au rouge vif tout en fuyant son regard, posant une patte à l’endroit où elle avait donné le coup. Décidément, il était trop mignon à être aussi timide, elle commençait presque à prendre plaisir en jouant avec cet aspect de sa personnalité. Mais elle y était allé un peu fort cette fois, elle ne savait pas comment le rassurer sans le troubler encore plus. Alors, elle illumina sa feuille frontale et commença à jouer un morceau, une mélodie improvisée, inspirée par ce nouvel ami et les étoiles. L’évoli de glace ne bougeait plus, mais le frissonnement imperceptible qui parcourait son corps de temps à autre montrait qu’il était tout sauf insensible à la chanson qu’elle jouait pour lui.

Dans la famille fauteur de trouble, je demande la fille. Cette fois ci, ce fut stalgamin qui vint troubler la plénitude du félin, se mangeant violent un coup de patte bien mérité qui l’assomma net. Sylvia sursauta en entendant le bruit, et remarqua alors la petite bête assommée.

« Q-qu’est-ce que tu lui as fait ? demanda-t-elle, surprise.
- Je lui ai donné un coup de patte pour ne pas qu'il te dérange, même si ça n’était pas le cas...
- C’est plutôt toi qu’il dérangeait, pas vrai ? lui glissa-t-elle avec un petit sourire malicieux.
- Je pense, ils m'énervent à être aussi turbulent, aucun d'eux n'est calme et c'est très pénible quand tu es souvent avec eux. Il faisait des petits cercles sur le carrelage avec sa patte, timidement. Sylvia posa alors sa patte sur la sienne et lui dit doucement, comme pour lui signifier qu’elle comprenait sa réaction :
- J’ai connu ça aussi... on fait avec ! »

Il la regarda avec étonnement un instant, puis lui sourit à son tour. Depuis combien de temps parlaient-ils ? Le temps était passé vite en sa compagnie, et elle était heureuse d’avoir pu faire un peu mieux sa connaissance. Elle jeta un dernier regard au ciel avant de lui dire :

« Je... j'aimerais t'emmener quelque part, plus tard. Ne t'endors pas trop profondément, d'accord ? ~ »

Puis sans crier gare, elle fit volte-face et sortit de la pièce en quelques bonds. Givrali la regarda s’échapper sans vraiment comprendre, puis fut surpris par stalgamin qui reprenait ses esprits. Beaucoup se questions se bousculaient sans doute dans sa petite tête. Mais ça, il devrait y répondre par lui-même.


Lorsque je sortis de mes songes, j’étais seule dans la couverture. Je regardai autour de moi tout en essayant de m’extirper de cet amas de laine chaude dans lequel je m’étais entortillée. Lyra était toujours là, mais pas de trace de Lisou... je craignais qu’elle ne soit partie toute seule sans nous prévenir, cela aurait été vraiment triste. Toujours essayant de me libérer, je donnais un petit coup à la figure de mon amie qui se réveilla.

« Désolé... bien dormi ?
- Cha peut aller merci, marmonna-t-elle en baillant. – Hm ? Tu as préparé le repas ? »

En effet, une drôle d’odeur flottait dans l’air, un peu comme des légumes en train de cuire. Rien que le fait de sentir ce fumet réveillait déjà mon estomac, m’indiquant qu’il était déjà plus que l’heure de passer à table. Au moment où nous allions nous lever pour inspecter la cuisine, stalgamin en sortit joyeusement, sautant sur une chaise pour mettre la table. Je poussai un soupir de soulagement, heureuse que Lisou soit toujours là. Elle avait même pris la peine de préparer le diner, j’étais curieuse de gouter à sa cuisine.

En revanche, Lyra réagit différemment. Elle se dépêcha de se lever et vit l’impensable : la pièce était impeccable, tout était propre, rangé, la vaisselle qui s’accumulait depuis plus d’une semaine avait disparu. La jeune fille tomba à genoux, bouche bée.

« T-tu as fait ça toute seule, pendant que je dormais ? Je... je... »

Elle ne savait pas quoi dire. Elle n’osait pas imaginer le temps et la patience que tout ce travail devait lui avoir couté. C’était plus qu’un simple coup de main qu’elle avait apporté à ses yeux, elle était son invitée et elle avait fait tout le boulot. L’adolescente aux cheveux nuit baissa honteusement les yeux au sol, ne sachant pas quoi lui dire.

Arrivant peu après, je dois avouer que je fus très surprise aussi. Moi-même, je n’aurais jamais eut le courage de faire toutes ces corvées seule, peut-être même aurai-je eut des réticences à proposer mon aide. Je savais que Lyra avait un peu de mal à accepter de l’aide, même de ses amis. Elle se démenait toujours pour les autres sans jamais rien demander en retour, cela ne la dérangeait pas, mais la situation inverse était bien plus gênante. C’était juste une personne assez compliquée, il fallait juste savoir comment lui en parler. Je posai fermement une main sur son épaule, la faisant relever les yeux vers moi avant de m’agenouiller à ses côtés.

« Tu es trop surmenée, tu ne prends même pas le temps de te reposer. Laisses-nous t’aider un peu, d’accord ?
- Je sais mais... je sais pas quoi dire.
- Allez, va t’occuper du reste, je vais aider Elise à finir de préparer le repas.
- Oui. Merci infiniment les amies. »

Son visage s’illumina d’un sourire reconnaissant, puis elle se releva et quitta la cuisine pour finir les derniers préparatifs. J’adressai alors un sourire complice à Lisou pour lui dire de ne pas s’en faire et je jetai un œil à ce qu’elle préparait. Elle avait déjà presque tout terminé, il ne manquait que le dessert. Une chance, c’était ce que je préférais faire. Je pris un saladier dans le placard et préparait la pâte. Ce qui faisait le gout de la pâtisserie, c’était un petit écart au niveau de la recette originale. Certains ingrédients en moins grande quantités, d’autres en plus, et un petit ingrédient mystère pour donner la saveur finale. C’était un petit truc que m’avait montré le père d’un ami il y a longtemps, une chance que j’avais plutôt bonne mémoire pour ce genre de choses. Pour ce qui était de la garniture, j’avais toujours des baies fraiches sur moi. Je n’en avais pas beaucoup de chaque, mais il y avait de la variété. Au moins, il y en aurait pour tous les gouts.

« Dis moi, tu as appris à cuisiner où ? Moi je ne suis pas très douée, mais je me débrouille. Lyra n’est pas mauvaise non plus, mais elle fait parfois des recettes... bizarres. J’ai hâte de gouter à ta cuisine en tout cas. »

La pâte prête, je versais dans le moule préparé et à l’avance et mis le four à préchauffer en attendant d’ajouter les fruits. Pommes, oranges, fraises, cerises... il y avait vraiment de tout. J’espérais juste que le mélange serait aussi bon quand on utilisait qu’une seule variété de fruit, mais je ne pense pas qu’il y ait du souci à se faire de ce côté. Allez, plus qu’à enfourner, et nous allions pouvoir passer à table. Il était déjà bien tard, nos estomacs commençaient à crier famine. Bon appétit !

***

Tout était enfin prêt, il était temps de passer à table. Tout le monde s’installait joyeusement tandis que Lisou apportait la casserole fumante. La table est vraiment jolie, on se croirait presque à une réception de gens huppés, cela me gène un peu et Lyra aussi. C’était sans doute l’éducation difficile qu’elle avait subie, il fallait l’accepter. Et puis, cela pouvait avoir de bons côtés aussi.

Elle s’occupa de nourrir les pokémons qui eux aussi avaient droit à leur petite nappe décorée et bien organisée. C’était amusant de les voir tous alignés comme cela face à leurs bols, se tenant droits comme de vrais petits aristocrates. Même Ace et la petite Seria jouaient le jeu, seul Givrali semblait un peu dans la lune. Tiens, Seria n’était pas là ? Elle devait avoir quelque chose à faire ailleurs, je suppose. Cela attrista un peu Lyra de voir qu’elle ne se joignait pas à eux pour ce repas, ce n’était pas tout les jours qu’on avait droit à une telle mise en scène. Enfin, la nature repris bientôt le dessus : Obali engloutit sa part en un temps record et roula autour des autres pour quémander du rab. Quel glouton celui là, j’vous jure...


A voir Elise faire le service et s’assoir raide comme un piquet, Lyra ne peut s’empêcher d’esquisser un sourire gêné. Cela ne serait pas très poli d’éclater de rire ou de se moquer, mais elle ne pouvait pas y rester indifférente. Elle avait vraiment des manières de fille de bourgeois, elle se sentait un peu bête à côté. C’était gentil de sa part de faire autant d’efforts, vraiment, mais ce n’était pas la peine. Toutes ces décorations, cette tenue, c’était déjà bien trop exemplaire pour elle ; non pas qu’elle ait eut une mauvaise éducation, quoiqu’elle n’en ait pas reçu à proprement parler, mais entre amies, elle préférait se détendre un peu. Ce n’était pas le moment de faire attention à tous ces codes que les familles riches avaient entre-elles.

Une fois tout le monde servit, je n’attends pas longtemps avant d’inaugurer la cuisine de Lisou. C’est vrai qu’elle ne se débrouille pas si mal, la cuisson est faite et la sauce délicieuse. Cela m’avait manqué de ne pas pouvoir me cuisiner de vrais repas. Sur les routes, on faisait un peu ce qu’on pouvait, et en ville, la facilité des cafétérias ou fast-foods l’emportait bien souvent. C’était très bon aussi quand on connaissait les bonnes adresses, mais différent. Et peut-être un peu plus dangereux pour la ligne, même si je n’y faisais pas très attention. Etonnant d’ailleurs, de ne toujours pas prendre de poids alors que je passais mon temps à grignoter. Mais je n’allais pas m’en plaindre.

Lisou gouta son plat à son tour. Elle semble assez satisfaite, cela me fait plaisir. Elle se tourne finalement vers moi et répond à la question que je lui avais posée tout à l’heure.

« J'ai appris à cuisiner dans le manoir. Je n'avais pourtant pas le droit d'entrer dans la cuisine, mais je le faisais parce que tout simplement, la cuisine m'intéressait. Mes parents avaient cédés, et j'ai pus prendre des ''cours'' de cuisine.
- Je vois. C’est toujours utile de s’intéresser à tout.
- Tu n’avais jamais été très motivée gouter au neuf pourtant Alizou ~
- N’empêche, elle cuisine mieux que toi, lui répondis-je avec un sourire moqueur.
- Beuh, si j’avais pris des cours ça serait différent. Mais je dois bien avouer que c’est délicieux, tu te débrouilles bien. »

Ah, toujours cette petite manie à jouer avec mes nerfs, sacrée Lyra. C’était un peu agaçant parfois, mais cela faisait partie de sa personnalité. Cela ne m’empêchait pas de répliquer par ailleurs. Et puis, elle n’insistait jamais très longtemps, alors cela restait amusant. Les plaisanteries les plus courtes sont les moins longues, comme on dit.

Le diner se poursuivit tranquillement. C’était tellement bon, cela aurait été cruel de ne pas se resservir. Cette fois, ce fut Lyra qui s’y colla. Toute maladroite qu’elle était, elle faillit même en renverser sur la table. Finalement, elle s’en tira plutôt bien, et repris sa place avec un soupir de soulagement. Elle essayait toujours de faire au mieux, mais à trop essayer, on finissait par se rater. Ou du moins connaitre la peur de l’échec. Mais heureusement, tout cela fut vite oublié à la première bouchée.

Soudain, le minuteur sonna. C’était mon gâteau qui était prêt à sortir du four. Je m’excusai brièvement et me levai pour aller m’en occuper. Le résultat semblait presque parfait : pate dorée à souhait, les fruits légèrement caramélisés sans être cramés pour autant, et une odeur alléchante s’en échappait doucement. J’espérai sincèrement qu’il soit aussi bon qu’il en avait l’air, cela faisait très longtemps que je n’avais essayé cette recette. Je démoulai alors prudemment le gâteau, le présentant sur une grande assiette. Ouf, il n’était pas abîmé. En général, je réussissais presque toujours mes pâtisseries, mais l’expérimentation présentait toujours des risques. Croisons les doigts.

Je rejoignis alors mes amies et les avertis que le dessert était prêt, il ne restait plus qu’à débarrasser et mettre les couverts à dessert. A nous trois, cela fut fait rapidement. J’apportai alors mon dernier chef-d’œuvre, essayant de mimer une présentation de grand chef, de manière un peu ridicule je le conçois.

« Le grand chef Alizire vous présente... son gâteau aux baies exotiques à l’ancienne. Vous m’en direz des nouvelles ! »

A voir l’effet que cela eut sur mes amies, je crois que mon dessert était plutôt réussit. Du moins à première vue. Serait-il aussi apprécié en bouche, c’était le moment de le savoir. Je brandis la pelle à gâteau et coupait huit parts égales, puis demandai à mes amies quelle part elles voulaient servit tout le monde. Parce que oui, avec la variété de baies que j’avais utilisées, toutes les parts étaient différentes et uniques. Encore fallait-il savoir à quoi était chacune, car ce n’était pas toujours évident de deviner. Il allait falloir gouter pour savoir. Alors Lisou, laquelle prendras-tu ?

Les amères ? Je ne savais pas qu’elle aimait ce genre de choses. Pas que ce soit mauvais, moi-même il m’arrivait d’en manger de temps à autre, mais c’était rare de voir quelqu’un aimer ça. Cela me fait sourire de la voir les étoiles dans les yeux lorsque je la sers, elle a l’air vraiment impatiente. Lyra en prend une avec beaucoup de baies acides, elle adore ça aussi, et moi je prends celle à la cerise. Sans plus attendre, nous commençons toutes la dégustation. Je commence par prendre un petit bout pour voir la pate est bien réussie comme je l’espérais : croustillante et sucrée, juste ce qu’il faut. J’esquisse un petit sourire de satisfaction, contente du résultat.

« Alizire, les baies sont délicieuses ! Et la pâte est croustillante et légèrement sucrée, ça fait longtemps que je n'ai pas pus goûter à un dessert comme ça !
- Ah... euh... merci.
- Doucement Elise, tu vas la faire rougir ~ »

Elle avait raison, mais rien que le fait de lui dire cela m’empourpra encore plus. Je n’avais pas l’habitude de recevoir des compliments, et la voir s’enflammer de la sorte était assez embarrassant. Je ne pouvais pas lui reprocher, sans doute que je lui aurais voulu si elle n’avait rien dit, mais je me sentais un peu ridicule à rougir aussi facilement. Du coup, je me rabattis sur ma part de gâteau pour faire passer ma gêne, évitant de croiser le regard des deux autres. Mais au fond, j’étais heureuse que le gâteau leur plaise. C’était une belle récompense.

D’ailleurs, aucune ne se fit prier pour demander une deuxième part. Même les deux qui restaient après cela ne firent pas long feu, autant qu’il n’y ait pas de restes. Une fois le dessert terminé, nous débarrassions la table et Lisou nettoya tout avec une ardeur impressionnante. C’était bizarre de la voir s’impliquer autant, elle qui était si timide avant d’arriver ici. Cette journée l’avait profondément changée, je crois. Peut-être n’avait-elle pas eut beaucoup d’amies d’où elle venait. Moi non plus, et pourtant... avais-je changé à son contact aussi ? Peut-être lui demanderai-je, un jour...

Dix minutes plus tard, tout était propre. Je m’étirais et me laissai tomber sur le canapé, jetant un coup d’œil à mon portable pour voir l’heure qu’il était. Presque de 23h... en effet, il commençait à se faire tard. Etonnant que nous ne soyons pas tous fatigués après cette journée... sans doute la sieste de tout à l’heure. Je commençais à somnoler quand je vis Lyra qui sortait de la salle de bain. Elle était déjà en pyjama et sortait de la douche visiblement.

« J’ai fait coulé un bain, ça vous dit ? Vous devez pas avoir souvent l’occasion d’en prendre à toujours être sur les routes.
- J’avoue que je ne dirais pas non à ça. Tu y vas d’abord Lisou ?
- Regarde-toi, tu es en nage à travailler autant. Va te détendre un peu dans l’eau. Alizou, tu viens m’aider à installer les matelas ?
- Ok. »

J’attrapai la main qu’elle me tendait pour me relever et marchai telle un zombi jusqu’à la chambre. Trop fatiguée pour surveiller ma tenue ce soir, je n’attendais que mon tour pour me laver et aller sombrer dans un profond sommeil. Le matelas qu’elle avait réussit à dégoter était plutôt grand, un deux places qui était largement suffisant pour nous trois, et quelques oreillers ainsi qu’une grande couverture bleu pastelle avec des motifs de fleurs et de vagues azur. Lyra avait bien son lit de fait à côté, mais la connaissant, elle allait s’en passer pour cette nuit. Les quelques fois où j’étais venue chez elle dans le passé, nous avions dormit ensemble aussi. Il faudrait juste se serrer un peu plus avec Lisou cette fois, mais nous étions un peu comme une famille à présent.

Tout fut rapidement installé. Au moment sortir de la pièce cependant, quelque chose m’arrêta. Je m’approchai doucement de la fenêtre et m’accoudai au rebord, fixant la lune qui paraissant presque pleine aujourd’hui. La voute céleste s’était finalement dégagé, laissant place à un magnifique ciel étoilé. Je restai ainsi plusieurs minutes, avant que la présence de Lyra à mes côtés ne me tire de mes rêves.

« Tu la vois ?
- Oui... je suis tellement heureuse...
- Moi aussi... mais elle peut attendre encore un peu, tu sais ? »

Je lui lançai un regard interrogateur auquel elle répondit avec un sourire complice. Ah oui, je devais encore prendre mon bain et me changer... j’espérais que Lisou ait bientôt terminé. Une fois que nous serions toutes réunies, elle ferait vraiment partie de la famille. Lyra aurait enfin une petite sœur, elle avait toujours été avec des personnes plus âgées qu’elle. Peut-être parce qu’elle était plus mûre pour son âge, et qu’elle avait eut des amis pour la soutenir quand elle en avait besoin. En quelques sortes, j’étais fière de faire partie de ceux là.


C’était un peu plus tard dans la soirée, un peu avant qu’Alizire n’apporte le dessert... Givrali semblait ailleurs, perdu dans ses pensées. Soudain, une douce mélodie parvient à ses oreilles. Faible, presque imperceptible, venant de dehors. Est-ce Sylvia qui l’appelle ? Elle semble venir du ciel... Attiré par ce son envoutant, le pokémon glace sortit de l’appartement. La musique se faisait plus forte, plus audible. Il se laissa guider par le son, gravissant les étages uns à uns, et finit par arriver sur le toit. Elle était là, à l’attendre, jouant de sa feuille lumineuse pour lui.

« Désolé de t’avoir fait attendre. Viens, approche... »

Elle prit alors appui sur une caisse pour aller sur percher au dessus de lui, à l’endroit le plus haut du toit. L’air était frais, un peu glacial peut-être en cette saison, mais restait agréable. La phylalli leva les yeux au ciel, regardant les étoiles et la lune en attendant que givrali ne la rejoigne. De son perchoir, on pouvait voir toute la ville. Parée de tous ceux feux multicolores, la ville avait un tout autre aspect vu de haut. Au loin, on pouvait aussi voir les lumières des villes voisines, plus grandes encore que celle-ci, à travers champs et pâturages qui les séparaient.

« Tu vois ? C’est ma ville... c’est là où j’ai grandis, où j’ai mes racines... Elle tourna la tête vers lui, ses oreilles s’agitant doucement sous le vent. – Tu me demandais pourquoi je ne pouvais pas partir... je ne suis pas certaine de le vouloir. Mais tu sais... je n’ai pas de motivation dans la vie. J’aimerais voyager et devenir musicienne c’est vrai, mais jusqu’à ce jour, je n’avais pas encore trouvé l’inspiration. »

L’inspiration... qu’entendait-elle par là ? L’amour, peut-être ? Elle se rapprocha doucement du pelage froid du pokémon poudreuse et se blottit contre lui, fermant les yeux. Peut-être rester avec lui et cette autre fille qui semblait si propre de son amie ? Elle y avait songé l’espace d’un instant. Mais le pourrait-elle ? Sinon, elle irait avec Lyra et le reverrait quand leurs chemins se croiseraient de nouveau. Il y avait tant de possibilités, laquelle choisir... ?

***

Lorsque Lisou entra dans la chambre, Lyra était toujours là, accoudée au rebord de la fenêtre, fixant le ciel étoilé. L’adolescente ne cilla pas, attendant que la curiosité la pousse à venir d’elle même. Une fois qu’elle l’eut rejointe, elle se décida enfin à briser le silence qui s’installait dans la pièce.

« Dis, tu aimes regarder les étoiles le soir ?... Dans la famille, on les regardait souvent ensemble fut un temps. Elle marqua une pause, puis pointa du doigt une étoile à travers le carreau. – Tu la vois ? C’est notre étoile, celle qui veille sur nous et nous protège. La fille aux cheveux de nuit retira alors sa main et se tourna vers Lisou pour la regarder dans les yeux. – Je pense que tous les liens entre humains sont sous l’égide d’une étoile. Renzia, c’est ainsi que se nomme la notre. »

Elle resta ainsi quelques instants, lui laissant le temps d’analyser toutes les informations qui venaient à elle. Un silence mystique s’installait. Les questions devaient se bousculer dans l’esprit de la jeune fille, mais c’était comme si l’atmosphère qui régnait dans la pièce lui interdisait d’ouvrir la bouche. Lyra lui prit alors les mains et l’entraina sur le matelas, l’invitant à s’asseoir face à elle. L’expression grave sur son visage lui signifiait qu’elle allait lui confier quelque chose de très important.

« Laisse-moi te conter notre histoire... Au commencement, nous étions trois amis. Ils comptent énormément pour moi, plus que quiconque. Ils sont comme la famille que je n’ai pas eut, Alizire a toujours été comme une sœur pour moi. Il y a beaucoup de choses qu’elle ne te dit pas, des secrets très durs, mais je sais que tu peux compter sur elle. Elle marqua une petite pause. Ses yeux brillaient faiblement, comme si les larmes lui venaient. L’émotion faisait trembler un peu sa voix, d’une manière presque imperceptible mais réelle. – Ensuite… je suis sûre que tu te demandes qui est le troisième membre. Il s’appelle Shim. C’est quelqu’un de très spécial, j’aimerais beaucoup que tu le rencontres, mais on ne s’est pas revus depuis longtemps... C’est lui qui a donné son nom à l’étoile. Et c’est aussi grâce à lui que nous étions tous réunis sous les étoiles, cette nuit d’été quand nous avons formé cette famille, la veille du jour où j’ai du partir. Au bout du chemin où nous nous sommes rencontrés cet après midi, il y a un vieux manoir. C’était notre point de rendez-vous. Je suis certaine qu’un jour, on s’y retrouvera tous les quatre pour revivre cet instant, acheva-t-elle en tournant à nouveau la tête vers la fenêtre. Elle esquissa un sourire satisfait, heureuse de l’attention que Lisou avait porté à son histoire, et ajouta en guise de conclusion. – Si le soir tu regardes les étoiles à l’avenir, cherche la notre dans le ciel. Il pourrait t’arriver quelque chose d’intéressant, qui sait ? »

Un bruit de pas l’arrêta. Elle se tourna vers la porte entrebâillée, guettant l’arrivée d’Alizire. Elle en avait finit avec son bain, le timing était parfait. Prête à rejoindre officiellement la famille ?


J’arrivais dans le salon avec mes affaires, Lisou était déjà sortie. Tiens, elle ne s’était pas changée ? Je n’aimais pas trop réutiliser les mêmes vêtements pour dormir quand j’avais transpiré dedans, c’était désagréable. Si elle n’avait pas de pyjama, Lyra aurait pu lui en prêter un... je suppose qu’elle ne voulait pas trop abuser de son hospitalité non plus. Elle semblait déjà plus à l’aise après son bain en tout cas. Ses pokémons étaient tous là, sauf Givrali, cela semblait l’inquiéter un peu. C’est vrai que je ne l’avais pas revu depuis le repas... mais je ne pense pas qu’il se soit enfuit. Il reviendrait. Moi, cela faisait bien longtemps que je ne m’inquiétais plus pour mes pokémons, ils savaient se débrouiller. Cela aurait sans doute été un peu plus compliqué sans la présence Xya, elle était leur meneuse et leur responsable bien plus que moi. Qu’est-ce que cela pouvait être agréable d’avoir quelqu’un à qui faire confiance... oui, je ne m’en sortirais pas sans elle. Je m’approchai alors doucement d’elle et lui murmurai à l’oreille :

« Ne t’inquiète pas, je suis sûr qu’il va bien. Lyra est dans sa chambre, elle t’attend. Je vous rejoins dès que j’ai fini. »

J’accompagnais ma phrase d’un petit sourire discret avant d’entrer dans la salle de bain. Toute cette mousse parfumée, cette eau chaude fumant doucement... depuis combien de temps n’avais-je pas pris de bain ? Je crois que je m’étais toujours contenté de douches jusqu’à présent, plus ou moins rapides selon le temps, mais il m’arrivait parfois de m’endormir sous l’eau chaude en me perdant dans mes pensées. Alors là, j’étais certaine de sombrer.

Je détachai mes longs cheveux châtains et me déshabillai avant de plonger dans l’eau bouillante. Si chaude, c’était tellement agréable... elle aussi aimait l’eau brûlante à souhait ? On me reprochait souvent de mettre l’eau trop chaude sous la douche dans mon enfance, tellement que j’en sortais souvent la peau rougie, et c’était encore vrai aujourd’hui. Enfin, pas au point de m’ébouillanter, mais plus froid en devenait presque glaçant. Une fois installée confortablement, allongée de tout mon long et la tête posée contre le rebord, je me laissai aller à cette sensation de bien-être et fermai les yeux.

Où allai-je aller, après cette belle soirée ? J’avais envie d’oublier ma vie, tout le reste, et d’être simplement heureuse dans l’instant présent, mais je n’y parvenais pas. Cela faisait déjà longtemps que j’avais quitté ma famille, j’avais acquéri beaucoup d’expérience en tant que dresseuse mais j’avais aussi rencontré des personnes qui avaient pris une importance que je n’aurais pas imaginée en à peine une soirée. Lisou... si froide à notre première rencontre et pourtant si gentille. Elle avait changé depuis. Lyra également. Il n’y avait que moi qui restais au point mort. Toujours pas la moindre idée de quoi faire de ma morne existence, quelle incapable...

Je bloquai alors ma respiration en plongeai la tête sous l’eau, demeurant ainsi quelques instants. Idiote, idiote ! Vas-tu te décider à évoluer un jour ? Je me répétais inlassablement ces encouragements qui ressemblaient plus à des remarques méprisantes à mon gout. Les gens ne le disaient pas clairement, mais je savais encore lire le sens caché derrière les mots, je n’étais pas si stupide. Je sortis alors la tête de l’eau, inspirant une grande bouée d’air frais et reprenant mon souffle. Ah, c’est vrai, elles devaient m’attendre. Je ne pouvais pas gâcher cette soirée pour quelque chose d’aussi futile. Laissons l’avenir au bon hasard la chance, et advienne que pourra. Je me savonnai rapidement puis me rinçai et sortis de la baignoire. Je m’essuyai ensuite avec une serviette et l’attachai autour de mon corps, entreprenant de sécher ma tignasse brune. Cela prenait un certain temps, si je les séchai trop fort ils devenaient un peu raides et c’était désagréable. J’enfilais ensuite un pyjama mauve un peu ample et sortis de la pièce, me dépêchant de rejoindre mes deux amies. Toutes deux étaient assises en tailleurs sur le matelas, face à la fenêtre, regardant les étoiles. M’entendant arriver, Lyra tourna la tête vers moi et me sourit.

« Désolée d’avoir pris autant de temps.
- Ne t’en fais pas, ‘faut savoir prendre son temps parfois. Eh puis, ça m’a laissé le temps de lui raconter notre histoire. »

Je lui souris à mon tour. Notre histoire, hein ? Je me demande quel effet cela lui avait fait. Pour moi, cela avait l’allure des vieilles légendes orales que l’on transmettait à travers les générations autrefois. Quelque chose qui se perdait, malheureusement. Je m’assis à côté de Lisou sur le matelas et levai les yeux vers la fenêtre. L’étoile était toujours là, plus rayonnante que jamais. Je tendis alors ma main ouverte vers elle, comme essayant de l’attraper utopiquement. Lyra fit de même, posant sa main sur la mienne puis la refermant doucement sur elle, intimant à Lisou de faire de même. Lorsqu’elle eut joint sa main aux autres, bras tendus vers le ciel étoilé, je rougis légèrement et un frisson me parcourut. Quelques secondes s’écoulèrent, puis l’union se détacha, et nos regards ses croisèrent.

« Bienvenue dans la famille, petite sœur. »

L’adolescente aux cheveux nuit laissa éclater sa joie et se jeta dans ses bras, avant de m’attraper aussi pour me joindre à ce débordement d’affection. Je l’enviais parfois, d’être aussi spontanée et de pouvoir oser ce genre de choses sans en être gênée. Mais elle faisait partie de la famille à présent. Notre quatrième membre, Renzia... Veille sur elle, s’il te plait.

Après une longue étreinte durant laquelle le temps semblait avoir suspendu son cours, je restais à la regarder quelques instants, les larmes aux yeux. Mais j’étais heureuse. C’était des larmes de joie, cette fois. Nous remîmes les oreillers et la couverture en place avant de nous installer pour dormir. Il était grand temps, il faudrait reprendre la route demain, même si aucune de nous n’en étais réellement pressée. Je me glissai dans la place centrale entre mes deux amies, chacune se souhaitant bonne nuit, et restai encore quelques longues minutes à regarder le halo de lumière bleuté tombant de la fenêtre. Lyra s’endormit presque aussitôt contre moi, je sentais la chaleur de son corps m’irradier doucement. Je tournai alors la tête avec Lisou et murmurai faiblement :

« Lisou, tu dors ?... je... merci. »

Aucun autre mot ne me vint pour exprimer ce que je ressentais. De la gratitude, pour avoir été une amie, chose qui devait difficile à trouver par les routes à notre époque. Pour tous les efforts qu’elle avait fait avec Lyra, et d’avoir révélé une part surprenante de sa personnalité. Et aussi... pour que ce lien que nous avions créé ce matin dure pour l’éternité.



Toujours blottie contre Givrali, Sylvia entendant le cœur du pokémon glace marteler sa poitrine. C’était mignon de le sentir perdre tout son sang-froid comme cela, il n’avait pas l’habitude du contact physique. Elle sent sa queue froide s’enrouler entour de la sienne et rougit discrètement. La féline n’avait pas encore passé de moment aussi émouvants de vie, c’était une expérience nouvelle pour elle aussi.

« Tu pense qu'un jour nous nous reverrons ? J'aurais tellement aimé que tu viennes avec nous, mais je comprends très bien que tu veuilles rester ici. Mais si tu as envie de gouter à l'aventure et que tu as enfin trouvé ton imagination... Alors part. Lyra à l'air de t'aimer beaucoup, et tu l'apprécie aussi, alors pourquoi ne pas l'accompagner ? »

Elle ria discrètement. Inspiration, imagination. Il devait l’avoir mal comprise, elle n’avait pas été assez claire. Mais peut-être était-ce mieux ainsi. Elle n’avait pas besoin de mots pour lui dire qu’elle tenait à lui, et que ce sentiment était réciproque. Quand il lui donna sa petite léchouille sur le front, elle ne sut pas trop comment réagir. Cela la troublait un peu, elle ne pensait pas qu’il oserait faire ce genre de choses. Mais cela lui convenait aussi. Et enfouis un peu plus son museau dans la fourrure brillante du pokémon glace et murmura :

« Ne t’inquiètes pas. Quand le moment sera venu, je partirais. Et nous nous reverrons. Je t’en fais la promesse. Et comme pour joindre l’acte à la parole, elle leva la tête et lui donna une léchouille sur le museau à lui aussi. Elle laissa échapper un petit rire bienveillant face à son expression de surprise, puis se leva et fit un pas en arrière. – On ferait mieux d’y aller, il est tard. On rentre ? »

Demain, ils devraient se séparer eux aussi. Mais il leur restait encore quelques heures à passer ensemble, et elle n’avait pas envie que lui dire au revoir maintenant. C’était peut-être brûler les étapes que de se faire une telle promesse à peine rencontrés. Mais les moments qu’ils avaient passé ensemble resteraient à jamais gravés dans son cœur de pokémon. Bonne nuit, Givrali...

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