Owen avait manqué d’hurler de joie en constatant le merveilleux score d’Alizire, elle avait eu ka grande chance de ne pas faire un double, qui en fin de partie était plus synonyme de « nouveau danger mortel susceptible de nous empêcher de survivre » que d’ « avancée plus rapide ».
En soit l’énigme qui accompagnait ce jeter était des plus évidentes, afin de bien ménager le suspense on faisait toujours revenir les principaux antagonistes avant le dénouement, permettant de boucler l’affaire de façon spectaculaire. Le fait que ce drôle de jeu auquel il se livrait puisse être aussi pervers que la plupart des scénaristes "compétents" n’étonna même pas Owen, si on avait du lui poser la question un peu plus tôt, ou s’il avait lui-même été au commande de cette sale farce, il aurait sans doute pensé à un bouquet final du même genre. D’abord le volcan et son imminente éruption, maintenant les Méganocifs.
Il n’était pas un grand expert des bestioles horrifiques, à vrai dire le cinéma et la fiction d’épouvante ça n’avait jamais vraiment été son truc –bien qu’il en connaisse les principaux schémas- mais il savait reconnaître un monstre quand il en voyait un. Surtout qu’il était bien desservi, deux pour le prix d’un, plus hideux et écœurant l’un que l’autre, tout droit sortis de l’imagination malsaine d’un jeu plus dangereux que Rockets et Quetzacoalts réunis.
La mer de sable s’était étendue de façon exponentielle coupant toute possibilité de retraite, avalant les arbres t tous les autres éléments du décor carbonisé, en un instant il n’y aurait sans doute plus aucune trace de la colonie de Fermite. Mais était-ce bien important que ça se fasse ainsi alors même que des nuées ardentes seraient bientôt là pour tout dévaster ?
Perdus dans cette immensité, sauvés par leur seul petit îlot de verre, quelle n’avait pas été la surprise des quatre aventuriers quand sorties de l’enfer les créatures cauchemardesques avaient d’un rugissement fait part de leur présence écrasante.
Dans un élan d’inspiration Kyo eut la bonne idée de s’emparer des dés, sous les yeux spectateurs d’Owen et de Tristan qui a ce stade de la partie ne pouvait plus faire grand-chose que de lui accorder toute confiance et prier pour lui. Si ce n’est peut être tenter de repousser les deux immondes bêtes, mais c’était bien pire qu’un combat de David contre Goliath, d’autant que leur plateforme déjà bien occupée, ne pourrait accueillir d’autres combattants.
Mais à quelques minutes de la mort, se posait-on vraiment ce genre de question ?
"
Démolosse ! "
Percevoir les mauvaises intentions briller dans les yeux de ses adversaires, juste avant qu’ils ne frappent, afin de se donner un avantage, voilà ce qu’était capable un bon agent Rocket. Et bien que ce titre ne saille guère à Tristan, il fallait lui reconnaître un instinct des plus aiguisés.
Déclenchant son attaque Feu d’enfer à quelques centimètres du visage du Méganocif le plus proche, le chien des enfers dévia brusquement la trajectoire de la déjection gastrique qu’il s’apprêtait à faire pleuvoir sur Kyo et le plateau de jeu ; il avait réussi à l’impressionner une demi-seconde, pour le blesser et le faire se reculer ce serait une toute autre paire de manche.
L’immense créature avait beau elle aussi s’empêtrer dans la mer de sable, elle avait encore assez de marge pour venir leur chatouiller les narines de sa délicate haleine de pourriture.
Ce qui n’était pourtant pas prévu dans l’affaire, c’était le fait que l’acide gastrique soit à ce point corrosif qu’il n’en fasse exploser le verre… et tous leurs espoirs du même coup.
Le jeu comme les joueurs furent soufflés par l’explosion, projetés sans pouvoir de contestation dans le sable qu’il ne maîtrisait plus. Déjà des nuages de cendres avaient complètement recouvert le ciel, la luminosité était au plus bas mais la chaleur ambiante continuait d’augmenter de façon drastique, devenant insoutenable même pour les plantes tropicales. L’odeur immonde dégagée par les monstrueuses créatures préhistoriques faisait naître vertiges et étourdissement, les cinq sens des protagonistes s’effaçaient peu à peu derrière un tableau de fin du monde.
Et pire que tout, le sable les engloutissait sans qu’ils ne puissent se débattre, Démolosse ne semblait plus en état de reproduire son précédent exploit. Ils s’enlisaient… le jeu avec.
Ce n’était pas la première fois qu’Owen voyait la mort d’aussi près, il n’en était pas pour autant moins crispé. Après tout, qui aimerait finir sa vie dans un immense bac à sable ?
Il réussit pourtant, et par on ne sait trop quelle compétence olympienne, à rester des plus calmes, essayant de trouver le courage de croire jusqu’au bout. Exercice bien difficile quand il s’agit de confier sa vie à un parfait inconnu… Mais qu’aurait-il pu faire d’autre alors que tout se jouait dans un dernier lancer de dés. C’est bien cruel de faire tenir toutes ces vies à la simple réussite du jeter de deux morceaux de bois sculptés, mais comment décrire autrement cet instant ?
Doute.
Peur.
Foi.
Angoisse.
Confiance.
Appréhension.
Et encore beaucoup d’autres mots qui ne se raccrochent qu’à un seul espoir : survivre.
Tombé sur le dos, déjà avalé de moitié par l’étendue mouvante, pareil à une tortue qui retourné n’est plus maîtresse de son destin, l’ancien détective savait bien que tout mouvement ne le méneraitq u’un peu plus rapidement vers sa fin. La tête penchée, il arrivait à peine à voir Kyo accroché à un morceau encore intact de leur îlot. Il distinguait à peine la voix d’Alizire ; il se sentait brûler, à l’intérieur, comme à l’extérieur, consumé par l’impuissance.
L’autre se projeta dans le sable, pour se saisir des dés qui étaient tombés dans le feud e l’action. Il n’était plus rattaché à sa bouée de secours, il venait de sacrifier sa sécurité passagère pour tenter une dernière action. Peut être était-ce l’équivalent d’un suicide, peut être que par cette action il les sauverait tous.
Perdant peu à peu conscience, Owen sentait à peine les grains de sables qui pénétraient dans ses vêtements alors que ces derniers commençaient à lui brûler le cou. Il n’était à présent presque plus qu’une tête. De sa vision périphérique, il ne put tirer que la vision d’un des deux Méganocifs en traind e trébucher, empêtré par la malédiction de la mer de sables, tombant sur son compagnon et les faisant tout deux s’écrouler violemment alors qu’en arrière-plan le volcan continuait d’éructer, déchargeant sur le monde toute sa colère.
L’espion Rocket put encore voir les dés s’élever, voler, planer, se faire envoyer dans l’étendue désertique. Leur destination lui était invisible, mais dans ses dernières lueurs de conscience, il focalisa essentiellement son attention sur le lanceur.
Cet homme aux cheveux bleus, qui les veines saillantes tant il était concentrait, fixait un point inconnu, tellement contenu qu’il semblait pouvoir exploser à tout instant. La sueur perlait sur tout son visage, autant due à la température d l’air qu’au stress qu’il s’imposait.
C’est alors que dans un dernier souffle, tandis que les paupières d’Owen devenues trop lourdes commençaient à se refermer, qu’il adressa un dernier message au jeu que le Rocket put lire sur ses lèvres.
"
... ju... JUMANJI !"
***
Le mont Argenté est connu pour être l’un des lieux les plus froids de toute la région de Kanto et celle de Johto, parfaite jonction entre les deux grandes ligues, il était monnaie courante de s’y faire surprendre par blizzard et avalanche. Le lieu n’était pas comparable avec la route de glaces séparant Acajou d’Ebenelle, ici les conditions climatiques étaient bien plus rudes et ne pouvaient survivre que les plus forts et les plus en fourrures.
Ne pas être assez couvert, c’était risqué sa vie… mais également un réveil brutal.
"
Qu’est-ce que ?!"
Allongé dans la neige, grelottant, Owen avait soudainement repris conscience. Les sens en alerte, il s’était brutalement relevé pour tenter de guetter le moindre danger alentour mis tout ce qu’il remarqua c’est qu’il était en train de friser l’hypothermie. Il s’empressa de réenfiler son imperméable qui lui permit de mieux supporter la situation actuelle, mais ce n’était toujours pas ça… Au moins, il serait en état de survivre.
Survivre…
Le Jumanji… Le volcan… Les Meganocifs… La mer de sables…
Tristan ! Alizire ! Kyo !
Son regard se posa tout d‘abord sur le paysage qui s’était complètement restauré, parfaitement égal à ce qu’il était avant que lui et la jeune fille n’entre dans cette mystérieuse grotte. Ensuite, il porta sa main à sa ceinture pour s’assurer que ses compagnons étaient encore là pour tout de suite se mettre à marcher, espérant trouver les trois autres infortunés.
Il se rendit alors peu à peu compte qu’il connaissait l’endroit dans lequel il avait atterrit, et en eut la confirmation lorsqu’il trouva l’hélicoptère qu’il avait emprunté pour gagner les hauteurs. Démolosse et Tristan y était affairé, semblant chercher prestement quelque chose. Lorsqu’il l’aperçut, son visage s’éclaira.
"
OWEN ! Oh purée, j’ai cru qu’on allait y passer et je--
Tu as vu les deux autres ?-
Hum… non… Tu veux qu’on les cherche ? Si on est là tous les deux, ils doivent bien être quelque part, d’une façon ou d’une autre on a du vaincre ce jeu ! "
L’aîné resta pensif quelques instants. Si eux avaient été renvoyé à leur lieu de départ, il en était sans doute de même pour les deux autres, et vu qu’au commencement chacun venait d’une direction différente, ce serait peine perdue que d’essayer de les retrouver dans un si vaste endroit.
À vrai dire, il avait même un peu de mal à ne pas essayer de se convaincre que tout ça n’avait pas été qu’une vaste hallucination collective. Mais au fond de lui, il sentait encore les battements de tambours qui avaient rythmé cette partie infernale de trompe-la-mort.
Le Jumanji. S’il en parlait, il passerait probablement pour un fou. Une expérience qu’il n’était pourtant pas près d’oublier, mais qui le convainquait au moins d’une chose : quand viendrait la fin, il se battrait jusqu’au bout.
Tournant les talons pour entrer dans l’hélicoptère, il donna enfin sa réponse.
"
Ils devraient pouvoir se débrouiller, quant à nous je pense qu’on devrait rentrer."
L’autre ne protesta même pas.