L'ambiance est sereine au tout nouvel établissement d'Oliville. La faute à sa récente ouverture ? Ou bien est-ce dût à l'apparence du débit de boisson ? Sans doute les deux. L’extérieur aussi bien que l'intérieur inspirent à une saine tranquillité. Les murs porteurs en bois vieillit, les fenêtres aux carreaux rouges et transparents, l'enseigne en haut-de-forme qui se balance mollement au-dessus de la porte... On jurerait que cet endroit fut construit des dizaines d'années plus tôt, pourtant il n'avait pas une semaine. Une indéniable sensation de chaleur vous envahissait à l'approche de ce bâtiment. Un charme vétuste et posé.

A l'intérieur se concrétisaient toutes vos envies de nid douillet. La lumière rougeâtre diffusée par le lustre en verre teinté de pourpre, les oscillations entêtantes des bougies disposées sur les tables et le bar. Un bar en bois massif, devant lequel des tabourets en acier et rehaussés de cuir rouge s'alignaient, et d'où l'on pouvait voir une respectable réserve d'alcools variés. Le long du mur adjacent à la porte, des banquettes assorties à l'environnement, et au milieu de la salle, deux tables en bois entourées de chaises carmines. Dans le coin opposé au bar, épousant l'angle, une scène sans prétention dominait la salle. Disposés sur celle-ci, un piano noir, une batterie et une contrebasse. Les musiciens n'arriveraient que dans quelques jours.

Au beau milieu de ce spectacle immobile, le maître des lieux, Alceste Hipsies, terminait de nettoyer les verres à l'aide d'un torchon éclatant. Il était vêtu de sa chemise blanche, agrémentée d'un gilet et d'un nœud papillon. La température était propice à la consommation, ni trop basse ni trop élevée. Ce soir était le premier soir du Fancy, et la seule clientèle était celle d'un jeune couple éclairé à la chandelle. Derrière le bar, aux pieds du patron, Lineon somnolait, la tête entre les pattes. Il était ravi de son nouveau chez lui : tout comme son dresseur, il aspirait à un cadre de vie comme celui-ci.

Par dessus ses lunettes rectangulaires, le barman observait ses jeunes clients roucouler autour d'un de ses meilleurs whisky. Offert par la maison. Ils étaient les premiers à le visiter, pas question qu'ils repartent avec un mauvais souvenir. Un sourire se dessina sur son visage, tandis que son Pokémon soupirait d'aise. Ils n'auraient pas pu rêver mieux.

Lorsqu'il entendit la porte grincer, Alceste releva la tête en direction de l'entrée, tandis que Lineon dressait l'oreille. Une nouvelle cliente. La troisième depuis l'ouverture du club. Elle rangea son Luxio dans sa ball avant de se diriger vers le bar. Tandis qu'elle s'installait sur l'un des tabourets, le patron lui adressa un sourire courtois, que lui rendit la visiteuse en même temps que sa commande.

"Bonjour ! Un irish coffee s'il vous plait !
-C'est partit pour un Irish Coffee."

Le barman fit volte-face et saisit une bouteille de bourbon sur l'étagère à alcool. Il en versa quelques gouttes dans un verre spécialement conçut, y ajouta un filet de sucre de canne, et emmena la mixture avec lui. Il se dirigea ensuite vers sa machine à café étincelante. Il tourna quelques boutons, mit la mécanique en marche, et sortit d'un sachet brun un peu de poudre noire, qu'il versa dans l'orifice prévu à cet effet. Puis il plaça là où il devait être le verre préalablement préparé, et enclencha le processus. Une légère vibration parcourut l'engin, puis un café profondément noir s'écoula dans le récipient. L'alcool et le sucre tièdes se mélangèrent violemment avec le jus brûlant, ce qui donna au cocktail une belle teinte ambrée. Puis il rapporta la boisson devant sa cliente, avant de plonger sous le bar. Il en ressortit quelques secondes plus tard avec un pot de crème fraîche légèrement battue. Il en déposa trois cuillerées sur la surface du Coffee. Le tout formait un nectar doré surplombé d'un nuage blanc en train de fondre. Il tendit la préparation à sa cliente.

"Ce soir, c'est la maison qui offre."

Avant de lui adresser un clin d’œil. Après tout, elle aussi était venue avant tout le monde. Pas de raisons qu'elle aussi ne profite pas de l'ouverture, au même titre que son petit couple. Un couple qui venait de terminer sa consommation, et qui remettait déjà ses manteaux. Ils vinrent tous deux serrer la main d'Alceste avant de quitter l'établissement.

"Alors dîtes-moi, qu'est ce qui vous amène à la plage avec un froid comme celui-ci ?"

Il avait entamé la conversation comme si la consommatrice était déjà une habituée, sans grande cérémonie, tout en poursuivant le nettoyage de ses verres. Il ne regardait pas vraiment son interlocutrice, mais lui jetait de temps à autre un coup d’œil. Un laps de temps que Lineon mit à profit pour sortir de son repaire pour aller se loger au pied de la scène, à l'opposé du comptoir. Il traversa la salle d'un pas tranquille, en prenant soin de ne pas rayer le plancher avec ses griffes acérées. Il ne daigna détailler la nouvelle venue qu'à son arrivée. Il lui jeta un regard perçant, avec ses deux yeux bleus. Des yeux qui scintillaient d'intelligence et de force. Sans avoir besoin de le voir, le barman sentit la curiosité inquisitrice de son Pokémon. Aussi il lui adressa un signe de tête pour lui indiquer qu'il n'avait rien à craindre.