Félicitations, vous êtes dans la merde [PV Abel][FINI]

La neige tombait faiblement sur Rosalia ce jour-là. Quelques timides flocons atterrissaient sur le décor, n'étant pas assez nombreux pour le blanchir totalement, mais néanmoins l'humidifier. La température ambiante n'était pas désagréable, du moment que l'on sortait bien couvert. Une légère brise venait caresser de sa main glaciale le visage de la silhouette sinistre qui se tenait debout parmi les décombres.
Telle était la vision que l'on pouvait actuellement avoir de l'ancien Quartier Général des Rockets. Des bouts de tôle siégeant çà et là, des fondations éclatées, du béton armé fragmenté un peu partout... il n'y avait plus aucun édifice debout; plus de toit, plus de colonnades pour le soutenir non plus...

Un simple amas de matériaux brisés. Voilà ce qui restait de l'un des endroits les plus secrets et dangereux de Kanto. Tout cela grâce à la volonté seule d'une gamine orpheline...

Un soupire se fit, et des pas retentirent. Sakaki marchait d'un pas lent, prenant soin de notifier tous les détails qu'il pouvait se rappeler de l'édifice avant sa destruction. Il visualisait comment il était avant, et se demandait ce qui pouvait être amélioré pour la construction future d'une autre base.

Cette petite activité occupa l'entier de ses pensées, jusqu'à ce que d'autres bruits de pas pressés vinrent contraster aux siens et qu'une voix vint briser le silence régeant...

"Boss ! Le pigeon a été envoyé !"

Le concerné ne bougea pas un petit doigt et poursuivit son étude analytique, mais daigna quand même répondre au coursier Rocket.

"Bien. Il ne va pas tarder, alors. Rompez."

Sans attendre mots de plus de la part de son patron, le sbire s'en alla pendant que Giovanni s'accroupit pour ramasser un morceau de ce qui était un fossile Pokémon qu'il venait de repérer. Ses pensées désormais étaient occultées par le "Il". Plus précisément; Abel Kujaku. Depuis le départ de Garth, il avait longuement réfléchi... à qui serait apte à la remplacer. Bien entendu, son équipe scientifique contenait encore des savants datant même de l'époque de Madam Boss, qui étaient prêts à tuer pour s'octroyer un tel honneur mais... ce n'était pas le genre de personnes qu'il fallait selon Giovanni pour gérer le Département des Sciences. Il ne fallait pas un taré supplémentaire qui serait prêt à détruire le monde dans le seul but de voir sa soif de connaissance assouvie. Non. Il fallait un esprit jeune, qui pouvait voir le changement et qui était dépourvu de ce genre d'ambition. Naturellement, le choix d'Abel était venu à son esprit. Malgré leurs différends, et le fait que le jeune Kujaku n'hésiterait pas à le trahir, il le savait, Abel s'avérait être la meilleure option pour Giovanni. Après tout... ce n'était pas comme si le gamin était capable de l'égratigner, ou de vraiment le nuire. Bien entendu, il serait surveillé, et mis sous les ordres de Takhojo, pour prévenir toute tentative de destruction interne des Rockets. Quand même, le mafiosi prenait des précautions.

Se relevant, et jetant le bout de fossiles au loin, il consulta brièvement sa montre. Quinze heure et quarante-six minutes. Voilà environ une heure qu'il avait envoyé un Rapasdépic (non pas son frère, un vrai Rapasdépic) apporter un message spécifiant un lieu de rencontre à Abel. Après tout, ces oiseaux aimaient voler en altitude, et rendaient ainsi leur interception bien plus sûre, enlevant le risque d'espionnage ennemi. Et surtout, ils étaient rapides. Abel n'allait sûrement pas tarder...

« Tu voulais me voir ? »
"Tu t'es enfin décidé entre le "vous" et le "tu" apparemment..."

Sakaki signala au sbire, qui jaugeait Abel comme s'il voyait le Messie, par un signe de tête, qu'il était temps pour lui de quitter la scène en toute discrétion. L'homme s'exécuta, après un petit moment de flottement, et passa à côté du jeune coordinateur, toujours une expression admirative et interloquée collée au visage. Giovanni quant à lui esquissait un bref sourire sans réelle joie, tournant toujours le dos à son nouvel arrivant.

"Ce qui peut être soit le signe d'un gain de confiance en soi énorme... soit la preuve d'un mépris évident.

Il se rappelait, Abel, assis devant lui, sûrement à quelques étages de leur position actuelle. Il arborait une attitude confiante, bien que tout son être trahissait son malaise. Il était intimidé, mais voulait rester digne et faire bonne impression. Aujourd'hui, il paraissait ne plus en avoir cure de l'avis de son patron. Ce qui indifférait aussi bien Giovanni qu'Abel. De toute façon, il demeurait un môme, aussi lourdes qu'étaient ses responsabilités présentes et futures... son avis ne comptait pas.

Une fois les souvenirs du passé quelque peu ressurgis, le Pokémafieux daigna enfin avoir en contact visuel le jeune Kujaku, et se retourna, pour faire face à un regard or féroce qui, en un sens, l'amusa quelque peu. Rien qu'aux pupilles d'Abel, Sakaki savait qu'il savait. Abel savait que son Boss avait connaissance de l'état de sa petite amie, et devait se sentir à l'instant menacé...

Inutile de me jauger ainsi Abel... Je ne suis pas là pour menacer la santé de ton enfant ou de ta chère et tendre... seulement pour te proposer une promotion. Ou plutôt, t'imposer une promotion...

Autant jouer cartes sur table, Abel n'avait strictement aucune possibilité de refuser l'offre qui allait se faire. C'était stipulé dans le contrat qui les liait en tant qu'employé et employeur. Et, un contrat étant un contrat, sa violation pouvait avoir des répercussions assez... néfastes, surtout lorsqu'on le signait avec le représentant sur Terre du Diable; la mafia.
Giovanni s'efforça de rappeler à Abel ce commun accord en sortant une copie dudit contrat d'une poche interne de son manteau, et en le lui tendant.

"Félicitations Abel... vous voilà désormais promu au rang du Chef du Département Scientifique Rocket...

Giovanni n'eut guère besoin d'insister, Abel se saisit du contrat et montra son consentement à l'affectation de ce poste avant de lever un regard plutôt intéressé en sa direction et lui demander avec plus de précisions la vraie nature de son travail. A cette question, Sakaki ne put s'empêcher d'avoir un léger rictus, sachant pertinemment quoi répondre, mais à quel point cela n'allait pas être représentatif de la réalité du nouveau job du jeune Kujaku...

"Tes moyens sont... aussi vastes que mon compte bancaire. Ton personnel sera le même que celui qu'avait Garth. Par contre...

Il était vrai, Abel aurait à sa disposition d'absolument toutes les ressources nécessaires. Il aurait également une autorité illimitée sur les autres grades Rockets étant donné l'importance de son poste. Néanmoins, cela ne voulait pas dire que le jeune garçon serait libre comme l'air, et pourrait faire ce qu'il lui enchanterait de faire. L'ex-champion de Jadielle n'était pas dupe, trop de libertés pour quelqu'un comme lui, et il finirait avec une crise à gérer prochainement. Aussi, il avait eu dans l'idée de un : de surveiller de très près le jeune prodige autant dans son travail que dans ses faits et gestes de la vie quotidienne. De deux : d'affilier au rôle de supérieur hiérarchique direct d'Abel un homme qui ne se gênerait pas de lui mettre des bâtons dans les roues si ses agissements allaient à l'encontre de l'intérêt Rocket.

"... Tu seras sous l'autorité directe de Takhojo.

Cette phrase, lourde de sens, pour quiconque connaissant Takhojo, ou ses expérimentations, sembla refroidir l'ambiance du site détruit de la base, qui voyait sa température descendre de quelque Celsius, rendant la chute de flocons quelque peu plus dense...

Abel montra par A + B que le poste proposé lui était dûment mérité. Tout au long de son raisonnement, le mafiosi avait vu s'accroître un très faible sourire en coin, seulement quelque peu perturbé par le surnom que lui attribua le jeune Kujaku. Le gosse était brillant. Pas dupe. Plus du tout naïf. Et guère intimidé. Parfait. C'était ce qu'il voulait. Et voir son protégé s'intéresser de la sorte à son emploi, et surtout, percevoir dès le début les failles de sa proposition, rendait, pour ainsi dire, le Pokémafieux satisfait de l'investissement fait sur ce gamin, en l'épargnant et en le formant. Désormais il allait devoir répondre à toutes les interrogations faites... tout en demeurant réservé, et pas trop évasif, au risque de brusquer l'adolescent.

"C'est Giovanni."

Chose dite, le quadragénaire posa ses mains sur ses hanches, inspira l'air glacial qui devenait de plus en plus oppressant, rafraîchissant grandement ses poumons, puis recentra son attention sur son employé. Maintenant que la question du sobriquet était résolue, il lui fallait s'expliquer sur son choix de partenariat et les grades.

"Tu sais, l'adage qui affirme que "qui se ressemble, s'assemble" ne s'appliquera peut-être pas à toi et à Takhojo....

Un souvenir s'immisça dans l'esprit de Giovanni. Celui de Garth et du sadique concerné, qui en étaient quasiment venus aux mains tant leur point de vue était diamétriquement opposé et le sujet sensible. Et pourtant... jamais les Rockets n'avaient fait autant de progrès que lorsque ces deux hommes étaient à la tête des différents secteurs scientifiques.

"La différence ne détruit rien; elle complémente. Ce qu'il manque à Takhojo, c'est un esprit focalisé sur un seul but : "Le succès". Tu veux détruire les Quetzacoalts, Abel. Et je sais que tu mettras tout en oeuvre pour y arriver. Toi, tu focaliseras ton génie sur des choses qui vont nous être utiles à gagner cette bataille, définitivement.
Takhojo... quant à lui... les terroristes l'indiffèrent au plus haut point. L'autorité du Boss ? Elle n'est que relative. Il sait que je ne peux pas le remplacer, et il a déjà sacrifié sa famille de lui-même pour ses recherches. Je n'ai aucun moyen de pression sur lui pour l'empêcher de bouffer mon budget pour des résultats qui ne me concernent pas.

Takhojo... la bête noire numéro trois du Boss, après Meister, qui occupait la première place, et le trio infernal... le savant menait ses propres expérimentations, suivait son propre et unique planning, et ne s'enquiquinait pas à atteindre certaines exigences s'il les jugeait HS à sa préoccupation du moment. Il avait été utile pour les jumeaux, car c'était un de ses projets fétiches depuis longtemps. Pour le clonage de Mew, il n'avait fait qu'aider, et encore, trop faiblement, car le sujet ne l'intéressait pas. Il y avait de cela quelques années, il était même parvenu à faire un trou dans la comptabilité Rocket, dans le seul et unique but de développer un nouveau système de torture grâce aux Pokémons de type psy, alors que l'attention de Sakaki était uniquement centrée sur la mythologie des légendaires. Et à leur capture. Rendant les recherches principales moins étendues, au profit de celles personnelles de ce taré...

"Et... concernant le grade... ça a du sens. Takhojo et toi êtes techniquement au même niveau. Tu pensais que Garth gérait tout le réseau scientifique Rocket à lui seul ? Non... il n'aurait jamais pu. Il n'aurait d'ailleurs pas autorisé la moitié des expérimentations utiles faites. C'est pour ça qu'à l'époque, dans le plus grand secret, j'avais crée le "Département Scientifique Rocket", ET le "Département Scientifique Rocket Confidentiel"... qui est bien entendu régi par Takhojo. Vos grades ont la même valeur en réalité. Officiellement, tu seras le plus gradé, et auras à charge toutes les études en cours. Officieusement, vous serez collaborateurs. Mais étant donné ton manque d'expérience, je ne peux pas t'attribuer l'égalité complète avec Takhojo. Il te faut quelqu'un pour te former.

Giovanni avait dit "former", mais sûrement que dans la tête d'Abel, le mot avait plutôt résonné comme "espionner". Dorénavant, la seule question du jeune Kujaku qui restait en suspens était celle de visiter le site, et de présenter Abel à ses futurs collègues. Le jeune homme était déjà apparemment impatient. La construction de la nouvelle base n'avait même pas été débutée....

"Tu seras introduit à tes futurs employés, et à Takhojo, en temps voulu... il nous faut d'abord recréer la base.

Un vague regard circulaire se fit sur l'ensemble des décombres, faisant ressurgir quelques souvenirs de cette journée-là. Durant un très court instant, Giovanni resta figé sur l'image de Reimei, chevauchant son Pokémon ailé, et prononçant "Brûlez-moi tout ça", phrase volontairement reprise de ce qu'avait dit mot pour mot le Boss, une dizaine d'années auparavant, devant les cadavres de ses parents. L'absence dura quelques secondes, le temps à Sakaki de se rendre compte de sa distraction, avant de se reconcentrer sur Abel.

"D'autres questions ?"

Lorsque le regard or, animé d'une colère vive, vint croiser celui impassiblement froid du Boss, Giovanni sut qu'Abel ruminait intérieurement une rage qu'il contrôlait de justesse. Le genre de rage qui faisait de lui un ennemi implacable. Celle qui l'avait hissé à un niveau de dresseur conséquent. Celle qui l'avait conduit à tabasser jusqu'au coma des sbires de bas étage Quetzacoalt. Celle qui l'avait fait resserré ses doigts autour du cou du mafiosi il y avait un an... Il était amusant pour Sakaki de recroiser ce regard, menaçant, indigné, frustré, semblable à celui dans son avion privé. Surtout lorsque la cause demeurait la même...

Tu dois te douter qu'il y a des choses que je ne tolérerais pas dans un espace que je dirige, et ce sera probablement les mêmes que Garth.

Ce respect de l'éthique... ces scientifiques qui défendaient les valeurs humaines et Pokémons bec et ongles... Giovanni dut se retenir de pousser un soupir agacé aux dires d'Abel car, honnêtement, ce genre de réflexion commençait à lui faire bonbon, surtout après les avoir supportées pendant presque plus de 27 ans avec Garth... Le mafiosi ne comprenait tout bonnement pas la réflexion qui acheminait le jeune Kujaku et son meilleur ami à vouloir absolument défendre des valeurs aussi abstraites...

Mais heureusement, Sakaki n'eut pas besoin de répondre immédiatement au coordinateur, qui lui demandait déjà les précédents dossiers scientifiques ainsi que ceux actuels. Après un vague moment de silence, où une petite lutte de regards était en place entre l'employé et le patron, d'un simple claquement de doigts, le quadragénaire força le subalterne, au loin, celui halluciné du comportement d'Abel, de venir vers eux.

"Je me doutais bien que tu désirerais les voir."

Le sbire était arrivé rapidement, à pas pressé, jaugeant toujours Abel comme un Jésus Christ en culotte courte, et sortit de son veston un imposant dossier qui regroupait lui-même tout un tas de petits dossiers sous-adjacents qui dépassaient et menaçaient presque de s'écrouler.

"Voilà Monsieur ~"

Giovanni se contenta de prendre le dossier et d'adresser un coup d'oeil qui signifiait "va à ta place" au sbire, mais que le concerné sembla interpréter comme un "Merci beaucoup mon chou" étant donné l'immense sourire remontant ses lèvres jusqu'aux oreilles. Une fois le sans importance PNj anonyme disparu du périmètre d'écoute, le Boss ouvrit le dossier, et en prit un spécifique qui se démarquait du lot, à cause de ses pages jaunies par le temps. Il s'empressa d'ailleurs de l'ouvrir, pour s'assurer de son contenu, laissant à Abel peut-être le temps de lire le nom du dossier qui était "Brat Boy". Le coup d'oeil furtif fini, Giovanni tendit l'ensemble des autres dossiers au coordinateur Rocket et referma le plus petit dossier qu'il tenait de son autre main.

"Celui-ci, c'est mon business. Autrement, tous les autres dossiers, en cours, et ceux datant jusqu'à 50 ans en arrière, sont là. Pour chaque dossier, il y a une référence, au fond, qui te permettra d'aller voir sur les ordinateurs du labo tout ce qui touche aux détails dont tu auras besoin, et qui ne figurent pas sur papier."

Chose dite, l'ex-champion de Jadielle entrouvrit de quelque peu son manteau histoire d'y glisser son dossier dans une de ses nombreuses poches internes, et poussa un bref soupire.... après quoi, il attendit quelques secondes avant de recentrer son attention sur Abel, revenant sur la réflexion faite à propos des expérimentations que l'adolescent approuverait ou non, qu'il tolérerait, ou refuserait...

"... C'est ridicule.

La phrase était sortie très spontanément au fil de la réflexion intérieure du Pokémafieux, qui voyait ses sourcils se froncer légèrement à cause de son incompréhension et, il devait l'avouer, d'un certain mépris.

Toi et Garth... vous vous accrochez à des notions qui n'ont pas de poids.

Combien de fois, le métis, même en étant tout jeune, essayait de faire la morale à Gi. Combien de fois tous deux avaient-ils dû se battre car ils avaient un opinion divergent. Combien de fois Garth lui avait-il lancé un regard mauvais en écoutant ses discours d'encouragement Rocket annuel sur la productivité, ou ses propositions d'un gain économique plus important ou sa simple envie de conquête du monde... Tous ses souvenirs passés donnaient envie au mafiosi de manifester un peu plus activement son point de vue qu'il ne l'avait fait auparavant avec son meilleur ami.

Vous faites preuve d'un idéalisme qui n'a pas lieu d'être dans un monde où il n'y a qu'une loi qui est vraiment respectée : celle du plus fort... La notion du bien et du mal... ça ne rassure que les faibles... ouvre un peu les yeux Abel... C'est mon conseil, si tu n'as pas envie de voir ton enfant être orphelin.

Il ignorait si le jeune Kujaku prendrait vraiment cette phrase comme un conseil, il en doutait d'ailleurs énormément, mais au moins il avait fait preuve d'une sincérité et d'une franchise qui lui étaient plutôt rares. Telle était sa vision du monde. Et il voulait faire comprendre à son nouveau chef de département qu'il n'aurait pas d'autre choix que de s'y plier.

- Gi... On va poser les choses au clair. Avises-toi de toucher à ma femme, où d'essayer de rendre mon enfant malheureux...

Le regard faussement chaleureux du plus jeune se planta profondément dans les iris du quadragénaire qui exprimaient un sentiment d'autosuffisance toujours aussi marqué.

-... et je te promet que je te tue.

Le sourire disparut, pour laisser place à cette expression faciale froide, déterminée, typique d'un Abel en proie à une colère intérieure violente qu'il tentait de canaliser. Sakaki se permit un faible rictus mi-amusé par l'engouement de son employé, mi-agacé par ses menaces qu'il trouvait bien trop audacieuses pour son niveau actuel. Décidément, il suffisait juste qu'il évoquât le nom de Yukichi Natsuka, ou d'un quelconque nom qui la pronominaliserait, et de leur enfant, pour que le Chef du Département Scientifique montât les tours. Enfin, cela n'avait pas grande importance, aussi Giovanni ne jugea pas utile de tenter de rétorquer à ses paroles et se contenta d'écouter sagement la suite de la longue tirade du Rocket.
L'évocation du bonheur, des valeurs humaines surent quelque peu agrandir le rictus amusé et amoindrir celui agacé du Pokémafieux, surtout quand il se fit traiter d'arrogant. Il était en effet distrayant pour le Boss de voir ainsi Abel cracher son venin et lui affirmer qu'il avait des valeurs auxquelles il se refusait de renoncer.

Hm... et où étaient ces valeurs lorsque tu as tabassé à mort un père de famille qui travaillait pour les Quetzacoalts afin de payer les soins de sa fille atteinte d'une maladie orpheline ? Telle était la pensée première du mafiosi qui lui vint en tête une fois Abel plongé dans les dossiers, néanmoins, il s'abstint de la prononcer à voix haute; il n'avait pas fait venir son prodige pour se faire mettre une droite. Aussi, il se contenta de croiser tout bonnement les bras, et observa sans vraiment le faire l'adolescent parcourir le dossier et l'écouta distraitement poursuivre son explication comme quoi il préférait démissionner plutôt que de faire le mal blablabla...

*BAM*

Un violent choc força subitement le Pokémafieux à reprendre pied avec la réalité, et l'envoya valser dans la neige. Lorsqu'il reprit plus ou moins ses esprits, encore quelque peu sonné, un dossier était planté là, droit, devant lui. Une image des jumeaux seyait à la première page, et immédiatement, le mafiosi put comprendre ce qui s'était passé.

- ESSAIES DONC DE M'EXPLIQUER ÇA MAINTENANT !

Les sbires Rockets se retournèrent tous, affolés, et couraient en leur direction, main à leur ceinture, prêts à dégainer soit une Pokéball, soit un Magnum... Cependant, Giovanni ne voulant pas de ça, fit un bref signe de main signifiant qu'il pouvait rompre, et retourner à leur place respective... Après quoi, il lui fallut un bref instant pour recouvrer totalement ses esprits, et ne plus voir trois paires de jumeaux affichées devant lui.

"... Décidément toi et mon frère vous partagez bien plus de points communs que je ne le pensais... La première était gratuite, mais à la seconde, je ne répondrai plus de rien...."

Ce fut la première réponse du Pokémafieux, qui bouscula le dossier de son champ de vision d'un mouvement brusque, et se releva, faisant face au jeune Kujaku, et contrôla très brièvement l'état de sa mâchoire.

"Twin Army. Projet introduit par Takhojo, approuvé par moi. Tout ce qui est à savoir est dans le dossier, et pour les détails, dans l'ordinateur central."

Effectivement, la notion d'explication d'Abel et de Giovanni différait quelque peu... Sakaki ne savait pas vraiment quoi répondre à la question du coordinateur qui, pour lui, n'en n'était pas vraiment une. Néanmoins, il pensait savoir ce que cherchait Abel : une justification. Dommage pour lui, le quadragénaire n'était pas vraiment doué en la matière, la preuve en était ses ex-femmes.

"La Team Rocket nécessitait des soldats plus coordonnés. Le projet de Takhojo, qu'il avait déjà commencé à étudier bien avant que tu soies né, était en phase d'expérimentation. Je lui ai proposé plus de moyens, et lui ai fourni l'argent et les cobayes nécessaires. Les premiers tests n'étaient pas concluants. Takhojo a persisté, et ça a fini par marcher. Les jumeaux Sayo....

Sakaki mit une légère réserve à se rappeler du nom exact des deux enfants qui avaient figuré parmi les seuls à survivre au projet.

"-Migi se sont hélas échappés. Takhojo voulait réitérer l'expérience, mais je l'ai interdite. Le taux de survie des sujets était trop bas, ça aurait été comme injecté de l'argent en bourse. Et étant donné les temps que nous vivons, il vaut mieux pour la Team d'économiser le plus intelligemment possible notre argent."

Voilà. Telle était la justification que pouvait apporter Giovanni qui, durant tout le long de sa prise de parole, n'avait cessé de jauger Abel d'un regard légèrement fébrile, prêt à esquiver et à redonner une droite au premier faux-mouvement de ce dernier. Mais aucun sentiment de malaise, de gêne, ou de culpabilité se faisait ressentir à travers les mots du mafiosi, qui voyait ces expérimentations comme un simple calcul.

Décidément, le jeune Kujaku était un être utopique, borné et naïf à un point bisounoursal. Néanmoins, malgré la volonté ferme de l'adolescent de ne pas autoriser certaines des expériences qu'il tenait actuellement entre ses doigts, Giovanni n'affichait qu'une irritation minime. Certes, Abel empêcherait le progrès. Mais il arrêterait définitivement les Quetzacoalts. Et c'était pourquoi il serait payé à partir de maintenant. Aussi, finalement, leurs opinions divergentes ne l'embêtaient pas plus que ça. Il lui suffirait de le licencier une fois sa part du contrat accomplie, et les expériences pourraient reprendre leur cours. De toute manière, c'était ce qui allait arriver, une fois la Team terroriste démantelée, Abel s'en prendrait à celle restante. Il prendrait soin de détruire de l'intérieur les Rockets, c'était évident. Cependant, Sakaki connaissant le personnage, il se doutait bien qu'il tâcherait de fragiliser toute l'organisation Rocket, avant d'en faire tomber la tête (en l’occurrence la sienne), c'était la seule et unique façon possible qu'on avait de détruire un réseau du crime organisé. C'était indéniable. Il lui suffirait juste de lui couper l'herbe sous le pied; il avait d'ailleurs d'avance pris certaines mesures, qui avaient été de vigueur déjà avec Garth. Notamment l'accès aux comptes et aux relations avec les autres administrateurs et collaborateurs étaient très restreints pour ceux du département scientifique, voire interdits. Aussi, Giovanni n'éprouvait pas la moindre angoisse face au regard froidement déterminé de son employé. Du moins, pas avant que certains mots fussent sortis de la bouche du coordinateur...

- Ah, et si tu pouvais éviter de me comparer à Meister... Je veux bien être impulsif, mais pas non plus au même point que ce long-pif qui cogne pour un oui ou pour un non. D'autant plus qu'apparemment, la victime préférée de ses poings, c'est effectivement toi.

Pour la première fois depuis le début de leur conversation, il passa dans les iris de Giovanni un voile très furtif et léger de crainte. Pas de la crainte, de la peur au sens pur, non, de la crainte; de l'appréhension. Giovanni redoutait quelque chose. Il redoutait qu'Abel s'amuse sur son terrain à lui, le chantage affectif. Le garçon aurait pu mentionner Meister dans un autre contexte, l'effet aurait été totalement différent. Là, Sakaki avait déjà fait allusion à Yukichi et à son enfant, il doutait bien que le jeune prodige tentait de lui renvoyer l'ascenseur en mentionnant des gens qui le concernaient personnellement, et sur lesquels, il devait se l'avouer, il n'avait que trop peu de contrôle, ce qu'il détestait...
Et Abel ne s'arrêta pas seulement sur Meister.

- Peut-être qu'il tient ça de votre père... Rayleigh Bootleg. Et toi, tu tiens apparemment de lui son sens de draguer tous ce qui bouge.

Le dossier imposant que tenait le jeune Rocket dans ses mains faillit se retrouver éjecter à plusieurs mètres. Sakaki dut se contenir pour ne pas se laisser aller à ses pulsions, comme savaient si bien le faire le gamin qu'il avait en face de lui et son frère... Seule une réaction physiologique témoignait que la menace l'avait atteint; ses muscles masséters se contractèrent un bref instant et son regard adopta une froideur qui aurait eu de quoi rappeler Madam Boss. Durant quelques courtes secondes, le vrai visage du sang Sakaki se dévoila à Abel; le visage de ceux qui avaient les mains tâchées de sang jusqu'aux coudes, et qui ne reculaient devant rien. Mais rapidement cette expression se volatilisa, tout comme l'appréhension reluisant dans les pupilles noires du mafiosi qui esquissait désormais un sourire en coin, imitant le sourire hypocrite et commercial de son interlocuteur. La tension du mafieux redescendue, il se laissa aller à la réflexion...
Bien. Meister avait apparemment trop parlé lorsqu'il s'était retrouvé avec Abel à l'hôpital. Tel était le seul problème qui s'imposait, en fin de compte La découverte de leur lien de sang n'impliquait rien, seulement une éventualité désagréable, mais pas vraiment problématique en soit... il suffisait au mafiosi de ficeler l'affaire diplomatiquement pour éviter un second conflit.

"... Décidément, mon frère est autant un moulin à injures qu'à paroles..."

Le quadragénaire se permit un soupire agacé typique du cadet qui se voyait essuyer les conneries de son aîné.

"... C'est bête qu'il oublie que quand les gens en savent trop, ils acquièrent la très désagréable capacité de devenir potentiellement gênants.""

La phrase fut sortie sans intonation menaçante, voire même sur un ton plutôt léger. En réalité Giovanni ne menaçait pas réellement l'intégrité physique d'Abel ou de sa fiancée engrossie, non. Seulement il le prévenait subtilement de ne pas tenter de jouer à ce jeu avec lui. Il serait de toute manière perdant. De ça, Sakaki en était persuadé. Un jeune homme d'à peine 18 ans n'avait strictement aucune chance contre un baron du crime qui sévissait depuis plus de 25 ans, et ce, à tous les niveaux, autant chantage que combat. Cette certitude permit à l'ancien champion du Badge Terre de gonfler son sourire d'un orgueil quelque peu insolent et qui narguait pleinement le coordinateur.

"Néanmoins, si l'idée saugrenue de t'en prendre à Meister, ou à mon... père te venait à l'esprit, je me dois de te prévenir qu'il te faudrait au préalable contracter une excellente assurance-vie. Autant pour couvrir tes soins hospitaliers, que ceux mortuaires de tes Pokémons. Et crois-moi, je ne serais pas la cause de tous ces frais..."

Après tout, Rayleigh avait beau rouillé au fil du temps, la prison l'avait renforcé, c'était évident. Et il demeurait l'ancien détenteur du monopole maritime inter-régional. Meister quant à lui, sa force liée à sa rage était d'égale à celle que la haine procurait à Abel, mais avec l'expérience en plus. Giovanni ne se faisait aucun souci pour eux, il n'avait tout bonnement pas grandement apprécié cette petite remarque de la part d'Abel qui, peut-être, ne signifiait rien de tout cela. Mais bon, lorsqu'on était le pokémafieux le plus recherché sur la Terre toute entière, on se devait de développer une certaine paranoïa... question de survie.

Plus détendu dorénavant, Giovanni se permit une tape qui se voulait amicale sur l'épaule d'Abel, toujours accompagné de son sourire vantard.

Mais je sais bien que tu es trop intelligent et trop empli de bonnes intentions pour rivaliser avec eux."

Décidément... Giovanni en avait connu d'audacieux et arrogants employés tout au long de son existence. Mais le jeune coordinateur battait vraiment tous les records. Après avoir verbalement sous-entendu une éventuelle menace, après l'avoir frappé, étranglé antérieurement, insulté, haï, méprisé, Abel se permettait une petite dose de sarcasme qui ne fut pas du goût du quadragénaire, et qui en disait toutefois long sur les connaissance de l'ado quant à la famille Bootleg. Il savait apparemment que Giovanni n'occupait pas une place fétiche dans le coeur de son grand frère, et qu'il était dans les intentions du champion de Doublonville de l'amener par la peau du cul dans la prison régionale de Kanto... Sans doute avait-il entendu à la télévision la déclaration de Meister au casino, en fin de compte, le funeste soir de ses 47 ans où il avait annoncé au monde entier qu'il partageait le sang du plus célèbre baron du crime. Grand malin. Néanmoins le jeune Kujaku n'avait pas pour idée d'aller défier les hommes Bootleg... Et il le fit savoir à Gi.

- Mais tu as raison sur ce point, je suis loin d'avoir la force nécessaire pour écorcher ton père et ton frère. C'est pour ça que je vais aller défier ta fille. Après, on verra bien le résultat, ne serait-ce que pour évaluer ma faiblesse, hein ?

"..."

Un silence long, intense, se fit soudainement une fois les dernières paroles du jeune homme prononcées. Le manteau de Sakaki se voyait décorer de quelques flocons, qui recommençaient à apparaître timidement. Une sorte de petite bise se leva, faisant voltiger quelque peu transversalement ces quelques flocons qui tombaient, et refroidissant à vif la peau des joues des deux protagonistes. C'était un silence de mort. L'ex-champion de Jadielle observait le coordinateur d'un regard totalement vide, inexpressif, comme si aucune pensée ne venait le torturer.

Puis, enfin, des rides au niveau des pommettes se creusèrent, les dents du Boss firent pour une fois visibles et un rire s'échappa de sa bouche. Pas un rire joyeux, ou gai. Non, c'était un rire fortement contenu, contrôlé, voire calculé, dont les intonations ne dénotaient aucune réelle hilarité. Seulement une once de moquerie, peut-être, accentuée par une ironie mordante.

Abel Kujaku, 18 ans, presque toutes ses dents, maladroit dans les gestes parfois, coordinateur à la côte de popularité grimpante, amoureux éconduit dont l'âme était totalement naïve et qui avait vécu dans un monde dénué de Team Rocket jusqu'alors...

Contre Chocolate Sakaki Di Luce, sa progéniture, qui gérait actuellement son ancienne arène, avait passé son enfance à battre des adultes voleurs/assassins, était une jeune femme implacable, redoutée, qui n'acceptait nullement la défaite.

Quelle blague !

Les fossettes de Giovanni se creusèrent encore un peu à cause de l'amusant faux-espoir qu'avait son jeune prodige. Certes, Giovanni ne l'avouerait jamais devant Abel, mais il avait réellement du talent. Il était doté d'un potentiel rare. Il l'avait vu, il l'avait ressenti. Cependant, contre sa fille, ses chances étaient inexistantes. Sa fille était une partie de lui, la partie de son âme dont il était le plus fier, et qui ne connaissait les échecs que de nom. Chocolate était imbattable. Le quadragénaire ne s'imaginait tout bonnement pas sa fille perdre. Pas contre Abel.

Enfin, après une minute pleine à passer à sourire d'un rictus invective et moqueur, Sakaki reprit de son habituelle froideur et fit disparaître les rides qu'avait creusé la contraction musculaire de sa mâchoire, avant de déclarer d'un ton impérial ce qu'il pensait.

"Chocolate n'est pas Tina. Tu as peut-être connu ma première enfant de nom, ou par rencontre, cependant... tu ne sais rien d'elle. Si tu la défies... elle ne fera qu'une bouchée de tes Pokémons. Elle t'humiliera en public. Elle a plus d'expérience que toi. Ses pokémons ont été entraînés presque aussi hardiment que les miens. Rends-toi à l'évidence que tes chances sont... nulles."

Chose dite, Giovanni outrepassa Abel, s'arrêtant une fois à côté de lui, à hauteur de son épaule.

"Mais quand bien même tu te décidais à la défier... sache que je serai là à la fin du combat pour applaudir ma fille."

Il avait été clairement dans l'intention de Giovanni de laisser Abel méditer sur ces dernières paroles, ou plutôt, connaissant le caractère susceptible de ce dernier, de répondre par une pique blessante qui aurait sans doute indifféré le mafiosi. Mais une voix le retint.

"Et bien... Et bien... Toujours autant de fierté quand un père parle de sa fille, n'est-ce pas, Giovanni ?"

Une silhouette, parée d'un manteau grisonnant, dont le cou était enroulé d'une écharpe de laine noire, et qui arborait des gants de cuir s'interposa entre les deux hommes. Un regard analyste de scientifique derrière d'épaisses lunettes parcourut les iris or du jeune homme, et sembla l'étudier comme s'il eût été un insecte..

Giovanni quant à lui aurait souhaité soupiré. Il ne s'attendait pas à le voir débarquer aujourd'hui. Il aurait aimé planifié lui-même sa rencontre avec Abel, il haïssait quand une telle rencontre entre un briquet et un container de gaz fissuré se faisait à l'improviste.

"J'ignorais que vous étiez sensé venir."

"Je suis également heureux de vous revoir Giovanni. Cela faisait longtemps. Très longtemps. Tellement longtemps que j'ai eu durant un bref instant l'impression que vous m'aviez mis à l'écart."

La voix du savant contenait une déception simulée, et il n'avait daigné accorder un regard à son patron, totalement absorbé par l'adolescent qu'il avait devant lui. Sakaki quant à lui ne démordit pas de la remarque et se contenta d'enfouir ses mains dans les poches histoire de se protéger quelque peu du froid qui avait semblé s'accroître avec la venue de ce troisième individu.

"C'est donc lui... Abel Kujaku... je t'imaginais... plus grand, le morveux..."

Une main gantée se tendit vers le coordinateur.

"Docteur Takhojo. Enchanté."

Le "Enchanté" final dénotait plus d'un simple us de politesse plutôt qu'une réelle joie de rencontrer son collaborateur, vous l'aurez compris.

Une paire de yeux bleu nuit reluisant derrière d'épais verres ainsi que des pupilles d'un or vif étaient posés sur les fines iris sombres du mafiosi, qui dut se retenir de passer une main sur son visage par dépit...

Après un très bel échange d'invectives paroles sous-entendues, qui faillirent l'amuser, après s'être battu du regard silencieusement pendant des secondes qui avaient parues être interminables, les deux protagonistes s'étaient tournés vers lui, et lui demandaient de choisir un camp.

Il y avait Abel, d'un côté, qui de par son regard insistant lui faisait rappeler les termes de leur contrat mutuel sur lesquels ils avaient parlementé les huit dernières minutes, sur le fait que l'adolescent voulait être en droit de refuser la poursuite de certaines expériences et de décider pleinement des actions de son collègue... et de l'autre, ledit collègue, Takhojo, avec qui il entretenait une longue collaboration, et qui lui faisait confiance pour lui attribuer l'autorité totale sur le coordinateur et les expérimentations faites...

S'il préférait ce dernier à Abel, il était certain que le coordinateur le prendrait suffisamment mal pour entamer des actions de sabotage et d'entraves à la science qui pourraient grandement l'irriter... Et s'il acceptait la requête du plus jeune, il devrait essuyer les râlements d'un homme qui n'avait pas pour habitude de se voir refuser les choses...

A choisir... il préférait gérer la crise émotionnelle du scientifique. Il avait l'habitude... avec ses gosses.

Aussi, il sourit légèrement en coin, profitant du caractère imprécis du contrat qui le liait à Takhojo pour le faire jouer en sa faveur, ou plutôt, plus précisément, en celle d'Abel.

"Takhojo... Dois-je vous rappeler que selon notre contrat "Monsieur Kujaku sera tenu par l'obligation de soutenir le Docteur Takhojo dans l'ensemble de ses recherches". Ainsi, vous ne pouvez pas l'exclure de vos magouilles. Et, selon les clauses du contrat qu'Abel a passé avec moi, il sera à la tête de toutes manifestations, organisations et études scientifiques faites dans le cadre de la Team Rocket avec votre collaboration."

Certes, tout demeurait flou. Giovanni n'avait pas manifesté clairement son clan. Il avait simplement rappelé au savant fou qu'il ne pouvait pas travailler sans son nouveau collaborateur, ni le diriger totalement, puisqu'il y avait la notion de travail sous tutelle (soit, sous conseils d'un plus expérimenté sans réelle autorité hiérarchique). Et il avait rappelé à Abel que sa juridiction se limitait à tout ce qui portait la mention de "Team Rocket", soit, en d'autres termes, qu'il ne pouvait interférer avec les expériences menées personnellement par le quinquagénaire.
Et ça, Takhojo le comprit. Il comprit en un instant que le Boss lui garantissait toujours un champ d'action totalement libre, guère entravé par l'adolescent, seulement dépourvu du "R" typique qui était annexé à tout document relatif aux laboratoires.

Et cela lui suffit pour ne pas piquer une trop grosse crise de nerfs. Mais pas assez pour masquer totalement son mécontentement et renvoyer un regard de tueur au jeune Kujaku, comme s'il eût été responsable des choix du patron.

"Abel est à vous ce que j'étais avec Miyamoto à Madam Boss... Un chouchou, il semblerait... Sauf que cette dernière savait gérer ses préférences de manière plus pragmatique... à croire que les effets du "alimbicol" se dissolvent rapidement dans votre système sanguin... Il vous faudrait vous injecter une -HMP"

Le savant sembla vouloir poursuivre sa tirade mais le poing de Sakaki qui s'abattit en un éclair dans son estomac l'en empêcha et lui fit tirer une grimace animée par la douleur. Giovanni, quant à lui, rapprocha un peu plus son visage de celui du plus vieux, pour lui murmurer quelques paroles qui prirent le ton d'une menace.

"Parce que vous savez qui je suis, ce que je suis, vous devriez éviter de me prendre autant de haut..."

Après un bref moment où tous deux demeurèrent immobiles, le pokémafieux retira son poing, laissant le scientifique légèrement recroquevillé, mais toujours debout, serrant les dents pour contenir la colère alimentée par la folie qui lui était propre.

"Vous serez garant de Monsieur Kujaku. Suivant les circonstances, vous serez en droit d'avoir une autorité de mentor sur ce dernier, mais en aucun cas une autorité de chef... n'oubliez pas que les expériences faites sur l'espèce humaine sont considérées comme des crimes contre l'Humanité et passibles de la peine capitale... et que les documents que je possède en lieu sûr vous concernant auraient de quoi fournir de magnifiques preuves vous emmenant directement à l'injection mortelle. Donc... ne remettez pas en cause mes décisions. Pliez-y vous."

Sakaki se prit la peine de réajuster son col tandis que le docteur lui renvoyait un regard étrangement serein, toute la colère d'avant s'était apparemment estompée, lui permettant même d'accorder un regard narquois successivement à Abel et à Giovanni.

"Je ne l'oublierai pas... n'oubliez pas de votre côté que cette menace est également valable pour vous..."

Ca, le mafiosi ne l'oublierait pas. Néanmoins, contrairement à Takhojo, il n'avait pas peur de la prison. Il n'avait peur de rien. Du moins, c'était la conviction qu'il avait.

Alors qu'un silence plat régnait en maître à Rosalia, Takhojo se relevait paisiblement, avec un calme olympien, comme si jamais un poing n'était venu milkshaker l'acide gastrique que renfermait son estomac. Comme si jamais son patron ne l'avait menacé. Car en effet, pour lui, Giovanni n'avait fait que d'extérioriser son complexe de Boss, et sa liberté n'était pas en jeu. La prison ne le guettait pas encore. Malgré l'air menaçant qu'avis pris son ancien sujet d'étude; il n'était pas inquiété.

- « Warren Vidic... »

Un regard perçant acier intéressé vint s'implanter dans les iris jaune vif du garçon qui venait de prononcer un nom qu'on pouvait juger maudit, tandis que des fines pupilles noires détournèrent lentement leur attention initiale, soit Takhojo, pour elles aussi fixer avec stupéfaction l'adolescent.

Le concerné ne paraissait pas avoir remarqué ses paires de yeux l'observer, puisqu'il avait l'air éperdu dans une réflexion qui dépassait les deux hommes le regardant, un tantinet surpris.
Au bout d'un moment de suspens, Sakaki s'apprêta à forcer Abel à approfondir la raison pour laquelle il avait prononcé le nom d'un de ses pires ennemis, mais un regard effaré qui lui fut destiné avorta cette envie...
Il ne dura qu'une furtive seconde, qui ne passa toutefois pas inaperçue pour Takhojo. Mais qui fut assez longue pour troubler totalement le mafiosi.

Un vague coup d'oeil fut lancé à l'intérieur de son blouson, d'où le quadragénaire remarqua que son dossier dépassait un peu trop. Enfonçant d'un mouvement ferme le document, et renfermant précautionneusement son manteau, Sakaki écoutait Abel demander quel lien unissait Warren à Takhojo.

Puis, un silence quelque peu déstabilisant suivit la question du jeune Kujaku, faisant adopter au ton de la conversation une certaine tension, qui était fortement palpable.

"Tu poses décidément beaucoup de questions..."

L'intonation employée avait été sèche, abrupte et avait forcé le Pokémafieux à éventuellement engager la conversation sur un autre terrain, n'ayant guère envie de voir une dispute éclater entre l'ado et le quinquagénaire. Mais ce ne fut pas nécessaire...

"Ma foi, la curiosité est une qualité inhérente aux scientifiques... "

Un haussement d'épaules agrémenté d'un sourire narquois se fit, puis Takhojo croisa les bras, se permettant de jauger toujours avec cette froide vantardise le plus jeune, tandis que Giovanni voyait sa stupéfaction s'agrandir.

Il ignorait ce que le savant fou aurait à avouer à Abel, puisqu'il ne connaissait pratiquement aucun détail du passé de Takhojo. Et cela ne l'intéressait pas plus que tant, à vrai dire. Mais ce qui l'intriguait, était le comportement du noiraud, qui semblait plutôt ravi de se voir poser cette question, qui semblait pourtant dérangeante.

"Vidic ? J'ai été son... apprenti. Si on peut employer ce terme. Il m'a appris le 40 % de ce qu'il savait. Désormais, inutile de dire que j'en sais beaucoup plus que lui."


... Giovanni serra les poings en même temps qu'il tourna la tête vers le chef officieux du Département Scientifique. Il était... sérieux ? Etant donné le rictus inhumainement froidement fier qu'il arborait, il ne plaisantait pas, mais se vantait carrément d'avoir ... supplanté son maître. Si Giovanni comprenait bien la logique de cet homme...

Riant, furtivement, le Pokémafieux croisa à son tour les bras et fixa avec moquerie son plus ancien scientifique.

"Et moi qui pensais que votre seul point commun était votre incapacité à vous trouver une femme..."

Le ton cachait évidemment une certaine colère mêlée à de la rancoeur. L'ex-champion de Jadielle avait beau ne pas s'être montré intéressé à connaître les détails de la vie de son employé, il tombait tout de même de haut avec une déclaration pareille... Car elle signifiait que... d'abord, Takhojo ne prenait pas ses menaces au sérieux car il avait un allié haut placé sur qui il pouvait compter pour sortir de prison. Et ensuite, plus important... que... peut-être, peut-être, Warren Vidic pouvait éventuellement être au courant des expérimentations faites. Sur lui. Sur d'autres. Sur les secrets enfouis de la Team... Et donc il pourrait être au courant de bons nombre de choses qui feraient de lui un plus grand ennemi qu'il ne l'était déjà...

Cela ne dépendait que d'une chose. De la loyauté de Takhojo. Laquelle était bancale, car opportuniste, il le savait...

"J'ose espérer pour vous que vous avez rompu contact avec lui, et qu'il n'a jamais entendu parler de n'importe quel projet Rocket..."

Giovanni avait beau posé la question, sa confiance en Takhojo était totalement annihilée.

« Je peux vous garantir que jamais le policier n'en a entendu parler. Néanmoins, quoi de plus normal qu'un ancien élève qui raconte ses prouesses envers son vieux professeur ? »

Giovanni ne put s'empêcher de contracter ses muscles masséters et de vouloir en recoller une à son plus éminent savant. Néanmoins, il sut se contrôler, et taire sa colère. Et ce, malgré la tirade suivante de Takhojo, dans laquelle il soulignait sa liaison avec la police, et comme quoi, il ne devrait pas être inquiété du lien qui unissait le quinquagénaire noiraud et le sexagénaire grisonnant. Cette remarque relevait bien sûr d'une arrogance typique de l'esprit qui se croyait supérieur de l'homme en face de lui... mais quelle importance. Il crachait plus de venin qu'il ne mordait, pour le moment, aussi, Sakaki ne dit absolument rien, et ce, même quand Takhojo se permit de critiquer son meilleur ami; Garth. A nouveau, il y eut une contraction musculaire de Giovanni qui témoignait de sa non-appréciation des termes employés, mais aucune plainte ne fut portée à cette atteinte à l'honneur... enfin... aucune ? Pas exactement.

« Dr.Takhojo, en ma présence, ne critiquer plus jamais Garth, sinon, je vous promet que je vous fait manger votre blouse. Cet homme est un des plus grands scientifique que cette planète ai jamais porté, alors gardez vos critiques pour vous. »

L'ex-champion adressa un regard un tantinet surpris vers l'adolescent qui jaugeait son mentor avec un calme très perturbant, typique lorsqu'il menaçait directement quelqu'un. Toutefois, il en fallait plus pour agacer ou effrayer le scientifique plus expérimenté, qui n'hésita pas à rendre un sourire au jeune brun. Et accessoirement, un poignard directement planté dans son coeur, avec une menace autrement plus conséquente que celle du plus jeune... une menace portée directement sur la prunelle des yeux d'Abel.

Giovanni n'avait même pas eu le temps d'ordonner à son corps de faire un pas vers l'avant pour intercepter le poignet d'Abel que Takhojo voltigeait dans l'air et voyait son dos s'écraser de plein fouet sur la neige.

A nouveau, cette flamme, la même qui avait failli l'étrangler il y avait de cela bientôt deux ans, brûlait de plein feu dans les iris jaunes de l'adolescent, dont les traits pourtant si fins étaient déformés par la haine pure, alors que de nouvelles menaces se proféraient.

Cette fois, Sakaki ne dissimula pas son irritation, et soupira.

Damnation... Finalement, faire travailler ces deux-là ensemble, était comme assister à un combat de gladiateurs... le quadragénaire venait même à se demander si c'était un si bon calcul au final, s'ils n'allaient pas plus s'entretuer que faire avancer le progrès Rocket et détruire leurs ennemis communs. Enfin bon, il n'avait d'autre choix, maintenant que sa décision était prise, et que la hiérarchie était instaurée. Takhojo et Kujaku allaient devoir former la paire, peu en importait la manière... s'ils préféraient se manger un poing au lieu de se serrer la main, ce n'était pas son problème... même si la témérité d'Abel pouvait lui coûter quelques plumes... l'adolescent devrait apprendre à un peu plus gérer son sang-froid, car là, il venait de tomber dans le même piège tendu par Vidic à l'enterrement de Tina.... Il venait de confirmer à Takhojo que Yukichi était LE moyen de pression à exploiter s'il voulait transformer le coordinateur en un Goupix obéissant et bien dressé...

« Bien joué Abel... »

Lui lança le Pokémafieux alors qu'il posait sa main sur l'épaule de son plus jeune employé, pour l'inciter à lâcher le savant dont les cellules nerveuses avaient été gravement endommagées par sa mégalomanie. Tellement endommagées, que les menaces ne s'arrêtèrent pas là. Et pour cette fois, elles furent adressées au mafiosi.

« Eh bien... il semble que ce jeune Rocket ait le sang aussi chaud que vous dans le temps, Giovanni. Vous étiez très caractériel dans votre jeunesse, vous vous rappelez ?

Un sourire narquois et parallèlement presque indifférent fut destiné au quinquagénaire tandis que la main de Sakaki incita Abel à partir de cet endroit.

D'ailleurs, il paraît que votre fille aînée vous ressemble beaucoup. Elle ferait un excellent sujet de test d'ailleurs, afin de déterminer l'importance de l'hérédité dans le caractère...et dans l'aptitude au combat Pokémon. »

La silhouette du Boss s'immobilisa alors qu'il faisait s'éloigner le coordinateur de la source d'emmerdes qu'était Takhojo. En une fraction de second, le chef de la Pokémafia passa du mouvement à l'inertie totale. Lentement, il se retourna vers le scientifique, un regard... purement froid. On aurait très bien pu y lire "Répétez pour voir". Du moins, ce fut ainsi que Takhojo interpréta les iris du mafiosi, puisqu'il alla plus loin dans son explication.

"Vous n'êtes pas sans savoir que la recherche en matière de l'hérédité stagne assez.
Et vu que j'ai déjà votre ADN, il ne me suffit plus que d'un comparant... Je suis sûr que si je prenais votre fille comme cobaye, vos génomes réunis me fourniraient quantité d'informations rares que mon génie parviendrait à déchiffrer et donc à trouver réponses à plein de choses sur lesquelles tant de scientifiques se tirent une balle dans la tête..."

La main du quadragénaire délaissa l'épaule d'Abel, puisque désormais, il s'avançait vers le Chef du Département Scientifique. Un regard cette fois... insondable. Indéfinissable. Mais qui paraissait étrangement... serein...

"Je conçois que les gênes Sakakiens sont une perle rare pour le domaine scientifique. Si vous voulez essayer de poursuivre ces recherches-là, vous avez le champ libre."

Un imperceptible sourire empli de vanité se dessina doucereusement sur le visage du Pokémafieux.

"Mais par pur fair-play, je me dois de vous prévenir..."

Les yeux félins du mafiosi fixèrent un point invisible au loin, durant un très bref instant, comme s'il se réfugiait dans une contrée lointaine, qu'on appelait "mémoire". Un petit instant de silence se fit, seulement perturbé par le regard interrogateur de Takhojo qui demandait presque avec moquerie ce qu'il voulait dire.

"L'Ordre Rocket était un groupuscule conservateur de fanatiques de ma Mère, redoutés au sein-même des Rockets. Parmi eux se trouvaient des hommes politiques, des assassins, des mercenaires, de simples criminels comme des bandits, des dealers, des violeurs et tout le gratin que peut contenir une prison...

Une fumée blanche sortait de la bouche du quadragénaire, suite au froid, à mesure qu'il racontait un récit qui avait sûrement de quoi décontenancer ceux qui l'écoutaient.

J'ai échappé à pas mal d'attentats orchestrés par eux. Ils voulaient me voir abdiquer, ne me trouvant pas à sa hauteur.... mais j'ai fini par les débusquer. J'ai tué de mes mains leurs chefs. Je les ai exterminés quasiment un par un. Mais vu leur réseau bien instauré, je n'ai pas pu tous les éliminer. Et, voyant que s'attaquer à moi ne servirait à rien, ils avaient décidé de se pencher sur une cible facile...

A nouveau les iris de Giovanni se perdirent dans une époque beaucoup plus lointaine que celle actuelle... Ses muscles des joues se crispèrent encore, en repensant à la tension qu'il avait dû affronter lors de cette période de troubles, du sang qu'il avait dû faire couler par hectolitres. Puis son épiderme se contracta, en se remémorant la fois où il avait réellement vécu, ressenti, ce qu'était la peur. La vraie. Celle qui prenait aux tripes, qui empêchait une respiration normale. Qui faisait glisser des gouttes de sueur froide derrière la nuque. Qui humidifier les yeux. Qui transformait la pompe mécanique qu'était le coeur en un réacteur nucléaire prêt à imploser. Et qui laissait l'instinct prédominer sur l'esprit et la raison.

"Un espion m'avait averti qu'une attaque se faisait dans ma villa. Que des sbires survivants du groupuscule s'étaient introduits dans la demeure, et avaient massacré tout le monde... et kidnappé ma fille. Alors âgée de 8 ans.

Il se souvenait s'être rendu à Rosalia en sprintant non stop, armes et pokéballs en mains, prêts à servir, accompagné d'une armada de commandos URSA Rocket, eux également, prêts à tuer. Lorsqu'ils étaient rentrés dans la villa résidentielle... les sbires Rocket déguisés en civils censés veiller à la sécurité de Chocolate et des nourrices étaient morts. Les nourrices, quant à elles, avaient été assommées.

"Quand je me suis rendu dans ma villa, tout le personnel Rocket avait été neutralisé. Une des nourrices m'avaient dit qu'ils étaient quatre. Quatre à avoir pu déjouer toute la sécurité et mettre hors d'état de nuire des capitaines entraînés aux situations de crise... et à avoir pu kidnapper l'enfant la mieux protégée de Kanto et Johto réunies."

Il marqua une courte pause.

"Rapidement, on a pu les pister. Et... On a retrouvé Chocolate, dans les alentours de Doublonville, en train de dormir, s'étant servi d'un des mercenaires comme d'un coussin....

Le souvenir de sa fille bâillant aux corneilles, et sautant de joie en le voyant lui revint soudainement et agrandit considérablement son sourire fier.

"J'ai appris par la suite qu'elle était parvenue à subtiliser tous les pokémons de ses ravisseurs en toute discrétion. Et qu'elle avait profité d'un moment de distraction de leur part pour les sortir. Ça les avait fait rire..."

Evidemment que ça avait de quoi les faire rire. Une petite frimousse à couettes, haute comme trois pommes, qui sortait des pokémons d'un level approchant les 40 et les défiait... Alors que ses pokémons n'étaient pas les siens.... et donc peu probable qu'ils lui obéissent.

"Les pokémons sortis étaient des Pokémons de grande envergure, puissants. Il y avait douze pokémons en tout, trois par ravisseur. Principalement, onyx, Nidoking, Gravalanche, Tortank, Rhinoféros, Dracaufeu et d'autres Pokémons évolués... Et...

Sakaki fit un pas supplémentaire pour se retrouver suffisamment proche de Takhojo pour parler d'une voix moins forte, presque chuchotant.

Tous ont pris le parti de ma fille."

Personne n'avait su l'expliquer à l'époque. Certains spécialistes avaient affirmé que de rares Pokémons pouvaient éprouver de la réticence à attaquer des enfants, et préféraient les défendre, par pur amour de l'être humain. Ou honneur animalier même. Comme on retrouvait dans la nature des Persians qui refusaient de se nourrir d'un Rattatac blessé et incapable de résister. D'autres prétendaient que c'était en rapport avec la forêt de Jade. Que peut-être la petite fille avait un don inouï, et extrêmement rare, qui lui faisait avoir une autorité plus aisée sur les Pokémons. Et que, étant donné la situation critique dans laquelle elle se trouvait, les Pokémons n'avaient pas pu lui désobéir.

Giovanni lui avait conclu par une théorie autrement plus véridique.

C'était sa fille. Normale qu'elle ait triomphé.

"Un des mercenaires était grièvement brûlé. Un autre mi-écrasé. Le troisième dans le coma. Et le dernier souffrait de diverses hémorragies et dégâts internes. Ma fille dormait tranquillement sur celui dans le coma, tandis que les autres étaient éparpillés et inconscients un peu partout... Même si j'étais un homme bon, et que je les aurais épargnés, il n'est pas certains qu'ils auraient pu se remettre de leurs blessures..."

Giovanni se recula tout tranquillement, toujours aussi serein et souriant, puis tourna les talons, pour enfin se recentrer sur Abel, sans toutefois manquer de s'adresser à Takeshi.

"Sachant qu'aujourd'hui Chocolate est âgée de 20 ans, possède le titre de la championne de Jadielle et a une équipe pokémons entraînée sept jours sur sept... Libre à vous de vous en prendre à elle. Sachez seulement que... si, par miracle, vos sbires envoyés, car je vous soupçonne d'être trop lâche pour vous attaquer directement à elle, survivent, ma fille étant une meilleure âme que moi, je me ferais une joie de tous les finir personnellement. Avant bien sûr de donner votre adresse à mon aînée..."

Défiant le regard protégé par d'épaisses lunettes de Takhojo une dernière fois du coin de l'oeil, Sakaki tourna définitivement la tête et soupira encore.

"Ah et sinon... si c'était un bon calcul de s'en prendre à Mademoiselle Natsuka, ne pensez-vous pas qu je l'aurais déjà fait depuis un moment, Takeshi ?"

Pourquoi le mafiosi disait-il cela ? Pourquoi paraissait-il prendre la défense d'Abel ? Tout simplement parce que Takhojo avait dépassé les bornes. Et que le Boss faisait comprendre à son plus vieil employé qu'il n'était plus le chouchou, et que son siège était par conséquent devenu éjectable. Et aussi pour signaler à Abel, qu'il pouvait tout de même plus compter sur son patron, malgré tout, que sur son mentor attitré...

Un sourire furtif fut adressé à Abel alors que sa main se posa contre son dos, l'encourageant à entamer la marche qui les sortirait de l'endroit où avait explosé la base de Rosalia.