[FINI] Retour à la civilisation [PV Hyde]

La jeune femme était arrivée non loin d'une cabine téléphonique et avait entendu une personne parler d'elle. D'après ce que cette personne disait, tout portait à croire que la mannequin avait disparu. Cela expliquerait pourquoi elle n'avait aucun souvenir quant à ce qui s'était passé la veille. Après tout, si elle s'était véritablement évanouie dans la nature, cela ne remontait sans doute pas à hier, durant une soirée arrosée. Non, cela devait faire bien plus longtemps. Des bribes d'images lui remontaient peu à peu, mais elle était incapable de les remettre dans le bon ordre. Elle revoyait une scène, sûrement une scène de concours pokémon... Et puis il y avait cette maison où elle était allée avec un jeune homme pour... elle ne savait plus rien. C'était tellement effrayant de ne pas se rappeler, de nager dans le flou total, sans savoir quoi faire pour que les souvenirs remontent à la surface. Peut-être que dans les prochaines heures, son mal de tête passerait et alors, elle pourrait se laisser aller et se creuser la tête.

Des réveils avec une migraine atroce, elle en avait passé un certain nombre. Mais à ce point-là, non, jamais. Et pourtant, elle avait donné avec les soirées plus qu'arrosées et quelques substances illicites qui trainaient par-ci par-là. Il devait s'être passé quelque chose de très choquant pour que la mannequin ait disparu et ne se rappelle même pas qu'elle avait été la dernière chose qu'elle avait faite. C'était impossible, inconcevable qu'elle soit restée allongée là, en plein milieu d'une clairière pendant plusieurs semaines, car, bien qu'elle soit célèbre, on ne lance pas des avis de disparition comme ça, ce n'est pas vraiment le genre de la police des environs. Mais alors, avait-elle été enlevée ? Peut-être droguée ? Si c'était le cas, son ravisseur avait tout de même pris soin d'elle si on omettait son accoutrement d'aujourd'hui et son affreuse couleur de cheveux. Mais qui aurait pu lui en vouloir à ce point ? Au point de l'enlever ? Ou alors s'agissait-il simplement d'un taré de passage qui l'avait asphyxiée pour la traîner on ne sait où et la garder captive ? La possibilité qu'elle soit partie de son propre gré n'était pas à omettre. Il y avait des jours où elle avait été poussée à bout. Très souvent, son travail finissait par lui prendre la tête, c'était vrai, mais bizarrement, elle ne se voyait pas tout quitter du jour au lendemain pour prendre l'air. Miranda ne pouvait pas en être sûre, mais ce qui lui semblait être l'explication la plus plausible était celle du taré de passage. Bientôt, elle allait devoir aller se présenter à un commissariat pour qu'on arrête de la croire disparue. Elle voyait déjà les tests ADN qu'elle allait devoir subir. Sans parler de la presse qui allait s'emparer de cette histoire... Remarque, si la presse se jetait sur l'occasion, Miranda n'aurait pas à se charger de savoir ce qu'il s'était passé pour elle, puisque les médias s'en chargerait. Mais admettons une seconde qu'elle ait fait quelque chose d'horrible pendant son absence et que les médias le découvrent... ? Non, elle ne pouvait pas laisser la presse s'en charger. Surtout ces journalistes de pacotille. Elle allait devoir affronter les médias une fois de plus, et allait devoir chercher ce qu'elle avait pu faire et surtout pourquoi elle avait disparu.

La jeune mannequin resta cachée derrière les arbres qui l'entouraient, veillant à ne faire aucun bruit. Elle avait décidé d'écouter le reste de cette conversation téléphonique. Il n'y avait pas de bruit alentours, et c'était étonnant car en règle générale, là où se trouvait une cabine téléphonique, il y avait souvent une route très fréquentée. À travers les épais feuillages, la jeune femme ne distinguait qu'un sentier de terre, plutôt entretenu et bien délimité. Ce devait être une route qui traversait ces bois, une route pour les randonneurs ou les dresseurs de passage. Miranda s'accroupit, toujours cachée derrière le tronc d'un arbre pour le moins imposant. La mannequin n'avait jamais vraiment aimé la nature une fois devenue mannequin, après tout, la nature c'est salissant. Se retrouver là, accoutrée de vêtements si dégradants était le comble de l'ironie. Mais ce n'était pas le moment de s'apitoyer sur son sort, il fallait qu'elle se concentre pour écouter ce qui se disait au téléphone à quelques mètres d'elle. Avec une telle migraine, la tâche était déjà assez difficile, pas la peine de se focaliser sur quelque chose de futile en prime.

« Oh t'es gore ! La pauvre ! Elle avait beau être une pimbêche, elle n'en mérite quand même pas de s'être fait enlever par un serial killer ou autre. De toute manière ils ont eu beau passer toutes les forêts et les lacs au peigne fin, ils n'ont rien trouvé. Qui sait, elle est peut-être au fond d'une grotte, cachée ? Elle a pu en avoir marre de tous les médias et de son travail de fou. C'est ce que sa remplaçante, tu sais... Ako voilà ! Et ben, c'est ce qu'elle a publié dans le dernier numéro de Runway mode concernant les pistes envisageables. Elle a dit qu'avant de disparaître elle était sur les nerfs. »

Qu'est-ce qu'elle entendait là ? Ako avait osé publier un article pareil sur elle ? Et bien dès qu'elle ferait son grand retour, elle allait l'entendre cette ingrate ! Miranda lui avait tout donné et maintenant elle la descendait en disant qu'elle en avait eu marre... Comme si c'était son genre de tout laisser derrière elle sans rien dire ! … Bon … Peut-être un peu ! Mais laisser son prestigieux magazine aux mains de ce suppôt de Satan, ça jamais ! Miranda avait hâte de revenir pour lui coller une sacré trempe. La mannequin étouffa un juron et écouta la suite.

« Bah ça doit faire quatre mois qu'elle a disparu non ? Il y a peu de chance qu'on la retrouve, t'as raison... Bon bref, je serai chez toi ce soir, je suis en plein milieu de la forêt de Jade. Je savais pas qu'il y avait une cabine téléphonique perdue en plein milieu de ce bois ! Allez je te laisse, à toute. »

Miranda attendit que la personne raccroche et s'éloigne de quelques mètres pour se relever. Il n'était pas encore temps de rejoindre le sentier et d'aller dans la ville la plus proche, à savoir Jadielle sans aucun doute. Non, il fallait qu'elle se pose pour réfléchir au meilleur moyen de revenir à la vie normale. Cela lui rappelait son hospitalisation il y a quelques années de cela, après la disparition de sa mère... Décidément dans la famille, c'était monnaie courante ! Miranda préféra se lever pour aller rejoindre la petite clairière perdue, là où elle s'était réveillée. Elle était donc dans la forêt de Jade... Tant mieux, ce n'était pas un endroit aussi fréquenté qu'une ville. Si elle s'était réveillée dans un appartement en plein Safrania, cela aurait été plus dérangeant pour éviter de se faire remarquer. Elle s'assit en tailleur au milieu de la clairière et commença à réfléchir, luttant contre son mal de tête. Mais visiblement, quelqu'un en avait décidé autrement.

« POliiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii ! »

Encore ce cri, insupportable. Miranda se mit les mains sur la tête. Pourquoi ce cri revenait-il ? Était-ce un avertissement ? Ou alors on avait simplement décidé de lui faire empirer sa migraine ? Décidément, s'évanouir pendant près de quatre mois dans la nature, ce n'était pas la meilleure chose qui lui était arrivée...

Miranda demeurait assise au centre de la clairière. Elle se tenait le visage entre les mains, seule, triste et sans réponse à ses questions. Tant de questions qu'elle se posait... Comment était-il possible que rien ne lui revienne ? Avait-elle subi un lavage de cerveau ou quelque chose dans ce goût-là ? Cela y ressemblait fortement en tout cas. La jeune femme était complètement perdue, surtout depuis qu'elle avait appris qu'elle était portée disparue depuis quelques mois déjà... Comment, pourquoi avait-elle disparu ? Elle devait pouvoir répondre à ces questions mais ce n'était pas le cas. On aurait pu la comparer à un enfant qui était tombé et s'était fait mal, en cet instant, à genoux, pleurant dans ses mains boueuses. Ses longues boucles blondes tombaient en cascade sur ses épaules, même dans cet état, même les cheveux décolorés, même boueuse et accoutré d'horribles vêtements, la mannequin gardait une beauté angélique. Ce n'était pas la femme surfaite qu'on avait l'habitude de voir à la télé ou dans les magazines, non, c'était la jeune femme au naturel, sans maquillage ni fioritures. C'était ce qu'elle était vraiment dans le fond. Elle s'était perdue il y a bien longtemps en entrant dans le cercle de la mode, encore plus lorsqu'elle était devenue rédactrice de Runway. Ce magazine l'avait fait sombrer un peu plus. Elle avait beau aimer son travail, peut-être plus que la mode elle-même, cela la rendait aigrie, vieille avant l'âge, méchante. Elle était tellement habituée à publier des critiques de mode dans son magazine qu'elle ne savait même plus apprécier les choses. Finalement, peut-être que cette longue absence du devant de la scène, cette 'retraite' était intervenue au bon moment, bien qu'elle ne sache pas si elle avait été enlevée ou non. Il fallait parfois se couper du monde, et même si cette fois-ci était involontaire, elle tâcherait de se rappeler de cela dans le futur.

Elle pleura longuement, sanglotant comme une petite fille triste qui venait de perdre son jouet. Les larmes inondaient ses mains crasseuses et les lavèrent de leur pureté. Après quelques minutes à pleurer intensément, la mannequin s'arrêta, respira longuement, la tête toujours entre les mains. Il fallait qu'elle soit forte, car tôt ou tard, elle devrait retourner à la civilisation et affronter la cruelle réalité du monde qui l'attendait. Une seconde, une seule petite seconde, une idée lui traversa l'esprit. C'était l'idée folle de prendre un autre nom, une autre identité et que jamais personne ne la retrouve. Que Miranda Walsh, la célèbre mannequin, soit morte et enterrée aux yeux de tous, mais qu'en réalité, elle vive cachée, bien tranquille dans un coin. C'était une idée absurde bien sûr, mais les choses seraient tellement plus simples ainsi... Personne ne pourrait la reconnaître avec ses longues boucles blondes, puisqu'il n'existait aucune personne qui l'avait vue ainsi dès qu'elle avait eu quatre ans. Elle n'aurait qu'à mettre des lentilles de contact, se faire refaire (pour une énième fois) le nez par exemple, histoire de changer, un coup de botox par-ci, un peu plus de silicone par-là et le tour serait joué ! Mais c'était hélas une chose impossible. Il était si futile parfois de penser que l'on pouvait échapper à soi-même, sa véritable identité. Car après tout, c'était ce qu'elle était devenue: une pimbêche décérébrée, mais le pire dans tout cela, c'est qu'elle se complaisait dans ce rôle-ci et ne cherchait même plus à le fuir. Elle se revit, dans son bureau où elle revérifiait un nombre incalculable de fois la maquette du magazine avant que celui-ci ne soit publié. C'était ce qu'elle aimait. Elle s'aimait, un point c'est tout, et autant qu'elle se rende tout de suite à l'évidence, l'ancienne Miranda n'existait plus depuis bien longtemps. Désormais, elle n'était que cette sublime femme aux cheveux roses, tyrannique avec ses subordonnées, méchante et sournoise. Et c'était tellement bien comme cela qu'elle se demandait maintenant pourquoi elle avait hésité une seconde à changer d'identité. C'était bien là la preuve de sa vraie couleur de cheveux...

Alors qu'elle comptait arrêter de se morfondre et se relever, Miranda sentit quelque chose venir se poser sur ses genoux. Son cerveau réagit en deux temps: primo, elle ne savait pas ce dont il s'agissait, le mieux était donc de crier et de s'en aller sans demander son reste. Deuxio, elle se surprit à s'interroger sur l'identité de cette...chose et aurait aimé savoir de qui il s'agissait-là ? Qui pouvait bien passer par là ? Elle n'avait vu personne aux alentours. La curiosité s'empara finalement de la jeune femme. Elle écarta prudemment les mains de son visage et sursauta en découvrant le museau ensanglanté d'un Mentali qui se tenait devant elle, pattes avant sur ses genoux. Miranda bascula en arrière sans s'en rendre compte. Super, maintenant, elle avait les cheveux encore plus boueux ! L'instant d'après, elle se redressa pour toiser le Mentali d'un regard qui en disait long: l'incompréhension se lisait sur son visage, en même temps qu'un dégoût assez profond... Non seulement cette bestiole avait le museau barbouillé de sang, mais en plus, ses pattes étaient tachées également. Tout pour plaire ! Et qu'est-ce qu'un Mentali venait faire dans la forêt de Jade d'abord ? Ils n'étaient pas très répandus dans la région de Kantô déjà, alors en plus s'ils venaient dans la forêt de Jade, où allions-nous ?

Le pokémon en face de Miranda sembla se rendre compte de l'inquiétude qu'il avait causé chez la jeune femme et enleva ses pattes avant de ses genoux. Le Mentali recula pas à pas pour finir par s'asseoir dans l'herbe, en face de Miranda, à plus ou moins un mètre d'elle. Que diable ce pokémon voulait-il ? En tout cas, Miranda n'en avait jamais vu en vrai, surtout de si près, encore moins à l'état sauvage. Si tant est qu'il était vraiment sauvage. Alors la mannequin contempla le visiteur surprise de ses grands yeux bleus. Les Mentali étaient des pokémons tout à fait magnifiques. Leur beau pelage couleur violet était tout bonnement à couper le souffle ! Et ils avaient cette grâce de félin attirante, irrésistible. Il avait aussi ces grands yeux d'un violet profond qui étaient si captivant : On aurait pu s'y noyer. Mais le plus intriguant demeurait le joyeux d'un rouge flamboyant qui ornait le front du pokémon. Miranda avait toujours entendu dire que ces pokémons avaient des pouvoirs psychiques extrêmement développés. Il paraissait qu'en étudiant les vibrations de l'air, ils pouvaient prévoir les déplacements de leurs adversaires dans un futur proche et même le climat. Il s'agissait là de pokémons tout à fait fascinants. Une légende racontait également que certains pokémons de cette espèce, au contact d'un dresseur qui aimait ses pokémons, parvenaient à voir le futur dans le but de protéger leur dresseur. C'était tout bonnement incroyable. Et voilà que Miranda se trouvait en face d'un de ces pokémons dans la forêt de Jade, un trou perdu en plein Kantô.

Le joyaux rouge du pokémon se mit à luire de plus belle et Miranda ressentit un violent mal de tête tout en entendant les paroles que le pokémon voulait sans doute lui transmettre. Le message était comme brouillé et c'était une douleur atroce. On aurait dit que quelque chose ne voulait pas qu'elle communique avec lui.

** Désolée. Je ne comptais pas te faire peur. Tu me semblait mal au point. Quelque chose ne va pas? C'est toi la fille aux cheveux roses disparu? Vu comme ça on ne l'aurait même pas deviné. Je ne sais pas si vous avez vu votre crinière et senti votre... aheum odeur... Enfin bref. Je m'appelle Hyde. Et vous? **

Elle avait compris le message que le pokémon lui avait envoyé. Elle se demanda alors si elle devait répondre à haute voix ou dans sa tête. Par précaution, la mannequin prit la parole, essayant de faire abstraction de sa migraine.

« Je m'appelle Miranda Walsh, mais appelle-moi Mira. Et oui, il semblerait que ce soit moi qui ai disparu... »

Elle continua de regarder le pokémon un instant, intriguée. Il parvenait à parler par télépathie, ce qu'elle avait entendu dire sur les Mentali était donc vrai. De nouveau, Miranda reçut comme un violent coup à la tête. C'était vraiment horrible cette migraine. Il fallait qu'elle prenne une aspirine dès qu'elle rentrerait chez elle... ce qui risquait de prendre du temps.

« Que fais-tu là, en plein milieu -pardonne-moi l'expression- du trou du cul du monde ? Un Mentali dans la forêt de Jade, on aura tout vu ! Enfin remarque, je suis pas mieux... »

Si on y réfléchissait bien, elle aussi n'était pas vraiment là où elle 'devait' se trouver en temps normal. D'habitude, elle serait soit dans son bureau, soit à une fête de charité, un gala, ou bien un défilé. Finalement, ils étaient deux paumés tous les deux, perdus au milieu de cette clairière dans la forêt de Jade. Franchement, quelle idée de se réveiller là, pleine de boue ? Ah vraiment...

« Euh... Ton dresseur ne serait pas dans le coin par hasard ? Du genre le mec de la cabine téléphonique ? »

L'espoir fait vivre, en effet...

La mannequin se retrouvait à parler avec un Mentali en plein milieu de la forêt de Jade. Non mais vraiment, si quelqu'un la voyait là, elle une grande mannequin, accoutrée de cette manière, en train de parler à un Mentali ayant le museau et les pattes barbouillés de sang, elle ferait la une des journaux et pas en bien ! Sachant pertinemment que discuter avec une Mentali ne lui permettrait pas de rentrer chez elle comme elle l'avait prévu, Miranda décida donc de lui demander si elle n'avait pas un dresseur dans le coin. Et bien, la réaction du pokémon psychique ne se fit pas attendre ! La Mentali s'écroula par terre, sans crier gare. Elle semblait prise d'un violent fou rire et ne pouvait pas s'arrêter,... Est-ce que Miranda avait dit quelque chose de drôle ? Non mais sérieusement. Depuis quand on explose de rire dans un moment si critique ! La mannequin venait de se réveiller après plusieurs mois d'absence apparemment, elle ne savait pas comment elle allait rentrer chez elle, et lorsqu'elle demandait au Mentali si elle avait un dresseur dans l'espoir que celui-ci ne soit pas trop bête et la reconduise chez elle, voilà que le pokémon se mettait à exploser de rire. C'était vraiment une journée de poisse ! Se réveiller en pleine nature après des mois d'absence aux côtés d'un Mentali complètement allumée, ce n'est pas conseillé. Miranda resta zen, essayant de ne pas s'énerver et gueuler sur le pauvre pokémon qui n'avait sans doute rien fait de mal. C'était sa façon de relâcher la pression ? N'est-ce pas ? Miranda respire un grand coup, se levant pour s'étirer. Cette Mentali était son seul espoir pour le moment de toute manière. Et mieux valait ne pas mettre un Mentali en colère, c'était bien connu. Miranda attendit donc sagement que la bête aux poils violet se calme. Peut-être qu'elle allait enfin se décider à répondre à sa question ? Par la pensée en plus, ce qui allait encore lui vriller le crâne puisqu'elle ne comprenait d'un mot sur trois...

** Moi? Un dresseur? Le monsieur de la cabine téléphonique? The Goujat de première classe?! Oh que non, je suis à l'état sauvage. Sinon je n'aurais jamais eu ce sang qui tache mon pelage. Il y a bien longtemps que je n'ai plus de maîtres... **

En y repensant, c'est vrai que le gars de la cabine téléphonique ne semblait pas très aidé. Mais il avait l'air mignon à dire vrai ! Enfin, la mannequin ne l'avait vu que de loin, cachée derrière un arbre, donc question netteté pour ces choses là... On fait mieux. Ainsi donc la Mentali était une errante. Une sauvage. En même temps, c'est sûr que si à chaque fois qu'elle allait se promener elle se ramenait avec du sang partout, on ne devait pas grandement l'apprécier la bête. Bien que Miranda ait du mal à capter tout ce que la Mentali sauvage disait, elle sentit nettement la voix de celle-ci se briser en prononçant la dernière phrase. Ainsi donc, elle avait déjà eu des maîtres, mais ils l'avaient abandonnés, sans aucun doute. Si c'était le cas, elle n'était pas la première, cela arrivait à tant de pokémons. Malgré tout, Miranda eut beaucoup de peine pour la Mentali. Cela lui fit repenser à ses pokémons à elle, ceux qu'elle ne verrait sans doute plus jamais... Sa Ryu, sa belle dracolosse. Elle était si belle, si forte. Elle avait été son premier pokémon et Miranda avait tout partagé avec elle. Et voilà qu'aujourd'hui elle s'en retrouvait séparée... Et puis il y avait Hasa, le fier, le courageux. C'était un combattant dans l'âme ce Cizayox ! Il n'avait jamais refusé un combat, et bien qu'il perdait quelque fois, il s'en relevait, toujours plus fort, encore prêt à en découdre ! Il y avait également Din. Lui, c'était le cerveau du groupe, calme et posé. Il réfléchissait tout le temps avant d'agir et ne laissait rien au hasard. Il menait un peu le groupe spirituellement, imposant de temps à autre des moments de méditation... Ah ce Alakazam, comme tous les pokémons psychiques, il avait besoin de calme et de silence (excepté la Mentali qui était vraiment énergique). Miranda ne pouvait pas non plus oublier Plasma. Elle, c'était un sacré numéro ! Elle fumait la pipe lorsque Miranda l'avait rencontrée et elle arrivait à se transformer en pokémons légendaires, juste pour qu'on lui fiche la paix. Miranda avait eu du mal à capturer la spectre chromatique qui avait décidé d'être la gardienne de la tour cendrée. Mais finalement, elle y était parvenue.

Miranda se replongea alors complètement dans ses folles aventures passées. Tous ces souvenirs étaient lointains, beaucoup plus lointains que ceux juste avant sa disparition. Elle se rappelait donc la capture de Queen. Une capture plus que compliquée. Elle avait failli mourir ce jour là ! Dans l'antre noir, complètement excentrée. La Feunarde chromatique avait déclenché un éboulement dans la grotte, menaçant toute une tribu d'Eoko. Miranda avait vu ses pokémons se retourner contre elle à cause de l'attraction de la Feunarde, et Dracolosse avait fini par succomber à ses blessures... Miranda était tombée dans les pommes et avait eu quelques cottes cassées... Heureusement, la Feunarde, bien que refusant de se faire capturer, avait emmené Miranda hors de la grotte avec ses pokémons. ET puis, elles avaient passé un moment à regarder les étoiles scintillantes dans le lac, avant que la Feunarde appuie de son plein gré sur le pokéball pour se laisser capturer... Cette capture avait été magnifique, plus que magnifique. Mais Miranda avait aussi perdu Queen, sa chère Queen... Sans parler de sa Chaglam, Virux, une véritable peste. Elle était sortie d'un oeuf dans la planque Rocket, c'était vous dire ! Heureusement que ce jour-là, l'homme au long nez, Meister, avait pris soin du petit bébé chat. Et bien entendu, Miranda avait récupéré Spotch, un Escargaume qu'elle avait capturé durant un évènement au parc naturel de Doublonville. Et cet œuf, qu'elle avait récupéré au centre pokémon d'Azuria... Elle n'avait jamais su ce qu'il contenait, damn.

Mais le temps n'était pas aux souvenirs. Miranda avait perdu ses pokémons, et c'est tout ce qu'elle savait, tout ce qui la préoccupait, certes. Mais maintenant, elle devait aller de l'avant et retourner chez elle. La Mentali avait fini de se tordre de rire et Miranda la dévisagea avant de gueuler dans sa tête: *Quoi ? Je suis pas une comique moi ! On est dans une situation critique alors un peu de sérieux, m*rde !* Crier dans sa tête était le meilleur moyen pour expulser toute la colère qu'elle avait en elle. Pas de la colère contre la Mentali sauvage, mais colère contre elle même qui avait presque tout perdu.

** Je me promène et visite différents endroit. Je me suis arrêtée ici il y a quelque temps. Et nom d'un Magicarpe, c'est la première fois que je vois un humain dans un état aussi pitoyable et aussi perdue. Vous comptez rejoindre la ville? Je peux toujours vous aider... Allons déjà à Argenta pour voir si les gens on entendu parler de vous. **

« Je sais que je ne suis pas vraiment dans mes plus beaux attraits, mais tu y vas un peu fort dis... Je veux rentrer chez moi mais je ne sais pas par où aller, voilà tout. Bon, va pour Argenta, je te suis. »

Miranda ne savait pas si aller à Argenta était une bonne idée en soi. Elle n'était jamais vraiment allée là bas et ce n'était pas spécialement à cet endroit qu'elle habitait mais bon, elle prit soin de suivre la Mentali quand même. Cette dernière était agile et n'avait aucun mal à progresser à travers la forêt de Jade, mais pour la mannequin, c'était déjà beaucoup plus difficile. Elle était maigre, certes, mais pas autant que la Mentali... Celle-ci marquait des pauses, attendant que la mannequin la rejoigne, puis repartait de plus belle. Elle n'était jamais fatiguée et progressait à travers la forêt sans peine, contrairement à la mannequin. Miranda aperçut enfin Argenta au loin. Elles étaient enfin arrivées, ouf. La mannequin reconnut la ville, n'y étant pas vraiment allée, mais l'ayant survolée à dos de Dracolosse. Tout le monde ici présent demeurait calme. Jusqu'à ce qu'ils voient une femme couverte de boue et un pokémon tâché de sang. Ce n'était pas vraiment un spectacle habituel dans les environs. Cette fois-ci, c'était Miranda qui prenait les devant, avançant à travers la ville, sans pour autant crier à tous: Hé c'est moi la mannequin disparue depuis quelques mois ! Mais soudain, elle entendit un cri derrière elle, strident. Lorsqu'elle se retourna, elle vit la Mentali effondrée sur le sol et roulée en boule.

Miranda accourut auprès du pokémon au pelage violacé. Elle se tordait de douleur. Que pouvait-il bien se passer ? Elle s'apprêtait à appeler de toute urgence l'infirmière Joëlle de la ville lorsque la Mentali se releva avec peine. Miranda la regardait, interdite. Qu'est-ce qui pouvait bien s'être passé ? La mannequin ne pipa mot, se contentant s'attendre que la Mentali parle, pour être sûre que tout allait bien. Cette dernière ne se fit pas prier et prit la parole, d'une toute petite voix.

** Désolée. Je ne savais pas qu'elle allait revenir. Vous habitez par où? Vous vous souvenez? **

Qu'elle allait revenir ? Mais de qui parlait elle ? Qui allait revenir ? Miranda ne comprenait plus rien. Elle s'agenouilla près de la Mentali, choquée par ce qui venait de se passer sous ses yeux.

« Je... Oui je me rappelle où j'habite. Et ce n'est pas vraiment à Argenta ! J'ai plusieurs résidences, dont une à Safrania. Je m'y rendrai le plus tôt possible... Mais toi ? Que s'est il passé ? Et qui est 'revenue' ? »

Miranda s'inquiétait pour la Mentali, c'était grâce à elle qu'elle était arrivée à Argenta, elle ne pouvait donc pas la laisser dans cet état. La mannequin lui dit donc de la suivre et se rendit dans un restaurant de nouille pokémon. Là-bas, devant le regard médusa du serveur qui la détaillait de la tête aux pieds, Miranda commanda deux plats de nouille. Il lui resta à peine assez d'argent dans sa vieille veste qu'elle ne connaissait pas, d'ailleurs, pour payer la commande. Alors elle s'installa à une table, avec la Mentali. Les restaurant pour pokémons étaient très connus dans la région, et appréciés de tous. Tous les pokémons en raffolaient, alors Miranda savait ne pas s'être trompée.

« Dis-moi... Raconte-moi ce qui s'est passé tout à l'heure ? Qui est revenue ? »

Si elle pouvait aider la Mentali d'une quelconque manière, elle le ferait.

La mannequin s’inquiétait réellement pour la Mentali. Elle n’avait pas vraiment eu l’occasion de croiser des pokémon aussi… perturbés. Ce qui s’était passé à l’entrée de la ville ressemblait clairement à une crise de schizophrénie, mais n’étant pas une experte dans le domaine, Miranda préféra se terre pour le moment, et s’installer avec la Mentali dans un endroit tranquille afin de pouvoir discuter au calme et mettre la situation à plat. Mine de rien, deux plats de nouilles revenaient très cher lorsqu’on avait plus que quelques billets dans une poche de vieille veste en jean crasseuse. Aussitôt commandé, aussitôt servies. Les demoiselles étaient apparemment des invités de marque, bien qu’elles soient, pour l’une crasseuse, et pour l’autre le museau encore un peu ensanglanté. Peut-être était-ce tout simplement les atouts non négligeables de la mannequin qui avait fait s’activer le cuisinier-serveur.

A l’abri des regards, confortablement installées sur des divans bien moelleux, les demoiselles avaient tout le temps pour parler désormais. Miranda fut la première à attaquer son plat d’un bon coup de fourchette. Elle était affamée et avait l’impression d’avoir jeuné pendant un mois entier. Malgré tout, elle conserva les manières qu’on lui avait inculquées, et mangea comme le font les dames du monde. Il ne fallait pas laisser un aussi bon plat se refroidir, cela aurait été du gâchis, tout simplement, aussi, Miranda se hâta d’en profiter pleinement. Après quelques bouchées seulement, elle demanda à la Mentali ce qui s’était passé précédemment. Peut-être ne pourrait-elle pas l’aider, mais au moins, la boule de poils pourrait déballer ce qu’elle avait sur le cœur et en parler avec quelqu’un de confiance. Elles ne se connaissaient pas depuis longtemps, mais Miranda avait comme l’impression qu’elle pouvait parler à cette Mentali comme à une amie de longue date. De toute manière, elle n’avait aucun ami en réalité, et elle était persuadée que l’on pouvait beaucoup plus facilement placer sa confiance en un pokémon, même fraîchement rencontré, qu’en une personne connue depuis l’enfance.

La question de la mannequin sembla désarçonner la boule de poils qui hésita avant de répondre. Elle se décida à commencer son repas elle aussi, et avala goulument quelques bouchées de ses nouilles aromatisées au poulet. Miranda était heureuse de voir que ce plat satisfaisait son invitée et se perdit dans la contemplation du restaurant en attendant que celle-ci trouve le courage de lui faire part de ses problèmes. Il s’agissait d’une ambiance orientale. Les meubles semblaient être de style byzantin, tandis que des statuettes hindoues meublaient quelques étagères par-ci, par-là. C’était une ambiance très fermée, avec quelques cônes d’encens qui brûlaient à chaque table, embaumant la pièce d’une agréable senteur des indes. Beaucoup de monde se trouvait au restaurant, mais chaque tablée étant entourée de paravents très joliment décorés, on pouvait presque se croire chez soi, dans son propre salon. Perdue dans ses pensées, Miranda fut brusquement ramenée à la réalité par le récit de son interlocutrice.

Il s’agissait apparemment de Lilith. D’après la description qu’en faisait la Mentali, Lilith était une autre entité malfaisante qui hantait son corps. Miranda pensa aussitôt aux symptômes de la schizophrénie, et plus la Mentali continuait son récit, plus Miranda se posait des questions, à savoir si ses suppositions étaient fondées ou non. La pokémon psy dressait un portrait si diabolique de cette deuxième personne qui hantait son corps que Miranda commença à avoir peur. Son expression passa de la surprise à la peur en un clin d’œil et elle se décomposa très vite. Elle aurait aimé rester complètement impassible, stoïque, mais cela lui était impossible, surtout lorsqu’elle entendait un récit aussi noir, aussi sombre que celui-ci. Lilith était assoiffée de sang et voulait faire le mal autour d’elle… Alors comment ne pas penser qu’il pouvait s’agir de la personnalité sombre de la Mentali ? Son côté caché, et qui sait, la personnalité qu’elle avait voulu oublier… Sa vraie personnalité ? Miranda se posait tout à coup un tas de questions et ne savait plus quoi penser.

** En clair pour résumer, j'ai l'impression qu'on est deux à partager le même corps. Moi, et Lilith, fleur du mal. Vous avez tout le loisir de me croire ou pas. Il est vrai que c'est un situation assez particulière qui me bouleverse moi-même. Êtes-vous en mesure de m'aider ? **

Si elle était en mesure de l’aider ? Sûrement pas, ou tout du moins elle ne s’en croyait pas capable. Mais elle ne pouvait pas l’avouer au Mentali et tenta tant bien que mal de lui masquer cette pensée. Lorsqu’elle aperçut un peu plus loin que le serveur revenait à la charge, comme si elle avait été importunée par la Mentali, Miranda réagit au quart de tour. Elle arracha un morceau de terre de sous sa chaussure, le cassa en deux et en mit un dans chaque bol de nouilles sur la table. Lorsque le serveur arriva pour lui demander si tout allait bien, elle pouvait dors et déjà mettre son plan à exécution.

« Non, ça ne va pas non ! Et ce n’est pas cette boule de poils qui m’importune, c’est vous ! Regardez nos bols, il y a de l’espèce de… terre dedans ! Non mais c’est une honte ! J’exige qu’on nous en amène des nouveaux sans terre sur le champ ! »

Le serveur sembla perdre pieds, comme si Miranda venait de lui assener un véritable coup de massue sur la tête. Il commença à bafouiller, avant de s’excuser et de repartir en cuisine pour ramener aussitôt deux nouveaux bols de soupe. Au moins, la mannequin aurait fait des économies : deux bols de soupe pour le prix d’un seul. Maintenant, il fallait qu’elle se ressaisisse, qu’elle sache trouver les mots pour ne pas que la Mentali s’inquiète. Mais que pouvait-elle lui dire exactement ?

« Je suis désolée, mais je ne peux pas t’aider. La psychologie, ce n’est pas mon rayon. Pourquoi n’irais-tu pas voir… un chercheur par exemple ? Je suis sûre qu’ils pourraient t’aider… Ou au moins essayer. En tout cas si tu veux, tu peux venir avec moi à Safr… »

Miranda laissa sa phrase en suspens. A l’autre bout du magasin, une femme venait d’entrer. C’était une vieille femme, avec des lunettes, qui tenait un cierge dans sa main gauche. Elle était vêtue d’une tunique étrange qui ne disant rien à Miranda et agitait de la main droite une sorte de talisman en récitant quelque chose… Etait-ce une exorciste ?

« Le démon est ici ! On m’a appelée pour le faire sortir. VOUS ! »

Elle laissa tomber son cierge par terre qui s’éteignit et répandit de la cire partout sur le sol. Elle s’approcha alors à grands pas vers Miranda et la Mentali. Qui l’avait appelée ? Sûrement les passants qui avaient assisté à la scène à l’entrée de la ville. Tous les clients s’éloignèrent en courant et sortirent du magasin, tandis que la vieille folle arrivait encore plus vite vers les demoiselles. Elle voulait sans doute avoir recours à un exorcisme sur la Mentali. Miranda ne pouvait pas permettre ça, mais que pouvait-elle faire à présent ? Il fallait qu’elle ou la Mentali trouve un moyen de s’échapper d’ici, et rapido.

Spoiler:

La venue d’une bonne femme complètement hystérique se prenant pour une espèce d’exorciste, dans un humble petit restaurant de nouilles assez réputé, était une chose d’une grande rareté. Miranda n’avait jamais eu le plaisir d’assister à quelque chose dans le style, et il est vrai que la mannequin était avide de nouvelles expériences, surtout depuis son ‘retour à la vie active’. Avoir affaire à une dérangée de service n’était en soi pas dérangeant, après tout, des détraqués, la jeune femme en côtoyait tous les jours, mais ce qui était plus embêtant, c’était que la détraquée en question en avait après la Mentali qui dégustait tranquillement son second bol de soupe. Et la pokémon n’avait pas été la seule à être dérangée, non. Miranda aussi avait été dérangée par tout ce raffut soudain et la cohue qui s’était empressée de sortir du restaurant. Or, la chose qu’il ne fallait surtout pas faire avec une mannequin affamée, était de la déranger pendant son repas durement acquis, surtout en ayant eu recours à un stratagème impliquant un serveur au cœur d’artichaut et de la terre sciemment mise dans les bols de soupe…

Alors que Miranda s’apprêtait à se lever de table pour aller gentiment congédier la vieille hystérique, celle-ci arriva au pas de course vers la table de la Mentali et de la mannequin. Elle attrapa Miranda par les épaules et la tira violemment en arrière comme si sa vie en dépendait, avant de l’affubler d’un collier des plus affreux, sûrement fait main, orné d’un crucifix bien glauque. Plus les secondes passaient, plus Miranda sentait que les choses allaient mal tourner. Cette vieille folle avait été appelée par on ne savait trop qui, mais allait causer un bon nombre d’ennuis aux deux amies, cela ne faisait aucun doute.

« Ne vous inquiétez pas mademoiselle. Je vais vous aider à libérer le DEMON qui est dans son corps. Tenez cette eau bénite et jetez lui dessus si le démon devient trop violent. Et restée tranquille si vous ne voulez pas subir le même sort hein! C'est pour son bien. »

La femme qui se voulait exorciste plongea sa main libre dans un affreux sac en toile de jute et farfouilla quelques secondes qui parurent durer une éternité, avant d’en sortir une bouteille d’eau bénite et de la jeter entre les mains de Miranda. Heureusement que cette dernière avait des réflexes, sinon l’eau aurait servi à laver le sol. La mannequin ne comprenait vraiment plus ce qui se passait ici et était complètement dépassée par les évènements. Tout allait beaucoup trop vite à son goût et son cerveau allait trop lentement depuis son réveil, avec le mal de crâne qui lui vrillait la tête, sans oublier deux bols de soupe bien chaude qui l’avaient placée sur un petit nuage, à cent mille mètres de la réalité. Si elle n’avait pas été si habituée aux substances illicites par son métier, elle se serait volontiers crue en train de planer.

La suite des évènements fut, pour Miranda, une succession rapide et brève d’images qui lui défilèrent devant les yeux. Elle se serait presque crue dans un film. D’ailleurs, en voyant débarquer un gars plus que musclé ressemblant étrangement à Stalone, après que la vieille folle lui en a donné l’ordre, Miranda fut pratiquement persuadée que le serveur avait glissé un peu de ghb dans sa soupe. L’homme se plaça entre la mannequin et la Mentali et immobilisa Miranda. Ce fut à ce moment précis que la jeune femme sembla reprendre ses esprits pour entamer une lutte acharnée mais perdue d’avance contre l’armoire à glace qui l’empêchait de faire quoi que ce soit. Elle essaya tout d’abord de lui donner des coups de coude, de pieds, de poings, mais à chaque fois, elle avait l’impression de taper dans un mur en béton armé. Mais la mannequin, désormais blonde, ne s’avoua pas vaincue et tenta de mordre le bras de l’homme, mais elle ne rencontra malheureusement que le goût amer et dégueulasse du cuir de sa veste. Pas la peine de tenter le coup des ongles puisqu’ils étaient cassés et qu’elle allait se faire mal si elle essayait. Elle regarda donc par-dessus l’épaule du Stalone nouvelle génération, juste le temps de voir la vieille folle se prendre du liquide chaud de la soupe sur la tête en essayant d’attraper la boule de poils mauve. A ce moment là, la Mentali s’échappa dans la cuisine et le bras droit de la vieille exorciste se lança à sa poursuite. Il fallait que Miranda en profite pour empêcher la vieille folle de faire quoi que ce soit de mal et qui pourrait lui causer des ennuis. Profiter du fait qu’elle était en train de vociférer suite à sa brûlure, voilà qui était un plan parfait !

Miranda s’élança à son tour vers la vieille folle et entreprit de lui sauter dessus, encerclant son cou de ses bras et sa taille de ses jambes. Après tout, dans les limousines la menant aux défilés, elle en avait regardé des émissions de catch féminin ! Elle avait même essayer de mettre ce qu’elle avait vu en pratique une fois, mais équipée de talons et de minijupe, l’affaire s’était révélée catastrophique. Or, dans le cas présent, elle était habillée comme une vieille campagnarde, et était donc beaucoup plus libre de ses mouvements. En sautant sur le dos de la vieille bonne femme, le dos de cette dernière craqua un vieux coup, et l’exorciste cria de douleur encore plus que pour la soupe. Il faut dire que les deux cumulés, ce n’était pas triste. Mais la vieille ne s’avoua pas vaincue pour autant. La mauvaise herbe, ça ne crève pas si facilement ! Miranda avait maintenant l’impression du faire du rodéo. La mémé était pire qu’un cerfrousse excité ! Elle ruait dans tous les sens, balançant bras et jambes de n’importe quel côté, essayant de mordre les bras de la mannequin. Cette femme était petite et chétive, mais au fond, c’était une affreuse guerrière qui aurait fait fuir un Ursaring. Mais Miranda s’accrocha et ne lâcha pas prise, ce qui eut le don d’énerver la vieille femme. Elle employa donc une nouvelle technique, une méthode dévastatrice qui était sûrement venue à bout de n’importe lequel de ses ennemis. Elle fit violemment machine arrière et fonça contre le mur pour que Miranda se fasse littéralement broyée. Et elle recommença la chose plusieurs fois de suite. Cette vieille mégère était sûrement championne de catch de l’année 1950, ce n’était pas possible autrement ! Et Miranda qui se faisait une joie de mettre en pratique ce qu’elle avait vu de si nombreuses fois à la télé.

« Cherche pas ma jolie, les anorexiques dans ton genre ne font pas le poids. »

La mémé lui sourit sadiquement tandis que la mannequin gémissait de douleur. Elle avait l’impression qu’on venait de lui passer un rouleau compresseur sur le dos. Cette vieille femme était une machine de guerre qui défonçait tout sur son passage, il allait falloir user de nombreux stratagèmes pour en venir à bout. La mannequin tourna la tête vers les cuisines, d’où s’échappaient des bruits de lutte acharnée. Elle entendit un nombre incalculable de bouteilles de verre venir s’exploser sur le sol, avant d’entendre quelqu’un tomber violemment par terre et d’entendre pour finir une casserole tomber lourdement. Décidément, depuis l’arrivée de l’exorciste et du type louche, l’ambiance était folklorique ! Pendant ce temps, la mémé avait bien vite réorganisé les tables du restaurant afin de former un crucifix géant sur lequel elle monta, alors que la Mentali sortait des cuisines, ayant probablement vaincu son adversaire. Au moins, l’une des deux avait réussi, même si Miranda avait pitoyablement échoué.

« EXORCIZAMUS te, omnis immunde spiritus, omnis satanica potestas, omnis incursio infernalis adversarii, omni legio, omnis congregatio et secta diabolica, in nomine et virtute Domini nostri Jesu Christi, eradicare et effugare a Dei Ecclesia, ... »

En entendant ceci, Miranda passa son tour. Il devait s’agir d’un vieux rituel plein de mots latins compliqués pour faire sortir le ‘démon’ du pauvre petit corps de la Mentali. Ce n’était pas quelque chose qu’on improvisait, cette vieille démone avait de l’expérience en la matière, Miranda en était certaine. C’est alors que la mannequin reçut un message télépathique de la part de la Mentali.


** Mira? Où es-tu? Je... je suis devant la... cuisine... **

Miranda, dans un coin de la pièce, à moitié morte, avait repéré la boule de poils, mais celle-ci n’avait pas du l’apercevoir.

« Va-t-en Satan, inventeur et maître de toute tromperie, ennemi du salut des hommes! Cède ta place à Arceus, en qui tu n'as rien trouvé de tes œuvres. Tremble et fuis, à l'invocation faite par nous du saint et terrible nom d'Arceus qui fait trembler les enfers. Que le Seigneur exauce ma prière et que mon cri parvienne jusqu'à Vous! ... »

Miranda regarda la boule de poils mauve qui s’effondra alors sur le sol. Etait-elle donc réellement possédée pour s’effondrer ainsi ? Miranda ne pouvait pas y croire. Il fallait qu’elle arrête cette vieille folle. La mannequin chercha loin pour trouver la force de se relever et puisa dans ses dernières forces. Son dos la faisait terriblement souffrir et elle avança avec peine, en titubant presque vers l’exorciste qui continuait de réciter son exorcisme. Elle était de dos, une aubaine pour attaquer et la prendre par surprise. Miranda avança doucement mais sûrement, elle n’avait d’autre choix que de mettre la vieille hors service, sinon cela allait mal finir, déjà que la situation était très mal barrée, alors si en plus l’exorciste faisait du mal à la Mentali, l’équipe mannequin-pokémon aurait tout perdu. Or cela, Miranda ne pouvait pas le concevoir. Elle regarda autour d’elle à la recherche d’une arme pour frapper la folle. Cette dernière semblait être en transe tellement elle était partie dans son délire du démon à éradiquer de la surface de la planète. Son latin était d’ailleurs douteux, et elle faisait des gestes très… étranges, comme agiter sa langue dans les airs pour appeler à la puissance du dieu créateur, bla bla bla… Un pot de fleur. Miranda vit ce pot de fleur comme le Saint Graal et s’en saisit rapidement, avant de monter avec peine sur les tables. Elle leva le pot de fleur derrière sa tête et s’apprêtait à l’abattre sur la tête de la vieille folle lorsque celle-ci se retourna, tirant la langue de plus belle et les yeux d’un blanc vitreux. La mannequin fut un instant désarçonnée mais lança le pot de fleur de toute ses forces.

Strike. Elle n’était pas douée au bowling, mais là, elle l’avait balancé en plein de le mille ce pot de fleur ! La vieille se le reçut dans la tête, plus précisément sur le front, et bascula en arrière, se prit les pieds dans un bol de soupe et tomba lourdement sur le sol, non loin de la Mentali. Miranda se dépêcha de sauter au sol, telle une héroïne secourant une personne en détresse. Elle alla près de la Mentali et la prit dans ses bras, bien décidée à la faire sortir de cet endroit sordide. Mais au moment où elle atteignait la porte d’entrée (et de sortie), ce ne fut pas une vieille exorciste folle catcheuse que Miranda vit devant elle, mais bien cinq mémés prêtes à en découdre.

« Suppôt de Satan ! Le Malin t’a contaminée toi aussi ma fille ! Nous allons venger nôtre cheffe et éradiquer le démon de cette planète ! En avant les filles ! »

Comment pouvait-on se qualifier de fille lorsque l’on était une centenaire ou presque ? Miranda n’eut pas le temps de s’attarder plus longtemps sur la question. Les mémés rugir comme des lions affamés et chargèrent. Miranda rebroussa chemin, la Mentali toujours dans les bras. Sur le chemin, elle aperçut un panneau ‘sortie d’urgence’, qui indiquait d’une flèche verte une porte qui était sûrement la sortie de derrière. Une chance. Il fallait vite que la Mentali se réveille car les mémés étaient rapides et se rapprochaient dangereusement de la mannequin qui trébuchait presque à chaque pas. Elles allaient devoir affronter la bande de catcheuses centenaires si elles voulaient s’en sortir, cela ne faisait aucun doute.

Spoiler:

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Elle courait aussi vite qu’elle n’avait jamais couru. Malheureusement pour elle, en trébuchant à chaque pas, cela ralentissait nettement la cadence. La jeune femme n’avait jamais été une grande adepte du sport, bien qu’elle en ait pratiqué par le passé. Aujourd’hui, la course mais surtout l’endurance, étaient un véritable fardeau, d’autant plus qu’elle n’avait encore jamais eu à échapper à quelqu’un. C’était quelque chose de très nouveau pour elle, et il y avait même plusieurs personnes à sa poursuite. Pourquoi commencer simple quand on peut commencer compliqué ?

Miranda tentait tant bien que mal de garder le rythme, mais comme elle portait la Mentali dans ses bras, il était encore plus difficile pour elle de mettre un pied devant l’autre. Elle commençait à s’essouffler, et lorsque, apeurée, elle regardait derrière elle pour voir où en étaient les mémés exorcistes, elle avait toujours l’horreur de constater qu’elles s’étaient rapprochées de plus en plus. Elle finit donc par ne plus s’autoriser aucun regard en arrière, et continua de courir. Le sol du restaurant devenait de plus en plus difficile à fouler. Miranda avait l’impression de progresser sur un champ de mines. Il y avait des bouteilles de lait entièrement brisées au sol, leur contenu formant une large et longue flaque où elle aurait très bien pu glisser, sans oublier le corps de Stalone qui était vraiment très encombrant en plein milieu de la cuisine. Pour l’enjamber, ce fut un véritable calvaire, et la jeune femme avait très peur qu’il se réveille juste à ce moment précis. Mais ce ne fut heureusement pas le cas. Plus loin, des casseroles par terre, des spatules éparpillées partout, même une cocotte minute qui trônait au milieu du passage.

En atteignant la porte de l’arrière cuisine, une fois de plus, Miranda regarda derrière elle. Mince, les mémés exorcistes étaient littéralement à deux doigts de la happer. Il fallait qu’elle se dépêche. S’étant arrêter quelques secondes pour reprendre son souffle, elle regretta aussitôt, en voyant les mémés à travers le hublot de la porte de l’arrière cuisine. Ce restaurant était tellement grand finalement, beaucoup plus qu’elle ne l’avait imaginé, et fuir par là était pire que tout. Elle reprit fermement la Mentali dans ses bras et repartit, le cœur battant. Le souffle commençait à lui manquer et bien que le sol soit de nouveau ‘normal’, elle finit par trébucher sur quelque chose qui dépassait de sous une des gazinières métalliques et s’étala de tout son long par terre. Elle vit la boule de poils violette esquiver le choc et rouler sur le côté de manière plutôt gracieuse pour ne pas se cogner et se faire écraser par la jeune femme. Ce pokémon était intelligent et elle espérait sincèrement qu’elle pourrait mettre les mémés exorcistes hors d’état de nuire. Ces bonnes femmes étaient un véritable fléau, pour elles comme pour les autres habitants. Elles finiraient par causer encore plus de dégâts qu’à l’heure actuelle avec leurs histoires de démons. De toute manière, selon Miranda, on aurait dû depuis longtemps les enfermer dans un asile psychiatrique pour qu’elle ne fasse de mal à personne. Elles étaient vraiment dangereuses.

La tête de Miranda heurta violemment le sol. La jeune femme laissa échapper un cri de douleur. C’était une douleur sourde. Elle avait l’impression d’avoir la tête grosse comme une citrouille et qui résonnait comme une cloche. Tous les bruits finirent par se confondre dans sa tête. Après la Mentali, c’était à son tour de tomber à moitié dans les pommes. Tout commença progressivement à tourner autour d’elle. La mannequin tenta tant bien que mal de rester éveillée se répétant : « Garde les yeux ouverts, merde ! » mais rien n’y fit. Elle distingua cependant les ombres des mémés exorcistes qui étaient arrivées à leur niveau. Elles étaient acculées et devaient lutter désormais. Mais dans cet état, impossible de faire quoi que ce soit… Miranda essaya de lever le bras, pas possible, la main, non plus, même un doigt était une montagne à soulever. Sa vision se troubla de plus en plus et elle commença à voir quelques étoiles tournoyer autour d’elle. Elle comprit pourquoi la confusion était ainsi symbolisée dans les dessins animés, et avait la satisfaction d’avoir appris ça avant de tomber dans les pommes, au milieu de folles furieuses, avec pour seul espoir, une Mentali un peu schizophrène sur les bords…

*

« Merci mon public, merci, je vous aime ! »

Miranda se retrouvait sur scène. Une immense scène, et devant elle s’étendait une foule de gens à perte de vue. Tous étaient là pour elle ? Impossible. Elle essaya de bouger, mais cela lui était impossible. Etait-elle encore immobilisée ? Non, elle se vit lever la main pour adresser des remerciements à la foule. Mais comment était-il possible qu’elle bouge sans le vouloir et ne puisse pas déguerpir d’ici en le voulant cette fois-ci ? Elle sentit alors ses lèvres s’articuler pour former quelques mots et s’entendit très clairement les prononcer à l’adresse de son public. Mais la voix qui sortit de sa bouche n’était pas la sienne. C’était une voix plutôt grave pour une femme, mais mélodieuse à la fois. C’est alors qu’elle se leva et tourna la tête à la foule. Miranda était perdue mais elle sentit qu’il ne fallait pas paniquer.

Elle n’était pas dans la même époque. Elle était dans une époque passée, révolue, et cela ne faisait aucun doute. Non seulement par les décors des couloirs qu’elle arpentait, mais aussi par les tenues que portaient les gens qu’elle croisait. Tous étaient habillés comme dans les années trente et semblaient être des gens de la haute société. Il s’agissait peut-être là une réaction post-traumatique suite au choc qu’elle avait reçu à la tête. Elle était en train de voir des piou piou imaginaires en gros. Mais plus elle se répétait ça, plus elle pensait que cela était faux. Il y avait quelque chose derrière tout ça, quelque chose à savoir, à apprendre…

Elle vit sa main pousser une porte pour entrer dans la loge. Il y avait un nom sur la cabine mais elle n’eut pas le temps de le lire. Elle s’assit sur un petit tabouret avec l’assise en velours devant une magnifique coiffeuse en bois blanc. C’est alors qu’elle découvrit ce à quoi elle ressemblait. Elle n’était pas du tout la vraie Miranda et avait eu raison de croire qu’elle voyait des piou piou finalement. Elle était une magnifique jeune femme, plus belle encore que toutes celles qu’elle avait vues. Les cheveux d’un noir corbeau, ondulés et coupés courts étaient plaqués sur sa tête, faisant ressortir son visage de poupée de porcelaine. Sa peau était d’un blanc immaculé, et ses yeux d’un vert hypnotisant. Elle portait du rouge à lèvre rouge écarlate sur ses lèvres pulpeuses. Son cou était orné d’un magnifique collier de perle et elle portait un simple bustier en haut. Elle commença à se démaquiller lentement, et même si elle enlevait tout le maquillage qu’elle portait, elle demeurait tout aussi belle. C’était une beauté de glace, comme figée dans le temps. C’était comme si Miranda habitait ce corps pour une courte durée. Mais qu’est-ce que cela voulait dire ? Elle commença à se poser tout un tas de questions lorsque, dans le miroir, elle vit, à la place de son reflet, un polichombr. Il s’agissait d’un pokémon spectre, mais celui-ci n’était pas comme les autres membres de son espèce. Il était resplendissant, d’un vert émeraude, comme les yeux de la jeune femme de tout à l’heure. Est-ce qu’il y avait une coïncidence ? Miranda ne croyait pas aux concours de circonstances, c’était si peu probable. Il y avait quelque chose là-dessous, quelque chose qu’elle se devait de découvrir. Elle voulait parler au pokémon, lui tendre la main, mais celle qu’elle habitait semblait ne pas le voir et resta de marbre devant sa coiffeuse, se démaquillant pas à pas toujours. Le Polichombr, s’il était bien vrai, et si tout ce rêve n’était pas que le fruit de l’imagination de la jeune femme, semblait avoir vu Miranda et la regardait, la fixait intensément. Miranda tressaillit et lorsqu’elle vit le pokémon ouvrir la bouche, elle commença à se boucher les oreilles, ou tout du moins, tenta de le faire.

*

Ce fut un cri strident, un horrible cri qui la tira de sa rêverie. Elle ouvrit les yeux et se retrouva, médusée, bouche à bouche avec la Mentali. Elle s’écarta violemment, surprise, le cri résonnant toujours dans son crâne.

« POLIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII ! »

Elle se couvrit les oreilles de ses mains, et se mit la tête entre les genoux attendant que le cri s’atténue. Ceci fait, apaisée, elle rouvrit les yeux et découvrit la Mentali, devant elle. Elles semblaient être seules dans la pièce. Mais que pouvait-il bien s’être passé ici ? Miranda n’en avait aucune idée, elle s’empressa donc de demander à la boule de poils devant elle.

« Que… Où sont passées les vieilles exorcistes ? Tu les as… vaincues ? »

Cette possibilité était envisageable, après tout, les Mentalis étaient des pokémons psychiques très puissants, et Hyde semblait être une dure à cuir au fond, bien qu’ayant un problème avec ‘Lilith’. Elles avaient déjà partagé beaucoup de choses, mine de rien, et c’était plus qu’avec n’importe quel autre pokémon pour Miranda. Elle devait faire confiance à Hyde, et maintenant, si la voie était libre, il était temps de fuir. L’entrée par derrière était encore accessible et personne ne devait s’attendre à les voir sortir par là.

« Viens, nous devons nous en aller, sinon, on va avoir des ennuis. »

Miranda prit les devants, ayant retrouvé ses esprits, son souffle et son endurance. Elle était beaucoup plus habile que précédemment et franchit les portes des cuisines, des selliers une à une. Elle arriva bientôt dans une chambre froide. Comment pouvait-on avoir l’idée de mettre la sortie de secours dans une chambre froide ? Certes, elle ne s’ouvrait que de l’intérieur, mais quand même ! Les architectes étaient sacrément farfelus ! Miranda évita soigneusement les cadavres de pokémons suspendus par les pieds et atteignit la porte de derrière. La lumière du jour inonda la chambre froide et Miranda resta quelques secondes le visage au soleil, pour se laisser réchauffer. Elles étaient de nouveau dehors et allaient pouvoir s’enfuir pour éviter les ennuis, tout en ayant eu une double ration de soupe gratuite. Les efforts avaient payé finalement.

Miranda observa les alentours, personne. Suivant son infaillible sens de l’orientation, elle bifurqua sur la droite pour retomber sur une petite ruelle afin de sortir de la ville. Manque de chance, et manque d’orientation sans aucun doute, Miranda ne tomba pas sur la fameuse petite ruelle qu’elle espérait. Elle retomba sur la grande rue. Là, il y avait tous les employés du restaurant, les clients enfuis, mais aussi les mémés vaincues par Hyde. Elles s’étaient remises et criaient que la Mentali était le Dieu Arceus réincarné ! Seulement personne ne les crut. Prenant la mannequin et la pokémon pour les fauteuses de troubles, la foule de citoyens et d’habitants de la ville commença à s’avancer vers elles… De plus en plus vite, brandissant les poings. On aurait dit une révolution. Mais ni une ni deux, Miranda prit ses jambes à son cou, espérant que Hyde suivrait, il fallait qu’elle sorte de la ville par n’importe quel moyen. Miranda arriva à se faufiler dans de petites ruelles pour essayer d’échapper à la foule sanguinaire, la Mentali sur ses pas. A quelques mètres de là, il y avait une bouche d’égout. C’était la seule solution, sinon elles allaient être traquées sans relâche dans toute la ville.

« Désolée mais, il va falloir y aller… »

Miranda attrapa la grille de la bouche d’égout et la souleva avec du mal. Dieu que c’était lourd. Miranda descendit les barreaux de l’échelle métallique un à un… C’était leur seul échappatoire désormais…

Spoiler:

La visite des égouts n'était pas une chose que Miranda avait souvent l'occasion de pratiquer. En fait, elle ne savait même pas à quoi cela ressemblait ! Oh si, elle s'imaginait assez bien la zone, quelque chose avec de l'eau verdâtre, plein de déchets partout, qui sent mauvais, mais de près, était-ce vraiment la même chose ? En tout cas, elle n'était pas aussi folle qu'on pourrait le croire pour avoir décidé de s'en aller par les égouts, c'était juste qu'elle avait souvent vu cela dans les films, alors elle s'était tout simplement dit : « Pourquoi ne pas faire pareil ? » De nos jours, les égouts devaient sûrement être à la pointe de la technologie, avec des panneaux pour orienter les personnes qui y travaillaient ? Ou bien elle était en train de se faire des idées pour essayer de se rassurer, sûrement. Miranda fut la première à descendre, afin de montrer l'exemple à la Mentali. Il fallait qu'elle prenne les choses en main sinon elles allaient se faire happer par la cohue. Rien que les barreaux en fer de l'échelle qui menait aux égouts étaient un avant-goût très douteux de l'endroit... Lorsque, arrivée en bas, Miranda ouvrit les paumes en face de ses yeux, elle crut vomir. Ils étaient encore plus sales qu'avant, était-ce possible ? Oui ! Il fallait sérieusement qu'elle rentre chez elle pour prendre une douche. Enfin, pour le moment il fallait surtout sortir de ce dédale.

Elle se reçut soudain la Mentali sur la tête qui la griffa pour en descendre. Boh, elle n'était plus à ça près maintenant ! Elle ne ressemblait définitivement plus à la mannequin qu'elle avait été, c'était certain ! Elle se dépêcha tout de même d'aller refermer la grille de la bouche d'égout, pour ne pas mettre la cohue sur la piste de l'évasion crasseuse. Elle avait triplement les doigts plus sales maintenant, sans parler de sa coiffure, de ses vêtements... Bref, elle essaya de ne pas y penser, et décida de suivre la Mentali qui cette fois-ci avait pris les devants. Chouette, au moins, si elle faisait quelque chose de mal, ce serait à la pokémon de se faire taper sur les doigts, pas à la mannequin. Pendant que la pokémon au pelage plus très soyeux avançait à bon rythme, Miranda trouva une glace de poche dans sa veste. Magnifique. Elle l'ouvrit et se contempla quelques secondes. Lorsqu'elle se vit la première fois, elle esquissa une moue réprobatrice. La douche n'était plus un rêve maintenant, c'était une nécessité. L'odeur devint de plus en plus dérangeante, Miranda vida donc le tout minuscule flacon d'after shave qui se trouvait dans sa veste. On voyait bien que ce n'était pas la sienne, sinon elle ne se promènerait pas avec un tel flacon. Le flacon tomba par terre, et Miranda prit une mine dépitée. C'était vraiment pas de veine tout ça, il fallait espérer que cela ne continue pas ainsi.

Les rats qui traînaient dans ces égouts se faisaient légions... C'était encore plus répugnant, Miranda se demandait carrément comment elle avait pu avoir une idée pareil... S'enfuir par les égouts, il n'y avait bien que dans les films que tout se passait comme prévu. Bientôt, elles passèrent un carrefour, sans faire attention à un gentil visiteur qui se garda bien de faire comme s'il ne les avait pas vues. Non il les héla alors qu'elles avaient depuis longtemps passé l'intersection. Miranda se retourna. Visiblement, à en juger par le son de sa voix, l'homme était clairement défait. Il avait du passé des heures à boire... surtout lorsque l'on voyait sa façon de marcher, si l'on pouvait appeler ça marcher... Il titubait plus qu'autre chose, se rattrapant de justesse au mur en béton. Miranda voyait déjà les ennuis qui arrivaient... L'homme était d'une mocheté incommensurable ! Ses habits étaient encore plus crasseux que ceux de la mannequin, ses cheveux plus gras, sa peau plus boueuse. Il avait de longs cheveux noirs qui dégoulinaient presque la graisse, et une barbe plutôt longue. Le pire, c'est qu'il prit la pose ratée pour essayer de séduire Miranda. S'il croyait se mettre une mannequin dans la poche de cette façon...

** Répondez lui, très chère. Il me semble que vous lui avez taper dans l’œil, à voir le filet de bave qui commence à couler. Même en étant bourré, il peut être utile... **

Pas possible ! Cette proposition était tout bonnement inacceptable ! Enfin en temps normal... Mais là, elles n'étaient pas en position de laisser ce type derrière elles... Miranda savait bien qu'il aurait pu les aider, alors elle commença à peser le pour et le contre. Mais bien vite, une seule réponse apparut à ses yeux : contre. Il fallait éliminer ce gêneur, rien de plus, rien de moins ! Il était complètement bourré alors compter sur lui c'était comme compter sur une boussole détraquée. Miranda s'approcha donc de l'homme, et prit une pose aguicheuse elle aussi, bien que dans ces habits-là, ce n'était pas vraiment facile.

« Regarde derrière-toi, mes amies sont venues aussi !  »

L'homme sembla hésiter un instant, se demandant s'il pouvait croire cela, mais étant bourré, il finit par se retourner complètement. La mannequin en profita pour lui donner un coup de pied dans le dos, le poussant dans l'eau verdâtre qui coulait dans les égouts. Ce n'était pas du tout dangereux, le type n'allait pas se noyer, puisque ce n'était pas profond du tout. Il gueula avant de barboter. Le bord était trop haut pour qu'il remonte de si tôt et vienne les ré-embêter. Ça c'était fait, il était temps de reprendre la marche dans l'espoir de trouver une sortie loin de la ville.

« Bon, je pars devant, histoire d'éliminer les futurs gêneurs.  »

Quelques centaines de mètres plus loin, Miranda entendit une étrange musique. Se pouvait-il que les égouts soient si habités que ça ! La mannequin tendit l'oreille et suivit la mélodie, jusqu'à se retrouver non loin d'une vieille tente de camping, installée à la va vite, éclairée par quelques lampes à huile assez anciennes. Miranda se demanda qui pouvait bien vivre ici, jusqu'à ce qu'elle voit une vieille dame se ramener de l'autre côté, s'appuyant sur un vieux caddy pour marcher. Elles échangèrent quelques regards et la vieille alla se réfugier dans sa tente, visiblement pas très accueillante. N'empêche que son caddy était plein de nourriture... Cette nourriture, elle avait dû la trouver quelque part non ? Sûrement à la surface. Elle savait donc où était la sortie. Miranda entreprit donc de traverser l'eau verdâtre pour rendre visite à la vieille.

Après avoir trébuché et être tombée dans la vieille eau dégueulasse, Miranda se tenait devant la tente de la vieille. Dessus, il y avait écrit en gros au marqueur noir : « HUGUETTE DAYER, PAS DERANGER  ». Les habitants des égouts avaient donc des adresses presque... Miranda tenta une approche amicale.

« Excusez-moi... Huguette. Nous sommes perdues, nous cherchons la sortie qui mène à la sortie de la ville.  »

Cette petite répétition du mot sortie ne fut pas accueillie de la même façon par la vieille femme. Elle leur cria de dégager, sinon elle sortirait son vieux fusil. Pour des menaces, elle n'y allait pas de main morte la grand-mère ! Mais Miranda ne baissa pas les bras.

« Je je... vous donnerai ma veste si vous voulez !  »

Il y eu un bruit de rangement et la tente s'ouvrit, laissant apparaître la vieille femme au visage incroyablement propre pour une habitante des égouts. Elle examina la mannequin de la tête aux pieds, puis laissa apparaître un sourire lorsqu'elle reporta son attention sur le visage de Miranda.

« La veste et les chaussures sinon rien !  »

« Marché conclu.  »

Huguette repartit, appuyée sur son caddy, les chaussures dedans, la veste sur elle, tandis que Miranda se retrouvait en T-Shirt et chaussettes au milieu des égouts. Enfin non pas au milieu puisqu'elles avaient enfin atteint la sortie ! Mon dieu que cela faisait du bien. Miranda escalada l'échelle métallique et souleva la bouche d'égout. Elle sortit enfin à l'air libre. C'est alors qu'elle se rendit compte que Hyde ne pouvait pas escalader l'échelle et retourna alors la chercher. Une fois toutes les deux dehors, Miranda se rendit compte qu'elles étaient enfin à la sortie de la ville, loin de la cohue. De là, Miranda allait pouvoir appeler de la cabine téléphonique qu'elle avait aperçut, d'autant plus qu'il y avait une petite pièce par terre qu'elle s'empressa de ramasser.

« Bon et bien, je crois que je vais pouvoir rentrer chez moi en appelant mon majordome... S'il est toujours vivant ! Tu veux que je te ramène avec moi, pour que tu visites Safrania ? N'aie pas peur, je ne veux pas faire de toi un de mes pokémons, seulement de faire voir d'autres lieux. »

Leur petite escapade à deux était sur le point de toucher à sa fin. Miranda était assez triste, mais se dépêcha quand même de passer son coup de file. Albert n'était pas mort, dieu merci ! Et il se mettait tout de suite en route, d'abord dérouté au départ d'entendre sa patronne, puis fort heureux qu'elle soit encore vivante. Il était bien un des seuls qu'elle n'avait pas tyrannisé...

Spoiler:

-HRP-: