Mission n°7 : De capture en récolte [Alizire]

L’infirmière m’accueillit avec un sourire et me confirma que j’étais bien au bon endroit, puis se retourna pour aller chercher le matériel. Après avoir fouillé dans quelques cartons derrière le comptoir, elle revint avec un grand sac et une petite liste qu’elle avait attrapée sur le comptoir au passage et glissé à l’intérieur.

« Dans ce cas vous avez de quoi ranger les baies au frais mademoiselle. Vous devrez ramener toutes celles sur la liste, du moins dans la mesure du possible, car certains pokemons peuvent éventuellement vous déranger dans votre récolte N'étant pas des captures, vous n'êtes pas obligé de les attraper. Bonne chance à vous.
- Ne vous en faites pas, on vous ramène tout ça. »

On ? Que devenais-je schizophrène à présent ? Non, c’était bel et bien un avertissement. Ils allaient tous se mettre au boulot, cette fois-ci. Et pas d’exception. N’est-ce pas Kyun ? C’était là réel sens de ce mot. Je sortis du centre commercial puis me dirigeais vers la sortie la plus proche de la ville. Céladopole était une citée très proche de la nature, bordée par une forêt dense et d’immenses plaines. Je ne devrais pas avoir à chercher bien loin pour trouver les fameux fruitiers.

Tout en marchant, je jetai un œil à la liste. Quinze baies de chaque, parmi cinq variétés différentes. Je n’étais même pas sûre qu’elles poussent toutes dans la zone. D’ailleurs, je ne retenais pas vraiment les baies à leur nom. Je savais lesquelles j’aimais quand j’en avais devant moi, mais cela s’arrêtait là. Une fois suffisamment éloignée de la ville, je sortis mon portable et fis résonner la musique. Le chant d’épona. Percevant la mélodie, la pokémon accourut, le son de ses sabots battant la terre dure se faisait bientôt entendre lui aussi. La zéblitz s’arrêta près de moi, s’ébrouant en faisant crépiter sa crinière.

« En forme Epona ? On a quelques courses à faire, tu sais où on peut trouver des bonnes baies par hasard ? »

Elle frotta doucement sa tête contre mon épaule en guise de salut puis m’indiqua une direction à travers les plaines. Bonne chose, cela allait faciliter la défaite. Je montai sur son dos et me préparait à prendre le galop lorsqu’un hennissement étranger nous arrêta. Un cheval à la crinière flamboyante venait à notre rencontre, mais il ne semblait pas avoir l’intention d’être amical.

« Que faites-vous ici ? Ces plaines sont le territoire de mon clan. Il ponctua ses menaces en raclant le sol de ses sabots, avant de poursuivre. – Fichez le camp d’ici, je ne vous le répéterai pas.
- On se calme. Nous ne sommes que de passage, mais si c’est les ennuis que tu cherches, je suis à toi.
- Tiens donc, un défi ? T’as du cran, j’dois l’reconnaitre. Bien, si vous me battez à la course, toi et ta pathétique humaine sur ton dos, vous serez les bienvenues sur ces terres.
- Prépares toi à perdre. »

Je ne comprenais pas de quoi ils parlaient, mais Epona me fit signe de m’accrocher solidement. Le galopa se rangea alors à côté d’elles et se mit en position de départ, imité par la zéblitz. C’était évident, ces deux là allaient s’affronter à la course, voir lequel des deux serait le plus rapide. Et sans vraiment le vouloir, j’allais être impliquée là dedans. Elle partait avec un désavantage avec moi sur son dos, et je savais que les galopa étaient connus pour leur aptitude au sprint impressionnante. En d’autres termes, le duel serait serré. Raison de plus pour le gagner.

Le décompte fut lancé. Trois, deux, un... partez ! La course démarra sur les chapeaux de roue, presque dans une égalité parfaite. Je faisais de mon mieux pour rester en équilibre, gardant toujours une touffe de crains immaculés de ma monture entre mes poings serrés. Leur vitesse était impressionnante, le vent me fouettait le visage avec une telle force que je peinais à regarder devant moi, mais l’adrénaline ne faisait que croitre en moi l’envie de gagner. Je ne pouvais même plus entendre les sabots frôler le sol, c’était comme glisser sur le sol telle le vent.

Mais cela ne suffisait pas. Le galopa prenait déjà l’avantage, nous devançant légèrement. Étions-nous déjà arrivés à notre vitesse maximale, ne pouvait-on encore accélérer ? J’aurais voulu crier, l’encourager, mais j’avais le souffle coupé. Impossible d’émettre le moindre son, tout cet air s’engouffrant dans mes poumons rien qu’en ouvrant la bouche m’en empêchait. L’arrivée se profilait déjà à l’horizon, et elle semblait commencer à ralentir.

« Ahah, on fatigue déjà ? provoqua l’autre, avant d’accélérer de plus belle dans le sprint final.
- Hmpf, attend de voir ce que j’te réserve. Ali’, prépare toi ça va chauffer ! »

Des braises se mirent à virevolter autour de nous, laissant une magnifique trainée rougeoyante derrière nous. Les flammes s’intensifièrent alors rapidement, une forte sensation de chaleur irradia mon corps. Epona avait utilisé Nitro-charge et prit une accélération fulgurante, dépassant son adversaire. Ce dernier esquissa un large sourire avant de l’imite, refusant de se faire distancer aussi facilement. Deux arbres fruitiers semblaient symboliser la ligne d’arrivée, et aucun des deux coureurs n’arrivait à prendre un avantage décisif dans cette ruée finale. Chacun donna tout dans la dernière foulée, allongeant l’encolure pour voir qui passerait le premier.

Et la course se solda par... un ex-æquo ? Il aurait fallut une photo finish pour être certain du gagnant. Ce qui était sûr, c’est que cela se jouait au moins au dixième de seconde, si ce n’était au centième. La course les avait menés dans une sorte de verger sauvage mêlant tout un tas de différentes variées de baies. Une famille de poneys de feu était là également, ayant interrompu leurs activités pour observer l’arrivée des coureurs. Mais eux non plus ne pouvaient pas les départager. Je descendis de mon poney zébré pour l’aider à reprendre son souffle, tendis que son adversaire tentait de faire de même. Au moins, il ne pouvait pas dire qu’il ne s’était pas donné à fond. Mon cœur aussi bâtait à tout rompre, je comprenais ce que ressentaient les jockeys qui participent à ce genre de courses à présent. Je me laissai tomber au pied d’un arbre et inspirait profondément, frissonnant de plaisir sous la brise fraiche qui soufflait sur le verger.

« Alors ? Qui a gagné ?
- Aucune idée.
- Suppose qu’on peut dire... égalité. Tu es forte, personne n’avait réussit à me pousser jusqu’à mes limites comme tu l’as fait depuis bien longtemps.
- Tu n’es pas mauvais non plus.
- Hé hé. Je tiendrais parole, toi et tes amis êtes les bienvenus ici. C’est quoi ton nom ?
- Epona.
- Enchanté. Moi, c’est Vulcaïn.

Nous n’avions peut-être pas gagnés la course à proprement parler, mais nous avions gagné un nouvel ami. Je levai les yeux vers les arbres de la zone, regardant si les baies pouvaient nous intéresser. En effet, il y avait bien des baies kika. J’allais me lever pour aller en cueillir quelques unes mais... mes jambes ne me portaient plus. Cette course m’avait vraiment épuisé. Alors à la place, je pris la pokéball d’Ace et le fit sortir, l’envoyant chercher les baies à ma place. Il vole lui, cela ne devrait pas lui être trop difficile. Je fus tout de même surpris de voir qu’il obéit sans rechigner. Il s’acquitta de sa tache avec soin puis vint se faire câliner dans mes bras, avant de finalement venir somnoler sur mon épaule. Longtemps que je ne cherchais plus à le comprendre.

Je pris ma liste et rayait les baies déjà obtenues. Plus que quatre sortes, on avançait. Mais il restait encore à les trouver. Je me relevai enfin, prenant soin d’éviter de faire tomber le pionceur sur mon épaule et fis signe à Epona que nous repartions bientôt. Un peu moins vite cette fois, d’accord ?

Après avoir salué le troupeau de poneys de feu, nous nous mîmes en route vers le prochain point à explorer. Par chance, la zéblitz avait pu parler un peu de la quête et Vulcaïn lui avait indiqué un petit lac non loin où ils allaient souvent en été profiter de l’eau et de l’ombre de la végétation en été. Apparemment, d’autres variétés de baies y pousseraient, dont potentiellement celle que ne cherchions.


L’eau claire scintillait doucement sous le soleil de printemps. Il faisait encore trop frais pour s’imaginer paresser à l’ombre ou les pieds dans l’eau, mais l’endroit était agréable. Nous ne tardions pas à trouver quelques arbres à baies oran que je m’empressais d’aller cueillir pour les rayer de notre liste, en prenant quelques unes de plus pour grignoter en route. Un peu acides et sucrées à la fois, tellement bonnes...

Je n’eus pas le temps de croquer une deuxième bouchée d’une gerbe d’eau vint me glacer la nuque, me faisait sursauter et manquant de me faire tomber de ma monture. Ace se la prit en plein dans la figure mais resta totalement statique, ouvrant juste de grands yeux étonnés. Quel était l’abruti qui s’amusait à nous balancer de l’eau comme ça ? Scrutant la surface du lac, deux gros yeux ronds émergeaient de la surface. Puis un gros corps rond, celui d’un tetarte. Il cracha un autre jet d’eau que j’esquivai tant bien que mal, avant de plonger pour éviter les représailles.

« Tu veux jouer à ça petit enfoiré ?
- Laisses-le moi, souffla-t-elle en faisant viollement crépiter sa crinère d’électricité, préparant une attaque coud’jus bien sentie. Pas besoin de comprendre ce qu’elle disait pour déduire qu’elle allait brancher le lac sur du deux-cent-vingt volts.
- Calme-toi Epona, si tu fais ça c’est tous les pokémons du lac qui vont griller. On va d’abord le faire sortir, Ace ? »

Le togetic acquiesça et se concentra pour envoyer une onde de choc sur la surface de l’eau à l’aide sa capacité psyko. De nombreux pokémons dérangés avec cette agitation sortirent la tête de l’eau, nous lançant des centaines de regards assassins. Et puis notre proie sortit de l’eau à son tour, et tous se tournèrent vers lui. Tiens, cela ne m’étonnerait pas qu’il se soit déjà fait connaitre pour des problèmes similaires. Un récidiviste, donc ? La sanction allait être lourde.

« Vient te battre le têtard, on a des comptes à régler je crois.
- Pffeuh ! AUCUN sens de l’humour, j’vous jure !
- Don’t mess with my friends.
- Rho la la ! Eh bien, puisque vous insistez... en garde ! »

Ce combat allait se faire en un seul acte. Une petite lumière brilla au dessus de la tête du poney électrique, lueur qui s’étendit subitement puis projeta une trombe d’eau monumentale qui percuta son adversaire avant même que celui-ci ait pu répliquer, le projetant droit contre un arbre, complètement sonné. Une attaque moi d’abord bien placée de la part d’Epona qui savait pertinemment qu’il commencerait avec sa plus puissante attaque et l’avait retourné contre lui avec brio. Elle racla alors le sol de son sabot, préparant l’attaque électrique qui allait le mettre K.O. pour de bon.

« La cour te condamne au poteau électrique. Quelque chose à dire pour ta défense ?
- Je... suis désolé ? Même pas... en rêve ! »

Un éclair aveuglant traversa le lac en une fraction de seconde, tous les spectateurs du lac s’enfouirent sous l’eau en voyant le tetarte subir le jugement. Grillé, rôti, cramé, sa dignité réduite en cendres. Ne vous en faites pas, il se réveillera. Dans une petite heure, après avoir médité sur son comportement, d’accord ? J’avalais le reste de ma baie avec un petit sourire satisfait, puis donnais une petit tape sur l’encolure d’Epona pour lui intimer de se remettre en route. Valait mieux ne pas trainer ici, on ne s’était pas fait que des amis visiblement.

« Doudou ? »

Une grosse peluche rose avec de grands yeux ronds venait de nous barrer la route, un petit air stupide sur le visage. Je lâchai un soupir de lassitude, fatiguée d’avoir toujours affaire à des cas pokémonesque lors de mes missions. Qu’est ce qu’il attendait celui là, que je lui gratte le ventre, que je lui lance à manger ? Je pris une baie oran qu’il me restait en trop et la lui lançait, il la goba aussi sec.

« Malheureuuuuuuuuse ! Faut jamaiiiiiiiiiiis nourrir Gremlindoudou après midi !
- Quoi ?
- Doudou... GRAWEEEEEEEEEEUH !!! »

Une rangée de dents acérées sortit de la gueule de la peluche et celle-ci bondit à la figure d’Epona pour lui coller un ecras’face rageur qui la fit se cabrer, lui mettant un violent coup de sabot dans le ventre en retour. Mais il en faudrait plus pour terrasser le montre, à peine à terre il revenait déjà à la charge. Le poney tenta de le foudroyer à plusieurs reprises, mais rien n’y fit. Cette peluche mutante arrivait toujours à se relever.

« Bordel, c’est quoi sa faiblesse à ce truc ? Essaye de le foutre à l’eau ! »

Ace s’exécuta et attrapa le Gremlindoudou dans son psyko pour lui offrir une baignade forcée. A voir comme il gesticulait bizarre, il ne semblait pas savoir nager... il finit par rejoindre la rive, avant de briller bizarrement et de... se multiplier ? Deux, trois, quatre ? Soit c’était une attaque clonage parfaitement maitrisée, soit l’eau avait été une TRES mauvaise idée. Et le pire, c’est qu’ils étaient tous encore plus méchants que le premier. L’un d’eux parvint à sauter sur le dos d’Epona et me mordit l’avant bras, m’arrachant un cri de douleur avant de me faire tomber à terre. La morsure n’était rien à côté du choc qu’à dut subir ma colonne vertébrale.

« Argh... lâche moi sale bête ! hurlai-je en l’empoignant par la touffe et en l’envoyant en l’air dans une masse magnifique réceptionnée par un coup de sabot en l’attaque poursuite de la zéblitz qui mit la peluche K.O. sur le coup. – Joli partenaire. Allez, on fiche le camp ! »

Je remontais tant bien que mal en selle pendant qu’Ace s’occupait de distraire les trois autres, mon dos me faisait atrocement mal. Ce n’était pas le top pour galoper, mais je n’avais pas le choix. Epona prit soin de ne pas trop me secouer quitta rapidement la zone, nous mettant hors de portée de ces sales bêtes mutantes. Tout en grimaçant de douleur, je jetai un œil à la liste. Il restait encore trois baies à trouver... si cela continuait ainsi, je n’étais pas certaine de pouvoir tenir le rythme.


Le ciel commençait déjà à se parer des couleurs rougeoyantes du crépuscule lorsque nos pas nous amenèrent aux derniers fruitiers. Il semblait qu’il y avait tout ce qui nous manquait ici : baies pêcha, citrus, banana, même des ceriz et framby. Finalement, la journée n’aura pas été perdue.

Je commençais à peine la cueillette que des pas lourds m’arrêtèrent. Un énorme florizarre accompagné d’un ortide semblaient vouloir nous chercher des ennuis... encore ? C’était pas bientôt finit pour aujourd’hui, oui ou merde ? J’interrompis mon occupation pour sortir mon portable et ordonnai à Kyun de me traduire ce qu’ils avaient à me dire. Histoire de mieux pouvoir les remballer après.

« Qui êtes vous pour vous introduire dans mon vergers et dérober mes précieux fruits sans permission ?
- Je suis Alizire, voici et Epona et Ace. On vient juste vous piquer quelques baies pour la fête du printemps et on s’en va, alors fichez-nous la paix.
- La fête du printemps ? Fallait l’dire tout d’suite petite ! Pardonnez-nous d’avoir été méfiants, nous avons souvent affaire à des voleurs irrespectueux ces derniers temps. Fumons le calumet de la paix.
- Le calu... quoi ? »

L’ortide sortit une espèce de pipe en bois qu’il bourra avec les spores douteux de la fleur de son acolyte, avant de s’approcher pour me le tendre. Attendez... il va falloir fumer ce truc ? C-c’est pas un peu dangereux ? Vous êtes sûr que la consommation de ces substances probablement stupéfiantes est bien autorisée ? Je pris le bout de bois et l’inspectait avec prudence, n’osant même pas l’approcher de mon visage par peur d’inhaler des spores. Je grimaçai discrètement avant de hasarder quelque chose ressemblant vaguement à ça :

« Euh... je peux décliner ? Je n’aime pas trop fumer...
- Vous refusez de fumer le calumet de la paix ? Vous savez que c’est une déclaration de guerre pour nous ?
- T’es dans la merde Aliz’, commenta le canard depuis mon portable après avoir traduit.
- Quoi ?!
- Nous allons faire une exception pour cette fois, jeune humaine. Mais vous pourriez ne pas avoir autant de chance la prochaine fois.
- J-je... désolée... » bégayai-je sans comprendre pourquoi de tels avertissement.

De toute manière, il était clair que mes compagnons étaient trop fatigués pour tenir un autre combat tout de suite, alors j’étais plutôt contente qu’il nous laisse partir. Je pris les dernières baies de la liste, quelques unes pour mes propres réserves sans trop abuser, et retournait vers la ville, guidée par ses lumières qui s’allumaient à travers les arbres. Le chemin se fit sans encombre et ma douleur commençait à passer. Je laissai ma monture à l’extérieur et passait par le centre commercial remettre le fruit de ma récolte, espérant que ce ne soit pas trop tard.

« Vous tombez bien, encore quelques minutes et nous allions fermer. La récolte c’est bien passé, les pokémons ne vous ont pas trop ennuyé ?
- Dites, vous saviez qu’il ne fallait jamais nourrir un grodoudou après midi ?
- Ah ? Vous regardez un peu trop de films de science-fiction mademoiselle, glissa-t-elle avec un petit rire amusé.
- Peut-être... bonne soirée. »

Science-fiction, hein ? Peut-être que tous ces films ne tiraient pas leur idée que de l’imagination délirante du scénariste, qui sait. Peut-être vaut-il mieux ne pas chercher à comprendre certaines choses. C’est sur cette pensée que je sortais du centre commercial, me dirigeant vers la pizzeria la plus proche afin de prendre une pause bien méritée. Rien de tel qu’une bonne pizza pour se remonter le moral quand on est très fatigué pour cuisiner. Et pour ce qui est du reste... demain, j’aurais tout le temps d’y penser.