Papa est en haut, il compte son magot, fais dodo Choco... [Terminé!]

Giovanni, assis à son bureau, les bras croisés, observait plusieurs fiches se trouvant devant lui. Voilà déjà quelques heures qu'il avait classé, corrigé, archivé et envoyé à la corbeille divers dossiers concernant soit des plans de précédentes missions, soit des curriculum vitae de gens désireux de devenir Rockets. Autant dire que désormais il en avait légèrement marre. Il voulait s'accorder une pause.

Persian était à ses côtés, comme toujours, et observait la ville de Céladopole par la fenêtre. La cité tombait peu à peu dans la pénombre, les magasins n'allaient pas tarder à fermer. L'animation des rues avait grandement faibli. Seules quelques personnes se promenaient encore. Un calme commençait à s'imposer dans la ville de la Team des Voleurs.

Toutefois, s'il y avait bien un seul endroit où le calme ne régnait jamais à Céladopole, c'était le casino, étant donné qu'en fin août il y avait la saison des cabarets. D'ailleurs Giovanni put distinctement entendre, malgré le fait qu'il se trouvât à l'étage le plus supérieur du bâtiment, la voix de David Royce. Chanteur qui avait été payé pour animer quelque peu le casino, attirant du monde vu sa notoriété, mais surtout amenant de l'argent.

Et cette voix donna envie au chef ultime de la Team Rocket d'aller se détendre un peu, en bas, avant de poursuivre dans son administration. Ainsi donc, le patron se leva et se dirigea vers l'ascenseur, Persian précédant son pas.

Une fois arrivé au rez-de-chaussée, à l'endroit des machines d'argent, Sakaki s'approcha de son endroit fétiche : le bar. Personne n'avait remarqué sa présence, ou peut-être quelques agents Rockets tout au plus, mais ces derniers avaient été suffisamment sages pour ne pas attirer l'attention, car parmi le public du chanteur, il y avait beaucoup de personnes non Rockets.

Le Boss s'assit au bar et commanda au serveur sa boisson habituelle, le whiskey. Son félin blanc, lui, regardait avec curiosité le monsieur qui chantait, micro en main, se déplaçant dans les rangées de son public.
Giovanni se tourna un peu afin aussi de profiter du spectacle, verre en main.

Il remarqua avec amusement que seule une catégorie de personne était venue à ce cabaret; celle de la plus haute classe sociale. Tant mieux, ainsi plus de sous lui reviendraient à la fin du show. Sur cette bonne idée, le chef but une gorgée de son précieux liquide et rejeta un bref regard sur l'ensemble de la salle. ...

Et là...

Une chevelure noiraude avec des teintes châtains dans une robe bleue nuit attira son attention... Cette couleur capillaire... ce physique... cette élégance... Une impression de croiser un fantôme du passé s'immergea dans sa pensée. Son coeur loupa un battement. Sa chaleur corporelle s'intensifia ainsi que son rythme cardiaque.

C'était comme s'il avait en face de lui une morte. C'était impossible... il devait rêver, son cerveau avait dû souhaiter voir cela et l'avait alors reproduit dans la réalité... en somme cela ne pouvait être qu'une mauvaise élucubration de son système nerveux fragilisé par ses longues heures de travail...

Giovanni finit d'une traite son whiskey, supposant que son imagination lui jouait des tours. Et il reporta encore ses yeux sur cette silhouette habillée de cette robe bleu foncée, afin de s'en assurer.

Et là, à nouveau, il sentit son organisme partir en vrille. Ce n'était pas une hallucination... Cette femme était réellement présente dans la salle... mais elle était morte... Des souvenirs ressurgirent... Elle et lui se promenant dans une forêt.... Elle au ventre rond. Lui la regardant dormir.... mais... il l'avait vue mourir... il l'avait vue morte... Et si ce n'était pas elle... alors...

Persian ressentit la perturbation de son maître, et s'en inquiéta. Ledit maître, lui, s'était levé de son tabouret, et s'avançait incertain vers la silhouette.

**Lisa...**

Arrivé à une distance d'à peine un mètre de la femme, Giovanni hésita. Cela faisait depuis plus de quinze ans qu'il était victime de ses hallucinoses, lui faisant croire que sa défunte femme était toujours présente, là, quelque part. Le whiskey avait toujours été un excellent remède. Mais là... il s'était avéré inefficace... se pouvait-il que...

Une main se posa sur l'épaule de l'objet de son attention.

Elle était consistante, elle était là, elle était réelle ... Qu'allait-il se passer, allait-elle se retourner... ou bien allait-elle simplement disparaître de son champ de vision, soudainement, tel un spectre...

Giovanni sentait son coeur battre dans sa poitrine, et avait la grande impression que tout le monde pouvait également entendre cet organe tant il battait fort.

Heureusement... la réalité le rattrapa. Mais ceci ne lui fit pas pour autant descendre la pression accumulée à l'idée d'avoir pensé voir un fantôme.

"Chocolate..."

Il avait été idiot. Incroyablement idiot. Sa fille ressemblait tellement à sa mère... mais il avait tant perdu espoir d'un jour de la retrouver lui-même, qu'il avait laissé son esprit déraisonné l'emporter sur sa logique. L'angoisse s'était atténuée. Mais elle demeurait présente...

Sa fille... Depuis combien de temps ne l'avait-il guère vue ? Sept ans déjà... Sept longues années... Et là, la revoilà, dans des circonstances hasardeuses... à moins qu'elle eût exprimé l'envie de le revoir, lui. Son traître, son imposteur...

Sa fille s'était retournée. Sa petite fille.. sa princesse... Elle en avait totalement l'air, avec sa parure de bijoux inestimable, sa robe des plus élégantes, et ses yeux... Ses yeux de la couleur qui lui valut son prénom, à sa naissance. Ses yeux à elle, à Lisa. La ressemblance était... frappante. Totale même, à l'exception de la lueur brillant dans ses iris... comme haineuse... La fille avait égalé la beauté de sa mère avec l'âge. Vingt-deux ans déjà... Sa première enfant.

Soudain, les paroles de sa progéniture rompirent le charme et l'horreur de cette rencontre.

Elle daignait le connaître, elle niait son identité... elle simulait l'incompréhension, mais son sourire trahissait son jeu d'actrice. Elle désirait apparemment le faire souffrir. Etait-ce la raison de sa venue... Etait-ce pour cela qu'elle s'était amenée dans un lieu où il était fort probable qu'elle ait à le rencontrer, lui, la personne qu'elle fuyait depuis tant d'années ?

Cette pensée arracha un rictus douloureux à Sakaki. Il n'avait pas enlevé sa main de son épaule et avait son regard planté dans ses pupilles.

-Ne joue pas à ça avec moi Chocolate... Je sais que c'est toi... N'usurpe pas le prénom de ta mère...

Giovanni savait qu'il avait son enfant devenue adulte sous ses yeux. Lisa avait beau avoir la même manière de s'habiller lorsqu'ils sortaient ensembles le soir... exactement le même teint, couleur de cheveux et de yeux, ce n'était pas elle. La voix lui permettait de faire cette différence notamment. Lisa était morte...

La tragédie s'était passée il y avait vingt-deux ans, mais cette même vieille idée, à chaque fois que le Boss y pensait, asséchait d'autant plus son coeur.

**Bordel...**

Ses yeux si ambitieux et orgueilleux en temps normal le brûlaient atrocement, ils cessaient d'être les yeux du plus grand Pokémafieux au monde pour être ceux d'un veuf. Mais il n'allait pas pleurer non. Il n'accorderait pas ce plaisir-ci à sa propre fille... il résisterait, bien que ces organes de vue retenaient les larmes désirant couler.

Heureusement, si l'on put le dire ainsi, deux Rockets s'avancèrent d'une manière peu discrètes vers Chocolate et son géniteur. Ils avaient pour ordre de voler les bijoux de richissimes personnes se trouvant dans le casino. Giovanni le savait, et ce fut pour cela qu'il s'arracha du regard de son enfant pour le porter vers les deux sbires, regard devenu très froid.

Il n'en suffit pas plus. Les deux Voleurs s'arrêtèrent, réfléchirent, et reconnurent enfin leur patron. Giovanni leur fit un mouvement de main signifiant qu'ils feraient mieux de décamper à la seconde. Ses deux subalternes le comprirent immédiatement, s'exécutèrent et disparurent aussi rapidement qu'ils étaient venus.

Cette distraction avait permis au mafiosi de reprendre quelque peu ses esprits et s'essuyer rapidement le coin de l'oeil, d'une manière qu'il se voulait désintéressée, avant qu'à nouveau il ne reporte son attention sur sa fille.

"Tu... Tu as tellement grandi... et tu lui ressembles tellement..."

Un sourire mou se dessina sur ses lèvres alors que sa fille conservait son sourire enjôleur. Il était incroyablement fou de voir à quel point les enfants grandissaient tellement vite... surtout quand on n'avait pas eu la chance de les voir constamment.

David Royce repassa vers leur rangée, en chantant d'une voix mélancolique : "These sad thoughts to myself", chose que le Boss n'apprécia guère. Comme si la situation nécessitait de ce genre d'intervention...

Alors, il lâcha l'épaule de sa progéniture, pour lui prendre la main et voulut l'attirer ailleurs.

"Nous devons parler Chocolate... Allons dans un coin plus tranquille..."

Voilà que Chocolate lui lançait toute la rancune conservée par son " j'ai perdu mon père il y a bien longtemps, à cause de ses mensonges". Le rictus douloureux de tout à l'heure s'intensifia... Ce qui faisait le plus mal dans tout cela, ce n'était pas la phrase elle-même, mais la vérité qui se cachait derrière. Ou plutôt, la semi-vérité. Certes, il lui avait menti. Il avait eu tort. Mais il n'était guère perdu. Et ce, il désirait de toute son âme le lui prouver...
Mais l'aspect positif de cela était qu'en en énonçant cette parole, son enfant venait de le certifier qu'il n'avait pas en face de lui une folle image résultant de sa fatigue. C'était bien elle, devant lui.

A sa remarque concernant sa ressemblance avec sa maternelle, Chocolate lui répondit qu'elle ignorait si oui ou non elle ressemblait à sa mère, seconde preuve irréfutable qu'il avait bel et bien sa fille en face de lui. Après quoi cette dernière se tut, comme figée. Un silence léger s'installa entre eux deux. Mais il fut de courte durée. En effet, Chocolate repartit à l'assaut en niant à nouveau le lien qui les unissait, en le considérant comme un simple monsieur, un inconnu, anonyme par le ton insensible avec lequel elle lui parlait. Elle lui demanda même de cesser le tutoiement...

Ce à quoi Giovanni eut envie de répondre par une gifle. La jeune brune ne devait même pas avoir une once d'idée à quel point cette indifférence le faisait souffrir. Il ne supportait ce contraste entre l'attitude qu'avait sa fille, et ce que son corps faisait. Sa teinte était rouge, elle paraissait être tout autant sous pression que son paternel, et pourtant elle agissait de manière totalement détachée.

Mais étrangement... elle accepta sa proposition. Sa main douce raffermit sa poigne sur celle de Sakaki, et sa voix s'était montrée quelque peu nerveuse. Ce qui eut pour effet de rabaisser le rythme cardiaque de son géniteur. Ce contact avait quelque chose de rassurant, d'exceptionnel. Immédiatement cela fit rappeler au Boss ses premiers pas... la fermeté de la poigne était exactement la même... toutefois il ne voulait penser à ses heureux moments appartenant totalement au passé... Il ne pouvait se montrer faible. Pas devant elle.

Giovanni la conduit ainsi, comme demandé, dans une salle annexe, discrète, sans personnes où les gens pouvaient tout de même les voir malgré la faible luminosité présente. A leur passage, des chuchotements se firent. Les sbires rockets travaillèrent leur imagination et rigolèrent aux choses qu'ils pensaient pouvoir arriver entre les deux protagonistes. Leur patron ne put s'empêcher de penser qu'ils étaient tous des ignares, pendant que sa fille s'assit sur la banquette comme une première dame.

Ensuite, elle fit un soupire et s'essuya le front par le dos de sa main, avant de conclure en lui disant qu'elle lui était toute ouïe.

Giovanni ne répondit rien. Du moins pas sur le moment. Son cerveau regorgeait d'images du passé. Chocolate à ses un an, à ses cinq ans, à ses dix ans, à ses quinze ans... et là il la voyait à ses vingt-deux années.

Comme pour chasser ses ancien souvenirs, Sakaki enfouit ses mains dans ses poches et tourna le dos à celle responsable de bon nombre de ses inquiétudes. Comment diable pouvait-il engager la conversation... que pouvait-il lui dire, après toutes ses années ? Quelle attitude adopter ?... Que faire en somme... ?
Devait-il au final la vouvoyer ou la tutoyer ? Ce n'était plus sa petite fille qui s'endormait sur ses genoux le soir de Noël, devant le feu de cheminée. Désormais c'était une championne d'arène qui avait décidé de le rayer de sa vie. Mais bon sang elle restait sa fille ! Sa progéniture ! Le seul lien encore vivant qui le rattachait à l'unique femme qu'il avait vraiment aimée ! Celle qui lui avait coûté la vie... aussi... mais... elle demeurait tout de même son trésor, son oeuvre. Il n'avait pas à user du "vous" pour s'adresser à elle. Ils avaient beau ne s'être plus vus depuis longtemps, Chocolate restait sa propriété, son enfant.

"Je ne comprends pas Chocolate. Pourquoi être partie... pourquoi m'avoir fui, si c'est pour revenir dans le lieu où tu étais sûre de me trouver ? Je t'ai tant cherché durant ses dernières années... mais à chaque fois tu parvenais à m'échapper. Et là, tu viens de ta propre volonté. Pourquoi ?"

Une idée des plus mauvaises naquit dans l'esprit de Giovanni. Et si sa fille était mourante, malade ? ... Non. Cela ne pouvait être. La lignée Sakaki ne mourait jamais de maladie, jamais, et de plus elle paraissait bien se porter. Mais alors...

"Si tu as envie de me frapper, de m'insulter, de me hurler dessus, fais-le. C'est l'unique moment qui se présentera à toi pour..."

Giovanni refit face à son enfant, ses iris sombres plantées dans les siennes, le regard sûr, et cette fois sec.

Non, ce ne serait pas lui qui craquerait le premier. Il résisterait.

Durant ces paroles prononcées, Chocolate était partie se servir un verre d'eau et n'avait daigné lui accorder réponse. Tout ce qu'il eu fut un regard où régnait la malveillance, un nom d'oiseau dit à la volée ainsi que des tics nerveux qui témoignaient bien dans son état. Derrière cet air détaché et supérieur, sa fille était énervée, sans doute perdue. Il pouvait le comprendre, après cette absence de sept années.

Et alors qu'il allait lui reposer sa première question, il vit le verre qu'elle tenait entre ses mains se réduire à l'état de plusieurs petits morceaux, puis Chocolate se retourner et s'apprêter à le gifler. Sauf qu'elle ne le fit guère. Giovanni vit qu'elle n'avait pas la main ouverte, vit le coup approcher, et surtout sentit un poing crispé s'enfoncer dans sa mâchoire, ce qui le força à reculer d' un pas.
La scène fut surprenante. Les sbires qui observaient les deux individus de loin avec moquerie désormais les observer avec stupéfaction, pendant que sa fille partit dans une voix stridente en trouvant comme excuse qu'il ne devait pas la tutoyer.

Sakaki avait des réflexes, il était entraîné au corps à corps, le métier obligeait. Il avait vu qu'une main allait s'abattre sur lui. Mais s'était refusé de l'éviter. A quoi bon. Cette sensation douloureuse se faisant sentir à sa mâchoire venait de le certifier d'autant plus que tout ce qu'il vivait en cet instant était bel et bien la réalité, et non un songe. Et s'il avait esquivé l'offensive, Chocolate aurait sûrement enchaîné. Il ne désirait pas se battre avec sa progéniture. La seule raison l'ayant poussé à rester de marbre en voyant l'inéluctable poing lui arriver contre fut qu'il espérait ainsi grandement soulager son enfant, et partir sur de nouvelles et bonnes bases, en cessant de jouer à ce jeu de "lequel craquerait le premier".

Chocolate, d'ailleurs, avait montré signe de faiblesse après un reniflement et s'être retournée. Aucun doute, ses larmes perlaient. Mais elle les réprima en déversant toute une série d'insultes à son égard, ses yeux plantés dans les siens vélocement.

Puis après la tempête, le calme. Si on pouvait qualifier la situation actuelle calme. La jeune championne avait croisé ses bras sur sa poitrine et avait dit, dans une sorte de faible sourire, qu'elle espérait que ça lui avait fait mal.

Giovanni, en guise de réponse, ne put s'empêcher un rire.

Il y avait plusieurs raisons à ce sentiment de joie dans cette rencontre aussi douloureuse. De un, elle venait de le tutoyer, preuve qu'elle arrêtait, durant un léger instant, de feindre de l'ignorer. De deux, lorsqu'elle lui avait interdit de la tutoyer, elle était montée très haut dans les aigus, chose que faisait souvent sa mère quand elle s'énervait contre lui, ce qui revigora certains souvenirs joyeux oubliés. De trois, le flot d'injures étant sorties de sa bouche l'amusaient. Et enfin, elle avait un uppercut parfait, digne de sa lignée.

Pendant que le mafiosi était d'humeur hilare, ses gardes du corps accoururent dans la salle avec une rapidité exemplaire, Pokéballs en main. Mais à nouveau, d'un simple geste de la main et d'un regard, leur patron leur fit signe de s'en aller. Persian quant à lui réapparut discrètement, il avait profité que la porte était restée ouverte pour se joindre à la conversation, ayant toute à l'heure perdu la trace de son maître, par la suite il vint se nicher dans les jambes de Giovanni et observa d'une drôle de manière Chocolate.

Une fois les sbires partis, Sakaki arrêta de sourire de manière aussi béate pour redevenir plus sérieux, portant sa main à sa mâchoire comme pour s'assurer si elle était encore en place.

"Et bien... Ceci étant fait et dit, nous pourrions peut-être engager une conversation de grandes personnes, non ?"

Sur ces paroles moqueuses, il s'appuya contre le mur et regarda sa progéniture d'une manière totalement neutre. Il lui devait des explications, c'était indéniable. Dans son fleuve d'insultes de tout genre, se dégageait une vérité, mais également une fausse image qu'elle avait de son père.

Et ce point, il devait l'éclairé, avec tutoiement bien entendu, quitte à s'en ramasser une deuxième.

"Tu m'as dit que j'avais usé de ta naïveté pour mes desseins..."

Chose à semi-vraie. L'identité de sa fille, et le manoir dans lequel ils habitaient étaient une excellente couverture dans les périodes les plus dures où la police s'acharnait sur lui. Mais il n'avait jamais utilisé personnellement Chocolate. Jamais il lui avait demandé de témoigner en sa faveur ou de mener la police sur de fausses pistes.

"C'est faux. Ne laisse pas ta rancune déformer la vérité. Tu as vécu dans le luxe quasi total avec des gouvernantes que j'avais personnellement choisi, en qui j'avais suffisamment confiance pour leur accorder ta garde, et j'avais fait en sorte de t'éloigner le plus possible des affaires de la Team Rocket. Crois-moi, si je t'avais vraiment utilisée comme tu en es persuadée, tu serais peut-être sous les barreaux à l'heure qu'il est."

Ce qui était totalement vrai. Beaucoup de personnes, de pions sur le grand échiquier Rocket, avaient flanché à la place du roi dans la prison.

"Ensuite, non, mon sang ne s'achète pas."

Cette fois il n'avait pas grand argument à défendre. Il savait juste que jamais dans sa tête avait trotté l'idée de tirer profit de son enfant, et de son point de vue, c'était bien suffisant.

"Et enfin... oui, joli uppercut..."

Un sourire s'installa sur son visage, malgré le fait que la douleur le tiraillait dû à sa mâchoire désormais atrophiée. Un sourire qu'on pouvait même déterminer de fier, ce sourire qui lui était tant propre, incarnation parfaite de l'hubris qui sommeillait en lui. Sauf que à ce moment il n'était pas destiné à Giovanni lui-même, mais à sa fille.

"Pourquoi m'avoir gardée alors?"

Cette question résonna plusieurs fois dans l'esprit de Sakaki pendant que Chocolate se servit un nouveau verre d'alcool fort cette fois-ci. Giovanni avait ouvert machinalement la bouche comme pour lui interdire ce breuvage mais aucun son ne sortit. Après tout, ce n'était plus l'enfant de quinze ans qu'il avait connue. Elle faisait ce que bon lui semblait désormais.

Revenant sur sa question posée, le chef de la Pokémafia conserva son visage fier à l'encontre de sa progéniture. Pour lui, c'était une évidence, la raison l'ayant poussé à la garder elle... parce qu'elle était sa fille bon sang... Cependant... Tina aussi, mais elle, il l'avait délaissée. Giovanni préféra se consoler en se disant que les temps n'étaient pas les mêmes. Lisa était morte, certes, mais il n'était pas encore reconnu pour ce qu'il était, et donc pouvait sans problèmes se permettre de passer du temps en famille. Chose qui a totalement changé, après la fugue de Chocolate. En à peine une nuit il était devenu l'homme que tout le monde recherchait. Heureusement, ayant beaucoup d'aide, il avait pu se fondre dans la masse et refonder une famille. Mais... le kidnapping de son fils conduit à la séparation avec sa seconde femme. A nouveau tout s'était proprement cassé la figure. Et enfin, il y eut cette relation non-officielle avec sa maîtresse, et Tina. Il ne pouvait pas la garder sous son aile. Il était recherché, sa paternité devait rester secrète.

En conclusion, Chocolate fut vraiment la seule de ses enfants à avoir eu la chance d'avoir connu son papa. Et elle le lui reprochait...

"Tu ne me feras pas croire que tu projetais pour moi la reprise de l'entreprise et de l'arène de Jadielle. J'ai eu un petit doute lorsque
j'ai vu tes balls posées en évidence sur le bureau, mais les plans
étaient aussi éparpillés, tu avais forcément une idée derrière la tête pa...Giovanni."

L'hésitation faite concernant son titre eut pour effet d'agrandir de manière à peine perceptible le sourire du pokémafieux, sourire qui se dissipa quand il repensa à cette deuxième question posée. Non, il n'avait jamais prévu ou manipulé sa fille afin que cette dernière quitte son cocon familial pour devenir championne, c'était juste son côté désordonné qui avait repris le dessus, raison pour laquelle rien n'était rangé sur son bureau.

Alors qu'il allait formuler une réponse, Chocolate fouilla dans son sac, à la recherche de Pokéballs sûrement, et lui reposa encore une dernière question. Celle concernant ses activités durant toute l'année... Et elle voulait tout savoir. Quelle naïveté... comme si un père pouvait vraiment tout dire à sa fille, surtout quand il s'agissait de ce genre de profession.

Mais, à nouveau, Giovanni n'eut guère le temps d'y répondre. Une simple parole lui fit perdre le fil de ce qu'il désirait rétorquer...


"Je ... enfin je suis quand même rassurée de te savoir en vie."


Cette phrase, prononcée par Chocolate, devenait un trésor d'une valeur inestimable.

Et là, une sensation étrange envahit le géniteur devant son oeuvre. Ce fut comme si la pression encore présente dans son organisme venait de s'envoler, comme si on lui retirait une grande angoisse... Ce qu'il avait redouté le jour de cette rencontre... oh évidemment, il l'avait cherché, il avait voulu revoir Chocolate, mais il en avait aussi eu peur, une peur très discrète, tapissée dans l'ombre, une peur qui ne se ressentait qu'à l'instant où le moment de la rencontre était arrivé. Et cette peur venait tout bonnement de disparaître à la seconde.

A cette remarque, Sakaki répondit de manière totalement muette par un regard qui signifiait : "Je suis aussi heureux que tu soies en vie ma princesse".

Après quoi, il détacha ses iris noires de celles couleur chocolat de sa fille, pour aller lui aussi se servir un verre d'alcool fort, puis, il s'assit.

Il remarqua que son enfant demeurait sur ses gardes, ayant encore les mains sur ses Pokéballs, dans son sac.

"C'est bon Choco, aucun homme ne viendra t'arracher tes Pokémons et ton badge."

Sur cette bonne parole, il but une gorgée, savourant la bouffée de chaleur qui découla dans sa gorge.

"Pour en revenir à ta première question, la réponse est tant simple que tu aurais pu la trouver toi-même... je n'avais aucune raison de ne pas te garder... parce que tu es ma fille, parce que je... t'aime."

Ces mots étaient lancés à tout va dans les familles normales, mais pour Giovanni, reconjuguer ce verbe était un grand exploit. Voilà au moins vingt-deux ans qu'il ne l'avait guère employé ainsi. Et il doutait fortement que l'exploit allait se renouveler. Toutefois, il conservait un sourire à sa fille... Sourire qui se transforma soudainement en grimace...Bon sang, il aurait dû penser que
l'alcool cicatrisait les plaies, et que durant l'uppercut de sa fille il
s'était au moins fait cinq aphtes.

Afin de soulager la vive douleur que lui occasionnait la cicatrisation de ses blessures, il se leva et se servit un deuxième verre, mais cette fois rempli d'eau, faisant dos à sa fille, cependant en continuant les explications.

"Ensuite, pendant que tu n'étais non pas seule à la maison mais accompagnée par tes gouvernantes, je travaillais, à l'arène de Jadielle, au casino, à Céladopole, même en Andes."

Après avoir finit cul-sec son breuvage neutre que représentait l'hydrogène, il refit face aux yeux semblables à Lisa de sa fille. Et il constata que cette explication parut ne pas satisfaire son interlocutrice... elle avait dit vouloir tout savoir... mais il ne pouvait tout simplement pas le faire.

Toutefois, une idée le traversa l'esprit.

Peut-être devait-il lui parler de Mewtwo... ? Les seules connaissances étant au courant de cette affaire étaient Abel Kujaku, Garth Maise, et lui-même. Ainsi que peut-être une minorité de scientifiques... et ils étaient regroupés sous le même insigne, celui de la Team Rocket. Si un jour le clone parvenait à lui refaire oublier la mémoire, à lui qu'ainsi toutes les personnes énoncées, tout serait perdu... ces années de recherches, le sacrifice d'agents...

Peut-être qu'en fin de compte se confier à sa fille n'était pas une si mauvaise idée. Après tout, elle ne l'accompagnerait jamais sur le terrain. Elle n'approuvait pas les actions de la Team. Donc, dans le pire des cas incluant que Mewtwo parvînt à leur faire une amnésie concernant son existence, Chocolate sauverait le coup... comme l'avait fait Garth.

C'était une raison suffisante pour débuter le sujet, surtout qu'une détermination sans précédent se reflétait dans la noirceur des iris de la jeune fille. Il devait aller plus loin dans ses explications.

"Si tu tiens vraiment à le savoir ... la raison pour laquelle je n'étais pas beaucoup présent... était que j'étais en train de réaliser le plus grand projet de ma vie durant cette période. La consécration d'une grande partie de la vie de ta grand-mère, également. Il s'agissait de la capture du Pokémon le plus rare au monde."

Giovanni laissa le temps de laisser passer l'information, et en profita pour se resservir d'eau, de boire de l'alcool puis directement après une gorgée d'eau, afin d'atténuer la douleur.

"Les recherches concernant cette créature était un véritable investissement d'argent et de temps, et surtout, un dur labeur assez ingrat... Après plus de deux décennies passées à tenter de retrouver une trace de ce Pokémon, nos scientifiques n'avaient rien de consistant en main. Pas une photo. Ou si, seulement une représentation de l'être légendaire trouvé dans un temple et crée par une ancienne civilisation qui le vénérait. C'était bien peu. J'ai passé quasiment toutes mes matinées, journées et soirées à tenter d'aider à trouver plus de ce Pokémon."

Giovanni pensa qu'il avait assez fait dans les détails et qu'il pouvait sans problèmes venir au fait.

"Toutefois nos efforts ont porté leur fruit quand une équipe scientifique retrouva un os fossilisé de ce Pokémon. Ce Mew. Ne pouvant le capturer, nous avions décidé de le cloner. Ce qui donna naissance au Pokémon le plus puissant qui n'eût jamais existé."

Il laissa une pause à sa fille, le temps d'analyser toutes ses explications... et s'en sentit très légèrement coupable. Désormais, il en était certain, la rancune apparemment apaisée lui étant destinée devait s'être intensifiée. Elle le jugerait sûrement, lui reprocherait cet affront fait à un Pokémon, la souffrance qui en découla etcétéra. Cependant, c'était nécessaire, pour se créer sa bouteille de sauvetage en cas d'amnésie totale.

Mais il se demandait quand même de quelle manière allait réagir sa progéniture à l'annonce que son père restait le même. Restait un mafiosi. Un pokémafieux sans scrupules, en somme.

La réaction de sa fille se fut en plusieurs temps. En premier abord, elle parut intéressée, et très concentrée sur ce qu'il lui disait. Ensuite, de la perplexité se lut sur son visage. Et en dernier temps, une sorte de déception s'afficha comme expression, mais ce Sakaki n'en était pas si sûr, il n'arrivait à définir ce à quoi pensait à l'instant la jeune femme dans cette robe bleue que représentait son enfant.

Un silence s'installa. Silence qui laissa le temps à Giovanni d'aller chercher la réconfortante fourrure de son Persian, et de le caresser, pendant que Chocolate se tourna, la mine exprimant une gravité. Et enfin, elle lui posa la question à laquelle il s'attendait. Elle voulait savoir si la Team Rocket avait des liens avec les attentats de ce premier novembre. Quoi de plus naturel. Et le paternel assis fut heureux d'avoir une réponse négative à formuler à cette question. Mais il n'eut le temps de la placer, Chocolate enchaîna directement en demandant enfin la raison de ce clonage...

Ah... ça... Il aurait de quoi épiloguer sur le sujet. Après que sa fille en eût totalement terminé, bien entendu. Et ce elle le fit, par une remarque de reproche... oui... il aurait dû l'emmener avec lui... il aurait dû lui présenter le monde de la pokémafia tel un monde normal, ainsi elle aurait grandie dans ce milieu, et jamais elle n'aurait eu l'idée de fuguer... peut-être serait-elle devenue sa meilleure agent... peut-être serait-elle devenue son bras droit ? Le digne successeur de ce lourd héritage ?... Peut-être aussi qu'un jour ou l'autre elle aurait eu un point de vue divaguant du sien, se serait rebellée et aurait tout de même fini par fuguer... On ne pouvait le savoir... mais oui, Giovanni regrettait avoir été tant absent pour elle. Et pour Silver, et pour Tina...

Un silence s'installa après que la jeune noiraude ait terminé en demandant si cette créature était en liberté... Le chef des Voleurs prit une légère inspiration, comme pour se donner du courage.

"Choco, je t'en prie, tutoie-moi..."

Voilà déjà la première phrase qu'il tenait à dire. Voir sa propre enfant le vouvoyer était... déstabilisant, et même plutôt vexant d'une certaine manière...

"Pour ce qui est de ces terroristes, je n'ai rien à voir avec eux. Au contraire, ils me font de l'ombre, ce serait un bien si je venais à les éliminer. Et Mewtwo, et toutes les recherches de la Team Rocket n'ont rien à voir avec cet Oiseau d'or non plus... mais les Quetzacoalts si, enfin, ce n'est qu'une théorie..."

Le regard noir du Boss était empli de franchise. Il désirait vraiment que cette Team arrêtât d'inspirer la peur dans l'âme des gens et d'humilier l'insigne "R" de sa société.

"Pour Mewtwo, on va dire qu'il est en ce moment dans la nature. Mais il n'est pas comme les autres Pokémons, il se distingue d'eux non seulement par sa puissance... mais aussi par le fait qu'il pense et réfléchit comme un humain. Il n'est donc pas dangereux, pour le moment..."

Oui, Mewtwo pensait et réfléchissait tel un humain, mais cela ne signifiait pas pour autant qu'il en était un... cette saleté de créature, ayant détruit laboratoire et quartier général et ayant failli lui coûté la vie... son arme de destruction massive... hors de son contrôle... cette pensée plutôt énervante fit arracher un tic nerveux au mafiosi, qui alla se détendre en reprenant encore un peu de son cocktail :"Eau-Alcool fort", avant de poursuivre.

"Sinon... concernant les raisons qui m'ont poussé à ... cloner Mew..."

Giovanni fuit du regard sa fille. Il avait une expression qui équivalait à un subtil mélange d'orgueil, de honte, de nostalgie, et d'arrogance. Un parfait cocktail paradoxal, complexe...

"Tout a débuté avec ta grand-mère..."

Madam Boss... la tyran, l'impitoyable, la cruelle... celle qui avait condamné sa nourrice attentionnée dans un sac en plastique, celle qui avait donné à la Team Rocket la réputation de la mafia la plus implacable dans l'Histoire, celle qui choyait l'argent plus que tout. Sa mère. Giovanni s'assura que personne ne se trouvait dans les parages [les sbires étant partis] avant de continuer le récit.

"Des années après avoir crées la Team Rocket, elle était toujours à l'affût d'une manière de gagner de l'argent, elle n'en avait jamais assez... Dans cette optique, elle avait donc engagé une équipe de scientifiques aller capturer un Pokémon légendaire, afin d'en tirer profit. Elle trouva un intérêt particulier à Mew, qu'elle rechercha activement durant tout son "mandat". Lorsque je l'ai remplacée, elle m'a confié son entreprise, mais aussi cette tâche. Celle de retrouver Mew. Je m'y suis appliqué. Sauf que lorsque les scientifiques ont ramené ce fossile... n'étant pas autant attiré par l'argent que ma mère... j'y avais plutôt vu une intéressante opportunité de créer un être surpuissant... et d'accomplir ainsi la domination totale de la Team Rocket dans le monde..."

Voilà ce que l'on pouvait appelé un résumé... il y avait mille et un petits détails, des informations qui manquaient... notamment au niveau de Madam Boss. Mais ces dernières, Giovanni les conservait dans un coin de sa tête qu'il avait décidé ne jamais utiliser. Il ne voulait pas parler de son enfance devant sa fille... quoique peut-être cela pourrait être une solution... peut-être que cela rendrait Chocolate moins haineuse, bien que ce sentiment parût avoir totalement disparu de son regard...

Pour le moment, Sakaki continuait de caresser Persian qui ronronnait de plaisir, attendant une éventuelle réaction de la part de son enfant, mais surtout les questions à venir...

Sa fille débordait de questions, et les débitait d'une manière totalement rapide, ce qui laissait peu de temps à la réflexion pour Giovanni... peut-être était-ce voulu, lui empêchant de calculer le pour et le contre de la chose, ainsi évitant qu'il décidât qu'il soit plus sage de cacher encore des secrets...

Toujours en train de câliner Persian, Sakaki eut un léger haussement d'épaules en entendant que sa fille ne désirait pas le tutoyer avant qu'"il ne lui redevienne familier", et qu'elle ne voulait apparemment pas qu'il la surnommât Choco. Ce simple haussement d'épaules signifiait qu'il acceptait sa requête par pur respect, mais trouvait cela totalement ridicule...

Le félin blanc trouva soudainement qu'il serait plus confortable d'aller se poser sur les pieds de la jeune brune, s'éloignant ainsi quelque peu de son maître et se vautrant sur les pieds de la championne de Jadielle. Cette dernière le repoussa doucement, les sourcils froncés.
Et poursuivit dans ses questions.

Notamment en lui demandant le pourquoi de son ascension dans la ligue de Johto, pourquoi être devenu le huitième adversaire de tout dresseur voulant passer professionnel...

Un air lointain s'installa sur le visage du Pokémafieux. La raison remontait à long... du temps où il avait rencontré son meilleur ami, Garth Maise. Il était jeune, n'ayant à peine treize ans... toutefois rempli d'ambition... même si ce n'était pas forcément un choix ou une envie. Mais plutôt une nécessité... Il devait après tout bien prouvé sa valeur à sa mère s'il désirait accéder au trône Rocket... ou même tout simplement attirer son attention... mais ce, il n'allait pas lui en faire part. Non, c'était bien trop personnel, secret, et surtout futile.

Chassant ses vieux démons, Giovanni finit pour de bon son verre d'alcool fort mais ne prit pas la peine de boire de l'eau. La douleur que lui causait la cicatrisation l'aidait à mieux oublier.

Ensuite, il écouta attentivement la seconde question de son enfant...celle concernant le pourquoi ne pas avoir refondé une famille... est-ce que la réponse :"pas trouvé la bonne femme" lui suffirait ? Car elle était la seule explication à cela. Même s'il avait refondé une famille, cela n'avait jamais vraiment duré... Jamais il n'avait ressenti à nouveau le bonheur unique que Lisa avait été la seule à avoir su lui transmettre, jamais plus son coeur s'était montré tendre, sauf envers ses progénitures, et peut-être en de rares occasions envers son frère de coeur, Garth... mais il doutait que la signification du mot "Tendre" soit la même pour lui, et les concernés.

Par après, la jeune brune à l'élégance de femme influente qu'était son enfant repartit à l'assaut en lui demandant à quoi bon contrôler le monde pouvait-il bien lui servir... La réponse à cette question était simple... mais complexe...comme Giovanni, lui-même...

Et s'il lui répondait qu'il n'avait eu guère le choix d'accéder au pouvoir dès son âge le plus jeune... et qu'au début il n'était pas assoiffé de puissance... mais que peu à peu elle s'était immiscée tel un cancer ? Et s'il lui avouait que tous les choix qu'il avait faits, il ne les avait pas forcément voulus mais avait dû les accomplir à cause de l'ombre menaçante derrière lui qu'était sa maman... et s'il lui racontait qu'après la perte de Lisa, l'accès au pouvoir total était la dernière chose qui parvenait encore à le faire rêver ?...

Evidemment, rien de tout cela ne serait divulgué, Sakaki n'était de loin pas une personne suffisamment sentimentale... le passé était le passé. Et il savait bien qu'aussi dictatoriale avait été son enfance, jamais cela ne justifierait ses actes.

Alors il préféré décider de ne répondre à aucune des deux premières questions, tout simplement.


Et enfin, comme avant, Chocolate conclut par sa dernière question, lui demandant s'il s'était remarié... ah... voilà une problématique qui allait être bien difficile à expliquer... et à cerner pour sa fille... cependant il allait essayer...

"Oui j'ai été marié encore une fois, mais rapidement divorcé..."

Voilà, l'aveu était fait. Maintenant, il fallait développer...

"Elle a donné naissance à un fils... ton petit demi-frère... Silver... Il a 18 ans cette année."

L'annonce de la nouvelle fut neutre, sans sentiments, le visage du Boss totalement impassible, comme s'il annonçait tout simplement qu'il devait aller au petit coin.

"Et j'ai eu, avec ma maîtresse, une liaison. Secrète. Ta petite demie-soeur, Tina, âgée de 15 ans..."

Comme la précédente information, celle-ci se fit sans états d'âme particuliers. Giovanni se contentant d'avouer que Chocolate n'était pas une fille unique...

Il ignorait comment elle allait emmagasiner ce choc, celui en fait d'avoir partagé le même père avec deux autres enfants. Celui de ne pas avoir été avec eux, celui de ne pas avoir pu jouer le rôle d'aînée avec cette fratrie.

Bien sûr, pour Giovanni, ce secret était juste dommage, dommage qu'ils n'aient pas pu se rencontrer et former une solide relation entre frère et soeurs. Mais comme il l'avait souvent pensé en cette soirée, le passé était le passé, ce qui avait été fait était fait.

Là, devant son premier enfant, il n'exprimait aucun remords à ce sujet, et gardait cette expression totalement dénuée d'émotions lui étant propre.

Giovanni s'était moralement et physiquement préparé à un deuxième uppercut à l'annonce de cette soudaine fratrie pour son aînée. Mais il n'en fit rien. Toutefois, il ne doutait pas qu'elle lui en voulait... malgré cette grande politesse à laquelle elle s'adressait à lui, et surtout, le fait qu'elle l'eût même excusé (ce qui le surprit grandement), elle dissimulait une grande rancune encore dans son coeur, et ce il en était certain.

Et elle évacua même ce sentiment négatif au travers d'un soupire, une remarque plutôt déplaisante à ne pas prendre à la légère pour le garde concerné qui la gênait, et un rire rempli de mesquinerie, qui fit rapidement comprendre au perturbateur que la partie "planter mes ongles dans un derrière" de sa phrase pouvait autant être au sens figuré que réel... L'homme Rocket s'en alla aussi vite qu'il était apparu... sage décision sûrement.

Après cela, Chocolate sembla tout de même prendre la nouvelle avec... joie ? Ou du moins un sentiment positif. Elle lui avoua même qu'elle ne pouvait lui en vouloir étant donné que c'était vers elle qu'il se tournait lors des fêtes de fin d'année... ce qui était vrai... mais pas vraiment par favoritisme en réalité... Silver était sous garde, puis peu après avait été enlevé, et pour Tina, personne ne devait être au courant qu'elle partageait son sang... Aller vers une femme dans un manoir de Doublonville n'aurait jamais été possible sans attirer les regards, ou difficilement et c'était trop risqué...

...Mais toutefois, des paroles de son enfant, Giovanni n'en revint pas. Il masqua sa stupeur tandis que la jeune femme devant lui poursuivit en faisant une hésitation... qui était différente de la précédente... elle avait forcé le mot père à corriger le mot "Giovanni" qui allait sortir de sa bouche...

Pour l'aînée, cette simple correction ne signifiait peut-être pas grand-chose, mais pour son géniteur elle voulait tout simplement tout dire... il était vraiment pardonné à certains niveaux... un lien s'était partiellement renoué...

Giovanni, avec un sourire chaleureux, commença à finir son verre d'eau pendant que sa fille alla même plus loin dans l'effacement de sa froideur en lui offrant un sourire après avoir avoué qu'elle avait... matière à s'excuser ?

Immédiatement, l'eau avalée n'alla guère dans l'oesophage mais se trompa pour atterrir dans les poumons du Pokémafieux, à cause de cette... surprise... Sakaki toussa donc en manquant de s'étouffer... Heureusement, cela fut très furtif. Et son enfant étant très maligne, il le savait, ne s'épancha pas énormément sur l'aveu qu'elle venait de lui faire, et continua dans sa soif de connaissance sur son frère et sa soeur, en lui demandant ce qu'ils faisaient au jour d'aujourd'hui...

Giovanni aurait voulu en savoir plus sur ce côté pas irréprochable qu'avait sa fille, mais il n'avait même pas eu le temps de répondre à sa question concernant les autres enfants, que sa progéniture lui redemanda la raison de son silence...

Reprenant un peu son souffle coupé lorsqu'il avait risqué la noyade à verre d'eau, Sakaki croisa les bras.

"... Je suis désolé, j'aurais dû t'en informer... quand Silver est né, tu avais seulement quatre ans... je ne pense pas que tu aurais compris les raisons qui te séparaient de ton demi-frère... mais... l'idée m'avait déjà traversé l'esprit, que vous grandissiez ensemble, sauf que la mère de Silver m'en avait vite dissuadé. Et à deux ans, il a été kidnappé... cela ne fait pas si longtemps que ça qu'il sait que je suis son père..."

Un sourire faible se dessina sur les traits du mafiosi. Il trouva inutile d'ajouter que pour que Silver acceptât cette idée, il avait dû risquer sa vie pour le sauver... ce que ferait n'importe quel parent bien entendu, mais Silver ne l'aimait toujours pas malgré son geste... à croire que les enfants sont très ingrats...

"Aujourd'hui il est un puissant dresseur, qui voyage beaucoup... c'est tout ce que je sais..."

Giovanni marqua une pause.

"Et pour Tina, à sept ans tu aurais peut-être compris la raison que je te séparais de ta petite soeur... mais il fallait que ma paternité reste secrète. J'étais en cavale, Silver lui était à l'abri, et Tina oui, à condition que personne ne sache ce qu'elle était... Toi tu étais très bien protégée, notamment grâce au nom de famille de ... son nom de famille, qui niait tout lien entre toi et moi. Ce qui n'est pas le cas de la mère de Tina, si l'information avait été divulguée, elle aurait été immédiatement emmenée au poste de police, et sa fille se serait retrouvée seule..."

Et ça Sakaki ne le souhaitait pas. Il était persuadé, que si la police avait mis la main sur sa paternité, elle aurait directement emprisonné la Mère Sbreggia pour complot avec la Team Rocket.

Giovanni permit à nouveau au silence de régner en maître dans la petite salle. Il aurait peut-être pu poser la question concernant sur les raisons qui poussaient sa fille à dire "moi-même aussi matière à m'excuser" en parlant de relation, mais il ne le voulut guère. Peut-être reviendrait-elle plus tard. Là quelque chose d'autre trottait dans son esprit.

"Mais toi... qu'est-ce que tu as à me dire Chocolate... tu as affronté beaucoup de dresseurs avec ton titre, tu as acquis beaucoup d'expérience, tu voyages... j'aimerais savoir ce qu'a fait ma princesse, durant ces sept ans..."

Giovanni ressentit un léger soulagement en voyant qu'après toutes ses explications sur la raison l'ayant poussé à cacher un frère et une soeur à son aînée, Chocolate l'avait à nouveau plutôt bien pris. Aucun visage énervé, renfrogné, ou en colère lui était désormais destiné. Non. Il avait l'impression de retrouver la petite fille qui l'attendait à Noël...

Un sourire dont la meilleure qualification possible était celle de fier se lisait sur le visage du mafiosi en entendant sa fille relater son parcours. Evidemment, le mot "sévi" sut arracher un léger rictus grimaçant au concerné, il n'aimait guère entendre des mots qui sonnaient comme des reproches de la bouche de sa progéniture... mais il ne s'en offusqua pas. Son enfant était devenue une personne puissante... C'était le plus important. Le reste, il en avait cure. Même si le reste comportait le fait que son prodige ait pris des plans concernant la Team, ait suivi la progression de certaines de leurs actions, l'ait trahi... tant pis, cela avait contribué à la rendre forte, et Sakaki trouvait ce sacrifice de cette vie paternelle justifié.

Mais malgré ce dédain, le Pokémafieux hérissa le poil lorsque la jeune Di Luce aborda le thème des hommes... mais un petit rire détendu ressortit de sa bouche quand elle lui avoua qu'ils la fuyaient quand ils apprenaient sa réelle identité. Pas étonnant, les jeunes hommes de cette époque-là n'avaient strictement rien dans le pantalon, aucun courage, et c'était tant mieux si sa fille ne traînait pas avec des faibles pareils.

Après que Chocolate eût croisé les jambes, elle poursuivit dans son récit, lui raconta qu'elle désirait oublier... Oublier... ce mot était un mot maudit de la lignée Sakaki, on n'oubliait pas non, on vivait avec, et ce, voilà depuis quarante ans que Giovanni s'y appliquait. Toutefois il ne lui en fit pas la remarque, et la laissa continuer.

Le sourire fier de toute à l'heure se regonfla encore un peu de fierté quand sa petite brune lui raconta qu'elle n'avait connu que deux vraies défaites durant ces sept ans de profession de championne. Un exploit. Vraiment.
Cette infaillibilité lui rappelait grandement quelqu'un.

Cependant une note plus sombre s'installa quand la jeune femme avoua qu'elle ne se sentait bien que dans l'arène de Jadielle, même si elle y ressentait de la solitude parfois. Ce sentiment était normal et le meilleur compagnon d' un champion, qui ne devait jurer que par l'entraînement, les amis étaient obsolètes lorsqu'on était au sommet. Enfin, presque...
Garth Maise était bien le seul être humain à avoir su changer Giovanni de point de vue...

Pendant qu'il eut un éclair de pensée à cette amitié, Chocolate lui dit qu'elle avait pris des vacances. Ceci expliquant le pourquoi de sa venue dans le casino. Mais pas le pourquoi de ne pas avoir fui, lorsqu'il l'eût vue.

Un sourire angélique lui fit office de réponse, Chocolate avait ses coudes posés sur ses genoux, et soutenait sa tête avec ses paumes, ses yeux magnifiques implantés dans les siens. Cette vision venait juste de certifier encore plus le fait que Chocolate était le sosie craché de sa maternelle. Et aussi de lui promulguer la réponse à sa question intérieure. Aussi fou que soit cette pensée, elle désirait le revoir. Il n'y avait pas d'autres explications plausibles. Elle aurait très bien pu s'éclipser quand il eût décidé de l'aborder, mais elle ne l'avait guère fait... car elle voulait de cette conversation, car elle voulait avoir en face d'elle son père.

Pendant que Giovanni transforma son sourire fier en sourire satisfait, sa fille lui fit des excuses en disant qu'il n'était pas dans ses habitudes de parler des masses aux personnes.

Aussi loquace que lui dans le milieu professionnel apparemment.

Un petit silence vint timidement refaire surface. Giovanni ne désirait rien dire. Il était heureux de ce qu'était devenue son aînée. Et les choses les plus importantes n'avaient pas besoin d'être dites. Cependant il savait que s'il demeurait sans voix, cela risquait d'être plutôt mal pris par sa championne, et il ne voulait pas tellement renvenimer le dialogue.

"Perdu deux matchs en sept ans... extraordinaire."

L'intonation vocale du Pokémafieux ne fut pas extrêmement communicative d'une vive émotion, seulement neutre. Et après le timide silence brisé, un nouveau silence se fit.

Sakaki ne savait quoi dire. Evidemment, il aurait pu entrer dans les détails, lui demander si il y avait eu d'intéressantes rencontres au cours de ses voyages, le niveau de ses Pokémons, comment elle s'entraînait, même lui donner des conseils et autre. Mais ce n'était pas tellement son genre, non. Il pourrait également partir sur des questions plus négatives, et à son tour jouer la personne qui reprochait les erreurs commises par l'autre. Mais vraiment, il ne voulait pas rendre les choses d'autant plus compliquées. Et il le savait très bien, du point de vue de Chocolate, le fautif dans cette salle, c'était lui.

Toutefois il ne voulait pas que ce silence planât encore plus longtemps... il aurait désiré pouvoir aborder une question d'héritage avec son aînée... mais il savait bien que c'était chose impossible. Cette dernière méprisait absolument tout ce qui avait lien avec ses activités officieuses, comme Silver. Jamais elle ne reprendrait le flambeau Rocket, jamais. Seule Tina pouvait encore éventuellement devenir son héritière, mais c'était encore très incertain. Et de plus, parler de cela sans la présence de ses autres enfants auraient été plutôt mal-vus... pas qu'il s'inquiétait de ce qui se faisait ou pas, non, mais il ne voulait pas non plus créer des conflits internes entre la fratrie, qui d'ailleurs ne se connaissait pas encore.

En conclusion, le chef de la Pokémafia ne savait toujours pas comment briser le silence qui devenait pesant.

Heureusement, le chanteur vint quelque peu l'aider par une chanson qui était datée, et emplie de nostalgie. Lisa adorait l'écouter en boucle.

Peut-être que... sa fille désirait en savoir un peu plus sur sa mère...

En cas normal, Giovanni n'aurait jamais eu une once de cette idée et d'ailleurs il n'avait au grand jamais abordé le sujet de Lisa, et avait toujours su plus ou moins esquiver les questions que lui posaient sa princesse étant petite à son sujet... mais là était une bonne occasion d'éclairer certaines zones d'ombres, et de plus le quadragénaire en ressentait l'obligation, sans qu'il ne sût expliquer le pourquoi...

Sa fille voulait oublier... lui il allait partir dans le sens contraire.

"Tu es le portrait craché de ta mère. Je suppose... que tu aimerais savoir qui elle était... vu que je ne t'ai jamais parlé d'elle..."

Ces paroles furent prononcées avec appréhension. Un regard furtif fut lancé sur la bague d'argent qui seyait son auriculaire gauche. Il redoutait une réponse positive, mais l'espérait. Ce sentiment paradoxal était dû au fait que Giovanni avait lui aussi un certain poids à décharger sur ses épaules, malgré leur grande largeur.

Mais peut-être que Chocolate était devenue totalement détachée de ses racines, et n'avait plus aucun intérêt ou envie à connaître sa maternelle... Toutefois, le simple fait qu'elle soit venue dans le casino de Céladopole, le poussait plutôt dans un raisonnement qui incluait une réponse affirmative.

La réponse à laquelle s'attendait Giovanni ne vint pas. Il n'eut guère une réponse totalement positive, ou totalement négative. Une sorte de mixte. Chocolate, dans toute sa droiture sur son siège, avait avoué qu'elle avait désiré en savoir plus sur sa maternelle, mais que la certitude de vraiment le vouloir l'avait quelque peu abandonnée... mais qu'elle s'apprêtait à l'écouter, sans pour autant le forcer à ressortir un trop lointain passé au risque "qu'il se sente drôlement vieux". Le ton détaché sur lequel fut prononcé ces paroles eurent comme effet d'afficher un rictus amusé sur le visage du chef de la Team Rocket, et l'utilisation du mot "père" relâcha le peu d'angoisse se dissimulant encore dans son organsime.

Cependant, cette réponse ne lui facilitait pas grandement sa prise de décision... car deux personnalités sommeillaient en cet unique être qu'était Giovanni, dans ces circonstances-là. L'homme froid, ambitieux, orgueilleux qu'il avait toujours été professionnellement le poussait vers une réponse négative, un déni, mais le père coupable qui désormais avait une certaine responsabilité divergeait et le conduisait plutôt vers un récit de sa vie. Le choix n'était guère aisé à faire...

Cependant il devait trancher. Il en avait l'obligation.

Pendant que le chanteur fredonnait le refrain de sa chanson d'amour, Giovanni se leva, se mit de profil à Chocolate, croisa les bras et observa la vitrine de laquelle il pouvait observer toutes les personnes présentes dans le casino, sans que ces dernières ne le remarquassent.

"Tu ne trouveras pas la tombe de Lisa à Lavanville. En réalité, elle est à Jadielle."

Cette nouvelle avait de quoi perturber son aînée... il était naturel et normal qu'une personne qui vivait dans un lieu, soit enterré dans ce même lieu. Toutefois, Giovanni en avait fait autrement, car la décision avait été sienne...

Les raisons de cette délocalisation ? Il y en avait deux. La première, était qu'il fut plus facile pour le Pokémafieux de se rendre sur la tombe de Lisa, étant la majorité du temps à Jadielle plutôt qu'à Lavanville, même si la distance séparant les deux villes n'étaient pas spécialement longue. C'était juste pour une question de gain de temps, n'ayant vraiment pas beaucoup de temps libre à caser dans son horaire.

La deuxième raison, la principale, et même celle ayant réellement poussé Giovanni à mettre la tombe de Lisa à Jadielle, Sakaki allait l'expliquer à son aînée.

"Elle ne repose pas à Lavanville parce que c'est dans son arène que nous nous sommes rencontrés..."

Le rictus amusé de toute à l'heure se changea en un plus nostalgique, à peine remarquable.

"A vrai dire c'était un de mes premiers matchs en tant que champion. J'étais très jeune, et elle aussi."

Un petit souffle qui pouvait s'apparenter à un très léger rire quelque peu méprisant se fit entendre.

"A peine entrée dans l'arène, elle s'était déjà proclamée vainqueur..."

Il se rappelait bien de cette première confrontation. Une douzaine de jeunes filles très jolies étaient derrière lui, toutes excitées et folles de pouvoir assister à un de ses combats, et Garth qui faisait un peu bande à part l'observait un peu plus retiré de ces groupies délurées, tandis que toute une foule avait les yeux rivés sur les deux dresseurs. Tous pensaient connaître l'issue finale de la bataille, Sakaki y compris.

D'ailleurs, lui il avait arboré un fier sourire empli de méprise envers ce garçon manqué aux cheveux d'un châtains foncés rare, habillée de manière plus pratique qu'esthétique, qui se prétendait meilleure que lui. Au premier regard, il n'avait vu qu'un opposant de plus à écraser. Sauf que la suite des événements lui avait indiqué tout l'inverse.

"Evidemment, je lui avais ri au nez... mais mon rire est bien vite devenu jaune... avant de se transformer en râlements indignés... Ce jour-là, je venais de me prendre la rouste la plus incroyable de toute ma carrière de dresseur... et ce devant tout Jadielle..."

Le mafiosi arrivait à se rappeler de chaque expression s'étant emparée de chacun de ses supporters. Ses groupies avaient hurlé d'incompréhension pour finalement être parties, déçues avec une envie de démolir toute sa réputation, Garth avait su garder une expression plutôt sereine mais avait quand même fait de gros yeux en voyant le Boss perdre l'avantage, et une partie du public le huait, tandis que l'autre félicitait la gagnante.

"Après cette cuisante défaite, j'ai tellement eu honte que j'avais décidé de fermer l'arène pendant une semaine..."

La fermeture de l'arène avait suscité bon nombre d'autres réactions négatives, et tout le monde n'avait fait que de parler de cette victoire incroyable faite par cette fille débarquant de nulle part.

"La une du journal local était : L'enfant prodige connu de tous vaincu par un garçon manqué anonyme. Inutile de préciser que j'étais plutôt en colère contre celle qui venait de démolir des années de reconnaissance et de travail."

Et c'était peu dire, cela avait carrément été une remise en question pour le Pokémafieux que de se faire laminer de la sorte.

"Alors j'avais exigé une revanche, histoire de reconquérir mon public. Bien sûr... elle avait accepté, mais en contrepartie elle désirait m'accompagner durant les nombreux voyages qu'une connaissance et moi-même faisions durant notre jeunesse. J'avais été d'accord... Et depuis, on ne s'était plus quittés."

En effet, après plusieurs semaines à se haïr mutuellement [et ce au détriment des personnes qui étaient présentes lors des prises de têtes monumentales], les deux rivaux s'étaient grandement rapprochés... jusqu'à se marier d'une manière discrète, et peu officielle. Sakaki avait même oublié cette histoire de revanche tant Lisa faisait sa pluie, son beau temps.

"C'est ainsi que nous nous sommes connus..."

Le silence d'auparavant refit surface. Pendant un court instant, on n'entendit plus que le bruit des divers instruments et la voix du chanteur provenant de l'autre salle.

"Je vais tous les samedis sur sa tombe, si jamais ça t'intéresse..."

Une phrase atrocement pénible à prononcer et d'autant plus dure à assumer... surtout envers sa fille. Jamais il n'avait proposé à cette dernière de rendre visite à sa maternelle... jamais il n'avait désiré le faire en sa compagnie, mais lui, seul, y allait fréquemment. Une sorte de poids se déchargea des épaules du roi de la Pokémafia, qui, toujours les bras croisés, changea sa position de profil pour se remettre bien en face de Chocolate, ses iris noirs plantés dans les siens.

Voilà, il venait de dire tout ce qu'il avait à dire. Désormais, le monologue pour lui, c'était terminé. Fille et père avaient vidé leur sac. Il fallait désormais voir la réaction qu'allait avoir son enfant, qui quelques minutes auparavant s'était apprêtée à partir.

Les expressions faciales s'étant emparées du visage de la jeune fille brune furent multiples. Une amertume s'était d'abord lue sur sa face lors du début de son récit, qui fut ensuite adoucie par un sourire attendri, puis par après transformé en un pincement de lèvres, pour finir en un rictus compatissant. Giovanni ne put s'empêcher de penser qu'en seulement une demi-heure, leur relation s'était rendue possible, voire améliorée... Un exploit, pur et dur. Mais un exploit qui avait coûté de grands efforts. De son point de vue, Sakaki venait de se montrer faible, ridicule. Et cela le déplaisait fortement. Toutefois, le Pokémafieux se sentait bien, tout en conservant un sentiment étrange, n'ayant vraiment pas l'habitude de ce genre de discussion. D'un côté il était ravi que Chocolate ait daigné détendre la gravité de l'atmosphère par un humour corrosif lui étant propre, et donc prouvé que sa rancune le concernant s'était grandement atténuée, mais d'un autre côté, il n'avait pas tenu le genre de paroles qu'il aurait aimé tenir devant son aînée...

Mais bon, quelle importance, car sa première enfant, après s'être levée, lui avoua sa satisfaction, et lui révéla même qu'elle l'accompagnerait voir Lisa, quand l'occasion se présenterait. Cette nouvelle compensait la blessure profonde que venait de s'auto-infliger le leader de la Pokémafia à son amour-propre, à son orgueil en entrant dans le vif de ses sentiments.
Ainsi un faible sourire apparut sur son visage, pendant que Chocolate lui voua un regard qu'il avait pensé perdu à jamais. Un regard qui témoignait de respect. Après quoi, la jeune femme dévoila son itinéraire probable.

Chose qui étonna grandement son géniteur. Si elle lui disait où elle comptait se diriger, cela signifiait que cela ne la dérangerait pas qu'il la retrouvât... En somme, la fuite permanente, l'éternelle fugue de son aînée, c'était terminé. On pouvait dire, que pour la première fois, l'enfant et le père se retrouvaient réellement et arrêtaient ce jeu du chat et de la souris. Enfin, Giovanni avait l'impression de redevenir un père pour Chocolate.

Une sensation étrange vint et Sakaki eut la sensation qu'il avait le trac, chose qu'il n'avait jamais eu de son existence. Il ne saurait définir ce qui se passait en lui à cet instant, mais cela le rendait d'une certaine manière, très satisfait.

Chocolate était toujours debout devant lui, paraissant dans la lune et jouant quelque peu avec une Pokéball... Le géniteur comprit le message... Son faible sourire se transforma en un beaucoup plus large, et témoin cette fois de sincère fierté. Certains souvenirs de son aînée battant des adultes Rockets en entraînements lui revinrent, et il n'eut aucun doute quant aux capacités exceptionnelles que devait posséder sa fille. Ce qu'il avait hâte de la voir combattre...

Mais cela sera pour une autre fois...

Pour ce soir-là, ils en avaient terminé. Pas qu'il voulait conclure au plus vite leur retrouvaille, non. Mais il savait que chacun de leur côté avait différentes obligations à tenir, et que Chocolate devait toujours lui vouer une certaine animosité quant à son activité, et donc tenter de prolonger leur rencontre l'amènerait sûrement à trop parler de la Team Rocket. De plus, il pouvait tirer un trait définitif sur l'envie de proposer un éventuel contrat de travail "père-fille" à Chocolate... cela serait absolument obsolète.

Le plus amusant dans l'affaire, était que la jeune brune divergeait d'idées, de croyance et de morale, mais conservait certains traits de caractères spécifiques à son paternel... comme cacher toute émotion derrière un glacier, s'impliquer de toute son âme dans le combat, l'amour de la puissance, la crainte des échecs... On ne pouvait le nier. Tel père telle fille. Sous un certain angle bien évidemment.

Sur ces bonnes pensées, Giovanni se se rapprocha de son aînée et, avec ce qui parut être une seconde d'hésitation, lui adressa un regard ne reflétant que de l'orgueil, destiné à sa petite brunette, et lui replaça une mèche qu'elle avait de travers comme un père qui enlèverait la frange cachant la vue de son petit enfant.

"Très bien. Je saurai où te trouver dans ce cas."

Sans vouloir produire un son de plus, Giovanni se contenta d'arborer tout son être d'une fierté sans limite face à ce qu'était devenue sa progéniture.

Soudain, un son sec et bruyant coupa court à ce moment paternel rarissime. Et une sorte de phrase mécontente sortit de la bouche du Pokémafieux. Voilà les ennuis qui arrivaient... son téléphone venait de sonner, et il savait que quand cela arrivait, cela n'était jamais de bonne augure. Le boss laissa encore quelques secondes son regard parcourir les yeux chocolat de sa première fille, dans lesquels on pouvait lire une force de caractère sans précédent, avant de se décider à répondre, nerveusement.

Le mafiosi ne dit même pas allô, mais on pouvait entendre une petite voix en fond qui parlait. Même pas une minute après avoir décroché, Giovanni raccrocha, sans avoir une seule fois répondu à son interlocuteur. Il y avait un problème administratif lourd à régler, à l'instant-même.

Par conséquent, Giovanni tourna les talons, et se dirigea vers la porte avec empressement, sans se retourner, Persian le précédant. Cependant, avant d'avoir totalement disparu de la pièce, le géniteur se permit une dernière phrase à son oeuvre.

"Un jour on combattra ensemble Chocolate... Prépare-toi y bien..."

Et sur ce, le roi de la Pokémafia quitta définitivement la salle.

Jamais Sakaki n'aurait pensé être le premier à s'éloigner aussi subitement de son aînée. Il n'aimait pas dire aurevoir, et surtout pas à ses enfants... Certes, à ce niveau, il manquait de tact et excellait autant qu'un magicarpe hors-de-l'eau. Cependant, il savait bien que Chocolate allait de toute manière partir, et qu'elle ne lui tiendrait pas rigueur de ce soudain départ. Et que ces dernières paroles la travailleraient durant ces prochains jours, et seraient une grande source de perfectionnement.

Arrivé devant l'ascenseur, Sakaki appuya sur le bouton, Persian se nichant à ses genoux. Jetant un dernier regard vers la pièce où se trouvait Chocolate, le boss esquissa un sourire pour lui-même...

Il avait hâte de pouvoir tester les compétences fort développées du fruit d'une jeune prodige et d'un dresseur talentueux... son avenir s'avérait prometteur... Cette perspective le rendait dans un état euphorique d'avance. Enfin euphorique... euphorique à son niveau, c'est-à-dire qu'il conservait une attitude calme et détachée, mais intérieurement trépignait d'impatience.

Cette rencontre avait tout bonnement tant égayé sa journée, que même la lourde tâche du travail administratif lui paraissait être un simple obstacle facilement franchissable, voire une partie de plaisir.

Chocolate et lui avaient renoué un lien... Le Boss pouvait retourner travailler plus serein.

Chocolate Di Luce : 533 lignes
Giovanni Sakaki : 691 lignes :twisted:
+ 15 points pour un sujet de deux pages.