Elle avait tenté de se retenir le plus longtemps possible, de prendre son temps, d'arrêter cette frénésie du combat qui la consummait depuis plusieurs jours, mais ses efforts avaient été vains. Après plusieurs longues journées passées à tourner en rond au sein de la plus grande ville de Johto, elle avait fini par y trouver ce qu'elle redoutait le plus : l'ennui.

Elle avait bien tenté de se distraire, en allant chasser les insectes. En regardant des concours pokémon. En allant visiter les danseuses de Rosalia. Mais irrémédiablement, elle était retombée dans sa chambre d'hôtel, ses pokémons sur les genoux, et la lettre que lui avait donné son père, fermée, qu'elle n'osait pas consulter. Elle avait peur de ce qu'elle pourrait y trouver.

Cela pouvait être un testament, une lettre de suicide, ou bien des photos d'un autre demi-frère dont elle ne voudrait pour rien au monde. Cela pouvait également être une pure et simple blague, un moyen de surveiller sa curiosité, peut-être même de la punir de lui avoir manqué de respect ? D'avoir perdu son titre d'invaincue, d'être redevenue "simple" dresseuse.

Elle devait sortir.

Elle devenait folle entre quatre murs, et avait parcouru tous les étages du centre commercial à la recherche de nouveaux objets de dressage. Elle était passée à la station de radio, et avait avec une certaine nostalgie observé les dégats produits par les Rockets lorsqu'ils l'avaient envahie. Oui. Elle avait bien occupé ses journées. Mais sa mission première était revenue la giffler comme une énorme enclume chaque fois qu'elle avait un instant de cerveau disponible.

Remporter le badge de Doublonville. Vaincre le troisième champion de Johto.

C'était de cette manière qu'elle s'était retrouvée, pour la quatrième fois en deux jours, devant les portes de l'arène de type normal. Les deux premières, elle avait fait demi-tour sitôt le sommet de l'arène en vue, honteuse et la tête rentrée dans les épaules. La troisième, elle était venue en dehors des heures d'ouverture, et avait finalement préféré aller jouer au casino - où elle avait perdu cinquante pokédolars au passage. Mais cette fois... c'était la bonne.

Draby était à côté d'elle, sage après une remontrance violente qui avait laissé un inifni sentiment de frustration dans son petit coeur de dragon. Mais en sautant du haut de la chambre pour tenter de s'envoler, il avait fracassé une poubelle neuve, et le responsable avait été tellement furieux que Chocolate avait dû trouver un autre endroit pour dormir. Malgré cela, elle espérait qu'il puisse faire ses premiers pas dans une véritable arène. Lui qui était si impatient de devenir grand saurait apprécier un combat officiel, elle en était sûre.

Décidée, elle sonna finalement, et ouvrit la porte de l'arène. A l'intérieur, c'était allumé. Une douce lumière orangée, sans doute celle de veille. Il était très tôt dans la matinée, peut-être que le champion n'était pas encore là ?

Meister Bootleg.

Ce nom lui disait quelque chose. Elle était persuadé de l'avoir entendu quelque part. Sans doute lors de ses recherches quelques années plus tôt, elle était déjà passée par Doublonville et à l'époque cherchait qui contacter pour retrouver trace de son père et effacer ses méfaits. Ah. Qu'elle avait été naïve. Elle aurait eu mieux fait de chercher les poux sur la tête d'un Férosinge, au moins c'était une nuisance qu'elle pouvait éliminer.

Elle pénétra dans l'arène la tête haute, et plissa les yeux pour faire le point. On n'y voyait pas grand chose dans cet endroit. C'était étrangement différent de sa propre arène pokémon. Plus... sombre. Moins... spectaculaire. Elle avait souvenir de l'arène de Tommy. Et elle était tout de même plus spéctaculaire que ça.

Enfin, elle ferma la porte, et se racla la gorge...

Avant de se jeter au sol, et couvrir Draby de son corps. Les ondultations, violentes, d'attaques portées dans sa direction la firent se crisper, elle leva la tête, et vit deux tracés nets, signes de rafale psy lancés depuis... deux directions opposées.

Quel charmant commité d'accueil.

Elle attendit plusieurs secondes avant de se redresser, pour être sûre de ne pas subir d'attaque supplémentaire, et tenta de ne pas se mettre à hurler en voyant...un Spinda.

Et un Porygon.

L'ainée Sakaki inspira doucement, et se rapprocha du pokémon aux yeux en spirale, un sourire cruel sur le visage.

Chocolate : Tu dois appartenir au champion toi... mais comment tu t'es échappé c'est un mystère...

Elle vérifia à gauche, à droite que personne n'était là, puis elle se pencha, et chuchotta si doucement qu'elle était sûre que seule la petite créature était capable de l'entendre.

Chocolate : Je devrais décrocher tes oreilles ridiculement mignonnes et te les enfoncer dans l'arrière-train.

Puis elle le toisa, de son regard chocolat, et cracha presque.

Chocolate : Déguerpit.

Satisfaite de son effet, elle se redressa, et accueillit d'une main tendue la petite patte de son pokémon dragon. Elle ramena ses cheveux en arrière, se débarrassa de son écharpe, et chercha du regard qui allait l'accueillir. Le maître des énigmes, à ce qu'on en disait. Elle avait hâte de voir ça.

Chocolate : Meister Bootleg ? Je suis venue vous défier.

Le premier champion qu'elle vouvoyait. Et le premier à être plus vieux qu'elle, également. Le respect des ainés. Une valeur qu'elle n'avait pas perdu, malgré les évènements. Elle espérait seulement qu'il serait à la hauteur de ses attentes.

Chocolate : Et je crois que vous avez perdu quelque chose.

— Tu devrais aller voir ton frère un peu plus souvent, l'avait critiqué si ouvertement Rayleigh que Meister avait cru qu'il allait lui coller une beigne.

Non, en fait, il avait vraiment essayé de lui en coller une. Et il s'était fait maîtriser dans la seconde. Tandis qu'il gigotait par terre en essayant d'attraper n'importe quelle partie du corps de son père pour le faire dégager de là, puisque ce dernier était assis sur son dos, celui-ci continuait à le sermonner comme un gamin de quatre ans.

— Et puis ta sœur aussi. Et puis tes neveux et nièces. Vous ne pensez pas assez à moi !

— Ce qu'il faut pas entendre... pesta le barman en finissant par arrêter de se débattre. Déjà, paie-moi l'ardoise que tu me dois pour le casino, et après on en reparle.

— Tu exagères, ricana le paternel. Tu ne veux même pas payer son cocktail à ton vieux père ?

— Ça fait un an que tu squattes la suite la plus chère et que tu taxes des jetons au personnel ! Et je parle pas du restaurant ! (Il essayait de se dépêtrer, d'autant plus que maintenant Luxray et Tengalice le regardaient hilare. Nephtys n'était pas là – elle en avait assez de ces chamailleries – et elle avait embarqué la petite avec. Au moins, il avait le champ libre pour râler.) Faut pas exagérer non plus !

— C'est un détail, répondit le vieil homme avec ce genre de grand sourire de « C'est con hein ? » significatif. Bon, sur ce, j'ai d'autres trucs à faire. Un concours à aller voir... Paraît qu'il y a des nouvelles coordinatrices super mignonnes ♥

Et, comme à son habitude, le vieil homme, sans dire au revoir ni rien, sauta par la fenêtre et atterrit sur l'un de ses dragons, un Drattak, et comme un énorme menteur, au lieu d'aller voir des filles se dandiner avec des pokémons, il mit cap sur Irisia, pour voir si Giovanni se trouvait dans sa résidence insulaire.
Il ne le savait pas, mais au même moment une autre personne liée à Giovanni entrait dans l'arène, avec un petit petit Drattak, un Draby. Meister non plus.


Du reste, il était en train de pester comme un enragé contre son père qui laissait une ardoise pas possible, et envisageait un moyen de faire comprendre à son personnel qu'il fallait plus laisser rentrer le vieux s'il n'avait pas payé, peu importe ses liens au patron. Ce fut après un magnifique :

— Nom d'une crevette crustacé en forme cucurbitacée évoluée en gallinacée, il me saoooouuule !

Que la princesse sombre, Sidérella, apparut devant lui comme un fantôme. Depuis le temps, il avait appris à ne plus sursauter – et surtout il avait été habitué par Gaga autrefois – mais, la différence notoire était l'absence d'expression systématique du pokémon psy, qui lui donnait toujours l'impression d'être fautif, d'avoir oublié un anniversaire ou une bêtise de ce genre.
Cette fois, elle semblait aussi frustrée que d'habitude. Le barman et le pokémon psychique se contemplèrent dans le blanc de l'oeil avec un de ces manques d'expressivités incroyable. Ce fut finalement lui qui brisa le silence en haussant les épaules :

— … Quoi ?

Elle lui tendit la patte...


Et le téléporta dans l'arène. Sans prévenir.
Ce fut immédiat : Meister comprit qu'il y avait un challenger, et avec sa bonhommie habituelle, soupira ostensiblement, avant de se diriger vers l'interrupteur principal pour allumer en grand les lumières et voir son adversaire, qu'il ne savait pas déjà installée, et qu'il ignorait déjà installé.

— Que les patates cendrées me damnent, y a vraiment pas moyen de se reposer dans ce bled... ?

Sur ce, Sidérella lui retourna une claque, que sans comprendre il manqua de lui rendre. Il avança la main pour avancer la lumière, se retenant de ne pas se mettre à invectiver son pokémon qui ne manquerait pas d'aller pleurer dans les jupons de Nephtys, et au final, c'est lui qui se ferait engueuler... Sauf que quelque chose lui fonça dans les pattes – un Spinda paniqué – qui hurlait ce qui en langage pokémon correspond à « Mamaaaaaaan » et qui, en langage humain, correspond à un borglonyme incompréhensible. Meister s'éclata le tronche sur le mur et appuya sur l'interrupteur avec le nez – qu'il s'éclata au passage copieusement.


Du coup, la première image que Choco eut de Meister était celle d'un crétin écrasé sur le mur avec une Sidérella et un Spinda qui lui hurlaient dessus. Et, quand il se releva, d'un nez qui en plus d'être long était maintenant cassé. Le timbre de voix – habituellement déjà pas très doux – du barman se transforma en un hurlement.

— Mais c'est quoi ce boxon ?! Ça va pas vous deux non ?!

… Et, immédiatement, en se retournant vers Chocolate, qu'il reconnut de loin, il écarquilla les yeux – et toute la mauvaise humeur qu'il avait jusqu'ici se changea en jovialité.

— Mais nom d'un chien, c'est toi ?! Je t'avais jamais vue « en vrai » jusqu'ici !

Evidemment : si Meister savait qu'elle était sa nièce, et l'avait déjà vue dans les photos de Giovanni ou autres informations glanées ça et là, qu'il savait à quoi elle ressemblait et l'avait reconnue au premier coup d'oeil... L'inverse était pas forcément vrai, mais ça, il ne se donna pas une seconde de réflexion, et bondissant sur ses pieds, il se hâta d'aller chercher une boîte de colliers réducteurs de niveau, puis de traverser le terrain pour venir vers Chocolate, un grand sourire sincère aux lèvres. Et, en arrivant près d'elle, il s'exclama :

— Si tu es là pour le badge, tiens – cela réduira le niveau de tes pokémons à 20. Si tu es pas là pour le badge, ignore – mais j'avoue que même si ça me fait plaisir de te voir, ça m'étonne un peu, pour quelle autre raison viendrais-tu ici... ? On est pas très démonstratif dans l'affection dans cette famille... Enfin, en général, ajouta-t-il en songeant à Sakaya et au picoleur en série. (Puis, un doute le prit.) Heu... Tu sais qui je suis, au moins ?

Sur la boîte se trouvaient les règles – 2 contre 2, 4 pokémons au total (règles d'un combat en double normal).

Un Tengalice humain, coiffé comme un punk, qui s'écrasait lamentablement contre un interrupteur.

Telle fut la première impression qu'eut Chocolate face au champion de l'arène de Doublonville. Elle en avait vu, des originaux. Entre Erika constamment connectée à ses plantes, Tommy qui était consummé par la folie de la jeunesse, Pierre accro à tout ce qui avait une paire de seins et passait à portée d'yeux, elle en avait vu des bizarres. Peter et son complexe d'infériorité, Aldo et son machisme écrasant. Mais tous dans leur bizarrerie avaient quelque chose de prestigieux, majestueux, de porteur de badge, de dresseur d'élite.

Tous ? Non. Un petit champion faisait office d'irréductible boulet, et venait saluer ses challengers avec la classe d'un Carchacroc tétraplégique.

Malgré lui, malgré elle, elle sentit ses lèvres s'étirer en un... sourire. C'était tordant. Elle qui était entrée avec tout le sérieux du monde dans cette arène officielle se retrouvait en face à face avec un maladroit, un champion profondément humain, et qui la fit rire sincèrement pour la première fois depuis une éternité. Elle le fixa, hilare.

Meister : Mais nom d'un chien, c'est toi ?! Je t'avais jamais vue « en vrai » jusqu'ici !

Puis cessa de rire immédiatement. Ah oui. Ce petit, tout petit détail. Elle avait oublié que quelle que soit son changement, sa volonté de paraître ordinaire, sa notoriété la poursuivait au grand galop. Et elle venait de la bousculer avec la délicatesse d'un Rhinastoc en rut. Embarrassée, elle garda un sourire, gêné, et laissa le champion appocher pour lui donner des... colliers réducteurs. Il était le premier champion qu'elle rencontrait à la hauteur de la réputation de son arène -si on lui épargnait l'incident de son nez, tordu, qui lui donnait l'air d'un Rapasdepic mal réveillé.

Elle saisit la boîte de réduction avec un froncement de sourcils en l'entendant continuer à déblatérer. Il était content de la voir ? Ils n'étaient pas démonstratifs dans cette famille ? Est-ce que c'était l'un de ces nombreux sbires qu'elle avait fréquentés durant son enfance, mais donc l'existence avait été effacée de sa mémoire à cause du temps ? Non. Un physique pareil, elle s'en serait rappelé, tout de même. Sceptique, elle fixa la boîte, les règles, puis le visage de son interlocuteur.

Oh par tous les saints.

Non.

Chocolate : Je vous en supplie monsieur Bootleg, ne me dites pas que vous êtes mon demi-frère, il y a déjà deux bâtards Sakaki qui se baladent dans la nature et vous m'êtres trop sympathique pour que je puisse vous détester instantanément.

Elle sortait toutes griffes dehors, se recroquevillait derrière une épaisse armure d'épines pour se protéger du pire scénario qu'elle pouvait imaginer. Elle avait une dent tenace contre son père depuis quelques mois, depuis son... abandon. Qu'il ait des enfants en dehors de son couple ne l'aurait pas gênée, mais qu'il en ait trois... quatre... c'était un laporeille, rien de plus.

Chocolate : Ca, et le fait que je m'inquièterais sérieusement pour la sexualité précoce de Giovanni étant donné votre âge, sans vouloir vous vexer.

C'était vrai, quel âge avait-il ? Non. Il devait même être légèrement plus agé que le mafieux qui lui avait donné la vie. Quelque chose comme... cinquante ans ? Elle n'aurait pas pu le dire, avec son gros nez il faussait toutes ses statistiques.

Un instant.

Elle était face à un membre de sa... famille ? Et on ne lui avait jamais rien dit. Quoi? Qui? Où? Quand? Comment était-ce possible ? Combien de Sakaki se baladaient à travers Johto et Kanto ? Est-ce que c'était d'un autre type de "famille" dont il parlait ? Elle recula instinctivement, méfiante, et se plaça en garde du corps devant Draby, fléchissant les genoux, prête à lui défoncer la mâchoire à coups de pieds.

Des colliers réducteurs.

Elle les fixa, puis releva lentement le regard sur cet homme. Un regard noir. Un regard froid. Un regard prêt à blesser, à tuer pour se protéger. Il voulait l'affaiblir derrière des boniments pour ensuite la voler, la ramener à son père ou que savait-elle encore ?

Panique à bord.

Elle serra le poing, et se força à parler normalement, à maîtriser la colère grondante qui grimpa en flèche dans sa poitrine, et teignit malgré elle le ton qu'elle employa.

Chocolate : Qui êtes-vous pour moi, Meister ?

Pas un frère.

Par pitié. Pas un frère. Ni un sbire.

Ni un scientifique. Un barjo. Un barman. Un coincé. Un grand-père. Une nourrice. Un précepteur. Tout. Mais pas quelqu'un qu'elle aurait oublié ou détesté de toute façon.

… La bonne humeur que Meister avait s'évanouit aussitôt quand Chocolate, après qu'il ait mis les pieds dans le plat, le dévisagea d'un air... qu'il interpréta comme agressif. Il est vrai que ça ne devait pas être sympathique de se faire rappeler sa famille, surtout quand on vient de chez les Sakaki. … Ou Bootleg, dans son cas.

— Je vous en supplie monsieur Bootleg, ne me dites pas que vous êtes mon demi-frère, il y a déjà deux bâtards Sakaki qui se baladent dans la nature et vous m'êtres trop sympathique pour que je puisse vous détester instantanément.

La pensée le paralysa sur place – et, au lieu de paraître sombre, parce qu'après tout ce serait la réaction normale quand on fronce les sourcils en vous voyant – et aussi parce que la mention d'être « sympathique » lui faisait tout de même très plaisir, il retint un gloussement de rire. Qui dut paraître sur son visage, puisque ça lui fit faire une grimace très moche à la limite du sourire de clown, soit un truc à moitié effrayant, à moitié ridicule.
Luxray apparut depuis les coins de la pièce, où il dormait tranquillement, et accompagné de Tengalice, vint voir ce dont il s'agissait. En apercevant Chocolate, il fit un mouvement de tête comme pour la saluer, restant d'un calme olympien. Tengalice, égal à lui-même, arriva en tourbillonant – et il fallut l'intervention psychique de Sidérella pour le calmer, lui indiquant qu'un babar géant qui arrive, ce n'était pas une bonne idée. Enfin, cela le calma à peine.
Car une deuxième réplique de Chocolate fit monter des larmes aux yeux de Meister tant il se retenait de rire.

— Ca, et le fait que je m'inquièterais sérieusement pour la sexualité précoce de Giovanni étant donné votre âge, sans vouloir vous vexer.

En tout cas sa calvitie elle, elle est précoce, fut la pensée qui vint directement à l'esprit de Meister, apparemment incapable de conserver son sérieux mental pour le moment. Sidérella fit sans faire exprès partager la pensée à Luxray et Tengalice qui étaient tellement du même avis que le lynx noir et bleu fila un coup de tête à Tengalice pour le calmer...
Sauf que, maintenant, Chocolate reprenait la parole pour une question fatidique... Et d'un ton légèrement teigneux.

— Qui êtes-vous pour moi, Meister ?

C'était le moment de ne pas faire une boulette – non que Meister vivrait mal le fait de se brouiller encore un peu plus avec son frère avec qui ils étaient à couteaux tirés, mais Nephtys l'engueulerait pour ça, et tout de même... Elle, elle ne lui avait rien fait, et elle n'était en rien responsable des agissements de son père. Il ne savait trop rien de leurs relations – ou du moins à l'heure actuelle – mais si elle avait de la rancoeur envers lui, il le comprenait tout à fait. Lui en avait voulu à son père qu'il considérait responsable de la première « mort » de Nephtys, et de l'avoir abandonné.


Alors...



— Calvitie-man est mon petit frère. Sauf qu'avec la gueule que j'ai, tu imagines bien que sa mère n'avait aucune envie de me garder avec elle, donc j'ai vécu avec mon père. Et si ce crétin n'avait pas décidé de rappliquer comme une fleur il y a même pas cinq ans et de m'annoncer que Giovanni était mon petit frère, je l'aurai jamais su – que tu saches pas qui je suis est absolument normal.

Une série de commentaires désobligeants le concernant lui venaient en bouche, mais il les tût – parce qu'aussi, il l'appréciait, son frère. Même si selon lui, il était franchement irresponsable d'avoir continué ses activités criminelles. Mais bon... Chocolate restait sa fille, et on ne dit pas de mal des parents en face des enfants.

— De toute façon, mes relations avec ton père sont plutôt.... tendues. C'est pas l'amour fou. Toi, je savais que tu existais, mais comme j'ignorais s'il t'avait parlé de moi et dans quel contexte, j'ai pas tapé l'incruste. Aucune envie d'imposer mon existence à quelqu'un qui peut-être ne peut pas me blairer.

Il tut sciemment d'autres faits. Le chantage que les Quetzacoalts exercaient sur Giovanni... D'autres choses. Chocolate savait peut-être, et si elle ne savait pas, ce n'était pas à lui de lui dire. Du coup, Meister sourit tranquillement, et siffla Porygon et Spinda. Puis s'adressa à Chocolate avec le même ton que s'il venait de rencontrer quelqu'un dans la rue et de lui dire bonjour.

— Donc, si tu me « détestes instantanément », comme tu dis, je ne t'en tiendrais pas rigueur et ne te casserai pas les pieds. Et, si je te reste sympathique, j'en serai ravi aussi. (Il se déplaça de l'autre côté du terrain et poursuivit tranquillement) Pour l'heure, puisque tu venais pour le badge, combattons – même si, je te préviens, les règles de son arène sont faites de telle sorte que je n'accorde seulement le badge que si, à mes yeux, il s'agit d'un beau combat, que mon adversaire fait preuve d'inventivité... De gnaque. Et ça, ça ne fait aucun doute que tu en as.


Il se retourna, arrivé de son côté du terrain, et avec le même geste qu'un avocat célèbre qui hurle « Objection », Meister désigna le centre du terrain et s'écria :


— Je commence avec Porygon et Spinda, et te laisse la première attaque ; mais n'oublie pas de mettre les colliers à tes pokémons ! Ça n'a rien de drôle de se battre avec des différences énormes dans les niveaux, ça ne reflète pas la vraie puissance du dresseur !


HRP: Si ça ne te va pas, hésite pas à me le dire :)

Un oncle. C'était là tout ce qu'elle devait imprimer en lettres rouges sur le front de ce Rapasdepic moqueur. Un oncle. C'est à dire le frère de son père, sans doute le fils de sa grand-mère, la terrible Madame Boss.

Elle aurait dû s'en douter. Un enfant unique ne devenait pas aussi meurtrier qu'avait pu l'être son paternel, pas sans un passé houleux à base de comparaison fraternelle et d'humiliations en chaîne, d'abandon parental et de projections trop ambitieuses pour ses épaules.

Un oncle, et le frère ainé de l'homme le plus dangereux du Kanto à l'heure actuelle, voilà ce qu'était Meister Bootleg. Elle aurait dû être choquée. D'abord, parce qu'il ne ressemblait absolument pas à son père. Une dégaine de gaillard, un nez trop long pour être acceptablement reconnu comme autre chose que "appendice disgracieux", et qu'il était... tatoué au visage. Elle l'aurait plutôt imaginé grandir entre les mains d'une cartomancienne et d'un scientifique un peu allumé. Enfin. La team qui petit à petit entra sur le terrain, rivalisant de moqueries et autres bafouillages finit de la dérider. Elle inspira doucement, et prit sur elle.

Elle avait paniqué en voyant avec quelle facilité elle aurait pu être piégée par quelqu'un lui voulant du mal. Elle son respect de la hiérarchie des âges allaient parfois sur des chemins bien trop dangereux. A la limite du suicidaire, à vrai dire. Les personnes les plus vieilles n'étaient pas forcément les plus sages, et elle était en plus de ça bien placée pour le savoir.

Calvitie-man. Ce nom la fit sourire. Et imaginer les relations "tendues" entre les deux hommes ne l'étonnèrent qu'à moitié. Il fallait avoir un moral d'acier et l'aveuglement d'un amour éperdu pour ne pas en vouloir à son père pour une raison ou pour une autre. Il avait le don de se faire plus d'ennemis que d'alliés, alors même qu'il aurait eu bien besoin de cartes à jouer en sa faveur pour combler ses volontés de pouvoir.

Enfin, peut-être était-ce de la responsabilité de Meister, qu'ils ne se parlent plus ? Elle en doutait sincèrement, mais tout était possible dans la famille.

Elle eut un sourire en coin lorsqu'il lui expliqua qu'il accepterait d'être détesté. Non. Pas vraiment. Elle aurait plutôt eu envie de lui poser des questions, mais elle était trop pudique pour s'épancher sur d'éventuels détails de famille. A vrai dire, savoir que lui-même n'avait découvert son frère qu'il y avait cinq ans la mettait mal à l'aise. A combien d'autres personnes avait-on caché son existence ? Combien d'enfants, de frères, de parents avaient eu affaire à Giovanni dans un rôle familial sans jamais le savoir, en victime de sa notoriété, de son écrasante volonté de dominer le monde et de sa compulsive... colère froide ?

Elle hocha la tête lorsqu'il lui parla des règles de son arène. Ainsi, même si elle perdait, elle pouvait remporter la partie. C'était une manière étrange de voir les choses. Pour elle, une victoire était une victoire. Et une défaite, une terrible honte. Pas parce qu'elle était défaite, non. Parce que pour elle, perdre contre une équipe équilibrée était signe qu'elle était moins bonne dresseuse que son adversaire. Elle acceptait de se faire écraser par les rares qui étaient plus forts, ou d'un plus haut niveau qu'elle en entraînement. Mais perdre d'égal à égal était... frustrant.

Et une Sakaki n'acceptait pas la frustration.

Malgré cela, elle saisit la ball de Leviator, et fit sortir l'énorme pokémon en reculant pour avoir la place de tenir à côté de lui. Le faux dragon garda la gueule grande ouverte, fixant ses adversaires avec une promesse de mort rapide et sans pitié. Chocolate flatta son flanc gauche et grimpa sur sa tête pour lui passer le collier réducteur. Escaladant ses écailles dorsales à la force de ses cuisses, elle resta perchée là-haut, confortablement installée, et fit gimper Draby pour lui infliger le même sort. Le terrain était sableux, parfait pour quelques expériences. Et puis elle pensait que Draby serait plus à l'aise à l'entrée dans son équipe s'il combattait avec une forte tête avide de victoire.

Leviator se dressa de toute sa hauteur, et fixa longuement dans les yeux les deux adversaires, pour les intimider avant le début du combat. Draby pour sa part descendit de son compagnon et se mit à sautiller de droite à gauche, impatient de commencer. Chocolate détacha sa ceinture et la jeta nonchalament derrière elle, ne gardant que ses balls et des éventuels obkets de soin - que rien n'avait interdit lors de son entrée dans l'arène.

Chocolate : Dans ce cas. Commençons.

Leviator se ratatina sur place, et Draby s'accrocha aux nageoires de sa queue, fier de pouvoir enfin appliquer ce qu'ils avaient vu en entraînement. L'ex-championne de Jadielle ferma les yeux, inspira longuement.

Une fois.

Elle allait donner le meilleur d'elle-même. Occultant l'existence de son oncle, oubliant le lien qu'il avait avec son père.

Deux fois.

Elle s'était entraînée, impatientée. Elle attendait ce moment depuis très longtemps, cela ne pouvait que bien se passer.

Trois fois.

Elle devait penser coordination. Equipe. Travail à deux. Ah. Oui. Favoriser les plus faibles et proviter du palier plat des niveaux.

Chocolate : Leviator, saute. Draby, sonne les cloches de cette grosse peluche !

Le géant rouge se condensa une dernière fois, et sauta de toute sa hauteur, se détendant comme un énorme ressort. Il se tendit comme un arc, poussant un rugissement à réveiller tout le quartier. Profitant de l'élan donné par son camarade, Draby se laissa balader, et fila tout droit, le crâne luisant d'un halo violacé.

Et une attaque Psykoud'boule pour l'oncle au grand nez. Une.

Nulle réponse... Nul besoin d'envenimer la situation – du coup, Meister ne savait toujours pas si elle était partie pour le détester ou non, ce qui, dans ce cas, lui ferait un peu de peine, mais rien d'insurmontable. Avec une facilité de passer à autre chose digne malgré elle de son père, celle-ci appela Léviator et Draby... Le barman ne put s'empêcher de donner une allure ironique à son sourire.
Deux dragons. Son père à lui adorait les dragons. Et, donc, son grand-père à elle. Ils se seraient peut-être bien entendus... S'il avait utilisé son équipe normale, il aurait sorti Libegon, mais l'humiliation qu'il s'était prise face à Tommy le rendait quelque peu frileux.
Et puis, il y avait déjà Porygon et Spinda sur le terrain.

Meister était en train de calculer ses options – quand Léviator SAUTA. Oui, le léviathan de près de sept mètres, qui pesait 235 kilos en général, venait de sauter – et si haut qu'il restait en l'air. Sauf que, à ce stade-là, quand on est dans une arène à toit fermé, on se prend le plafond.
Il hésitait encore à savoir si, avec la puissance du Léviator, il pouvait effectivement casser le plafond et ne rien subir comme dommage, ou effectivement se faire mal parce que quand même, crever le toit, ça fait mal. Une foule de badauds commençaient à accourrir au loin, et il eut la quasi certitude d'entendre la voix haut perchée de Blanche crier au dehors :
— Mon dieu ! Mais c'est horrible !
— Il faut sauver le Champion !
La voix de la raison, sous la forme d'un policier qui arrivait lui aussi en courant, attiré par la foule, s'écria :
— Mais vous êtes complètement stupides – vous voyez pas qu'il y a une tête de Léviator qui dépasse ? Ça doit être un combat d'arène.
— Mais, et si, et si c'était des méchants ?
Le barman aurait dû se laisser distraire – mais Sidérella prit les devants, et avec Luxray se précipita au dehors pour aller calmer la foule et les empêcher d'arriver. Pendant ce temps-là Draby, qui venait de sauter du Léviator, atterrissait tout droit sur Meister, avec un Psykoud'boul...

… Et sincèrement...
Il était en train de considérer l'option de se laisser taper pour épargner à ses pokémons des dommages. Alors comme un grand malade, le barman ouvrit grand les bras en voyant le dragon tomber et s'écria :
— Vas y, tape-moi !
Mais, Spinda fut plus rapide, et se dépêcha de lui envoyer une Feinte dans les dents. Il reçut les dommages en se prenant le coin de l'attaque de Draby, mais comme le dragon, du coup, continuait de tomber avec une attaque, Porygon le cueillit de l'autre côté – en s'étant déplacé derrière Meister – avec une Rafale Psy. Ce qui la rendit plus puissante, tout comme l'arrivée de haut de Draby l'avait rendu plus fort.
Meister, lui, ne cria pas – mais les gouttes de sueur qui coulaient sur sa tempe indiquaient que la situation le rendait nerveux – comme il se doit. A grandes enjambées, il se décala donc de la zone de tir et alla se planquer derrière le muret qui entourait l'arène et derrière lequel se trouvaient les gradins. Il essuya un peu de sueur et lança à Chocolate - d'ailleurs, franchement amusé :
— Si tu voulais me tuer, il y a des moyens plus simples pour le faire, tu sais ?
Il aurait pu attaquer Léviator en faisant sauter Spinda ou Porygon. Mais... Il n'était pas certain du résultat quand le truc retomberait, donc...

Spoiler:

L'adrénaline du combat fouettait ses veines avec la force et la régularité du poul d'un athlète. Elle envahissait chaque partie de son crâne, chaque partie de ses mucles, et la branchait en mode "réflexion immédiate", ce qui se traduisait par une absence totale de paroles inutiles, une occultation subtile des parasites extérieurs et une vision, unifocale sur les conséquences de chacun de ses actes.

Elle avait été un peu en retrait, Draby avait pris beaucoup de dégats d'un seul coup. Si elle ne choisissait pas plus minutieusement ses attaques, il allait passer l'arme à gauche. L'ainée des Sakaki marqua un temps de réflexion, penchant la tête lorsque le visage grimaçant de son dragon géant creva le plafond de l'arène en terminant son rebond. Le bruit de taule déchirée et les gravats qu'elle reçut sur la tête ne la firent même pas tressaillir. Elle se pencha tout bas, et avisa du regard son petit Draby. Elle n'aimait pas ce qu'elle allait faire, mais pour elle les meilleurs dresseurs étaient ceux qui savaient tirer tous les partis d'un combat et respecter au mieux les besoins de ses pokémons. Alors elle siffla, mettant ses doigts en barrière, et laissa Leviator s'écraser lourdement sur ses deux adversaires, les piétiner avec toute la rage de vaincre dont il disposait.

La championne de Jadielle sauta de son pokémon, dérapa dans le sable et sortit de son sac une petite bouteille jaune vif. Elle glissa, esquivant le combat des deux pokémons s'acharnant sur le sien, et attrapa au passage la petite patte de Draby, le forçant à se retirer momentanément du combat. Accroupie, devant son pokémon visiblement sonné des deux attaques qu'il venait de recevoir, elle déboucha la fiole avec ses dents et parla très vite.

Chocolate : Tu perds ton attaque ce tour-ci. Boit ça, ça va te redonner du peps, fait attention, et au prochain tour... tu pourras briller.

Ce-disant, elle lui colla le goulot contre les lèvres et surveilla qu'il boive tout, jetant des coups d'oeils nerveux à Leviator. Il allait sans doute en prendre pour son grade lui aussi, et qu'il se lance dans une colère monstrueuse ne l'aurait étonnée qu'à moitié. Elle avait beau connaître ses pokémons par coeur, les contenir totalement était d'une difficulté sans nom. Surtout lorsque l'agitation qu'ils provoquaient mettaient en joie la foule à l'extérieur, et que les gradins se remplissaient brusquement, efficace, veillant à ne pas se faire toucher, elle recula au bord du terrain de combat, laissant Leviator revenir à sa position initiale, sans doute en encaissant les attaques de ses adversaires.

Tendu. Là était le bon mot. Elle avait littéralement oublié ce que Meister avait pu lui dire ou venait de lui annoncer. Pleinement concentrée sur l'instant présent, elle serra les dents en pensant déjà au coup suivant. Oui. Si elle jouait suffisamment serré, elle allait pouvoir terminer ce match en beauté.

Chocolate : Sauf s'il se décide à soigner ses pokémons lui aussi...

Dans une reflexion intense, elle attendit que le tour se termine, pour pouvoir lancer sa seconde offensive.

… Il avait vu tellement peu de gens utiliser réellement des objets en plein milieu du combat, que l'idée de les interdire ne lui avait simplement jamais traversé l'esprit. Aussi Meister ne haussa t-il qu'un sourcil intrigué en voyant Chocolate soigner Draby.
En cela, elle se démarquait de la plupart des challengers, qui ne prenaient pas le temps de les soigner. Un réflexe qu'il sut apprécier, et qui le fit sourire...

Un sourire qui s'agrandit quand Léviator – qui avait sauté, et par conséquent se trouvait très près du plafond – redescendit en pointe de vitesse... Ses cornes venaient de racler le plafond, et lui fire tomber de gros pavés sur la tête.
(Dégât : 10% de vos PVs) Ce qui occasionna encore plus de dégâts à son arrivée. Mais fit partager les dégâts au pokémon agressé.
Seulement, Léviator se trouvait à présent sur Spinda. Meister décida de ne pas faire comme Chocolate, bien que l'idée eut été séduisante... Comme une opportunité magique s'offrait à lui.

« Le son se propage deux fois plus vite dans l'eau, si je me souviens bien... ? » sourit-il. « Spinda ! Profites-en ! »

Le panda agit immédiatement, et lança une attaque Brouhaha, tandis qu'il se trouvait juste en dessous de Léviator, avant de clamser. Porygon n'attaqua pas la proie trop facile qu'était Draby – il risquait de toucher Chocolate en même temps – et attaqua Léviator aussi, à qui le petit Spinda venait d'infliger de lourds dégâts.
Meister était curieux de voir ce qu'allait faire Chocolate... Il fronça les sourcils et s'intéressa à elle, rappelant Spinda -devenu K.O et appelait Queuelorior. Il allait pouvoir faire apprendre au petit pokémon quelque chose d'intéressant à la prochaine attaque, sûrement.

Spoiler:

Elle avait réussi à en avoir un.

Le plafond s'était effondré en partie, rameutant du monde à l'intérieur de l'arène, mais malgré ce petit échec, elle avait réussi à en avoir un premier. Le match était plus serré que ceux qu'elle avait disputé contre Hecto et Albert, notamment à cause des colliers réducteurs de Meister qui l'handicapaient grandement.

Leviator était un battant, il encaissa les coups sans trop de difficulté, ne paraissant toutefois pas extrêmement ravi de prendre autant de dégâts d'un seul coup. L'ex-championne de Jadielle serra les dents, faisant un rapide calcul. Dans ses souvenirs, Queulorior comme Porygon étaient plutôt lents face à ses propres pokémons. Elle devrait donc avoir le temps de placer une dernière attaque avec Leviator avant qu'il ne tombe au combat. Bien.

Elle inspira calmement. Leviator était déjà bien énervé. Comme une énorme cocotte minute prête à exploser, il tremblait d'excitation. Elle n'allait pas pouvoir le contenir très longtemps. Alors, elle recula de quelques pas, pour se mettre à l'abri. Elle allait donner le coup de grâce à son propre pokémon, tant pis pour l'éthique.

Chocolate : Levy, laisse exploser ta colère !

Elle dut crier pour couvrir le bruit que faisait le combat. La poussière volait dans tous les sens et la forçait à se couvrir le visage avec son écharpe. Elle entendit, très nettement, Leviator pousser un hurlement digne des dinosaures des films d'horreur. Il fonça tel un ver géant pour jouer au bowling avec ses deux adversaires. Complètement perdu, en proie à une Colère formidable, il était définitivement coupé du monde. C'était donc le moment parfait pour...

Chocolate : DRABY !

Le pokémon se tourna vers elle, les yeux brillants d'espoir. Elle lui offrit un sourire, et pointa sa main en direction du fouillis de membres et d'écailles.

Chocolate : DRACOCHOC !

En automatisme, pour répliquer aux heures d'entraînement qu'ils avaient passées sur cette attaque, Draby ouvrit grand la gueule, laissant apparaître une balle aux couleurs oscillant du violacé au bleu soutenu. La balle grossit, grandit, devint une énorme tumeur menaçante, puis partit comme un coup de canon balayer les combattants.

Chocolate tourna la tête, se couvrant les yeux pour ne pas être éblouie. Elle le savait, c'était fini pour Leviator ce tour-ci. Mais peut-être ses adversaires avaient-ils pu s'acharner sur Draby avant de prendre son attaque en pleine poire.

Quoi qu'il en soit, elle finit par ouvrir un oeil, peinant à y voir clair à travers tout le sable soulevé. Ils n'avaient pas de ventilation dans cette arène ? Elle décrocha sa prochaine ball, se tenant bien droite, attendant que la suite du combat démarre.

…. Oui, il avait bien fait d'appeler Queuelorior. Meister ne réfléchit pas une seconde avant d'hurler :

« Gribouille ! »

Puis, son cerveau se remettant à fonctionner à une vitesse normale, il observa les deux attaques se dérouler – et, il ne put s'empêcher de songer à l'adoration qu'avait son père pour les pokémons dragons. Quand on voyait cette attaque de type dragon, il n'y avait absolument aucun doute quant à sa puissance.
Queuelorior eut à peine le temps d'exécuter l'attaque Gribouille (soit : une copie de l'attaque pour lui-même avant de se la prendre en pleine tronche) et se faire OS.
Sur ce, Libegon nota avec intérêt la puissance de cette attaque, et ce qu'il aimerait bien pouvoir l'exécuter lui aussi. Un contrecoup venait avec, ils en étaient parfaitement conscience. Mais une attaque de ce niveau...
… S'empira.
Car pour une raison inconnue, ou peut-être parce que les particules de la poussière venaient de se charger de puissance avec l'attaque colère qui déferlait les enfers sur le terrain (un hurlement de bambine retentit quelque part dans l'arène) l'attaque Dracochoc de Draby enflamma la poussière et provoqua une seconde explosion.

Et, quand donc ce nuage de feu se dissipa...

On entendit très nettement une voix d'homme un peu nasillarde lancer un splendide : « J'ADORE. » Ce jour-là, une nouvelle règle non-officielle s'inscrivit dans l'arène : tout challenger utilisant des pokémons et des attaques dragons risque de se faire octroyer des bonus et de voir le match tourner à son avantage très rapidement. Ou était-ce peut-être seulement la pensée qui traversa l'esprit de Meister, allez savoir.

Parce que, effectivement, derrière, les deux pokémons de Meister étaient K.O. Meister gloussa comme une poule en les faisant rentrer – mais il n'appela pas le dernier, cela était inutile. Et puis, maintenant, il y avait un dragon taré sur le terrain, alors Meister allait éviter de le traverser... Il fit, au lieu de cela, tout le tour, et s'avança vers Chocolate en lançant un regard admiratif au faux dragon.

« On comprend mieux pourquoi on dit qu'ils peuvent raser des villages entier sous le coup de la colère... Et... »

Un lourd « BAOUM » retentit dans le fond de l'arène, le faisant pivoter sur ses talons intrigué, arquant les sourcils et le nez bougeant avec l'élan du mouvement. Libegon était en train de balancer des dracogriffe dans le mur. Le barman sentit ses épaules s'affaisser, et chercha Laggrogne du regard dans l'arène, pour lui faire un signe de tête vers le dragon de type sol. Le taré à nageoires, qui bouillait de ne pas pouvoir se joindre à l'attaque, courut se friter avec Libegon.
Sous le bruit, Meister n'entendit pas sa fille (splendide PNJ) hurler (père indigne) et au lieu de cela, tendit à Chocolate une boîte en forme de badge, dans laquelle se trouvait bien sûr le badge mais aussi la CT Façade.

« … Bon. Il n'y a pas besoin de te dire que tu as gagné – je crois que tu l'as très bien compris toute seule. Fais attention à la prochaine Championne, j'ai entendu dire que son arène est assez tordue... … A la rigueur, pas que son arène. »

Cette fois – Libegon venant de se faire sonner – on n'entendit plus des bruits de combat, mais quelqu'un qui courrait. Meister blêmit, mais tenta de continuer de son mieux. Dès que Chocolate serait partie, il allait se faire engueuler comme du poisson pas frais. Il aurait été tenté de dire que Giovanni était plus fort que lui face aux dames, mais il n'en était pas réellement certain... Du moins, il y en avait deux qui lui avaient cassé les pieds, et leur inimitié entre son frère et lui venait principalement de ces deux-là, dont l'une, même morte, continuait de pourrir la vie du monde. Selon Meister, bien sûr.

« … En tout cas, j'ai été très content de te voir et de faire ce match. Même s'il n'a pas duré bien longtemps. »

C'était un véritable déluge, une suite surnaturelle d'attaques surpuissantes qui balayèrent l'arène d'un revers de manche. Elle entendit plusieurs grands bruits, attendit que la colère se calme, puis sortit le nez de son écharpe, posant un regard incroyablement calme, tactique, sur la situation. Le champion semblait très satisfait de ses prouesses. Elle doutait que son comptable soit du même avis au vu de l'énorme trou qu'elle avait causé avec son armageddon, mais se contenta d'apprécier le compliment d'un hochement de tête.

Chocolate fixa Leviator des yeux pendant qu'il s'échinait à traverser tout le terrain comme un énorme buldozer. Finalement, elle siffla entre ses doigts. Il s'arrêta, la fixa, et s'écroula, raide. Mis K.-O. par son propre compagnon, il avait vaillamment continué à jouer les truands des sables quelques secondes, mais Chocolate aurait pu parier qu'un souffle d'air l'aurait fait tomber.

Simultanément, un autre fracas commença au fond de l'arène. Visiblement, les pokémons de son oncle n'avaient pas vraiment apprécié de se faire mettre à l'écart. Elle fendit son visage d'un infime sourire en coin, et rappela ses pokémons avant d'époussetter son pantalon. Elle n'avait même pas eu à sortir Stalgamin. Elle aurait pourtant bien aimé jouer un peu encore, et laisser exploser les heures d'entraînements qu'elle avait entreprises ces derniers temps.

Chocolate ne fit pas vraiment attention à ce qu'il se passait en arrière-plan. Visiblement chez les Sakaki il était chose courante que de vivre dans son arène. A la tête que faisait le champion, il devait avoir une fille, et sans doute une femme. Si elle se tenait à la réputation des femmes de Sakaki, elle devait être plutôt terrible.

Chocolate traversa l'arène en prenant garde à ne pas finir dans une crevasse, et rejoignit finalement Meister, saisit la boîte, prit le badge, puis la lui rendit. Elle ne voulait pas d'un conteneur aussi encombrant. Elle voulait uniquement le badge, et la réputation qui venait avec. Son but était de renverser Peter, par de collectionner des pin's vaguement brillants.

Chocolate : Ne vous inquiétez pas pour moi. Quand on grandit sous la tutelle de qui vous savez, on est difficilement blessé.

Elle ouvrit sa boîte à badges, rangea précieusement le petit quadrilatère brillant, et s'étira, contente d'avoir obtenu une nouvelle victoire. Mal coiffée, débraillée, elle avait une allure d'amazone vengeresse. Elle était plutôt contente de son effet, et n'espérait qu'une seule chose : avoir plus de spectateurs lors de son prochain combat. Après tout, elle avait déjà remporté une manche de concours, elle devait donc logiquement avoir un peu de... charisme ?

Chocolate : Je regrette de ne pas avoir plus de temps à vous consacrer Meister. Je suppose que vous avez eu vent de... "l'incident".

Elle croisa les bras sur sa poitrine, réfléchissant un instant. Devait-elle rappeler les faits, au risque de le vexer ? Il venait de prendre une défaite cuisante et n'en semblait pas vexé pour autant. Elle pouvait bien tenter le coup.

Chocolate : J'ai perdu un match. La première défaite de ma carrière, et la dernière. Giovanni n'a pas... apprécié. Il m'a humiliée. En public.

Elle rangea sa boîte en un geste sec. Se redressant, elle sonda de ses yeux chocolat le regard de Meister. Inexpressive, ou plutôt, incroyablement sérieuse, elle laissa la colère lentement sortir de chaque pore de sa peau. Séchement, elle eut un sourire... Sakaki.

Un sourire brillant d'ambition et de mépris pour son prochain.

Chocolate : Il pense qu'une défaite fait de moi une fille indigne. Alors je ferai ce qu'il n'a jamais réussi à faire.

Elle se pencha à son oreille, pour que personne d'autre ne puisse l'entendre.

Chocolate : J'aurai les ligues à ma botte. Vous avez indubitablement servi ma cause, je vous en remercie.

Elle eut un sourire, plus sincère cette fois, fit tourner le CT de Façade autour de son index avant de le ranger d'un glissement délicat à sa ceinture.

Chocolate : Trois badges en trois semaines. Je ne m'en sors pas trop mal. Si vous revoyez le vieux, faites-lui passer le message. A ce rythme il a encore quelques mois pour s'excuser.

Après quoi, elle ne le pardonnerait pas. Chocolate rajusta sa veste, enleva un peu de sable qu'elle avait sur les cuisses, et fit un signe de main à Meister.

Chocolate : C'était intéressant comme match. Vous êtes le premier à me faire des dégats réels. J'espère vous voir dans les gradin une autre fois.

Elle lui offrit un clin d'oeil, puis lui tourna le dos, et repartit, affichant de nouveau une mine neutre au possible. D'abord Albert, Hector, et Meister. Ensuite Tsubaki. Et pour finir... son père.