Inktober 2021

Les croissements ont de ça fascinants qu’ils nous rappellent notre propre éphémérité, comme un vague écho du son que produit la Mort lorsqu’elle abat son imposante Faux sur un corps, qu’il soit vieillissant ou pimpant de jeunesse, qu’il soit habité par les plus riches ou par les parias les plus méprisés de notre société. La Mort force à une égalité de traitement, que nous passons pourtant toute notre existence à revendiquer, et qui, au moment où elle est due, nous fuyons comme la Peste.

Mais de tout ça, Joe Le Corbeau, n’en avait rien à carrer.

Là où une silhouette humaine, assise sur un banc, le sondait et l’analysait en inscrivant des griffouillis sur un carnet usé, lui, observait intensément Madame Crack qui mangeait son sandwich, à côté de la poubelle de la voie 8 de la gare. Madame Crack n’avait en ça rien d’aimable, non, elle ne figurait pas au palmarès des petits vieux sympas qui lançaient çà et là un bout de leur pitance pour la partager avec les amis à plumes, au contraire, cette vile mégère crachait sur Joe et ses potos quand sa cataracte et son dentier le lui permettaient. Mais une sombre aura l’entourait, ça, Joe et ses copains pouvaient l’apercevoir, signe qu’elle allait tantôt recevoir la visite de La Mort. D’ailleurs sa santé s’était bien dégradée, aussi, atteinte de Parkinson et d’Alzheimer, il arrivait une fois sur deux que la majorité du sandwich eût plutôt fini à terre que dans son estomac, et, l’autre fois sur deux, qu’elle oubliait son thon-mayonnaise sur le banc. Dans les deux cas, sa présence à la gare équivalait à manger gastronomie pour Joe, qui commençait à saturer de manger les salades de fruits et pain aux petites graines des humains qui se sentaient proches de la nature. De plus, ces drôles d’oiseaux avaient souvent une cigarette en bouche avec une odeur encore plus repoussante que l’espèce de concentré de goudron que les humains avaient tendance à consommer, histoire de rencontrer plus vite Dame La Faucheuse. Du moins c’en était la seule explication rationnelle pour Joe, qui entamait sa descente en direction de Madame Crack.

Pour gagner sa pitance, le tout était de ne pas s’approcher trop vite trop proche d’elle, mais d’y aller en attaquant son angle mort. En l’occurrence l’œil gauche, qui était encore plus translucide que son arrière-train. Et ça Joe pouvait en témoigner uniquement car Madame Crack avait déjà oublié de se vêtir de bas avant de prendre le train. A cet instant, la clé était de rester muet, et de ne pas croâsser, ce qui était dur pour un corbeau, surtout lorsqu’il était témoin de cette horrible aura noire.
A petits pas sautés, élégants et discrets, Joe se positionna derrière Madame Crack qui commençait à maugréer d’avoir peur de rentrer trop tardivement et de se faire encore fesser. Ca avait quelque chose de nostalgique, et profondément triste, ce genre de réflexion venant d’aïeuls, déboussolés, seuls au monde, et sans personne pour les rassurer, ou, au minimum, les entretenir. Les vêtements sales de Madame Crack étaient témoins de cet abandon, et ça, l’étudiant boudiné qui observait Joe le nota dans son carnet usé. Joe, lui, venait de tomber sur une tomate perdue, et il perdit lui aussi le fil de sa réflexion.

Mais soudain, un deuxième bec vint picorer sa tomate. Et s’il n’avait pas s’agit de la magnifique Raven, sans doute que Joe aurait crevé un œil en cette belle journée.
Il inclina la tête, invitant Raven à se servir davantage, mais cette dernière resta immobile. Son plumage ébène magnifique distrayait Joe et facilement elle aurait pu s’accaparer son butin, cependant, elle ne semblait pas avoir tête à cela. Un coup de bec interrogatif en direction de Madame Crack fit comprendre à Joe la raison de sa perplexité.

« Mais, ne vas-tu pas la prévenir ? »
« Boh, on aurait beau le lui écrire, elle le lirait et oublierait deux secondes plus tard, qu’est-ce que ça change ? »
« Ca change qu’on doit la prévenir, c’est la règle. Sinon la Faucheuse ne peut sévir ! »
« Et ? Ca signifie plus de sandwich mayo-thon pour nous ! En plus, elle a jamais été aimable ! »

Si le haussement d’épaules avait fait partie des mimiques des volatiles pour signifier leur désarroi, Raven se serait sans doute luxer les deux ailes. Un bille sévère fixa Joe, signe de sa désapprobation, puis la corbelle se concentra sur Madame Crack.

En réalité, elle s’appelait Yvonne Bournecq, et avait beaucoup voyagé dans sa vie. D’abord simple vagabonde, orpheline, elle avait trouvé dans le cirque familial de son père, son seul héritage, sa vraie famille. De là commença une vie à la gitane, libre de toute obligation standardisée, régie par la seule soif de liberté et d’amusement. Ô, bien sûr, elle travailla d’arrache-pieds pour ses spectacles, elle qui avait un don pour les acrobaties. Elle vécut énormément d’aventures, certaines anecdotiques, comme cette fameuse course-poursuite en vélo à une roue avec la patrouille pédestre de la police citadine, d’autres beaucoup moins drôles, comme le décès accidentel de son premier amour lors d’une représentation.

Elle avait évolué dans les années abondantes et festives de l’après-guerre, était devenue une jeune mère lorsque le climat de la guerre froide devenait de plus en plus anxiogène, et avait vécu la chute du communisme alors qu’elle s’était rangée dans une vie bien plus traditionnelle et moins trépignante. Ensuite vint l’ennui. Ce terrible ennemi, parfois mortel. Il avait peu à peu sucé les aspirations d’Yvonne, terni ses passions. Rapidement, son goût des folies s’amenuisa, jusqu’à disparaître totalement. La famille qu’elle avait fondée, son héritage à elle, avait forgé des êtres particulièrement individualistes, sans que la matriarche ne put jamais changer cet état de fait. Les années avaient passé, les nouvelles de sa progéniture se raréfiaient, et la santé, à mesure que la folle étincelle qui avait animé ses yeux un temps, déclinaient, jusqu’à ne plus être.

D’où la présence de cette terrible aura, qui l’enveloppait tel un nuage menaçant.
Raven, qui avait un don d’empathie que Joe ne pouvait qu’admirer, ressentit une déchirure dans son petit cœur battant à tout rompre. Ses poumons se gonflèrent, ses plumes se surélèverent de quelques millimètres, puis, son bec s’ouvrit, et de son bec sortit un son. Un son qui avait une once de divin en lui. Pas pour les voyageurs aux alentour qui n’entendaient qu’un vulgaire croâssement, ni pour l’étudiant dodu qui sursauta en l’entendant. Mais Joe, et Madame Crack, purent être témoins du son que Raven émit. Ca ressemblait à un chant, un hymne serein, qui aspirait à l’apaisement et au repos. Et, sur le visage fermé et ridé d’Yvonne, se dessina un sourire, alors que ses yeux se posèrent sur les deux petits êtres à ses pieds. Ces mêmes êtres qu’elle avait apparentés à des nuisibles, et chassé, lui apportaient le message final de sa vie. Et ça, même ses maladies dégénératives ne pouvaient le lui camoufler, ou atrophier les paroles exquises qui transpiraient à travers la sensation auditive que venait de créer Raven.

C’était la sérénade de la paix, et Yvonne la ressentait de tout son être.
Elle revit des temps plus heureux, où ses enfants n’étaient pas corrompus par l’égoïsme et les rancunes familiales, elle revit le visage de Noah, ce premier amour partit trop tôt, et même, ses parents, même si leurs traits étaient particulièrement flous, car perdus de vue depuis si longtemps. Et puis, une sensation de bonheur vint, et le corps d’Yvonne s’affaissa sur le quai numéro huit de la gare.
Joe contempla le sandwich qui avait glissé des mains de la vieille femme, mais un coup d’aile de la part de Raven le remit à l’ordre alors qu’elle lui signifiait que c’était le moment de partir. Dame la Faucheuse pouvait arriver finir la récolte, ils avaient préparé l’âme d’Yvonne à accueillir son après-vie avec toute la sérénité possible.

Et Raven en était heureuse.
Moins l’étudiant dodu qui se demandait sérieusement s’il avait en lui le courage d’ôter le dentier de Madame Crack qui stagnait dans son œsophage, pour après entreprendre les premières mesures.
Bien sûr, il ne sentit pas l’aura mystique qui s’assit à ses côtés, contemplant Yvonne.
Joe, lui, contemplait du coin de l’œil son sandwich, las.

« La prochaine fois, tu me laisseras au moins chopper un bout du sandwich avant de commencer à gazouiler, hein »

Spirit




La magicienne a étendu la main.


Dessus se prélasse le petit esprit bleu translucide, serpentin, aux longues moustaches de mana. Son museau fin semble plus solide que le reste de son corps, ses écailles plus sombres, plus affirmées dans le monde réel – de spirituel uniquement, il devient réel.

Il se repaît de l’énergie qu’elle veut bien lui donner. Tel un chat, il est venu se frotter à sa maîtresse, s’enrouler autour d’elle, et la regarder dans les yeux en émettant un si petit sifflement, si pitoyable, qu’on aurait pu croire qu’il n’a pas mangé depuis des siècles. Cela ne faisait pourtant qu’à peine quelques heures, le temps que la magicienne puisse se reposer, se recharger en énergie, mais elle s’est pliée à son jeu de bon gré jusqu’au bout, faisant semblant d’apprécier les caresses que venait quémander cet opportuniste en plus de l’amadouer pour obtenir de la nourriture.

C’est qu’elle les élève, ces petites créatures, contrairement à la plupart de ses confrères qui absorbent l’énergie de ces étranges créatures à l’apparence draconique mais qui pourtant n’en ont qu’une fraction de pouvoir. Elle les cajole, les nourrit de nourriture physique quand ils sont assez grands pour ce faire, et de sa propre énergie tant qu’ils sont jeunes.

Est-ce par défi qu’elle le fait ? Pour montrer qu’elle peut surpasser sa condition d’assoiffée de mana ? Parce qu’elle aime ces bestioles tout simplement ?

Nul ne le sait, sauf elle et ses dragonnets, peut-être.


Peut-être que les autres créatures sur lesquelles elle les lâche, quand ces petits wyrms de mana sont devenus adultes, qu’ils sont devenus totalement tangibles, auraient à redire sur l’apparente innocence qu’on ressent quand on la voit se promener au milieu de tous ces petits animaux, à rire, chanter, et les aimer.

En attendant… La trouvez-vous réellement menaçante, cette petite elfe… ? Ou vous trompez-vous à son petit jeu, à ses grands yeux verts… ?

Prêtez attention, car la proie n’est pas toujours celle qu’on croit !

Fan


Elle est fan.

Pas seulement de la légende vivante qui lui a volé son cœur sans faire exprès il y a quelques temps. Mais aussi d’un homme, et d’un homme qu’elle admire plus encore que cet espèce de samurai qui visite des palais dragons.

Elle est fan d’un lunatique qui prend un soin particulier à repousser tous ceux qui veulent s’approcher de lui, à faire peur ou à mettre mal à l’aise les autres, à tester les gens et être odieux, parfois, afin de selon ses propres mots « les pousser à se révéler eux-mêmes ». Elle est fan d’un artiste qui est simplement imbuvable parfois.

C’est étrange d’ailleurs, car quand on admire quelqu’un, en général cette admiration prend des coups à plusieurs reprises et elle faiblit. Mais il est des cas comme celui-ci où même si elle apprend qu’il a commis des erreurs par le passé, et non des moindres, où quand parfois elle l’entend proférer des âneries plus grosses qu’un Pachyradjah, où quand elle le voit se comporter en vrai peau de vache avec les autres…

Son admiration, son amour pour lui restent intacts.


Inconditionnels.


Pire, elle espère plus que tout recevoir des compliments de sa part. Que dis-je, des compliments, des critiques constructives suffisent ! Tout, pourvu qu’il fasse attention à ce qu’elle fait. Et elle a beau savoir que c’est le cas, parce que les voisins le disent, parce que ses employés de maison le disent, et que les quelques personnes qu’il côtoie sans être trop désagréable envers lui le disent, ce n’est pas pareil… que s’il le lui disait lui-même.

Et ils sont ainsi, gauches tous les deux, car elle ne sait comment lui demander son amour, et il ne sait comment le donner. Certes, cela se voit car contrairement au reste du monde envers qui il sait être désagréable, envers elle, il n’est jamais méchant. Toujours gentil. Parfois maladroit, parfois impulsif, mais il le regrette aussitôt et lui demande pardon, car il ne supporte pas l’idée qu’elle soit malheureuse.


En quoi ce lien diffère-t-il, me direz-vous, d’un lien normal entre un père et une fille ? Un père qui sait pas trop s’exprimer, une fille qui est désespérée de l’approbation paternelle ?


La différence, c’est que normalement, il y a des moments où l’on se dispute. C’est qu’il y a des moments où on pense moins des autres personnes.

Elle, elle n’en a jamais pensé moins de lui. Elle a toujours admiré son savoir, elle l’a toujours considéré comme l’homme le plus intelligent, gentil et doux qu’elle connaisse. Elle a toujours vu ses qualités et les a fait primer sur ses défauts, car elle ne l’a jamais pris au sérieux sur ses défauts, elle a toujours fait passer ce qu’elle savait de lui, ce qui expliquait ces difficultés, devant. Elle n’a toujours eu de cesse de vouloir se rapprocher de lui, en apprendre plus sur ce qu’il savait, apprendre son art, apprendre et apprendre encore, et comprendre, comprendre mieux ses théories, tout. Elle a toujours été une admiratrice totale de l’œuvre de son père, une admiratrice prête à tout pardonner.

Beaucoup ne partageraient pas cet avis. Beaucoup, même en apprenant la vérité, ne réagiraient pas aussi bien qu’elle.


Mais Ayla… Ayla, c’est une vraie fan. Son père, Lars, c’est son idole. Et elle en démordra jamais.

Watch


« Euh ouais ça va ? Youpi la vie ? Ma montre ? »




Monsieur Gérard Alheure aimait les montres. Dans presque tous les sens du terme. Né dans une horlogerie, de parents horlogers, à minuit pile, de Madame Clothilde Exact et Monsieur Elvis Alheure, en deux heures très précisément, il avait passé sa vie entière à apprendre le métier de son père, à découvrir tous les rouages de l’orfévrerie et plus minutieusement encore, tout ce qui avait trait à la mesure du temps.

Montres. A gousset, à poignet, au monocle ( ! ), à remontage manuel ou automatique. Horloges. Cadrans solaires, même.

Tout ce qui avait attrait au temps, il prenait un soin minutieux à le créer, à le régler, à l’ordonner afin que tout soit bien huilé, tout aille comme cela se devait. A quatorze ans, il travaillerait comme apprenti chez son père. A vingt, il épouserait une jolie femme dévouée. Ensuite il aurait un fils ou une fille, qui eux aussi travailleraient dans l’affaire. Le grand-père prendrait sa retraite, quand Gérard serait suffisamment mature et accompli pour savoir prendre des responsabilités supplémentaires, et puis un jour, ce serait au tour de Gérard de donner les rênes à ses enfants.

Tout était déjà bien réglé, bien cadré d’avance.




Mais un jour, alors qu’il avait quarante-trois ans, qu’il se croyait bien établi, se présenta à son échoppe une énigme.

Une femme, aux allures tout à fait normales, assez maigre, douce, mais très, très ennuyée. Une longue robe noire et pourpre, une chevelure en deux longues tresses, l’une noire, l’autre blanche, chacune mêlée de la couleur de l’autre. Elle se présenta devant lui, et sourit nerveusement, s’inclinant.

« Je voudrais faire réparer ma montre, s’il-vous-plaît. Je ne comprends pas pourquoi elle ne fonctionne pas. »

« C’est rien ! Montrez-moi ça, m’dame. »

Ce fut le début de la fin. La montre qu’il avait sous les yeux était des plus simples – il l’avait lui-même réglée et crée il y avait quelques mois de cela, c’était un cadeau d’un client fait à l’une de ses amies, amie venu aujourd’hui le chercher parce que le mécanisme était endommagé.

Sauf que de dommage, il n’y en avait aucun.

Gérard haussa les sourcils et démonta. Puis démonta encore. Puis chercha partout, partout, où pouvait bien être le fichu grain de sable qui faisait mal fonctionner son œuvre. Rien. La montre était parfaitement en ordre, elle aurait dû fonctionner.

La dame, nerveuse, déclara : « Si ce n’est pas possible de la réparer, ce n’est pas grave. Il paraît que je dois avoir un magnétisme pourri, je dérègle toutes les montres que je rencontre. »

« Foutaises. Ca n’existe pas, » la rassura Gérard avec un grand sourire. « L’horlogerie n’est pas seulement un art, c’est surtout une science. Revenez donc demain, j’aurai réparé votre montre ! »

Dissimulant son anxiété lui aussi, il la regarda disparaître à petits pas un peu penauds, puis il se pencha sur la montre en grommelant « Toi, ma belle, je te laisse pas partir sans avoir percé tes secrets ».


Cartésien devant l’éternel, il dut pourtant reconnaître sa défaite. Car encore et encore, il réassemblait le mécanisme qui se remettait en marche, à son poignet. Encore et encore, dès qu’elle revenait et mettait la montre à son poignet, cela ne loupait pas : montre déréglée.

Gérard ne s’avoua pas vaincu cependant. Il travailla des jours entiers. Des nuits. Des semaines ! Un an.




Au bout d’un an, son père, parti à la retraite depuis belle lurette, revint à l’atelier tandis que Gérard travaillait sur une horloge, et le vieillard s’ébahit : « Mais, mon fils » dit-il, « Qu’a-tu fait ? Je ne t’ai pas enseigné notre art de la sorte pourtant ! »

Gérard ne comprit pas tout de suite ce dont son père parlait. Il fallut qu’il promène son regard dans la pièce pour constater quelque chose d’horrible.

33 secondes.

Trente-trois secondes de retard. Qui passèrent à trente-quatre dès que Cassandra, sa « cliente énigme » comme il l’appelait, entra dans la boutique pour lui apporter une énième fois sa montre.

Le père regarda son fils décontenancé reprendre la montre et essayer de décourager la femme : « Nous allons y arriver ! Ce n’est pas logique. Il devait y avoir un défaut caché que je ne voyais pas, ce n’est rien ! » Elle avait beau dire qu’elle voulait juste réparer la montre car elle était joli, mais ne comptait pas la porter, il insistait, ne voulait pas la laisser partir tant que sous ses yeux il n’avait pas démonté et remonté le mécanisme, avant qu’elle ne parte avec une montre encore fonctionnelle.

Le père de Gérard sourit quand Cassandra quitta l’atelier, et le vieillard s’assit sur l’atelier où son fils travaillait. Ce dernier, peu habitué à des débordements pareils de la part d’un homme qui vénérait son art, le contempla avec des yeux de merlan frits.

« Mon fils, » déclara le père, amusé, « Renonce à cette cliente. Tu n’arriveras jamais à rien avec elle. »
Gérard le considéra comme s’il était devenu fou, et se le demanda sérieusement. Comment son père, qui connaissait l’exactitude et la précision de son fils, pouvait-il croire que son fils faisait autre chose dans l’atelier que travailler, comme – batifoler avec une cliente – au point de saboter son ouvrage ?! Alors qu’il allait protester ouvertement, le père ricana doucement, avec affection :

« Tu ne pourras jamais lui faire de montre qui fonctionne. Cette femme possède un magnétisme particulier, aucune montre ne pourra lui convenir. Lâche l’affaire. »

« Jamais, » tempêta Gérard. « Jamais j’abandonnerai. Je réussirai, dussè-je en perdre la raison ! »




On ne sait pas ce qu’il arriva réellement, mais ce qui est sûr, c’est que quelques semaines après, alors que Gérard était dans la fleur de l’âge, ce furent ses enfants qui reprirent le flambeau avant l’heure.
Gérard vivait encore, point d’inquiétude !

Mais il ne travaillait plus à l’atelier. Et il passait ses journées à l’extérieur, en ville, en campagne, à arrêter tous les gens qu’il croisait, à leur saisir le poignet, à écouter quelque chose dedans d’inconnu, prendre des mesures farfelues, leur coller des montres de sa création au poignet, puis s’enfuir en leur volant la leur s’ils en avaient déjà une.

« Je trouverai la réponse ! » criait-il.

Un jour, cependant, il vola celle d’un jeune homme qui en apparence, n’avait rien d’anormal, si ce n’était que sa montre s’était arrêtée. Le garçon s’exclama : « Euh ouais ça va ? Youpi la vie ? Ma montre ? » En voyant Gérard lui tirer sa montre, puis s’arrêter à quelques mètres de lui, accroupi et dans une position qui tenait plus de l’animal que de la bête.

Gérard poussa alors un ricanement à glacer le sang, et frotta sa joue contre la montre en roucoulant : « Oh, ça y est, y en a une autre, mon précieux échantillon… Toi non plus tu veux pas te soumettre, hein ? Mais tu vas voir, papa Gérard va te remettre sur le droit chemin… »

Le jeune garçon regarda le fou en train de courir comme un écureuil cinglé, agitant sa montre dans les airs. Et puis perplexe, le garçon décida qu’il valait mieux laisser tomber, il n’avait pas envie de se faire mordre par ce fou et choper la rage.

Ce que je sais, c’est que dès qu’il entra chez lui par la suite, et qu’il appuya sur l’interrupteur pour allumer, tout sauta d’un coup, dans un sinistre grésillement. Le garçon soupira juste en levant les yeux au ciel, grommelant « Hé ça y est, c’est reparti… » Et résolut d’appeler une nouvelle fois monsieur Watt, Père, l’électricien.


Pour la treizième fois de l’année déjà… Une nouvelle personne succombera-elle bientôt à la malédiction et deviendra-t-elle fou à son tour ?


Qui sait ?

#WATCH

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Potty’t’enquête - Taiki Yakimasu n°6

02:00
La cible tient un gros polochon entre ses bras et l’écrase dans son sommeil. Un rêve d’amour sauvage, assurément. Pas de bave, ni de ronflement et ce malgré l’épaisseur de sa cage thoracique. La présence d’un pyjama est undetermined.

04:25
À ça du scoop ! La salamèche de la cible fait preuve d’une forte hostilité à son égard et vient d’essayer par deux fois de l’étouffer en se couchant sur son visage. Unfortunately, ses réflexes instinctifs de ranger lui ont sauvé la vie. Mais quel drame se cache donc derrière le comportement violent de ce pokémon feu ?

06:33
Damned. J’ai baissé ma garde une seconde de trop. Le temps de vérifier qu’on avait bien publié mon article sur l'achat de collants bas-résille par le Major Bob et la cible était levée. Elle se trouve actuellement sous la douche. Eau très chaude à en juger par les vapeurs épaisses et la buée. Un savon à la baie ceriz, pourrait-être le secret de cette odeur de mâle si prisée par la gente féminine.

07:08
Petit-déjeuner. Le champion termine sa boîte de PokéWarriors Crunch. Il oublie que le paquet contient une surprise et la figurine de SuperDrake tombe dans son bol et l’éclabousse. Il la regarde longuement, sans doute troublé par le souvenir ému d’un lointain passé brûlant, car il va ensuite pour se verser du jus d’orange, mais encore chamboulé, il ne remarque pas l’absence du bouchon. Il secoue la bouteille sans modération et inonde sa cuisine. Ghost, son osatueur, vient l’aider à nettoyer pendant que son salamèche mange ses céréales.

7:45
La cible quitte son domicile. Go, go, go !

8:04
Arrêt devant une boulangerie. Sur la droite de la vitrine un écriteau indique qu’elle est exceptionnellement fermée aujourd’hui, pourtant la cible ne bouge pas et attend. So suspicious. Je ne savais pas le champion de Cramois’Île amateur de belles miches.

8:10
Quelqu’un vient de lui ouvrir. J’ai aperçue une lady sur le seuil, elle l’a invité à entrer. La cible n’est plus visible. Le store tiré sur la vitrine m’empêche d’en savoir plus. Patience.

8:16
Il vient de quitter la boutique. C’était rapide, sans doute pour ne pas attirer l’attention, pourtant il est clear que quelque chose vient de se passer. Sa figure est bien plus rouge que lorsqu’il est entré ! L’effort ? La passion ? Le… Love ? J’hésite à aller toquer, mais la cible va m’échapper si je ne me décide pas rapidement. Tant pis, je le suis.

8:45
Nouveau stop devant un fleuriste. C’est mon jour de chance. La cible est entrée sans hésiter cette fois. Ça sent le cadeau à plein nez ! J’approche.

8:47
N… not sure, but… Après quelques mots échangés, la gérante l’a fait passer derrière le comptoir. J’entre, je vais tendre l’oreille en me faisant passer pour une cliente.

8:50
Une de ses collègues est venue me servir. Elle venait de l’arrière boutique — elle aussi — mais ne semblait pas inquiétée par ce qui s’y passait. Elle a à peine jeté un coup d’œil quand sa comparse a demandé d’être « plus délicat ». What ? Why ?! J’ai essayé d’en apprendre plus, mais elle avait l’air pressée d’y retourner et s’est évertuée à rester très vague.
J’ai acheté un cactus.

9:29
Plus de trente minutes que je poireaute. Booooooring. J’ai eu le temps de lancer trois rumeurs sur Pokébook. Le réseau s’est enflammé à l’idée qu’Ondine soit une fausse rousse ~

9:36
Finally ! Il est sorti. Les mains vides, mais le tee-shirt trempé. Je commence à avoir une très nette idée de ce qui s’est passé là-dedans. Ce n’est pas du Love comme je le pensais. It’s animal !


10:22
La cible se cache d’une autre lady. C’est une collègue de sa caserne de Cramois’Île, Judy je crois. Je n’ai pas voulu y croire, persuadée qu’il était le genre d’homme à assumer ouvertement tous ses penchants, mais cela fait deux fois qu’il bifurque dans une ruelle à la dernière minute ou entre dans une shop alors qu’elle arpente le trottoir d’en face. Aidons un peu le destin.

10:34
Huhuhu ! On dirait que le champion a fait une grosse bêtise ! Le ton est vite monté avec sa collègue et j’ai tout entendu. Mister a menti. Il était censé être « à l’arène ». J’ai eu du flaire, again ~

11:03
Après la dispute, le champion est resté un peu déboussolé, il envoyé plusieurs SMS et a passé trois coups de téléphones. TROIS. Je l’ai entendu dire, à chaque fois, qu’il avait peur « qu’elle sache tout ». Je ne suis plus très loin, je le sens, le parfum du big big scoop.

11:43
Eeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeh ?!

11:59
Hum. Sorry. Le champion vient de passer une quinzaine de minute dans l’appartement d’un autre ranger qui intervient parfois avec les pompiers sur des Cramois’Île. Je supposais qu’ils s’appréciaient professionnellement, mais c’est really plus que cela. J’ai pu les apercevoir depuis le parc, face à l’immeuble. Il est passé devant la fenêtre en tee-shirt d’abord, toujours mouillé d’ailleurs, then…

12:02
Tous deux viennent de quitter l’immeuble. Le haut que porte le champion n’est clairement pas celui avec lequel il est entré. So hot !

12:14
What the h… ?!

12:20
Je chuchote pour ne pas être repérée. J’étais tout près de la caserne où le champion et son « ami » sont arrivés il y a environ cinq minutes, when une camionnette s’est garée à proximité. Les deux fleuristes sont descendues. J’ai dû m’abriter de peur d’être reconnue.

12:22
That’s… L…La boulangère vient d’arriver…

12:25
What happening ?! Je ne sais pas ce qui se passe dans cette caserne, mais le feu dont ont s’occupe n’est clairement pas celui auquel on est habitué ! Je dois retrouver cette Judy et l’avertir de ce qui se passe ici ! Si j’immortalise l’instant je serais la reine des kiosques pour au moins un an !

12:31
Lucky. Elle arrivait justement à la caserne. Sans doute a-t-elle oublié quelque chose aux vestiaires. Elle court plusieurs mètres devant moi. J’ai menti en lui disant qu’il y avait du grabuge dans le bâtiment. Je suis ready à tout enregistrer !

12:33
« Joyeux anniversaire Judy !!! »


* * *


17:45
Back to Doublonville. Ce n'est pas terminé Yakimasu…